Cour administrative d’appel de Nancy, du 21 novembre 1991, 89NC00395, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nancy, du 21 novembre 1991, 89NC00395, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la décision en date du 2 janvier 1989 par laquelle le Président de la 7ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis à la Cour, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988, la requête présentée pour la S.A ERASOL ;

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 11 janvier 1988 et le 10 juin 1988 sous le numéro 94 175 puis au greffe de la Cour sous le numéro 89NC00395, présentés pour la société anonyme ERASOL dont le siège social est à MARSANNAY LA COTE (Côte d’Or) …, représentée par Me Y…, syndic à son règlement judiciaire, domicilié … (Côte d’Or) ;

La S.A ERASOL demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement en date du 3 novembre 1987 par lequel le tribunal administratif de DIJON ne lui a accordé qu’une décharge partielle de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’année 1979 et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980, et des suppléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1977 au 31 décembre 1980 ;

2°) de lui accorder la décharge de l’imposition restant en litige ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 octobre 1991 :

– le rapport de M. LAPORTE, Conseiller,

– et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, en premier lieu, que si, dans sa requête sommaire, la société ERASOL a soutenu que les impositions supplémentaires mises à sa charge ont été établies à la suite d’une vérification consécutive à une précédente vérification ayant donné lieu à la notification de redressement du 18 décembre 1981, il est constant qu’après la vérification de la société ERASOL portant sur les exercices clos les 31 décembre 1977, 1978, 1979 et 1980, le vérificateur a adressé à celle-ci le 18 décembre 1981 une première notification de redressements portant sur le seul exercice clos le 31 décembre 1977 afin d’interrompre la prescription, puis, le 16 juillet 1982, une seconde notification portant sur les quatre exercices vérifiés ; qu’en outre, la notification de redressements précédemment adressée à cette même société le 24 juillet 1978 n’avait été précédée d’aucune vérification, l’administration s’étant bornée à rejeter la déduction, en 1977, des déficits accumulés au cours des exercices de 1973 à 1976 sans procéder à un rappel d’imposition dès lors que le résultat de cet exercice demeurait défici-taire ; qu’ainsi, la S.A ERASOL n’est pas fondée à soutenir que l’administration aurait méconnu la règle de l’interdiction des vérifications successives portant sur une même imposition et sur une même période, qui résulte des dispositions de l’article 1649 septies B du code général des impôts reprises à l’article L.51 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en second lieu, que s’agissant du même contribuable, du même exercice et du même chef de redressement, à savoir le rejet d’un report déficitaire d’un montant de 997 796 F, la notification de redresse-ments du 18 décembre 1981 a pu régulièrement se borner, comme elle l’a fait, à se référer à la motivation dévelop-pée dans la notification du 24 juillet 1978 ; que, dès lors, elle a valablement interrompu la prescription ;

Considérant, en troisième lieu, que si la mention relative à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires a été rayée sur la réponse aux observations du contribuable consécutive à la notification de redressement du 24 juillet 1978 alors que ladite commission était compétente en la matière, il est constant que cette notification n’a donné lieu à aucun rehaussement dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, les résultats de l’exercice clos le 31 décembre 1977 sont demeurés déficitaires ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d’une telle mention est inopérant ; qu’en tout état de cause, cette mention était portée sur la réponse aux observations du contribuable du 24 août 1982 consécutive à la notification de redressements du 16 juillet 1982 ; Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 209 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d’imposition 1977, 1978, 1979 et 1980 : « 1. En cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l’exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n’est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu’au cinquième exercice qui suit l’exercice déficitaire. La limitation du délai de report prévue à l’alinéa précédent n’est pas applicable à la fraction du déficit qui correspond aux amortissements régulièrement comptabilisés mais réputés différés en période déficitai-re. Toutefois, cette faculté de report cesse de s’appli-quer si l’entreprise reprend tout ou partie des activités d’une autre entreprise ou lui transfère tout ou partie de ses propres activités » ;

