Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2002, présentée pour M. Hugues X, demeurant …, par Me Kugler, du cabinet d’avocats Fidal ; M. X demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 011063, en date du 24 septembre 2002, par lequel le Tribunal administratif de Nancy ne lui a accordé qu’une décharge partielle de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % auxquels il a été assujetti au titre de l’année 1997, ainsi que des pénalités et intérêts y afférents ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
3°) subsidiairement, de prononcer la réduction des impositions restant en litige ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 658,77 au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
– la notification de redressement qui lui a été adressée est insuffisamment motivée en droit, en ce qu’elle fait référence aux articles 39 duodecies et 39 terdecies, inapplicables en l’espèce ;
– dans la mesure où son activité individuelle de commissaire aux comptes n’était que suspendue, la plus-value qu’il a réalisée lors de la cession des actions de la SA X-Roche, en 1997, relevait des plus-values professionnelles et pouvait être exonérée d’imposition en application des dispositions de l’article 151 septies du code général des impôts ;
– à titre subsidiaire, l’administration a procédé à un calcul erroné de cette plus-value en omettant d’en déduire une somme de 148 000 F consacrée à l’achat d’une partie de ces actions et la valeur d’apport de la clientèle pour un montant de 1 236 000 F ;
– la plus-value réalisée en 1997 à l’occasion du retrait de l’immeuble affecté à son activité devait être, pour les mêmes raisons, exonérée d’imposition en application des dispositions de l’article 151 septies du code général des impôts ;
– à titre subsidiaire, si on considère qu’il avait cessé son activité en 1992, cette plus-value ne pouvait être imposée qu’au titre de l’année 1992 et non au titre de l’année 1997 ;
– le tribunal administratif a confondu la plus-value réalisée lors de l’apport de clientèle en 1992, qui est une plus-value professionnelle, et la plus-value réalisée lors de la cession des actions en 1997, qui est une plus-value de caractère privé ;
– les pénalités de retard ne pouvaient lui être appliquées, conformément aux dispositions de l’article 1732 du code général des impôts, dans la mesure où il avait mentionné dans une note annexe à sa déclaration les plus-values dont s’agit, avec les raisons pour lesquelles il les estimait exonérées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés respectivement le 23 avril 2004 et le 3 octobre 2005, présentés par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, tendant :
– au rejet de la requête de M. X, par le motif qu’aucun des moyens présentés par ce dernier n’est fondé ;
– par la voie d’un recours incident, à l’annulation des articles 2 à 4 du jugement ;
– à ce que la plus-value réalisée en 1997 lors de la cession des actions soit portée à la somme de 1 218 754 F, aux motifs que cette imposition doit être fondée, par substitution de base légale, sur les dispositions de l’article 160 du code général des impôts, qu’aucune prise de position formelle ne peut être opposée en l’espèce à l’administration et enfin que la mauvaise foi du contribuable est établie ;
– à ce que les impositions soient rétablies dans la limite de ce montant en base de 1 218 754 F ;
Vu, enregistrés respectivement le 27 août 2004, le 6 septembre 2004 et le 6 janvier 2006, les mémoires complémentaires présentés comme ci-dessus pour M. X, tendant aux même fins que précédemment, par les mêmes moyens, et tendant en outre au rejet de l’appel incident du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, en faisant valoir qu’il n’avait pas cessé son activité, que les actions cédées avaient un caractère professionnel et qu’à défaut de cessation d’activité, la plus-value en litige ne relève pas des dispositions de l’article 160 du code général des impôts mais de l’article 151 septies de ce même code ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 juin 2007 :
– le rapport de M. Montsec, rapporteur ;
– et les conclusions de M. Lion, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ( ) » ;
Considérant que, nonobstant la circonstance que la notification de redressement en date du 6 juillet 1999 adressée à M. X se référait à tort aux dispositions des articles 39 duodecies et 39 terdecies du code général des impôts, cette erreur n’a pu, compte tenu des autres indications relatives aux raisons pour lesquelles l’intéressé ne pouvait bénéficier de l’exonération d’imposition des plus-values prévue par les dispositions de l’article 151 septies du même code, empêcher le contribuable de formuler utilement ses observations, ce qu’il a d’ailleurs fait ; que cette notification de redressement doit ainsi être regardée comme suffisamment motivée au regard des dispositions précitées ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne la plus-value réalisée lors de la cession d’actions :
