Cour administrative d’appel de Nancy, du 2 juillet 1991, 89NC01420, inédit au recueil Lebon

·

·

Cour administrative d’appel de Nancy, du 2 juillet 1991, 89NC01420, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés au greffe de la Cour administrative d’appel les 29 août 1989 et 15 janvier 1990 sous le numéro 89NC01420, présentés pour la commune d’AMNEVILLE, représentée par son maire en exercice ;

la commune d’AMNEVILLE demande à la cour :

1°/ d’annuler le jugement en date du 11 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG l’a, d’une part, condamnée à verser aux sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Entreprise une somme égale à la différence entre le décompte du marché conclu pour la réalisation des lots n° 8 à 11 des travaux de construction d’un établissement thermal, d’un montant arrêté à 14 260 825 F TTC auquel doivent s’ajouter les révisions de prix contractuelles et les intérêts moratoires et le total des sommes déjà payées, d’autre part a mis à sa charge les frais de constat d’urgence et d’expertise, enfin l’a condamnée à verser aux sociétés requérantes la somme de 25 000 F au titre de l’article 1er du décret du 2 septembre 1982 ;

2°/ de rejeter la demande présentée par les sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Z… devant le tribunal administratif de STRASBOURG après lui avoir adjugé l’entier bénéfice de ses conclusions de première instance ;

3°/ de condamner les sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Entreprise aux entiers dépens ;

VU le mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 1990, présenté pour la société Laurent X… A… et la société Laurent X… Z… ; les sociétés X… demandent à la Cour :

– d’une part, de rejeter la requête et en tant que de besoin l’appel incident de M. B… ;

– d’autre part, par la voie du recours incident,

. de condamner la commune d’AMNEVILLE à leur payer la somme de 12 523 767 F HT correspondant aux lots n° 8 et 9, déduction faite des acomptes déjà versés et augmentée des révisions contractuelles et des intérêts moratoires prévus par les articles 352 et suivants du code des marchés publics ;

. d’ordonner la capitalisation des intérêts ;

. de dire que les paiements partiels effectués par la commune s’imputeront d’abord sur les intérêts ;

. à titre subsidiaire, de condamner solidairement la commune et M. B…, maître d’oeuvre, à leur payer l’intégralité des somme ci-dessus ;

. de condamner la commune ou, subsidiairement la commune solidairement avec M. B… à supporter la totalité des dépens de première intance et d’appel ;

. de condamner la commune à leur payer la somme de 453 314,10 F au titre de l’article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU le nouveau mémoire en défense, enregistré le 7 juin 1990, présenté pour la société Laurent X… A… et la société Laurent X… Z… ; les sociétés X… persistent dans leurs précédentes conclusions et demandent en outre à la Cour de leur donner acte du renouvellement de leur plainte avec constitution

de partie civile contre le maire de la commune d’AMNEVILLE déposée devant la chambre d’accusation de la Cour d’appel de REIMS ;

VU le jugement attaqué ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 juin 1991 :

– le rapport de M. FONTAINE, Conseiller,

– les observations de Maître Y… substituant la SCP LAFARGE, FLECHEUX, REVUZ, avocat des sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Z…,

– et les conclusions de Mme FRAYSSE, Commissaire du Gouvernement ; En ce qui concerne la requête de la commune d’AMNEVILLE :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si la commune soutient que le jugement attaqué est irrégulier en la forme, elle n’assortit ce moyen, qu’elle s’abstient d’ailleurs de reprendre dans son mémoire ampliatif, d’aucune précision permettant d’en apprécier la portée et le bien-fondé ; que, dès lors, celui-ci ne saurait être accueilli ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant, d’une part, que les sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Z… ont adressé, le 23 décembre 1986, au maître d’oeuvre un mémoire exposant les motifs et indiquant le montant de leurs réclamations aux fins de transmission à la personne responsable du marché ; que le maire de la commune d’AMNEVILLE l’a rejeté par lettre du 21 janvier 1987 ;

Considérant, d’autre part, que l’acte d’engagement est conclu par les deux sociétés agissant conjointement pour la réalisation des lots 8 à 11 sans que ceux-ci aient été répartis entre elles ; que d’ailleurs, les paiements effectués antérieurement au litige, ont été virés à un compte unique ; qu’il résulte de ce qui précède que la commune d’AMNEVILLE n’est pas fondée à soutenir que la demande de première instance n’était pas recevable ;

Au fond :

Considérant que, par le marché litigieux, les sociétés Laurent X… s’engageaient à concevoir et mettre en oeuvre les équipements techniques dans le domaine de l’appareillage de balnéothérapie et de la plomberie sanitaire, du chauffage et de la ventilation et de l’électricité, courants forts et faibles répondant aux contraintes fonctionnelles d’un établissement thermal ; qu’eu égard à la nature de marché sur concours du contrat conclu, les travaux de caractère général susceptibles d’entraîner une modification en plus ou en moins du montant global et forfaitaire du marché devaient être autorisés par ordres de service signés par le maître de l’ouvrage, par dérogation aux dispositions de l’article 2-51 du cahier des clauses administratives générales ; qu’il est constant que des modifications ont été apportées dans la réalisation des lots n° 8 et 9 concernant notamment les appareils de balnéothérapie et leur mise en place, la ventilation et l’installation de chauffage sans que des ordres de service aient été signés par le maître de l’ouvrage, contrairement aux stipulations de l’article 1-5 du cahier des clauses administratives particulières ;