Considérant que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire ouvert par les dispositions de l’article 209 du code général des impôts est subordonnée à la condition que la personne de l’exploitant et l’objet de l’entreprise soient restés les mêmes ; que, s’agissant d’une période d’imposition antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi n° 85-1403 du 30 décembre 1985, cette condition ne fait défaut, s’agissant d’une société, que lorsque celle-ci a subi à la fois dans sa composition et dans son activité des transformations d’une importance telle que, tout en ayant conservé sa personnalité juridique, elle n’est plus en réalité la même ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société ERASOL a conservé la forme juridique de société anonyme qu’elle avait dès sa création et est toujours restée soumise à l’impôt sur les sociétés ; qu’il n’est pas contesté que, si les pertes enregistrées par la société entre 1973 et 1977 ont entraîné des augmentations de capital et l’entrée de nouveaux actionnaires et si cinq nouveaux associés, membres de la famille de M. X…, sont entrés dans la société à la suite de l’augmentation de capital décidée le 21 décembre 1977, environ la moitié du capital est restée détenue par MM. Michel, Hubert et Bernard X… ; qu’ainsi, la société ERASOL n’a subi, ni dans sa forme juridique, ni dans son capital de transfor-mations telles qu’elle ne serait plus en réalité la même ; que dès lors, la circonstance que des modifications importantes seraient intervenues dans son activité du fait de l’abandon de l’activité relative aux revêtements de sols et de l’extension de son activité de marchand de biens à toutes les catégories d’immeubles, ne suffit pas, en tout état de cause, à justifier légalement la réintégration, dans les résultats de l’exercice clos le 31 décembre 1977, d’une somme de 997 796 F correspondant au report des déficits des années 1973 à 1976 ; qu’il suit de là, et sans qu’il soit fait obstacle à l’infirmation éventuelle d’autres chefs de redressement, qu’il y a lieu, pour l’exercice clos le 31 décembre 1977, de porter le résultat déficitaire de 37 745 F à 1 035 541 F, pour l’exercice clos le 31 décembre 1978, de substituer au résultat bénéficiaire de 473 912 F un résultat déficitaire de 523 884 F, et pour l’exercice clos le 31 décembre 1979, de ramener le résultat bénéficiaire de 686 616 F à 162 732 F ; qu’en l’absence de déficit reportable constaté en 1979, le résultat bénéficiaire de 437 010 F doit être maintenu ;

Considérant, en deuxième lieu que la requérante n’apporte aucun élément de nature à établir que, selon les usages en vigueur pour des installations comparables à celles de la « microcentrale » hydroélectrique de DEMANGEVELLE, il y aurait lieu de retenir une durée d’amortissement de 6 ans 8 mois, soit un taux annuel de 15 %, ni que l’application de ce taux est justifiée par les conditions de fonctionnement propres de ses installations ; qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce et notamment des conditions de fonctionnement et de la longévité des installations concernées en retenant une durée d’amortissement de 10 ans, soit un taux d’amortissement annuel de 10 % ; qu’en outre, le point de départ de l’amortissement ne pouvant être fixé qu’à la date de mise en service des équipements et la centrale n’étant pas entrée en service avant le 30 septembre 1980, c’est à bon droit que le vérificateur a limité la déduction de l’amortissement aux 3/12èmes d’une annuité normale au titre de l’année 1980 ; qu’en conséquence, il y a lieu de réduire, pour l’année 1980, les bases d’imposition de la société ERASOL d’un montant correspondant à la substitution d’un taux d’amortissement de 10 % au taux de 5 % ;

Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 39 D du code général des impôts : « L’amortisse-ment des constructions et aménagements édifiés sur le sol d’autrui doit être réparti sur la durée normale d’utilisation de chaque élément … » ; que, dès lors, nonobstant le caractère précaire et révocable du bail consenti par la S.C.I ARCODIS qui a loué des locaux « bruts de décoffrage » à la S.A ERASOL, il y a avait lieu de retenir en 1978, 1979 et 1980, comme l’a fait le vérificateur, pour les travaux de construction réalisés par celle-ci, et qui ont consisté notamment dans l’installation de l’électricité, du chauffage, de matériel sanitaire et de vitrerie, une durée d’amortissement de 20 ans représentant un taux annuel de 5 % qui correspond d’ailleurs à celui habituellement pratiqué pour les immeubles bâtis ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il est constant que M. Michel X… utilisait les véhicules appartenant à la société pour ses déplacements personnels ; que la quote-part correspondant à une telle utilisation privative n’était pas déductible des résultats de la société ; que l’administration, qui n’est pas contredite sur ce point, établit que M. X… parcourt au minimum 4 600 km par an pour se rendre à son lieu de travail et utilise en outre ces véhicules pour se rendre dans le midi de la France où il séjourne parfois, ou dans sa résidence secondaire de CHAMBLANC ; que, dans ces conditions, en réintégrant au titre des années 1978, 1979 et 1980 une quote-part fondée sur un kilométrage annuel moyen de 7 000 km alors que la société requérante se borne à affirmer que cette quote-part devrait être fixée à 2 600 km, le vérificateur ne s’est pas livré à une appréciation erronée des conditions d’utilisation desdits véhicules ;

