Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 30 juillet 1992 au greffe de la Cour, présentée pour M. Bertrand X…, demeurant … ;
M. X… demande à la Cour :
1° d’annuler le jugement du 28 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 novembre 1993 :
– le rapport de M. VINCENT, Conseiller,
– et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;
Considérant que M. Bertrand X… était actionnaire majoritaire et président-directeur général de la S.A. « Domaine de Belvoir », créée le 24 novembre 1980 et dont l’objet était l’exploitation d’un terrain de camping-caravaning ; que l’administration a réintégré dans son revenu imposable diverses sommes correspondant à des remboursements en capital, intérêts d’emprunt et autres frais occasionnés par la mise en règlement judiciaire de ladite société survenue le 26 septembre 1984, que le requérant avait déduites de son revenu global au titre des années 1985, 1986 et 1987 en tant que déficits commerciaux ;
Sur la déduction du versement effectué au crédit d’équipement des P.M.E. :
Considérant qu’aux termes de l’article 13 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l’espèce : « Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut … sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu. Le revenu global net annuel servant de base à l’impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus net visés aux I à VII bis de la 1ère sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés à l’article 156-I … » ; qu’aux termes de l’article 83 du même code, qui concerne l’imposition du revenu dans la catégorie des traitements et salaires : « Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés … 3° les frais inhérents à la fonction ou à l’emploi lorsqu’ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales » ; qu’enfin l’article 156-I du même code autorise sous certaines conditions que soit déduit du revenu global d’un contribuable le « déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus » ; qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que sont déductibles du revenu global les versements effectués par un dirigeant salarié d’une société en exécution d’un engagement de caution souscrit pour garantir le remboursement d’un emprunt effectué par cette société lorsque cet engagement peut être regardé comme effectué en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un revenu salarial ;
Considérant que s’il est constant que M. et Mme Bertrand X… se sont portés cautions solidaires des prêts de 2 600 000 F et de 1 200 000 F consentis par le crédit d’équipement des P.M.E. à la Société « Domaine de Belvoir », le requérant ne produit aucune justification tendant à prouver qu’il aurait effectivement acquitté en 1986 une dépense de 663 439 F en exécution de cet engagement ; qu’en tout état de cause, si le requérant, qui ne disconvient pas n’avoir perçu aucune rémunération, soutient que l’importance de la trésorerie de la société telle qu’elle ressort des états prévisionnels communiqués à l’établissement prêteur lui aurait permis d’obtenir une rémunération de l’ordre de un million de francs par an en 1983 et 1984, il résulte de l’instruction que cette trésorerie résultait pour l’essentiel du produit inutilisé des emprunts et non de l’activité de la société, ainsi que l’admet d’ailleurs l’intéressé, qui souligne dans le premier état de ses écritures que le retard de mise en oeuvre effective du projet pour des raisons techniques et financières explique l’absence de rémunération au titre desdites années ; que l’engagement de caution souscrit étant ainsi hors de proportion avec les revenus salariaux obtenus ou susceptibles d’être raisonnablement escomptés à raison de l’activité de la société, le versement allégué ne saurait être regardé comme une dépense effectuée en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un revenu, mais constituerait une perte en capital dont aucun texte ne permet la déduction du revenu global ;
Sur la déduction des versements effectués auprès du Crédit du Nord et de l’Union bancaire du Nord :
Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que le prêt de 1 200 000 F contracté auprès du Crédit du Nord et de l’Union bancaire du Nord a été souscrit par M. et Mme Bertrand X… en leur nom propre ; qu’à supposer même que la clause de l’acte authentique en date du 27 mars 1981 selon laquelle les sommes empruntées doivent servir exclusivement à « l’apport nécessaire » pour la création du camping doive être interprétée comme ne signifiant pas uniquement qu’elles ont pour objet de constituer l’apport personnel dans la constitution du capital de la société, mais également de grever le produit de cet emprunt d’une affectation exclusive à la disposition de celle-ci et qu’ainsi cet engagement doive être regardé comme effectué dans l’intérêt et pour le compte de la société « Domaine de Belvoir », le requérant n’établit pas, en tout état de cause, que les fonds ainsi empruntés aient été versés à ladite société ; que, par suite, les versements effectués auprès du Crédit du Nord et de l’Union bancaire du Nord en remboursement de ces emprunts et des intérêts y afférents ne sauraient constituer des charges déductibles du revenu global de M. X… ;
Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction que l’engagement d’un montant de 800 000 F dont le requérant a porté le remboursement en déduction de ses revenus imposables se rapporte à la souscription en son nom propre par M. Pascal X…, membre de la famille du requérant, dont il n’est pas allégué qu’il appartienne à son foyer fiscal, d’un billet à ordre venant en garantie du solde débiteur de la société « Domaine de Belvoir » dans les comptes du Crédit du Nord ; que le fait pour M. Bertrand X… de procéder au remboursement de cet emprunt doit être regardé comme constituant la prise en charge de la dette d’un tiers, correspondant à un versement en capital ne pouvant donner lieu à déduction du revenu imposable ;
Sur la déduction des frais de procédure et remboursements à la société AUXIGA :
Considérant que le ministre du budget soutient sans être contredit que les frais de procédure et remboursements effectués à la société AUXIGA déduits des revenus imposables du requérant au titre des années 1985 et 1986, constituent des dettes de la société « Domaine de Belvoir » ; que le règlement spontané par un dirigeant de dettes sociales d’une entreprise déclarée en règlement judiciaire n’est pas au nombre des dépenses susceptibles d’être admises en déduction de son revenu global ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. X… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1985, 1986 et 1987 ;
Article 1 : La requête de M. X… est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. X… et au ministre du budget, porte-parole du gouvernement.