Cour administrative d’appel de Nancy, 2e chambre, du 11 février 1993, 90NC00396, inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Nancy, 2e chambre, du 11 février 1993, 90NC00396, inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée le 16 juillet 1990 sous le n° 90NC00396 la requête présentée par M. José BOUCHE demeurant … EPERNAY ;

M. José BOUCHE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement en date du 9 mai 1990 par lequel le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté sa demande en décharge du complément d’impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983 dans les rôles de la commune de PIERRY ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l’administration la totalité des dépens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 janvier 1993 :

– le rapport de M. COMMENVILLE, Conseiller,

– les observations de Me CHAMEROY, avocat de M. José X…,

– et les conclusions de M. PIETRI, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société anonyme BOUCHE Père et Fils, qui exerce l’activité d’exploitant viticole négociant en vins de Champagne et dont les associés détenant plus de 99 % du capital social sont également porteurs, ensemble, de la totalité des parts du groupement foncier agricole du Point du Jour, a pris en location par bail à ferme à long terme en date du 3 novembre 1977 la totalité du domaine viticole appartenant audit groupement, soit 24 hectares, 80 ares et 87 centiares de vignobles ; qu’à la suite d’une vérification de comptabilité de la société BOUCHE Père et Fils, l’administration fiscale a estimé que les fermages versés par cette dernière au groupement foncier agricole du Point du Jour au cours des exercices clos les 31 octobre des années 1980, 1981, 1982 et 1983 excédaient la valeur locative réelle du vignoble pris à ferme et que cet excédent de fermage n’avait d’autre cause qu’une collusion d’intérêts entre le groupement foncier agricole du Point du Jour et la société BOUCHE Père et Fils ; qu’elle a en conséquence regardé cette dernière comme ayant ainsi effectué un acte anormal de gestion, et, conformément à l’avis émis sur ce point par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, a réintégré dans les résultats de cette société imposables à l’impôt sur les sociétés le montant de la fraction des loyers jugée excessive ; qu’eu égard à la circonstance que M. José BOUCHE était à la fois actionnaire de la S.A. BOUCHE Père et Fils et membre du groupement agricole foncier du Point du Jour, l’administration a estimé que lesdites sommes, ainsi réintégrées dans les résultats de la société et regardées comme constituant des bénéfices distribués par elle, avaient été appréhendées notamment par M. Y… BOUCHE en proportion de ses droits dans le groupement foncier agricole ; qu’elle les a ainsi incluses dans les bases d’imposition du requérant à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à concurrence de 34 280 F au titre de 1980, 106 236 F au titre de 1981, 30 860 F au titre de 1982 et 93 089 F au titre de 1983 ;

Sur la régularité de l’avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires à la demande de la S.A. BOUCHE Père et Fils :

Considérant que M. José BOUCHE, qui ne conteste pas la régularité de la procédure suivie pour établir l’imposition dont il a personnellement fait l’objet, se borne à invoquer les irrégularités qui, selon lui, auraient entaché la procédure de redressement suivie à l’encontre de la S.A. BOUCHE Père et Fils, et notamment l’avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires rendu à la demande de cette société ; que ces irrégularités, à même les supposer établies, sont en tout état de cause sans influence sur l’imposition personnelle du requérant ; qu’ainsi ce moyen est inopérant ;

Sur le bien-fondé des redressements :

Considérant qu’au titre des exercices clos au cours des années 1980 à 1983 la société BOUCHE Père et fils a déduit des annuités de fermage correspondant respectivement à la valeur par hectare de 3 120, 2 160, 3 432 et 3 648 kilogrammes de raisin ; que cette variation annuelle du montant du fermage résultait des clauses du bail à ferme à long terme que la société avait conclu avec le groupement foncier agricole du Point du Jour, en vertu desquelles le fermage correspondant au minimum à la valeur de 1 800 kilogrammes de raisin par hectare devrait être majoré en proportion de cette augmentation lorsque la quantité de récolte maximale autorisée chaque année pour l’appellation commerciale serait supérieure à 7 500 kilogrammes par hectare ; que les redressements litigieux procèdent de ce que l’administration, considérant que les conditions sus-analysées du bail à ferme présentent un caractère anormal, a limité pour chaque année à la valeur de 2 000 kilogrammes de raisin par hectare le montant des fermages susceptible d’une part d’être déduit des résultats de la société et d’autre part d’être imposés au nom des bailleurs dans la catégorie des revenus fonciers ; qu’elle a en conséquence imposé la fraction des loyers regardée comme étant anormale au nom des bénéficiaires, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant que pour apporter la preuve dont elle a la charge à l’égard des bénéficiaires des distributions de bénéfice du caractère excessif des loyers payés par la S.A. BOUCHE Père et Fils, l’administration, d’une part, soutient que le principe de l’indexation à la hausse du montant des fermages en fonction des plafonds autorisés pour l’appellation « Champagne » est en contradiction avec les règles du bail à ferme telles qu’elles sont fixées par l’article L. 411-11 du code rural, et, d’autre part, se prévaut de l’avis rendu par la commission départementale des impôts dans la procédure engagée avec la société selon lequel les fermages litigieux sont excessifs au regard des fermages de même nature et des usages de la région ; qu’elle en déduit qu’en l’absence de détermination par l’autorité préfectorale pour les années litigieuses des maxima et minima de quantités de denrées à prendre en compte pour fixer le prix du fermage, telle que cette détermination est prévue par l’article L. 411-11 susmentionné du code rural, les quantités effectivement retenues durant les années litigieuses étaient excessives ;