Considérant que, si M. X fait valoir que, s’agissant de son activité de commissaire aux comptes, le chef du centre des impôts de Toul aurait admis, lors d’un entretien téléphonique intervenu en mai 1993, que le prêt à commodat de sa clientèle n’entraînait pas la cessation de son activité individuelle, il ne l’établit pas ; que, s’il a adressé à l’administration un courrier recommandé, avec accusé de réception, en date du 24 mai 1993, visant à se faire confirmer cette appréciation de sa situation de fait et auquel l’administration n’a pas répondu, cette dernière ne peut donc être regardée, en tout état de cause, comme ayant pris formellement position sur la question en litige ; que, dans ces conditions, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est fondé à soutenir, par la voie d’un appel incident, que c’est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a considéré que l’administration devait être regardée comme ayant en l’espèce formellement pris une position favorable au requérant, au sens des dispositions précitées ;
Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Nancy et la Cour administrative d’appel de Nancy ;
Considérant qu’aux termes de l’article 151 septies du code général des impôts : « Les plus-values réalisées dans le cadre d’une activité agricole, artisanale, commerciale ou libérale par des contribuables dont les recettes n’excèdent pas le double de la limite du forfait ou de l’évaluation administrative sont exonérées, à condition que l’activité ait été exercée pendant au moins cinq ans et que le bien n’entre pas dans le champ d’application de l’article 691. / ( ) Lorsque les conditions visées au premier alinéa ne sont pas remplies, il est fait application : / – des règles prévues aux articles 150 A à 150 S pour les terrains à bâtir et les terres à usage agricole ou forestier ; / – du régime fiscal des plus-values professionnelles prévu aux articles 39 duodecies à 39 quindecies et 93 quater pour les autres éléments de l’actif immobilisé ( ) » ; qu’aux termes de l’article 160 du code général des impôts, alors applicable : « Lorsqu’un associé, actionnaire, commanditaire ou porteur de parts bénéficiaires cède, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l’excédent du prix de cession sur le prix d’acquisition – ou la valeur au 1er janvier 1949, si elle est supérieure – de ces droits est taxé exclusivement à l’impôt sur le revenu au taux de 16 p. 100 ( ) » ;
Considérant que l’administration, qui ne peut renoncer à appliquer la loi fiscale, est en droit, à tout moment de la procédure, de justifier l’impôt sur un nouveau fondement légal, en vertu des dispositions de l’article L. 203 du livre des procédures fiscales, à condition de ne priver le contribuable d’aucune des garanties légales auxquelles il a droit ; que, sans qu’il en résulte la méconnaissance d’une telle garantie, le ministre est fondé à demander que les dispositions susrappelées de l’article 160 du code général des impôts soient substituées à celles des articles 39 duodecies et 39 terdecies du même code pour fonder l’imposition de la plus-value réalisée par M. X lorsqu’il a cédé, par acte du 15 octobre 1997, toutes les actions qu’il possédait de la SA X-Roche, pour la somme de 2 454 954 F ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. X a, par acte du 14 septembre 1992, fait apport de sa clientèle d’expert-comptable à la SA X-Roche, et, par acte du 15 septembre 1992, avec effet au 31 mars 1993, mis sa clientèle de commissaire aux comptes à la disposition de la même société, par un prêt à commodat, impliquant une cessation temporaire de son activité sous la forme libérale ; que M. X, qui a dès lors été président-directeur-général salarié de la SA X-Roche, a, le 10 mai 1993, déclaré à l’administration fiscale, et le 17 mai 1993 au centre de formalité des entreprises, qu’il avait cessé ses activités individuelles à la date du 31 mars 1993 ; que, par suite, il n’est pas fondé à soutenir que la plus-value qu’il avait réalisée en cédant les actions qu’il possédait de la SA X-Roche, dans les conditions susmentionnées, avait été obtenue dans le cadre d’une activité libérale et devait en conséquence être exonérée d’imposition sur le fondement des dispositions susmentionnées de l’article 151 septies du code général des impôts ;
Considérant que le vérificateur a évalué la plus-value réalisée à la somme de 2 454 954 F, correspondant au prix de cession des actions de la SA X- Roche ; que, toutefois, M. X établit que 12 362 de ces actions, d’une valeur nominale de 100 F chacune, lui avaient été cédées en 1993 en rémunération de l’apport de sa clientèle d’expert-comptable ; que la somme correspondante, soit 1 236 200 F, doit être regardée, ainsi que l’admet d’ailleurs à l’instance l’administration, comme correspondant au prix de revient de ces actions, à déduire de leur prix de cession pour déterminer la plus-value imposable ; que, par ailleurs, M. X établit, par la production des bordereaux de chèques correspondants, avoir acquis, également en 1993, 1 349 actions supplémentaires de la SA X-Roche, pour la somme de 148 000 F, qu’il convient également de déduire du prix de cession des actions ; qu’il est ainsi fondé à soutenir, à titre subsidiaire, que la plus-value réalisée lors de la cession de ces actions, imposable en application des dispositions de l’article 160 du code général des impôts, doit être ramenée à la somme de 1 070 754 F, soit 163 235,40 ;
