Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 7 mars 2003, complétée par mémoire en date du 24 juillet 2006 présentée pour le GROUPEMENT AGRICOLE D’EXPLOITATION EN COMMUN DU RUISSEAU – GAEC DU RUISSEAU dont le siège est La Malmaison à Payns (Aube), représenté par son gérant M. Ghestem, par Me Honnet, avocat ; il demande à la Cour :
11) d’annuler le jugement en date du 24 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des sommes mises à sa charge par commandements de payer en date du 27 mai 1998 délivrés par le trésorier de Romilly-sur-Seine en vue de recouvrer la taxe de conversion instituée le 8 septembre 1993 dans le cadre du remembrement des communes de Fontaine-aux-Grès, Sallières et Pavillon-Sainte-Julie, et au sursis de paiement des sommes visées ;
22) d’annuler les commandements et de lui accorder la décharge des sommes demandées ;
3°) de lui accorder le sursis au paiement des sommes demandées ;
4°) de condamner l’union des associations foncières de remembrement à lui rembourser la somme de 30 189 euros ;
5°) de condamner l’union des associations foncières de remembrement à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
– c’est à tort que le tribunal a considéré que la délibération en date du 14 décembre 1998 du conseil général de l’Aube ne constituait pas le schéma directeur de boisement dans le cadre d’une procédure d’expropriation auto-routière alors qu’il prévoit les conditions dans lesquelles les propriétaires de terre ou de bois peuvent demander une attribution équivalente moyennant un coût de défrichement et de reboisement fixé à 22 000 F toutes taxes comprises l’hectare, en vertu de laquelle la commission intercommunale a décidé de poursuivre les opérations de remembrement sur la base de la participation des propriétaires et exploitants, puis de fixer l’engagement financier à 29 000 F l’hectare en permettant de défricher 7 ha de plus, décisions sur le fondement desquelles intervient le paiement de la taxe de conversion ;
– la taxe en cause est dépourvue de fondement juridique qui prive de base légale les commandements délivrés ;
Vu le jugement et les commandements attaqués ;
Vu, enregistré le 15 avril 2003, le mémoire présenté par le trésorier-payeur général de l’Aube tendant au rejet de la requête ;
Il soutient que la demande de sursis qui ne concerne que des impositions ne peut utilement être sollicitée que devant les premiers juges ; qu’en ce qui concerne la décharge des sommes mises à la charge du GAEC, ce litige ne concerne que l’ordonnateur et non le comptable public ;
Vu enregistrés les 12 juin 2003 et 22 août 2006, les mémoires en défense présentés pour l’association foncière de remembrement de Fontaine-aux-Grès, Pavillon et autres représentée par son président, par Mes George et Chassagnon, avocats, tendant au rejet de la requête, à la condamnation du GAEC à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
– la délibération du conseil général de l’Aube ne constitue pas le schéma directeur de boisement mais énonce les conditions d’attribution d’une aide départementale ; la délibération du 6 juillet 1993 de la commission intercommunale d’aménagement foncier (CIAF) prévoit le mode d’aménagement foncier en application des dispositions de l’article L. 121-15 du code rural soit une participation des propriétaires ou exploitants concernés par les opérations d’aménagement et la délibération du 2 juin 1995 a prévu outre le défrichement de 7 hectares de plus, un prix du défrichement avec reboisement fixé à 29 000 F l’hectare dans le cadre de la conservation d’un ensemble forestier cohérent ; il n’y a donc pas incompatibilité entre les dispositions de l’article L. 311-2 du code forestier et le schéma directeur ;
– la répartition parcellaire est issue de cette seule décision de la CIAF à laquelle participait le gérant du GAEC qui a, en outre, demandé la modification de ses attributions pour reconversion d’apports en nature de bois en terres puis n’a pas contesté les bases de répartition dans les délais ;
– le fondement légal de la taxe est l’article L. 121-15 du code rural s’agissant d’un deuxième remembrement, et des compétences dévolues par la loi aux CIAF ;
