Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 29 juillet 1992 la requête présentée par Me Bergères, avocat au barreau de Bordeaux pour M. René X… demeurant à Balnot sur Laignes (Aube) ;
M. X… demande à la Cour administrative d’appel :
1°) d’annuler le jugement du 28 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa requête en décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 1986 ;
2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 juin 1994 :
– le rapport de M. Commenville, Conseiller-rapporteur,
– les observations de Me Y… substituant Me Bergères,
– et les conclusions de M. Piétri, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que par délibération de son assemblée générale en date du 27 avril 1986, le groupement agricole d’exploitation en commun Bonnet père et fils, qui exerçait alors l’activité de récoltant-manipulant en vins de Champagne, a décidé de procéder au remboursement des parts d’intérêts de M. et Mme X… (René) qui entendaient se retirer de toute participation dans son capital ; qu’il a ainsi versé à M. et Mme X… la somme de 1 721 040 F en contrepartie de l’annulation des 808 parts d’intérêts qu’ils possédaient et qui figuraient au bilan pour leur valeur d’origine fixée à 80 800 F ; que M. et Mme X… n’ayant pas inclus le résultat de cette opération dans la déclaration de leur revenu imposable, l’administration, par voie de redressement, a imposé le profit correspondant, d’un montant net de 1 640 240 F, selon le régime des plus-values professionnelles ;
Considérant qu’aux termes de l’article 151 nonies du code général des impôts, applicable notamment aux membres des groupements agricoles d’exploitation en commun régis par la loi du 8 août 1962 : « Lorsqu’un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et ter, soumis en son nom à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels … ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l’application des articles 38, 72 et 93 comme des éléments d’actifs affectés à l’exercice de la profession » ; qu’en vertu de l’article 38, rendu applicable aux bénéfices agricoles par l’article 72, le bénéfice imposable comprend notamment les cessions d’éléments quelconques de l’actif, soit en cours, soit en fin d’exploitation ; qu’il en résulte que la cession par les membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun dont le bénéfice relève d’un régime réel d’imposition, de tout ou partie de leurs parts dans le capital de ce groupement doit être regardée comme correspondant à la cession d’éléments d’actifs susceptible de dégager une plus-value imposable au nom des cédants selon le régime des plus-values professionnelles ;
Sur le principe de l’imposition :
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 7 de la loi du 8 août 1962 relative aux groupements agricoles d’exploitation en commun : « La participation à un groupement agricole d’exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d’exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leurs statuts économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d’exploitation agricole, et à celles des autres familles de chefs d’exploitation agricole » ; que si ces dispositions s’opposent à ce qu’une imposition soit établie à raison des apports faits par un exploitant individuel à un groupement, ou de la restitution desdits apports par le groupement lorsqu’ils sont transférés à l’actif d’une exploitation individuelle, elles ne sauraient en revanche être invoquées lorsque, comme en l’espèce, le membre du groupement cède ses droits contre une somme d’argent, sans reprendre ses apports en nature en vue de poursuivre l’exploitation sous une forme individuelle ; qu’une telle opération s’analyse en effet comme une cession d’entreprise dont les produits sont, quelle que soit la forme juridique de celle-ci, soumis à l’impôt sur le revenu en application des dispositions des articles 38 et 72 du code général des impôts ; que dès lors M. René X… ne saurait valablement soutenir que l’imposition de la plus-value qu’il a réalisée à l’occasion de la cession de ses parts d’intérêts méconnaîtrait les dispositions précitées de la loi du 8 août 1962 ;
Sur le détermination du montant de la plus-value :
Considérant que dans une société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes la valeur de reprise de ses apports par un associé, qui est déterminée en proportion des droits de l’intéressé sur la totalité de l’actif social, est susceptible d’incorporer des bénéfices antérieurs déjà taxés quoique non distribués ; que dès lors pour la détermination de la base de la plus-value imposable résultant de l’opération de remboursement des apports le prix de reprise doit être diminué, le cas échéant, de la quote-part des réserves revenant à l’associé qui y est incluse ;
Considérant que M. René X… soutient que la valeur de reprise de ses apports a incorporé sa part dans les bénéfices des exercices antérieurs mis en réserve ; que toutefois l’état du dossier ne permet pas de se prononcer sur la réalité de cette affirmation, ni, le cas échéant, sur le montant des réserves prises en compte ; qu’il y a lieu en conséquence, à ce titre, avant dire droit, d’ordonner un supplément d’instruction afin de permettre à M. René X… de justifier ses allégations ;
Article 1 : Avant de statuer sur la requête susvisée de M. René X…, il sera procédé à un supplément d’instruction afin de permettre à M. René X… de produire tous documents comptables de nature à établir le montant des réserves figurant au bilan du G.A.E.C. Bonnet père et fils à la date du remboursement de ses parts d’intérêts ainsi que celui de la quote-part desdites réserves qui est éventuellement incluse dans la somme qu’il a perçue.
Article 2 : Il est accordé à M. René X… un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt pour faire parvenir au greffe de la Cour les documents mentionnés à l’article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. René X… et au ministre du budget.