Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2006, complétée par mémoire enregistré le 30 juillet 2007, présentée pour M. Georges X, demeurant …, par Me Gerardin, avocat membre du CMS Bureau Francis Lefebvre ; M. X demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0301516 en date du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a partiellement rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu, à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1996 à 1999 et des pénalités y afférentes, mises en recouvrement le 31 décembre 2001 ;
2°) de prononcer la décharge des impositions susmentionnées ;
3°) subsidiairement, de surseoir à statuer sur le montant de rehaussement de la plus-value de cession des titres de la société FIBA jusqu’à ce que le prix de cession desdits titres soit définitivement fixé ;
4°) de prononcer le dégrèvement des impositions supplémentaires auxquelles il a été assujetti à la suite de l’annulation des déficits fonciers de la SCI SIFALOR et de la SCI X au titre des années 1997, 1998 et 1999 ;
5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
– le jugement est partiellement irrégulier pour avoir omis de statuer sur sa demande en décharge des impositions supplémentaires résultant des rehaussements des résultats de la SCI X ;
– c’est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’examen de sa situation fiscale personnelle, alors que c’est à la suite de celle-ci que l’administration a arrêté le rechaussement de la plus-value de cession des titres de la société FIBA ;
– la durée du contrôle a été irrégulièrement prorogée ;
– la procédure d’examen de situation fiscale personnelle n’a pas respecté le principe du contradictoire ;
– les redressements afférents à l’annulation des déficits fonciers à la suite des redressements notifiés à la SCI SIFALOR sont mal fondés, dès lors que les emprunts contractés ont servi à la conservation des immeubles et à payer des droits de donation afférents à des parts sociales desdites sociétés ;
– la circonstance que les emprunts relatifs aux droits de mutation aient été souscrits par la SCI SIFALOR ne saurait faire obstacle à la déductibilité des intérêts y afférents, dès lors que ses résultats sociaux sont imposés au nom de M. X en raison de sa qualité d’usufruitier des parts de la société et que, suivant la jurisprudence du Conseil d’Etat, la déductibilité des intérêts d’emprunt est uniquement conditionnée par le fait que l’emprunt a été souscrit pour le compte et dans l’intérêt du propriétaire ;
– les redressements consécutifs au contrôle de la SCI X sont également mal fondés dès lors que les prêts souscrits par elle ont permis, d’une part, de rembourser partiellement l’avance en compte courant consentie par M. X, en sa qualité d’associé, laquelle revêt un caractère de prêt et, d’autre part, ont permis d’éviter la liquidation de la société et avaient de ce fait pour objet la conversation des biens immobiliers de la société au sens de l’article 31-1-1° d du code général des impôts ;
– les redressements afférents au rejet des déductions des intérêts des prêts contractés par la SCI SIFALOR auprès de la SARL FINALOR sont également mal fondés car les emprunts en cause ont été souscrits pour faire face à des dépenses exceptionnelles de réparation ;
– le rehaussement en base de la plus value de cession des titres de la société FIBA n’est justifié qu’à hauteur de 37 060,35 euros pour tenir compte du prix de cession desdits titres fixé par jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 4 mai 2006 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistrés les 1er mars 2007 et 12 février 2008, les mémoires en défense présentés par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie qui conclut au rejet de la requête aux motifs que :
– le jugement n’est pas irrégulier, le tribunal ayant évoqué le redressement issu du contrôle de la SCI X ;
– la procédure d’examen de situation fiscale personnelle a été régulière, tant en ce qui concerne les délais de vérification qui ont été à bon droit prorogés en raison de l’absence de communication par M. X, dans les délais, de l’intégralité des relevés bancaires, qu’en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure :
– la déduction des intérêts des prêts bancaires contractés par la SCI SIFALOR a été à bon droit remise en cause, dès lors que ceux-ci n’avaient pas directement pour objet la conservation des biens de la société ;
– M. X ne pouvait, en sa qualité d’usufruitier, déduire des intérêts d’emprunt contractés pour acquérir des droits sociaux, dès lors que cette possibilité n’est ouverte qu’aux nus-propriétaires ;
– aucun justificatif des travaux de réfection et d’amélioration pour la réalisation desquels les emprunts auraient été contractés n’est produit ;
– le prêt contracté par la SCI X pour rembourser partiellement le compte courant d’associés n’ouvre pas droit à la déduction des intérêts dès lors qu’il n’avait pas pour objet ceux définis à l’article 31-1-1° du code général des impôts ;
– les clauses de garantie de passif n’ont pas d’incidence sur la plus-value imposable qui doit être calculée à la date de la cession, en sorte que c’est à bon droit qu’a été calculé le redressement en fonction du prix des titres de la société FIBA, tel que figurant dans les conventions de cession ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre de procédure fiscale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mars 2008 :