Considérant en premier lieu, alors que le requérant conteste l’affirmation selon laquelle le bail litigieux serait contraire au statut du fermage, qu’à même la supposer établie, cette circonstance est en tout état de cause sans influence sur le bien-fondé des impositions ;

Considérant en second lieu, alors que les redressements contestés sont intervenus, comme il a été dit ci-dessus en l’absence de fixation par l’autorité administrative des quantités maximum de denrées à retenir pour la fixation du prix du fermage, et d’autre part en l’absence de désignation par le service ou par la commission des impôts d’exploitations viticoles ou de baux à fermes comparables qui pourraient être utilement opposés aux contribuables, que le requérant a versé au dossier l’arrêté préfectoral du 29 juillet 1991 aux termes duquel  » … les loyers applicables aux baux de vignes plantées ayant droit à l’appellation « Champagne » sont compris pour un bail, tel le bail à long terme, dont la durée est égale ou supérieure à 18 ans, entre un minimum fixé à 1 200 kilogrammes de raisin par hectare et un maximum fixé à 2 600 kilogrammes par hectare » ; que ce document, eu égard à sa nature réglementaire et aux évaluations qu’il contient, lesquelles transposables en l’absence de circonstances particulières aux exercices en litige sont moins restrictives que celles qu’a retenues la commission départementale des impôts, est de nature à établir que dans les circonstances de l’espèce le service n’apporte pas la preuve du caractère excessif des fermages litigieux en deçà d’une valeur de 2 600 kilogrammes de raisin par hectare ; qu’en revanche en se référant comme elle l’a fait aux usages de la région viticole, alors que la référence à ces usages n’est nullement contredite ni par l’arrêté préfectoral susmentionné, ni par l’exposé général et théorique des différents modes d’exploitation de la vigne auquel se livre le requérant sans préciser sur quelles pièces comptables ou extra-comptables pourraient s’exercer les investigations d’un expert, l’administration doit être regardée comme ayant établi que les loyers litigieux présentaient un caractère anormal et excessif en ce qui concerne la fraction des annuités qui excède chaque année la valeur de 2 600 kilogrammes de raisin par hectare ; qu’il en résulte que, sans qu’il soit besoin d’ordonner l’expertise sollicitée, M. José BOUCHE est seulement fondé à prétendre à la réformation du jugement attaqué en tant qu’il n’a pas limité pour chaque année d’imposition les redressements litigieux déterminés en ce qui le concerne en proportion de ses droits dans le groupement foncier agricole du Point du Jour, à la seule fraction des fermages versés audit groupement par la S.A. BOUCHE Père et Fils qui excédait la valeur de 2 600 kilogrammes de raisin par hectare ;

Sur la demande d’allocation des dépens :

Considérant qu’en l’absence de frais d’expertise, d’enquête ou de toute autre mesure d’instruction engagés tant en première instance qu’au cours de la procédure d’appel, le requérant n’est pas fondé à demander que les dépens soient mis à la charge de l’administration ;

Article 1 : Pour la détermination des bases de l’impôt sur le revenu assignées à M. Y… BOUCHE au titre des années 1980, 1981, 1982 et 1983, le montant des revenus de capitaux mobiliers résultant de la qualification en tant que tels de la fraction des fermages payés par la S.A. BOUCHE Père et Fils au groupement foncier agricole du Point du Jour doit être limité, en proportion des droits de M. Y… BOUCHE dans ce groupement, à la fraction desdites annuités qui excède pour chacun des exercices en litige la valeur de 2 600 kilogrammes de raisin par hectare.

Article 2 : M. José BOUCHE est déchargé des droits et pénalités correspondant à la réduction de la base d’imposition définie à l’article 1.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. José BOUCHE est rejeté.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne en date du 9 mai 1990 est réformé en ce qu’il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. José BOUCHE, et au ministre du budget.


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