Vu enregistré le 4 août 2003, le mémoire présenté par le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche et des affaires rurales tendant au rejet de la requête ;
Le ministre soutient que la contestation des bases d’imposition est tardive dès lors que le premier rôle a été mis en recouvrement le 12 août 1997 et que le GAEC disposait de trois mois pour contester ces bases, délai dépassé à la date d’introduction de la demande ; il s’en rapporte en ce qui concerne les autres moyens aux observations produites à l’instance par l’association foncière de remembrement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code forestier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 29 janvier 2007 :
– le rapport de M. Job, président,
– et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un «schéma directeur de boisement» adopté le 5 novembre 1993, la commission intercommunale d’aménagement foncier des communes de Fontaine-aux-Grès, Sallières et de Pavillon-Sainte-Julie lors du second remembrement desdites communes a prévu, notamment, que dans la mesure où les parcelles boisées n’ont subi aucun déclassement, que leur valeur de productivité a été établie comme s’il s’agissait de parcelles de terres sans tenir compte ni de l’ensouchement ni du boisement, les transferts sont assortis des conditions suivantes : «( ) B. le propriétaire d’une parcelle de bois peut demander une attribution équivalente : ( ) 2 soit en terre auquel cas il devra s’engager expressément à payer le coût du défrichement et du reboisement d’une parcelle identique (22 000 F toutes taxes comprises l’hectare)» ; que, par une délibération du 8 juillet 1994, ladite commission a fixé le montant de cette taxe de reconversion à la somme de 29 000 F toutes taxes comprises l’hectare, objet du rôle arrêté par le bureau de l’association foncière le 1er août 1997, rendu exécutoire le 12 août 1997 sur le fondement duquel ont été émis à l’encontre du GAEC DU RUISSEAU, seul appelant à l’exclusion de M. Ghestem, les deux titres de recettes d’un montant total plus frais de 85 811 F soit 13 081,80 euros dont il est demandé la décharge ;
Sur la légalité de l’institution d’une «taxe de reconversion» sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête :
Considérant, en premier lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que le département de l’Aube ait fait application des dispositions de l’article L. 121-15 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur pour exiger une quelconque participation de l’ensemble des propriétaires ou des exploitants concernés par le remembrement susmentionné des communes de Fontaine-aux-Grès, Sallières et de Pavillon-Sainte-Julie ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 123-8 du code rural : «la commission communale d’aménagement foncier a qualité pour décider à l’occasion des opérations et dans leur périmètre : ( ) 3° Tous travaux d’amélioration foncière connexes au remembrement, tels que ceux qui sont nécessaires à la sauvegarde des équilibres naturels ou qui ont pour objet, notamment, la protection des sols, l’écoulement des eaux nuisibles, la retenue et la distribution des eaux utiles ; ( ) 6° L’exécution de travaux de nettoyage, remise en état, création et reconstitution d’éléments présentant un intérêt pour les équilibres naturels et les paysages tels que les haies, plantations d’alignement, talus, fossés et berges. La commission communale identifie les emprises foncières correspondant à ces éléments. ( ) . L’assiette des ouvrages mentionnés aux 1°, 3°, 4° et 5° est prélevée sans indemnité sur la totalité des terres à remembrer.» ; qu’aux termes de l’article R. 133-8 du même code : «Les dépenses relatives aux travaux connexes prévues à l’article L. 123-8 du code rural sont réparties par le bureau proportionnellement à la surface attribuée à chaque propriétaire par le remembrement, à l’exception des dépenses relatives aux travaux d’hydrauliques qui sont réparties selon leur degré d’intérêt. ( )» ;
