Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
(Deuxième Chambre)
VU, enregistrée au greffe de la Cour, le 15 janvier 1993, sous le n° 93NC00027, la requête présentée par M. Alain TISSERAND demeurant … (Yonne) ;
M. TISSERAND demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement, en date du 20 octobre 1992, par lequel le tribunal administratif de Dijon a refusé de lui accorder la décharge de suppléments d’impôt sur le revenu, auxquels il a été assujetti au titre des années 1981 à 1984 ;
2°) de lui accorder la décharge de ces impositions ;
3°) de condamner l’Etat à lui payer 10 000 F pour frais de procédure ;
VU, enregistré au greffe de la Cour le 2 juin 1993, le mémoire en réponse présenté pour le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de cette requête ;
VU le jugement attaqué ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 novembre 1995 :
– le rapport de M. BATHIE, Conseiller ;
– et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par arrêt de ce jour, la Cour a accordé à la société SATRA la décharge de l’ensemble des impositions qu’elle contestait par sa propre requête et notamment de la pénalité prononcée à son encontre, en application des dispositions de l’article 1763 A du code général des impôts, laquelle avait eu pour effet de majorer les redressements à l’impôt sur les sociétés qui lui avaient été notifiés au titre des exercices clos de 1981 à 1985 ; que, dès lors, les conclusions de la requête de M. TISSERAND, tendant à être déchargé de l’obligation, à laquelle il a été astreint en sa qualité de dirigeant de la SATRA, au paiement solidaire de cette même pénalité, sont devenues sans objet ; qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ces conclusions ;
Sur la compétence territoriale du vérificateur :
Considérant qu’aux termes du 3ème alinéa de l’article 376 de l’annexe II du code général des impôts : « Les fonctionnaires territorialement compétents pour vérifier la situation fiscale d’une exploitation ou d’une entreprise … qu’un contribuable … dirige … peuvent également contrôler les déclarations de revenu global souscrites par ce contribuable … » ;
Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, le service local des impôts de COSNE-SUR-LOIRE, dans la Nièvre, qui avait effectué une vérification de comptabilité de la S.A.R.L. VOYAGES 2 000, ayant son siège dans ce département à SAINT-AMAND-EN-PUISAYE, a ensuite engagé une vérification approfondie de la situation fiscale d’ensemble à l’encontre de M. TISSERAND, gérant et associé majoritaire de la société précitée ; que M. TISSERAND, domicilié à SAINT-FARGEAU, dans l’Yonne, soutient que la S.A.R.L. VOYAGES 2 000 était, de fait, implantée dans cette même commune et qu’en conséquence, les agents relevant des services fiscaux de la Nièvre étaient territorialement incompétents pour engager une vérification de comptabilité de cette société et, par suite, ne pouvaient étendre leur contrôle à celui du revenu global du gérant, en mettant en oeuvre les dispositions de l’article 376 de l’annexe II du code général des impôts précitées ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la S.A.R.L. VOYAGES 2 000 a été déclarée, lors de sa création en 1980, notamment auprès du Registre du Commerce et des sociétés, avec un siège social situé à la mairie de SAINT-AMAND-EN-PUISAYE, dans la Nièvre ; que ses véhicules étaient en outre immatriculés dans ce département ; que les déclarations rectificatives de la société, mentionnant un établissement à SAINT-FARGEAU (Yonne), présenté successivement comme secondaire, puis comme principal, sont postérieures à la vérification de comptabilité contestée et n’ont pu, en tout état de cause, avoir d’incidence sur la régularité de cette procédure ; que ni la circonstance que les correspondances étaient, en fait, reçues et traitées pour la plupart à SAINT-FARGEAU, où les véhicules étaient stationnés, ni celle que la société n’a pas été rendue redevable des impôts locaux à SAINT-AMAND-EN-PUISAYE, où n’existait qu’un siège social fictif, ne sont de nature à rendre le centre des impôts de COSNE-SUR-LOIRE incompétent à l’égard de la société, laquelle avait d’ailleurs adressé à ce centre certaines déclarations, notamment en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu’enfin, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des effets d’une confusion entre son siège officiel et ses installations, qu’elle a elle-même contribué à créer et à entretenir ; qu’il résulte de tous ces éléments que l’Administration était fondée, au cours des années en litige, à considérer que le siège social de la société se trouvait à SAINT-AMAND-EN-PUISAYE, et à confier le contrôle fiscal entrepris au centre local de COSNE-SUR-LOIRE qui avait la commune de SAINT-AMAND-EN-PUISAYE dans son ressort territorial ;
Considérant que, par voie de conséquence, les fonctionnaires territorialement compétents pour vérifier la comptabilité de la société VOYAGES 2 000, pouvaient étendre leurs investigations au revenu global de son gérant, en application des dispositions sus-rappelées de l’article 376 de l’annexe II du code général des impôts ; que le moyen tiré de l’incompétence territoriale du vérificateur doit par suite être écarté ;
Sur les revenus réputés distribués par la S.A.R.L. VOYAGES 2 000 :
Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués … 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices … » ;
Considérant que, en application de ces dispositions, le vérificateur a requalifié de revenu distribué par la S.A.R.L. VOYAGES 2 000 une somme de 700 771,50 F apparue au crédit du compte courant d’associé de M. TISSERAND dans le bilan de 1983, la société n’ayant par ailleurs tenu aucune comptabilité les années précédentes ; que si M. TISSERAND soutient que cette somme était la contrepartie des avances qu’il aurait consentie à la société pour l’achat de véhicules, il n’apporte aucune justification à l’appui de cette allégation, que la constatation faite par le vérificateur du règlement des achats de ces véhicules par un débit du compte bancaire de la société rend d’ailleurs peu crédible ; qu’en fonction de ces éléments, l’administration a pu, à bon droit, regarder comme un revenu distribué par la société, le crédit inexpliqué du compte courant de son gérant et réintégrer cette somme dans le revenu imposable de ce dernier, en application des dispositions précitées de l’article 109-1-2° du code général des impôts ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. TISSERAND n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a refusé de lui accorder la décharge des impositions demeurant en litige ;
Sur les frais de procédure :
Considérant qu’aux termes de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;
Considérant que M. TISSERAND obtient partiellement satisfaction dans la présente instance ; qu’il y a lieu, en application de l’article L.8-1 précité, de condamner l’Etat à lui verser une somme de 5 000 F pour les frais exposés dans la procédure ;
Article 1 : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. Alain TISSERAND tendant à être déchargé de son obligation de payer, solidairement avec la société SATRA, la pénalité infligée à cette dernière en application de l’article 1763-A du code général des impôts.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête susvisée de M. Alain TISSERAND est rejeté.
Article 3 : L’Etat versera à M. TISSERAND une somme de 5 000 F au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Alain TISSERAND et au ministre de l’économie et des finances.