Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel le 26 juin 1989 sous le numéro 89NC01318, présentée pour la SCI « Résidence Belle-Vue », par la SA « La Paternelle Risques Divers », dont le siège social est … (75447 PARIS cedex 09), agissant en qualité de liquidateur de la requérante, et elle-même représentée par son directeur ; la SCI « Résidence Belle-Vue » demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif d’AMIENS, en date du 25 avril 1989, en tant qu’il a rejeté sa demande en rectification des valeurs locatives retenues pour la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie, au titre de 1984, 1985 et 1986, pour l’ensemble immobilier dont elle est propriétaire à Beauvais, rue de Sénéfontaine, et sa demande de réduction des impositions correspondantes ;
2°) de rectifier les valeurs locatives retenues et de prononcer la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties correspondantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience du 12 février 1991 :
– le rapport de M. PIETRI, conseiller,
– et les conclusions de Mme FELMY, commissaire du Gouvernement ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par une décision en date du 6 février 1990 postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de l’Oise a, pour tenir compte des griefs de la société requérante relatifs au correctif d’ascenseur, prononcé le dégrèvement, en droits, à concurrence d’une somme de 39 715 F, de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la SCI « Résidence Belle-Vue » a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986 ; que les conclusions de la requête de la SCI « Résidence Belle-Vue » relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le moyen tiré d’une application irrégulière des dispositions relatives au correctif d’ascenseur ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
Considérant que la SCI « Résidence Belle-Vue » conteste la valeur locative qui a servi de base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986 pour un ensemble d’immeubles d’habitation dont elle est propriétaire à Beauvais ;
En ce qui concerne la détermination de la valeur locative par comparaison avec un local de référence :
Considérant qu’aux termes de l’article 1494 du code général des impôts : « La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties … est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508″ ; qu’aux termes de l’article 1496 du même code : » I – La valeur locative des locaux affectés à l’habitation … est déterminée par comparaison avec celle des locaux de référence choisis dans la commune pour chaque nature et catégorie de locaux. II – La valeur locative des locaux de référence est déterminée d’après un tarif fixé, par commune ou secteur de commune, pour chaque nature et catégorie de locaux, en fonction du loyer des locaux loués librement à des conditions de prix normales et de manière à assurer l’homogénéité des évaluations dans la commune et de commune à commune. Le tarif est appliqué à la surface pondérée du local de référence, déterminée en affectant la surface réelle de correctif pris par décret et destinés à tenir compte de la nature des différentes parties du local, ainsi que de sa situation, de son importance, de son état et de son équipement » ; qu’en vertu du III du même article, la valeur locative des locaux loués au 1er janvier 1974 sous le régime de la réglementation des loyers établie par la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 peut être constituée par le loyer réel à la date du 1er janvier 1970, affecté de certains coefficients, s’il est inférieur à la valeur locative déterminée dans les conditions prévues au I ; qu’en application de l’article 1447 « par dérogation à l’article 1496-I les locaux d’habitation qui présentent un caractère exceptionnel et les locaux à usage professionnel spécialement aménagés pour l’exercice d’une activité particulière sont évalués dans les conditions prévues à l’article 1498 » ; que ce dernier article concerne des locaux commerciaux et biens divers et prévoit que pour des biens donnés en location à des conditions de prix normales la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; qu’il résulte de ces dispositions qu’en ce qui concerne les locaux d’habitation le loyer réel n’est retenu, à certaines conditions, pour la détermination de la valeur locative servant de base au calcul de la taxe foncière, que pour les logements soumis à la réglementation établie par la loi de 1948 au 1er janvier 1974 et pour les logements présentant un caractère exceptionnel ; que pour les autres catégories de logement la valeur locative ne peut être déterminée que par comparaison avec des locaux de référence, quel que soit le montant réel des loyers pratiqués et alors même que lesdits loyers seraient plafonnés par la réglementation ou par des conventions conclues entre les propriétaires et l’Etat ;
Considérant que la SCI fait valoir, en se fondant sur les dispositions précitées, que la valeur locative des immeubles en cause doit ressortir du loyer réel pratiqué, lequel s’impose à la requérante en vertu d’engagements contractuels de plafonnement et de limitation des augmentations dudit loyer ; qu’elle soutient que, par suite, la valeur locative doit s’élever à 22 F le m2 et non à 34 F le m2 comme fixé par le tarif d’évaluation communal pour les immeubles de la catégorie 4 M ; qu’il résulte de l’instruction que les immeubles objet du litige n’étaient pas soumis au 1er janvier 1979 au régime de la loi du 1er janvier 1948 et ne présentaient pas un caractère exceptionnel au sens de l’article 1497 du code général des impôts ; que la requérante ne saurait davantage se prévaloir utilement des dispositions de l’article 1498 du même code, qui ne s’appliquent pas aux locaux d’habitation ; que la circonstance qu’elle a souscrit à un engagement de plafonnement des loyers qu’elle pratique dans les immeubles concernés reste, par suite, sans influence sur les conditions de détermination de la valeur locative desdits immeubles, laquelle ne peut résulter que de la comparaison avec le local de référence, conformément à l’article 1496-I sus-rappelé ;
