Cour administrative d’appel de Nancy, 2ème chambre – formation à 3, du 29 juin 2006, 03NC00867, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nancy, 2ème chambre – formation à 3, du 29 juin 2006, 03NC00867, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 14 août 2003, complétée par des mémoires enregistrés le 18 mai 2004, le 12 novembre 2004 et le 4 mai 2005, présentée par la S.A. SOGEPAR, dont le siège est route d’Archettes à Epinal (88000), représentée par son président-directeur général ;

La S.A. SOGEPAR demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 001485, du 10 juin 2003, par lequel le Tribunal administratif de Nancy ne lui a accordé qu’une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 31 mars des années 1993 à 1996 et a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er avril 1992 au 31 mars 1996 ;

2°) de prononcer les décharges demandées ;

Elle soutient que :

– la procédure d’imposition mise en oeuvre est entachée d’irrégularité pour défaut de débat oral et contradictoire ;

– cette procédure est encore irrégulière du fait de la poursuite des interventions de vérification sur place, en 1997, après que la clôture des opérations de contrôle soit intervenue du fait de l’envoi d’une première notification de redressement et sans nouvel avis de vérification, en méconnaissance du contenu de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

– la procédure de taxation d’office appliquée en matière d’impôt sur les sociétés pour les exercices clos les 31 mars 1993 et 1994 est irrégulière, dans la mesure où elle a déposé les bilans de ces exercices dans les délais légaux ;

– la méthode de reconstitution du chiffre d’affaires est viciée et imprécise, le vérificateur s’étant contenté de reprendre les écritures comptables sans établir, opération par opération, la nature de la prestation et son mode de paiement ;

– c’est à tort que l’administration a refusé d’admettre la déduction de charges et frais dont la réalité est suffisamment établie, s’agissant en particulier du paiement de la taxe professionnelle, de la taxe foncière, des salaires et des charges sociales ;

– la somme de 150 000 francs (22 867,35 euros) inscrite au crédit du compte courant du dirigeant de la société le 31 mars 1996 correspond au remboursement d’une avance et ne saurait être regardée comme ayant la nature d’un revenu distribué dès lors qu’elle a été remboursée avant la date de réception de l’avis de vérification ;

– elle peut se prévaloir de ce point de vue, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine administrative n° J-1212, du 1er novembre 1995 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 janvier 2004, 25 octobre 2004 et 23 mars 2005, présentés pour le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, tendant :

– à ce qu’un non-lieu à statuer soit prononcé à concurrence des sommes de 2 279,72 euros et de 6 920 euros, suite aux dégrèvements accordés respectivement le 11 février 2004, pour ce qui concerne les cotisations à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 1993, et le 7 septembre 2004, pour ce qui concerne les cotisations à l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice clos en 1996 ;

– au rejet du surplus de la requête, par le motif qu’aucun des moyens présentés par la S.A. SOGEPAR n’est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 juin 2006 :