Considérant, en cinquième lieu que la société ERASOL a acquis en 1978 et 1979 trois terrains pour un prix total de 340 962 F ; qu’ayant envisagé la cession gratuite d’une partie de ceux-ci à la S.C.I Résidence Saint-Martin et à la commune de FONTAINE LES DIJON, elle s’est bornée à évaluer l’un de ces trois terrains à 37 150 F dans son stock au 31 décembre 1980 ; que, pour les deux autres terrains d’un prix total de 203 622 F, elle n’a été en mesure de justifier de ces cessions gratuites qu’à concurrence de 76 075 F ; qu’ainsi, le prix total de ces deux terrains étant de 203 622 F, c’est à bon droit que le vérificateur a constaté une insuffisance de déclaration de stock de 127 547 F et a réintégré cette somme au titre de l’année 1980 ;

Considérant, en sixième lieu, que la société ERASOL avait inclus dans les charges à payer de l’exercice clos le 31 décembre 1979 une somme de 220 000 F corres-pondant à la cession d’un pavillon à Mme Z…, dont l’habitation avait du être détruite pour permettre la réalisation de travaux publics ; qu’il résulte de l’instruction que l’engagement de reconstruire ce pavillon a été pris envers la commune, non pas par la société ERASOL, mais par la S.C.I Résidence Saint-Martin ; que, si le permis de construire a été accordé à la S.C.I Les Bonnes Mères, ni l’administration ni le tribunal adminis-tratif ne se sont fondés sur cette constatation pour estimer que l’obligation dont s’agit n’incombait pas à la requérante ; qu’enfin, il n’est pas contesté que la cession du pavillon à Mme Z… n’a pas été effectuée gratuitement, mais sur la base d’un prix de 311 640 F ; que, dès lors, le vérificateur a pu valablement réintégrer ladite somme de 220 000 F dans les bases d’imposition de l’année 1979 ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu’aux termes de l’article 236 de l’annexe II au code général des impôts : « N’est pas déductible la taxe ayant grevé des biens ou services utilisés par des tiers, par des dirigeants ou le personnel de l’entreprise, tels que le logement ou l’hébergement … Toutefois, cette exclusion ne concerne pas … le logement gratuit du personnel salarié chargé sur les lieux du travail de la sécurité ou de la surveillance » ;

Considérant que la société ERASOL se borne à soutenir que la caravane qu’elle loue dans le midi de la France servait à développer son activité dans cette région ; qu’elle n’établit pas qu’elle avait une destina-tion autre que le logement de M. Michel X…, président-directeur général, ou d’autres membres de son personnel alors qu’elle a porté un avantage en nature de 2 000 F pour un membre du personnel dans sa comptabilité ; qu’elle n’établit pas davantage que ce bien était destiné au logement gratuit des personnels salariés chargés sur les lieux de travail de la sécurité ou de la surveillance ; que, dès lors, elle ne pouvait déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé la location de cette caravane ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société ERASOL est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué en date du 3 novembre 1987, le tribunal administratif de DIJON a rejeté ses conclusions tendant au report des déficits des

Article 1 : Pour la détermination des bases de l’impôt sur les sociétés assigné à la S.A ERASOL au titre des années 1977, 1978, 1979 et 1980 :

– le déficit constaté au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1977 est porté de 37 745 F à 1 035 541 F ; – un déficit de 523 884 F est substitué au béné-fice de 473 912 F au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1978 ; – le bénéfice imposable au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1979 est ramené de 686 616 F à 162 732 F ; – les bases d’imposition de l’année 1980 sont réduites d’un montant correspondant à la substitution d’un taux annuel d’amortissement de 10 % au taux de 5 % en ce qui concerne la centrale hydroélectrique.

Article 2 : La S.A ERASOL est déchargée : – de l’impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre de l’année 1978 ; – de la différence entre l’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 et celui qui résulte de l’article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de DIJON en date du 3 novembre 1987 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A ERASOL est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A ERASOL représentée par son syndic Me Y… et au ministre délégué au budget.


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