Cour administrative d’appel de Nancy, 2e chambre, du 26 octobre 1995, 94NC01271, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nancy, 2e chambre, du 26 octobre 1995, 94NC01271, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

(Deuxième chambre)

VU la requête, enregistrée le 17 août 1994 au greffe de la Cour, présentée pour la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE », société anonyme dont le siège social est situé … (Nièvre), représentée par son président-directeur général, par la SCP Lechat-Tracol-Boyer, avocats au barreau de Nevers ;

La SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE » demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement du 24 mai 1994 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes en décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1988 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes ;

3°) subsidiairement, d’ordonner une nouvelle expertise avec mission pour l’expert de prendre connaissance des pièces du dossier, d’examiner les lieux, de rechercher et décrire des éléments de comparaison et de déterminer pour les années 1974 à 1981 la valeur locative du terrain sur lequel est implanté l’hôtel qu’elle exploite ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 10 000F au titre des frais irrépétibles ;

VU le mémoire en défense, enregistré le 10 mars 1995, présenté au nom de l’Etat par le ministre du budget ; le ministre conclut au rejet de la requête ;

VU le jugement attaqué ;

VU les autres pièces du dossier ;

VU le code général des impôts ;

VU le livre des procédures fiscales ;

VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 septembre 1995 :

– le rapport de M. VINCENT, Conseiller,

– les observations de Me X…, de la SCP Lechat-Tracol-Boyer, avocat de la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE »,

– et les conclusions de M. COMMENVILLE, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure de première instance :

Considérant que le tribunal administratif de Dijon a, par jugement avant-dire-droit en date du 27 octobre 1992, commis un expert à l’effet de déterminer pour les années 1974 à 1981 la valeur locative du terrain sur lequel est implanté l’hôtel exploité par la société requérante ; que si l’expert a convoqué les parties sur les lieux et recueilli sur place leurs explications, il est constant qu’il n’a ni associé celles-ci aux constatations matérielles qu’il a effectuées concernant les transactions mentionnées dans son rapport en tant qu’éléments de comparaison, ni à défaut communiqué auxdites parties les résultats de ses investigations afin de les mettre à même d’en discuter avant de déposer son rapport ; que cette expertise est par suite dépourvue de caractère contradictoire ; que le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 24 mai 1994, qui s’est fondé sur cette expertise, a ainsi été rendu à la suite d’une procédure irrégulière et doit dès lors être annulé ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE » devant le tribunal administratif de Dijon ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, d’une part, que, par une première notification en date du 28 janvier 1983, portant sur les exercices clos de 1974 à 1981, l’administration a estimé que le loyer versé par la société requérante à la SCI Lafitte Loire et reversé par celle-ci à la SCI Nevers Médine présentait un caractère exagéré eu égard à la valeur locative normale du terrain et redressé en conséquence les résultats de chacun de ces exercices à concurrence de l’excédent dudit loyer sur la valeur locative réelle de l’immeuble telle qu’expressément indiquée ; que, par une nouvelle notification en date du 10 juillet 1986 portant sur les années 1984 et 1985, l’administration, en se référant expressément à la précédente notification, a indiqué qu’il résultait de celle-ci une réduction des déficits reportables et des amortissements différés et précisé le nouveau montant des déficits et amortissements différés à prendre en considération pour déterminer les résultats des exercices clos les 31 octobre 1984 et 1985 ; que cette dernière notification, qui fait seule l’objet du moyen soulevé par la requérante, indique ainsi les motifs de droit et de fait à l’origine des redressements et doit par suite être regardée comme suffisamment motivée ;

Considérant, d’autre part, que, par une troisième notification en date du 24 octobre 1989 portant sur les exercices clos de 1986 à 1988, le service des impôts a constaté qu’il résultait de la précédente notification qu’il n’existait plus au 31 octobre 1985 de déficit reportable ni d’amortissements réputés différés et a, par voie de conséquence, réintégré aux résultats desdits exercices les montants que la société requérante en avait déduits à titre d’amortissements réputés différés ; qu’en énonçant ce constat et en précisant les sommes en cause, l’administration a suffisamment motivé ladite notification ;