Considérant toutefois qu’il résulte de l’instruction et notamment du rapport de l’expert désigné en référé que ces modifications dont l’incidence financière est d’ailleurs minime avaient soit reçu l’accord du maître de l’ouvrage dont les représentants ont suivi le chantier d’une manière assidue en participant aux réunions périodiques, soit étaient indispensables à la bonne exécution des ouvrages compris dans les prévisions du marché ; que, par suite, la commune d’AMNEVILLE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de STRASBOURG a, d’une part, arrêté le décompte des sommes dues aux sociétés Laurent X… au titre de l’exécution du marché en cause à la somme de 14 260 825 F TTC à laquelle s’ajoutent les révisions de prix contractuelles et les intérêts moratoires, d’autre part, mis à sa charge les frais de constat d’urgence et d’expertise ;

En ce qui concerne l’appel incident des sociétés Laurent X… :

Sur les travaux supplémentaires d’un montant de 348 535 F HT :

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que les travaux consistant en l’installation d’un ascenseur et la réalisation de faux plafonds ainsi que de diverses améliorations, exécutés sans ordre du maire, étaient indispensables à la bonne exécution des ouvrages ; que, dès lors, les sociétés Laurent X… ne sont fondées à demander ni le paiement de ces travaux supplémentaires alors même que ceux-ci ont été utiles à la commune, ni l’indemnisation du préjudice qu’elles auraient subi du fait de leur commande irrégulière ; Sur les malfaçons alléguées par la commune :

Considérant qu’il résulte de l’expertise que l’insuffisance en eau chaude pour les douches provient d’une sous-estimation des besoins par les sociétés Laurent X… ; qu’elle a fait l’objet de réserves, tout comme le mauvais fonctionnement du vaporium et des aérosols, lors des opérations préalables à la réception ; que, par suite, le caractère apparent de ces malfaçons au jour où celle-ci est réputée être intervenue est en tout état de cause inopérant ; qu’il suit de là que c’est à bon droit que les premiers juges ont déduit du montant du marché la somme de 179 000 F H.T. correspondant à l’estimation par l’expert des travaux nécessaires pour remédier à ces malfaçons ;

Sur la capitalisation des intérêts moratoires :

Considérant que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, les sociétés Laurent X… ont droit à la capitalisation des intérêts contractuels dans les conditions prévues à l’article 1154 du code civil ;

Considérant que lesdites sociétés ont demandé les 24 mars et 21 décembre 1988, 28 mars 1989 et 24 octobre 1990 la capitalisation des intérêts moratoires calculés conformément aux articles 352 et suivants du code des marchés publics afférents au solde du marché qui leur reste dû ; qu’à la première, troisième et quatrième de ces dates, il était dû au moins une année d’intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l’article 1154 du code civil précité, il y a lieu de faire droit à ces demandes et de réformer en ce sens le jugement attaqué ;

Sur les conclusions subsidiaires tendant à la condamnation solidaire de la commune et de M. B…, architecte :

Considérant que les sociétés Laurent X… n’établissent pas que l’absence de règlement des sommes leur restant dues est également imputable à une faute du maître d’oeuvre ; que leurs conclusions subsidiaires tendant à la condamnation solidaire de la commune et de M. B…, architecte ne peuvent donc qu’être rejetées ; Sur les autres conclusions des sociétés X… :

Considérant qu’il n’appartient pas à la juridiction administrative de donner acte aux sociétés Laurent X… du renouvellement de leur plainte avec constitution de partie civile contre le maire de la commune d’AMNEVILLE du chef de dénonciation calomnieuse ; que ces conclusions ne sauraient, dès lors, être accueillies ;

En ce qui concerne l’application des dispositions de l’article 1er du décret du 2 septembre 1988 et de l’article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :

Considérant que la commune d’AMNEVILLE conteste la somme de 25 000 F allouée par le jugement attaqué aux sociétés Laurent X… au titre de l’article 1er du décret du 2 septembre 1988 ; que lesdites sociétés demandent en appel la condamnation de la commune à leur verser 453 314,10 F au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner, en vertu des dispositions précitées, la commune d’AMNEVILLE à payer 60 000 F aux sociétés Laurent X… au titre des sommes exposées par elles tant en première intance qu’en appel et non comprises dans les dépens ;

Article 1 : Les intérêts afférents au solde du marché que la commune d’AMNEVILLE a été condamnée à verser aux sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Z… par le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 11 juillet 1989 et échus les 24 mars 1988, 28 mars 1989 et 24 octobre 1990 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 11 juillet 1989 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de la commune d’AMNEVILLE et le surplus des conclusions de l’appel incident des sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Z… sont rejetés.

Article 4 : La commune d’AMNEVILLE versera aux sociétés Laurent X… A… et Laurent X… Entreprise une somme de 60 000 F au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d’AMNEVILLE, à la société Laurent X… A…, à la société Laurent X… Z…, à M. B… et au ministre de l’Intérieur.


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x