Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 9 juin 1987 sous le numéro 88307 et au greffe de la Cour administrative d’appel sous le numéro 89NC00954, présentée par Mme Gisèle X… demeurant …. Mme X… demande à la Cour :
1) d’annuler le jugement du 7 avril 1987 par lequel le Tribunal administratif de DIJON a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1976 à 1979 ;
2) de lui accorder la décharge demandée ;
Vu l’ordonnance en date du 11 janvier 1989 par laquelle le Président de la 9ème sous-section de la section du contentieux du Conseil d’Etat a transmis le dossier à la Cour, en application de l’article 17 du décret n° 88-906 du 2 septembre 1988 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 dcembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience du 18 septembre 1990 :
– le rapport de M. LOOTEN, conseiller,
– et les conclusions de Mme FRAYSSE, commissaire du Gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article R.201 du code des tribunaux administratifs dans sa rédaction alors applicable : « L’avertissement du jour où la requête sera portée en séance est donné aux parties qui ont fait connaître leur intention de présenter des observations orales » ; que Mme Gisèle X… avait expressément formulé, dans sa demande introductive d’instance enregistrée le 28 août 1984, son intention de présenter des observations orales ; qu’il ne résulte pas des mentions du jugement que la requérante ait été avertie de la date de la séance à laquelle sa demande a été appelée ; que par suite, le jugement attaqué du Tribunal administratif de DIJON en date du 7 avril 1987 doit être annulé comme rendu à la suite d’une procédure irrégulière ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme X… ; Sur les redressements établis sur le fondement de l’article 92 du code général des impôts :
Considérant qu’aux termes de l’article 92 dudit code : « 1 – Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus … » ; que ces dispositions ne permettent, dans le cas des personnes dont le train de vie est assuré par des subsides qu’elles reçoivent d’un tiers, de soumettre à l’impôt, comme constituant des revenus, les sommes ainsi perçues que si l’ensemble des circonstances de l’affaire fait ressortir que le versement de ces subsides n’a pas le caractère d’une pure libéralité ;
Considérant que sur le fondement des dispositions précitées, Mme Gisèle X… a été assujettie au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979, à des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu du chef des subsides qu’elle a reçus directement, au cours de ces années, de M. Y… avec lequel elle vivait en communauté lors de fréquents séjours qu’ils effectuaient à GRASSE ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier et qu’il n’est d’ailleurs pas allégué qu’au cours de la période litigieuse M. CHOISNEL ait été marié ; que dans ces conditions, l’administration n’était pas en droit de regarder comme imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les sommes dont s’agit ;
Considérant en revanche qu’il est constant que Mme X… percevait des remboursements de frais fictifs des salariés de l’entreprise individuelle de M. Y… ; que ces sommes étaient inscrites sur son compte bancaire ; que si Mme X… soutient qu’elle les reversait à M. Y…, elle n’établit pas, en tout état de cause, l’existence d’une convention la contraignant à effectuer ces reversements ; qu’elle avait ainsi la disposition de ces sommes qui doivent être regardées comme des bénéfices non commerciaux conformément aux dispositions susvisées de l’article 92 du code général des impôts ;
Sur les redressements fondés par l’administration des impôts sur les articles 109-1-1° et 111 du code général des impôts :
Considérant qu’aux termes de l’article 109-1-1° du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus distribués 1) tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital », que, selon l’article 109-1-1°, les bénéfices s’entendent de ceux qui ont été retenus pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés », et qu’enfin, l’article 111 dispose : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : … c) les rémunérations et avantages occultes » ; qu’il résulte de ces dispositions que, lorsqu’une société verse à des personnes qu’elle entend rémunérer à un titre quelconque des sommes prélevées sur les bénéfices sociaux tels qu’ils doivent être retenus, après réintégration desdites sommes pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés, ces mêmes sommes doivent être regardées comme des revenus distribués, assimilés à des produits des actions et parts sociales, et entrant, par suite, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sans qu’il y ait lieu de rechercher si le bénéficiaire de ces distributions a la qualité d’associé, actionnaire ou porteur de parts ;
Considérant qu’il n’est pas contesté que les sommes rétrocédées à Mme X… par la société S.L.T.P. ne correspondaient à aucune charge incombant à cette société ; qu’en outre, Mme X… n’établit pas davantage que précédemment l’existence d’une convention la contraignant à reverser à M. Y… les sommes dont s’agit ; que ces sommes que ladite société S.L.T.P. n’était pas tenue d’acquitter et qui ont été réintégrées à bon droit dans ses résultats, constituent des revenus distribués au sens des dispositions précitées des articles 109-1-1° et 111 précités du code général des impôts, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers perçus par Mme X… ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant qu’aux termes de l’article 1728 du code général des impôts applicable aux impositions contestées : « Lorsqu’une personne tenue de souscrire ou de présener une déclaration ou un acte comportant l’indication de bases ou éléments à retenir pour l’assiette … de l’un des impôts … établis … par la direction générale des impôts déclare ou fait apparaître une base ou des éléments d’imposition insuffisants, inexacts ou incomplets, … le montant des droits éludés est majoré d’un intérêt de retard calculé dans les conditions fixées à l’article 1734″ ; qu’aux termes de l’article 1730 du même code : » … les majorations prévues aux articles 1728 et 1729-1 ne sont pas applicables … lorsque l’insuffisance des chiffres déclarés n’excède pas le dixième de la base d’imposition » ;
Considérant qu’il ressort des dispositions précitées que les intérêts de retard sont dus de plein droit sur la base de l’imposition à laquelle ils s’appliquent dès lors que l’insuffisance des chiffres déclarés excède le dixième de la base d’imposition ; que devant le juge d’appel l’administration des impôts ne formule aucune conclusion relative aux pénalités ; qu’il y a lieu dès lors de substituer d’office aux majorations pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assortis les revenus correspondant aux sommes versées par la S.L.T.P. à Mme X…, les intérêts de retard prévus par les dispositions précitées de l’article 1728 du code général des impôts ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accorder à Mme X… décharge des impositions correspondant à la réintégration dans ses revenus imposables des années 1976, 1977, 1978 et 1979 des subsides versés directement par M. Y…, de substituer d’office aux majorations pour manoeuvres frauduleuses dont étaient assortis les revenus correspondant aux sommes versées par la S.L.T.P. à Mme X…, les intérêts de retard prévus par les dispositions précitées de l’article 1728 du code général des impôts et de rejeter le surplus de ses conclusions ;
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de DIJON en date du 7 avril 1987 est annulé.
Article 2 : Les bases de l’impôt sur le revenu assignées à Mme X… au titre des années 1976, 1977, 1978 et 1979 sont réduites des sommes correspondant aux subsides versés directement par M. Y… à Mme X….
Article 3 : Les intérêts de retard prévus par les dispositions de l’article 1728 du code général des impôts sont substitués aux majorations pour manoeuvres frauduleuses dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu assignées à Mme X… au titre des annnées 1976 à 1979, dans la limite du montant de ces majorations.
Article 4 : Mme X… est déchargée des droits correspondant à la réduction de ses bases d’imposition définie à l’article deux.
Article 5 : Il est accordé à Mme X… décharge de la différence entre le montant des majorations contestées et celui qui résulte de l’article trois ci-dessus.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejetée.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X… et au ministre délégué, chargé du Budget.