– le rapport de M. Montsec, président,

– les observations de M. X, président-directeur général de la S.A. SOGEPAR,

– et les conclusions de Mme Rousselle, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, suite à la vérification de comptabilité dont elle a fait l’objet, portant sur la période du 1er avril 1992 au 31 mars 1996, la S.A. SOGEPAR, qui exerce une activité d’agence commerciale et, accessoirement, de location d’un ensemble immobilier, a été taxée d’office à l’impôt sur les sociétés pour ce qui concerne les résultats des exercices clos les 31 mars 1993 et 1994, assujettie à des impositions supplémentaires, selon la procédure contradictoire, pour les exercices clos les 31 mars 1995 et 1996, et enfin soumise, selon la procédure contradictoire, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, sur l’ensemble de la période ; que la S.A. SOGEPAR fait régulièrement appel du jugement en date du 10 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Nancy ne lui a accordé qu’une décharge partielle des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ainsi assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 1995 et 1996, et a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 1993 et 1994 ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1996 ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant que, par deux décisions en date du 11 février 2004 et du 7 septembre 2004, postérieures à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux des Vosges a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles avait été assujettie la S.A. SOGEPAR, au titre des exercices clos en 1993 et 1996, à concurrence des sommes, en droits et pénalités, de 14 954 francs (2 279,72 euros) et de 45 392,22 francs (6 920 euros) ; que les conclusions de la requête de la S.A. SOGEPAR sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que le service a adressé à la S.A. SOGEPAR une première notification de redressement en date du 19 décembre 1996, remise à cette dernière le 23 décembre 1996, portant sur l’exercice clos le 31 mars 1993, tant en matière d’impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée, puis une seconde, en date du 5 mai 1997, portant sur les exercices suivants ; que, contrairement à ce que soutient à l’instance la société requérante, le contenu de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, qui se borne à préciser que « La fin du contrôle est matérialisée par l’envoi, soit d’un avis d’absence de redressement, soit d’une notification de redressement », que « Lorsqu’une vérification de comptabilité est terminée, une nouvelle vérification ne peut, en principe, plus avoir lieu pour les mêmes impôts et les mêmes périodes » et que « Après l’achèvement du contrôle, le vérificateur ne peut plus revenir dans l’entreprise », n’a pas pour effet d’interdire à l’administration d’effectuer en cours de contrôle une notification à titre conservatoire ayant pour but d’interrompre la prescription, dès lors que, comme en l’espèce, la vérification de comptabilité qui s’est poursuivie après cette première notification de redressement porte sur d’autres périodes et d’autres exercices que celle-ci ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il est constant que la vérification de comptabilité engagée à l’encontre de la S.A. SOGEPAR s’est déroulée dans les propres locaux de l’entreprise où le vérificateur s’est rendu à deux reprises, les 10 et 16 décembre 1996, avant d’adresser à la société la première notification de redressement, en date du 19 décembre 1996, portant sur le seul exercice clos le 31 mars 1993 ; qu’il incombe dès lors à la contribuable, qui conteste l’existence d’un véritable débat oral et contradictoire avec le vérificateur dans cette première phase de vérification, d’établir que ce dernier se serait alors refusé à tout échange de vues avec son dirigeant ; que, si la réunion prévue pour le 20 décembre 1996 entre le vérificateur et M. X, président-directeur général de la société, n’a pu avoir lieu, c’est du fait de ce dernier qui, le jour même, en a demandé le report ; que les seules circonstances que le vérificateur n’ait pas souscrit à cette demande de report et que la notification de redressement, datée du 19 décembre 1996, ait été dès lors adressée à la société ce 20 décembre 1996, ne sont pas de nature à établir que le dirigeant de la société aurait été privé de la possibilité d’avoir en temps utile avec le vérificateur un débat oral et contradictoire ;

Considérant en troisième lieu qu’aux termes de l’article L. 66 du livre des procédures fiscales : « Sont taxés d’office : (…) / 2° A l’impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n’ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l’article L. 68 (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 68 du même code : « La procédure de taxation d’office prévue au 2° (…) de l’article L. 66 n’est applicable que si le contribuable n’a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d’une première mise en demeure (…) » ;

Considérant que si, pour contester la mise en oeuvre de la procédure de taxation d’office pour les résultats des exercices clos les 31 mars 1993 et 1994, la S.A. SOGEPAR soutient qu’elle avait adressé les déclarations correspondant à ces exercices et que le service les aurait égarées, elle ne l’établit pas ; qu’elle n’est ainsi pas fondée à soutenir que cette procédure de taxation d’office serait irrégulière ;

Sur le bien-fondé des redressements :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu’aux termes de l’article 269 du code général des impôts, relatif à l’assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, dans sa rédaction alors applicable : « (…) 2. La taxe est exigible : (…) / c) Pour les prestations de services, lors de l’encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur autorisation du directeur des services fiscaux, d’après les débits (…) » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que le chiffre d’affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée par le service a été déterminé à partir de la comptabilité présentée par la société, plus particulièrement à partir des encaissements de factures enregistrés au débit du journal de banque « BPL », et corroboré par une analyse des comptes clients ; que la S.A. SOGEPAR n’est pas fondée à soutenir que cette méthode serait imprécise et viciée, au regard des règles de taxation fixées par les dispositions susmentionnées de l’article 269 du code général des impôts ;

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés :

S’agissant des charges à déduire au titre de l’exercice clos le 31 mars 1993 :

Considérant que la S.A. SOGEPAR produit pour la première fois en appel des fiches de paie concernant son président-directeur général, pour l’ensemble de l’exercice clos le 31 mars 1993, comportant mention de la date et des moyens de paiement, pour un montant global déductible de

179 300 francs ; qu’elle produit également des bordereaux délivrés par l’URSSAF, récapitulatifs des cotisations à verser, d’un montant de 2 596 francs pour chacun des quatre trimestres de l’exercice, sur lesquels sont mentionnées les références de paiement par chèque ; qu’enfin, elle produit une déclaration relative à la taxe d’apprentissage, établie le 6 mai 1993, avec mention du paiement par chèque pour un montant de 173 francs ; que, par la production de ces documents, en eux-mêmes suffisamment probants, elle doit être regardée comme justifiant, ainsi qu’il lui incombe, de la réalité de ces charges dont elle est fondée à demander la déduction de son bénéfice imposable en application des dispositions de l’article 39 du code général des impôts ;

Considérant qu’en revanche, la S.A. SOGEPAR n’établit pas, par la production de documents ne présentant aucune valeur probante ou concernant une autre société, avoir elle-même assumé les autres charges qu’elle allègue au titre de versements à une caisse de retraite complémentaire, à une mutuelle, au fonds d’assurance formation pour l’industrie et le commerce des Vosges ou au titre de frais de formation continue ;