En ce qui concerne la plus-value réalisée à l’occasion du retrait d’actif :
Considérant que M. X a lui-même déclaré à l’administration fiscale avoir procédé, le 31 décembre 1997, à un retrait d’actif, pour un montant de 200 000 F, correspondant à la partie de son immeuble d’habitation affectée à l’usage professionnel, qu’il a alors réintégrée dans son patrimoine privé ;
Considérant que, pour les mêmes raisons que précédemment, M. X n’est pas fondé à soutenir que la plus-value réalisée à cette occasion devait être exonérée d’imposition sur le fondement des dispositions de l’article 151 septies du code général des impôts ;
Considérant que M. X ayant lui-même déclaré avoir procédé au retrait d’actif en 1997, ne peut faire valoir, à titre subsidiaire, que la plus-value correspondante aurait dû être imposée en 1992 et non au titre de l’année 1997 ;
Sur l’application des pénalités de retard :
Considérant qu’aux termes de l’article 1732 du code général des impôts, alors applicable : « Lorsqu’un contribuable fait connaître par une indication expresse portée sur la déclaration ou l’acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d’imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée, ou fait état de déductions qui sont ultérieurement reconnues injustifiées, les redressements opérés à ces titres n’entraînent pas l’application de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, dans une note annexe à sa déclaration de revenus au titre de l’année 1997, M. X a mentionné tant la reprise dans son patrimoine privé, pour un montant de 200 000 F, d’un immeuble figurant à l’actif professionnel et inscrit au tableau des immobilisations, que la cession des actions de la SA X-Roche, pour un montant de 2 454 954 F ; qu’en indiquant dans cette note que les plus-values correspondantes étaient exonérées « du fait d’un chiffre d’affaires inférieur à 350 000 F », M. X doit être regardé comme s’étant implicitement référé aux dispositions précitées de l’article 151 septies du code général des impôts ; que, toutefois, faute d’avoir précisé ses conditions d’activité ainsi que le montant et l’origine du chiffre d’affaires concerné, l’intéressé n’a pas mis l’administration à même de vérifier si les conditions posées par ces dispositions étaient remplies ; qu’ainsi, les indications fournies par le contribuable en annexe de sa déclaration de 1997 n’entraient pas dans les prévisions de l’article 1728, alinéa 2, précitées ;
Sur l’application des pénalités pour mauvaise foi :
Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « 1. Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l’intéressé est établie ( ) » ;
Considérant qu’en se bornant à faire valoir que, par sa profession d’expert-comptable, M. X ne pouvait ignorer les règles d’imposition des plus-values, alors que l’intéressé a pu, compte tenu de l’absence d’objection de l’administration à sa proposition, considérer que le prêt à commodat de sa clientèle de commissaire aux comptes n’impliquait pas qu’il soit regardé comme ayant cessé toute activité libérale, l’administration n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l’intention du contribuable d’éluder l’impôt, et, par suite, sa mauvaise foi au sens des dispositions susmentionnées ; qu’ainsi, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie n’est pas fondé à soutenir, par des conclusions incidentes, que c’est à tort qu’à l’article 4 du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a prononcé la décharge des pénalités pour mauvaise foi qui avaient été appliquées à M. X ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la réduction de la plus-value imposable au titre de la cession des actions de la SA X-Roche de la somme de 2 454 954 F (374 255,32 ) à la somme de 1 070 754 F (163 235,40 ) et la décharge des droits correspondant à la différence ; que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est, de son coté, fondé à demander, par ses conclusions incidentes, l’annulation de l’article 2 du jugement ;
Sur les conclusions à fin d’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 , à payer à M. X au titre des frais exposés par lui dans l’instance d’appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : L’article 2 du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 24 septembre 2002 est annulé.
Article 2 : La plus-value réalisée par M. X à l’occasion de la cession des actions de la SA X-Roche en 1997 est ramenée de la somme de 2 454 954 F (374 255,32 ) à la somme de 1 070 754 F (163 235,40 ).
Article 3 : M. X est déchargé de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur le revenu, de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du prélèvement social de 2 % auxquels il a été assujetti au titre de l’année 1997 à hauteur des droits correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 2.
Article 4 : Le surplus du jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 24 septembre 2002 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L’Etat versera à M. X une somme de 1 000 au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions d’appel principal de M. X et des conclusions d’appel incident du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hugues X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N°02NC01275