Cour Administrative d’Appel de Nancy, 3ème chambre – formation à 3, 18/10/2007, 05NC01003, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Nancy, 3ème chambre – formation à 3, 18/10/2007, 05NC01003, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 29 juillet 2005, présenté par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) – d’annuler le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 mars 2005 en tant qu’il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés et aux contributions annexes résultant du redressement portant sur la limitation de la déduction des intérêts versés à Mme X et relatives aux années 1997, 1998 et 1999 ;

2°) – de rétablir la société Estra dans les rôles de l’impôt sur les sociétés des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 à raison des droits et pénalités concernées ;

Il soutient que le tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 39-1-3° du code général des impôts ; en effet, si Mme X n’était pas actionnaire de la société Estra au moment du prêt consenti à cette société le 25 janvier 1996, elle l’est devenue ultérieurement au cours des exercices vérifiés, de 1997 à 1999 ; par conséquent, les intérêts versés par la société à Mme X rémunèrent une somme que cette dernière a « laissée » à la disposition de l’entreprise dont elle est devenue associée ; c’est donc à tort que le Tribunal a estimé que la limitation prévue à l’article précité n’était pas applicable en l’espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2005, présenté pour la société Estra, aux droits desquels se substitue l’EURL Codica Automative, représentée par son gérant,

M. X, par Me Kretz, avocat ;

La société Estra conclut :

1°)- au rejet du recours du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;

2°) – à la condamnation de l’Etat à lui payer une somme de 4 500 € au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

– l’interprétation de l’administration méconnaît la force exécutoire de la convention de prêt ; Mme X est totalement liée par son engagement résultant du contrat de prêt lequel ne peut être révoqué que du consentement mutuel des parties ; la faculté d’un remboursement anticipé est une option pour l’emprunteur et non pour le prêteur ; Mme X n’a aucunement, au moment où elle est était associée, commis un acte de disposition en prenant la décision chaque année de laisser le montant du capital restant à la disposition de la société ;

– l’interprétation de l’administration est en outre contraire à l’esprit du texte de l’article

39-1-3°; les sommes concernées ne peuvent en aucun cas être considérées comme des sommes mises ou laissées à la disposition de la société Estra par Mme X en sa qualité d’actionnaire ;

Vu l’ordonnance du 5 juillet 2007 fixant la clôture de l’instruction au 3 août 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 septembre 2007 :

– le rapport de M. Martinez, premier conseiller,

– les observations de Me Kretz, avocat de l’Eurl Codica,

– et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE relève appel du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 30 mars 2005 en tant seulement qu’il a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires relatives à l’impôt sur les sociétés, la contribution de 10 % et la contribution temporaire, auxquelles a été assujettie la société Estra, aux droits de laquelle vient l’EURL Codica Automative, au titre des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 et résultant du redressement, notifié selon la procédure contradictoire à l’issue de la vérification de comptabilité dont a fait l’objet ladite société, et concernant la limitation de la déduction des intérêts versés à Mme X au cours desdits exercices vérifiés ;

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux deux premières années d’imposition : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : (…) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l’émission des obligations des sociétés privées… » ; qu’aux termes du même article, dans sa rédaction applicable à la dernière année d’imposition : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : (…) 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans… » ; qu’en vertu de l’article 212 du même code, les intérêts afférents aux sommes que les associés laissent ou mettent à la disposition de la société sont admis dans les charges déductibles dans les conditions prévues à l’article 39-1-3° ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X a consenti le 25 janvier 1996 à la Société Estra, exerçant une activité de location d’immeubles et de matériel industriel, un prêt d’un montant de 2 400 000 DM, pour une durée de 20 ans, moyennant un intérêt de 7 % par an en vue du financement de l’acquisition de terrains et la construction de l’usine et des bâtiments administratifs de la ZAC Muckenthal à Barr ; qu’il ressort également de l’accord précité que la société Estra a reconnu avoir reçu une somme de 1 836 503 DM dès la fin de l’année 1995 ; que la convention conclue entre la société requérante et son prêteur stipule que le remboursement du prêt et le paiement des intérêts se font par échéances fixes et trimestrielles ; que si l’accord prévoit la possibilité d’un remboursement anticipé, réduisant ainsi la durée du remboursement, il est expressément indiqué que cette faculté reconnue à l’emprunteur n’entraîne pas de modification du montant des annuités relatives au solde du prêt ;

Considérant qu’il est constant qu’à la date à laquelle Mme X a consenti le prêt à la société Estra, l’intéressée n’avait pas la qualité d’associé de ladite société et que les sommes versées par elle ne sauraient être considérées comme des sommes mises en qualité d’associé à la disposition de cette dernière au sens des dispositions précitées ; que la seule circonstance que Mme X soit devenue actionnaire de la société Estra au cours des exercices postérieurs clos en 1997, 1998 et 1999, en ne détenant au demeurant qu’une seule action, ne saurait suffire à faire regarder l’intéressée comme ayant laissé à la disposition du contribuable en sa qualité d’associé et en sus de sa part de capital dès lors que celle-ci était tenue par les engagements résultant de l’accord passé avec la société dans les conditions susmentionnées et dont la teneur et la validité ne sont pas remises en cause par l’administration ; que, dans ces conditions, c’est à tort que le service a estimé que les intérêts versés à Mme X en exécution du contrat de prêt dont s’agit n’étaient déductibles que dans les limites fixées par l’article 39-1-3° du code général des impôts et a réintégré dans les résultats de la société Estra la fraction des intérêts excédant ces limites ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des impositions supplémentaires résultant du redressement afférent à la limitation de la déduction des intérêts versés à Mme X au cours des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à l’intimée une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est rejeté.

Article 2 : L’Etat payera à l’EURL Codica Automative une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à l’EURL Codica Automative.

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N° 05NC01003


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