Considérant qu’à supposer que la SCI conteste également la valeur locative au m2 retenue pour les immeubles de la catégorie 4 M, ses conclusions seraient irrecevables faute d’avoir été présentées dans le délai et selon la procédure prévue à l’article 1503 II du code général des impôts aux termes duquel : « Dans les trois mois qui suivent l’affichage, ces éléments peuvent être contestés … par les propriétaires … La contestation est soumise à la commission départementale prévue à l’article 1561 qui statue définitivement » ;
En ce qui concerne la détermination du local de référence auquel correspondent les immeubles de la sté requérante :
Considérant que la SCI soutient que ses immeubles ont été classés à tort, pour l’application de l’article 1496 du code général des impôts, dans la catégorie 4 M du tarif institué pour l’évaluation des propriétés bâties de la commune de Beauvais ;
Considérant que, pour être classés en catégorie 4 M, les immeubles collectifs doivent être, en vertu du critère adopté par la commission chargée de procéder à la classification des locaux de la commune de Beauvais, des immeubles « généralement … de reconstruction des quartiers centraux de la ville », ayant une « belle apparence » et « ne dépassant généralement pas trois étages », construits en « matériaux assurant une isolation thermique et phonique satisfaisante », mettant en oeuvre « en général, une belle pierre de pays », comportant une « toiture d’ardoise ou de tuiles vieillies », des « pièces spacieuses et bien distribuées » avec « la présence d’un salon », et être dotés « d’équipements usuels de bonne qualité » ainsi que « d’un ascenseur s’il y a plus de quatre étages » ; que sont classés en catégorie 5 des « constructions de bonne apparence, mais … convenable, sans caractère particulier, généralement de type Logéco, standard ordinaire à loyers modérés, moyens ou normaux » se trouvant dans des « grands ensembles des quartiers périphériques », constitués par « une ossature en béton avec des pierres de parement » et une toiture « terrasse » et comportant « une belle salle de séjour avec les autres pièces de dimensions réduites » ainsi que des équipements usuels « de qualité courante ou ordinaire » ; qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté par l’administration, que l’ensemble immobilier en cause, qui se situe dans un quartier périphérique de la ville, comprend sept immeubles de quatre étages dépourvus d’ascenseur et une tour de treize étages, tous de construction récente et sans réelle recherche architecturale : que ces immeubles, qui répondent aux caractéristiques de logements à loyer modéré, tant en ce qui concerne la superficie des pièces, et leur distribution que les équipements usuels, sont constitués par une ossature en béton recouverte de carreaux de parement et une toiture en terrasse ; que, dès lors, la société requérante est fondée à prétendre que ses immeubles ont été classés à tort dans une catégorie supérieure à la catégorie 5, laquelle aurait dû être retenue en l’espèce ;
En ce qui concerne le choix des coefficients de situation et d’entretien :
Considérant que la SCI conteste le coefficient de situation 0 retenu pour ses immeubles et qui correspond, selon le barème figurant à l’article 324 R de l’annexe III du code général des impôts, à un immeuble placé dans une « situation ordinaire, n’offrant ni avantages ni inconvénients ou dont les uns et les autres se compensent » ; que l’inconvénient tenant à la proximité de « cités de transit » est compensé par les avantages résultant de la bonne desserte de l’ensemble d’immeubles, de la présence sur place de commerces répondant aux besoins des habitants et de l’existence d’espaces verts ; que dans ces conditions, en attribuant le coefficient 0, et non – 0,10 demandé par la requérante, l’administration n’a pas commis une erreur d’appréciation ;
Considérant que la SCI affirme que c’est à tort que l’administration a fixé le coefficient d’entretien de ses immeubles à 1,20, prévu par l’article 324 Q de l’annexe même du code général des impôts en ce qui concerne les constructions « n’ayant besoin d’aucune réparation » ; qu’il ressort du dossier que l’état d’entretien général et notamment l’état des menuiseries et peintures extérieures justifie que le coefficient d’entretien soit ramené, comme le sollicite la requérante, à 0,10 correspondant à des constructions « n’ayant besoin que de petites réparations » ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant l’impôt :
Considérant que si la SCI se prévaut d’une inégalité de traitement entre les contribuables en soutenant que des immeubles d’habitations semblables aux siens ont été imposés d’après des valeurs locatives inférieures, la situation faite à d’autres contribuables ne peut, en tout état de cause, exercer une influence sur la situation fiscale de la requérante ;
Article 1 : A concurrence de la somme de 39 715 F, en ce qui concerne la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle la SCI « Résidence Belle-Vue » a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI « Résidence Belle-Vue ».
Article 2 : La valeur locative à retenir pour le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties applicables aux immeubles en cause est celle prévue pour les locaux d’habitation classés dans la catégorie 5.
Article 3 : Le coefficent d’entretien des immeubles est fixé à 1.10.
Article 4 : La SCI « Résidence Belle-Vue » est déchargée de la différence entre la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1984, 1985 et 1986 et celle qui résulte des articles 2 et 3 ci-dessus.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif d’Amiens en date du 25 avril 1989 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI « Résidence Belle-Vue » est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI « Résidence Belle-Vue » et au ministre délégué au budget.