Considérant que les travaux en cause ne peuvent ressortir de l’application du 3° de l’article L. 123-8 du code rural dès lors que leur assiette qui ne comprend que les terrains dont les propriétaires se sont portés volontaires pour un échange bois/terres à l’exclusion des autres propriétés incluses dans le remembrement, n’est pas prélevée sans indemnité sur la totalité des terres à remembrer ; qu’ils ne peuvent pas non plus être regardés comme la création et reconstitution d’éléments présentant un intérêt pour les équilibres naturels et les paysage au sens du 6° dudit article ; qu’ainsi, d’une part, la taxe représentative des travaux en cause ne trouve pas sa base légale dans l’application des dispositions de l’article L. 123-8 du code rural ; que, d’autre part, l’union des associations foncières de remembrement n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l’article R. 133-8 du même code dès lors que les travaux ne sont pas exécutés en application de l’article L. 123-8 du code rural ; qu’au surplus, il ne résulte pas de l’instruction que la taxe en cause ait un autre fondement de nature légale ou réglementaire ; qu’ainsi, la taxe dont s’agit ne reposant sur aucune base légale, la fin de non-recevoir opposée par l’administration tenant au défaut de contestation des bases de répartition dans les trois mois de la notification du premier état faisant application desdites bases ne peut être accueillie ; qu’en revanche, par voie de conséquence de ce qui précède, les commandements de payer délivrés au GAEC DU RUISSEAU étant dépourvus de bases légales, ce dernier est fondé à demander leur annulation et la décharge des seules sommes correspondant aux commandements qui le concerne, à l’exclusion de celles relatives aux commandements délivrés aux consorts Ghestem personnellement, mesures qui ne font pas obstacle à ce que l’AFR, si elle s’y croit fondée, récupère lesdites sommes sur le fondement d’une autre cause juridique ;
Considérant qu’il résulte de ce tout qui précède que le GAEC DU RUISSEAU est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement en date du 24 décembre 2002 attaqué, qui doit être annulé, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge des sommes qui lui ont été réclamées par commandements de payer en date du 27 mai 1998 délivrés par le trésorier de Romilly-sur-Seine ;
Sur les conclusions à fin de condamnation :
Considérant qu’en tout état de cause, dans la mesure où le GAEC DU RUISSEAU n’établit pas l’exécution par voie de saisie attribution de la créance de l’Union des associations foncières de remembrement, il n’est pas fondé à demander le remboursement des sommes dont il est déchargé ;
Sur les conclusions à fin de sursis au paiement :
Considérant que dans la mesure où la Cour se prononce au fond sur le litige, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée devant le tribunal, il n’y a plus lieu de statuer sur lesdites conclusions qui sont devenues sans objet ;
Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, à ce que le GAEC DU RUISSEAU qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à l’association foncière de remembrement des communes de Fontaine-aux-Grès, Pavillon et autres la somme qu’elle réclame au titre de ces dispositions ;
Considérant que dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de condamner l’Union des associations foncières de remembrement à payer au GAEC DU RUISSEAU la somme qu’il demande au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions du GAEC DU RUISSEAU tendant au sursis de paiement des sommes mises à sa charge par commandements de payer en date du 27 mai 1998 délivrés par le Trésorier de Romilly-sur-Seine.
Article 2 : Le jugement du 24 décembre 2002 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.
Article 3 : Le GAEC DU RUISSEAU est déchargé des sommes de 85 811 F soit 13 081 euros représentant les commandements de payer et frais.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête du GAEC DU RUISSEAU, et les conclusions de l’associations foncière de remembrement des communes de Fontaines-aux-Grès, Pavillon et autres tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au GROUPEMENT AGRICOLE D’EXPLOITATION EN COMMUN DU RUISSEAU – GAEC DU RUISSEAU, à l’Association Foncière de Remembrement des communes de Fontaine-les-Grès, Sallières et Pavillon-Saint-Julie, au ministre de l’agriculture et de la pêche et au ministre de l’économie, des finances et de l’emploi.
Copie en sera adressée pour information au Trésorier-payeur général de l’Aube
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N° 03NC00217