S’agissant de la prise en compte des amortissements au titre de l’exercice clos le 31 mars 1996 :

Considérant que le service n’a procédé à aucune remise en cause d’amortissements propres à l’exercice clos le 31 mars 1996 mais s’est borné à réintégrer une somme de 98 744 francs au titre de cet exercice, qui correspondait à un déficit et des amortissements réputés différés au 1er avril 1994, au motif que les déclarations de résultats des exercices clos les 31 mars 1993 et 1994 n’ayant pas été souscrites, et la taxation d’office effectuée en conséquence ayant révélé pour chacun de ces exercices un bénéfice imposable, lesdits déficits et amortissements différés n’avaient plus lieu d’être ; que la société requérante, qui, ainsi qu’il est dit ci-dessus, n’établit pas l’irrégularité de la procédure de taxation d’office ainsi mise en oeuvre, n’apporte aucun élément de nature à lui permettre de contester utilement la réintégration dans les conditions susmentionnées de cette somme de 98 744 francs ;

S’agissant des revenus distribués au titre de l’exercice clos le 31 mars 1996 :

Pour ce qui relève de l’application de la loi fiscale :

Considérant qu’aux termes de l’article 38 du code général des impôts : « (…) / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés (…) » ; qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) » ;

Considérant qu’il est constant que le compte courant de M. ouvert dans les écritures de la S.A. SOGEPAR a été crédité le dernier jour de l’exercice clos le 31 mars 1996, d’une somme de 150 000 F (22 867,35 euros) ; que ce crédit, dont la société requérante ne conteste pas qu’il a permis d’éviter que ce compte courant soit débiteur à la date de clôture de l’exercice, a eu pour effet d’annuler la dette de M. à l’égard de la société ; que cet abandon de créance, consenti sans contrepartie par la société à M. , a eu pour conséquence d’entraîner l’acquisition entre ses mains des avances de même montant dont il avait disposé ; que cette somme doit dès lors être réputée avoir été mise à sa disposition par la société et comme ayant en conséquence la nature de revenus distribués, au sens des dispositions précitées ; que, par suite, l’administration a pu à bon droit, au regard de la loi fiscale, réintégrer le montant correspondant dans le résultat imposable de la S.A. SOGEPAR au titre de l’exercice clos le 31 mars 1996 ;

Pour ce qui relève du bénéfice de l’interprétation de la loi fiscale donnée par l’administration :

Considérant qu’aux termes de l’instruction reprise dans la documentation administrative de base sous la référence 4 J-1212 : « lorsque l’administration découvre qu’une avance taxable a été intégralement remboursée, on peut admettre, à titre de règle pratique, qu’il n’y a pas eu de distribution de revenus s’il apparaît que le remboursement a été opéré à une date antérieure à celle de la réception, par la société, de l’avis de vérification ou, en cas de contrôle inopiné, antérieurement au passage du vérificateur » ; qu’il est constant que la somme de 150 000 F, qui avait été versée par la société sur le compte courant de M. le 31 mars 1996, a été remboursée par ce dernier par un chèque de même montant crédité sur ledit compte courant dès le 26 octobre 1996, avant que la société reçoive un avis de vérification, le 26 novembre 1996 ; que la société est ainsi fondée à invoquer la doctrine précitée, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, pour contester les cotisations supplémentaires auxquelles elle a été assujettie à raison de cette somme de 150 000 F ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la S.A. SOGEPAR est seulement fondée à demander la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés résultant, pour l’exercice clos le 31 mars 1993, de la réintégration de la somme en base de 189 857 F (28 943,51 euros) ainsi que, pour l’exercice clos le 31 mars 1996, de la réintégration de la somme en base de 150 000 F (22 867,35 euros), et la réformation en conséquence du jugement attaqué du Tribunal administratif de Nancy ;

D É C I D E :

Article 1er : A concurrence de la somme de 9 199,72 euros, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la S.A. SOGEPAR.

Article 2 : Les bases d’imposition de la S.A. SOGEPAR à l’impôt sur les sociétés sont diminuées d’une somme de 28 943,51 euros (189 857 F) au titre de l’exercice clos le 31 mars 1993 et d’une somme de 22 867,35 euros (150 000 F) au titre de l’exercice clos le 31 mars 1996.

Article 3 : La S.A. SOGEPAR est déchargée, en droits et pénalités, de la différence entre les montants de l’impôt sur les sociétés restant à sa charge au titre des exercices clos les 31 mars 1993 et 31 mars 1996 et ceux résultant de l’article 2.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 10 juin 2003 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus de la requête de la S.A. SOGEPAR est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la S.A. SOGEPAR et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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