Sur le bien-fondé de l’imposition :

Considérant que l’administration a estimé qu’eu égard à la communauté d’intérêts unissant la société Nivernaise de gestion hôtelière à la SCI Nevers-Médine, propriétaire des terrains, et résultant de ce que ces deux sociétés étaient contrôlées par un même actionnaire majoritaire, le fait pour la première nommée de verser à la seconde un loyer regardé comme excessif était constitutif d’un acte anormal de gestion ;

Considérant que si l’appréciation du caractère anormal d’un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l’administration d’établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que les notifications de redressement précitées n’ont donné lieu à aucune observation de la société requérante dans le délai de trente jours à compter de leur réception ; que la société requérante s’étant ainsi abstenue de répondre dans le délai légal auxdites notifications, il lui appartient de démontrer que les faits invoqués par l’administration ne relevaient pas d’une gestion anormale ;

Considérant que, pour évaluer le loyer normal qu’aurait dû acquitter selon elle la société requérante au titre des années 1974 à 1981, l’administration a appliqué au prix d’acquisition en 1970 du terrain d’assiette de l’hôtel un taux de rentabilité de 30 %, déterminant ainsi une valeur locative qu’elle a ensuite multipliée par un coefficient de dépréciation monétaire propre à chacune de ces années ; qu’en l’absence, non contestée, de toute référence permettant d’apprécier la valeur vénale du terrain par voie de comparaison avec celle de terrains ayant fait l’objet de transactions à l’époque de l’acquisition et présentant, à ladite époque, des caractéristiques semblables, à savoir celles de terrains présentant une superficie comparable, situés en zone inondable et dont la constructibilité était, au plan juridique, subordonnée à la délivrance d’une dérogation et, au plan physique, à des contraintes de mise hors d’eau entraînant des surcoûts importants à la charge du constructeur, la méthode ainsi retenue par l’administration, qui est une méthode reconnue pour l’appréciation de la valeur vénale des immobilisations, apparaît comme pertinente ;

Considérant il est vrai que la société requérante soutient, en s’appuyant sur les conditions de transactions portant sur des immeubles selon elle moins biens situés par rapport au centre commercial de l’agglomération, que la valeur locative résultant de la méthode retenue par l’administration aboutirait à une large sous-estimation ; que, toutefois, les termes de comparaison ainsi proposés par la société, qui se réfère à des transactions intervenues en 1990, portant sur des terrains juridiquement constructibles et situés en dehors de toute zone inondable, alors que le terrain d’emprise de l’immeuble en cause était devenu inconstructible, ne sauraient fonder une méthode d’évaluation plus précise que celle de l’administration ; que, par suite, la société requérante ne peut être regardée comme rapportant la preuve du caractère normal du loyer qu’elle a acquitté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner la nouvelle expertise sollicitée à titre subsidiaire, que la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE » n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le directeur des services fiscaux de la Nièvre a refusé de faire droit à sa demande en décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1988 par voie de conséquence du rehaussement de ses bases d’imposition des années 1974 à 1981 résultant de la substitution des valeurs locatives arrêtées par l’administration aux loyers déduits par la société requérante ;

Sur les conclusions tendant à l’allocation des sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu’aux termes de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant que l’Etat n’est pas partie perdante dans la présente instance ; que, par suite, les conclusions de la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE » tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 10 000F à titre des frais irrépétibles doivent être rejetées ;

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 24 mai 1994 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE » devant le tribunal administratif de Dijon et les conclusions tendant au versement des frais irrépétibles sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE NIVERNAISE DE GESTION HOTELIERE « PLM LOIRE » et au ministre de l’économie, des finances et du plan.


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