– le rapport de Mme Stahlberger, présidente,
– et les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que parmi les déficits fonciers déclarés par M. X au titre des années 1997 et 1998 et remis en cause par l’administration fiscale figuraient ceux afférents aux intérêts d’un emprunt de 2 000 000 F contracté par la SCI X, dont il est le gérant, auprès de la banque CIAL, ayant pour objet, selon les déclarations de l’intéressé, le remboursement partiel du compte courant d’associés ; qu’il est constant que le jugement attaqué qui a entériné le redressement afférent au redressement des résultats de la SCI X n’a pas statué sur le bien-fondé de celui-ci ; que, dès lors, le jugement attaqué du Tribunal administratif de Strasbourg, en date du 1er juin 2006, est entaché d’une insuffisance de motivation et doit, sur ce point, être annulé ;
Considérant qu’il y a lieu de statuer sur la demande en décharge des impositions supplémentaires consécutives au rehaussement des résultats de la SCI X par la voie de l’évocation et, par la voie de l’effet dévolutif, sur le surplus des conclusions présenté par M. X devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne les revenus fonciers afférents aux déficits fonciers de la SCI X :
Considérant qu’aux termes de l’article 31-1 du code général des impôts : «Les charges de la propriété déductible pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : ( ) d. les intérêts des dettes contractées par la conservation, l’acquisition, la construction, la réparation ou l’amélioration des propriétés» ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SCI X, dont M. X est gérant majoritaire, a contracté le 4 novembre 1997 auprès de la banque CIAL un prêt de 2 000 000 F ayant pour objet, selon la réponse du contribuable à la notification de redressement adressée à ladite société, le remboursement partiel de son compte courant dans la société ; que si les dispositions précitées peuvent s’appliquer aux dettes contractées par une société civile immobilière auprès de ses propres associés, sous la forme de sommes laissées par ces derniers en compte courant en sus de leur apport en capital, il appartient cependant au contribuable d’établir une corrélation entre le montant des fonds mis à la disposition de la société en compte courant et le montant des sommes qui ont été utilisées pour la réalisation des fins prévues par lesdites dispositions ;
Considérant qu’en l’espèce, M. X, associé majoritaire de la SCI X n’établit pas que les fonds mis à disposition de celle-ci en compte courant aient eu pour objet la conservation des immeubles de la société à raison de laquelle elle a déduit les intérêts versés ; que ces intérêts n’étaient, par suite, pas déductibles ;
En ce qui concerne les revenus fonciers afférents aux déficits fonciers de la SCI SIFALOR :
Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la SCI SIFALOR, dont M. X est titulaire de parts, a contracté, le 21 novembre 1992, un emprunt d’un montant de 1 550 000 F qui a été porté à 1 677 360 F, par un avenant en date du 31 juillet 1995 ; que ce prêt était destiné d’une part au remboursement d’un emprunt de 750 000 F, souscrit le 4 août 1989, qui a servi à payer les droits de mutation à titre gratuit dus par les petits-fils de Mme X, bénéficiaires de la donation faite par celle-ci de la nue propriété des parts sociales qu’elle détenait dans la SCI SIFALOR à la suite de l’apport en nature effectué par elle de l’immeuble dont elle était propriétaire et, d’autre part, à la réalisation de travaux de réparation ; que, le 3 juin 1998, la SCI SIFALOR a conclu un nouveau prêt de 1 593 466,91 F destiné à rembourser le solde du prêt contracté le 21 novembre 1992 ; que l’administration fiscale a remis en cause la déduction des intérêts de ces deux prêts des revenus fonciers de M. X au titre des années 1997 et 1998 ; que, d’une part, si comme le soutient à bon droit M. X, les intérêts d’un emprunt contracté pour le paiement des droits de mutation à titre gratuit sont effectivement déductibles, c’est, toutefois, à la condition que les droits de mutation en cause se rapportent à l’incorporation d’un immeuble dans le patrimoine du souscripteur de l’emprunt ; qu’il résulte des énonciations précitées que tel n’est pas le cas en l’espèce, l’emprunt de 750 000 F contracté en 1989 par la SCI SIFALOR l’ayant été pour le paiement des droits de mutation dus par les petits-fils de Mme X, bénéficiaires de la donation par celle-ci, à leur profit, de la nue propriété de ses parts sociales dans ladite SCI ; que, d’autre part, M. X ne justifie pas de la réalité des travaux qu’il prétend avoir été réalisés par la SCI SIFALOR à hauteur de 173 004,09 F ; que, par suite, M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que l’administration fiscale a rejeté la déduction des intérêts des prêts en cause de ses revenus fonciers des années 1997 et 1998 ;
Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction de la SARL FINALOR a accordé à la SCI SIFALOR plusieurs prêts au cours des années 1996, 1997 et 1998, pour un montant total de 1 000 000 F ; que l’administration fiscale a également remis en cause la déduction des intérêts de ces emprunts des revenus fonciers de M. X au titre des années 1997 et 1998 ; que si M. X soutient que ces emprunts étaient destinés à hauteur de 456 911 F à la réalisation de travaux, la simple mention de ceux-ci dans ses déclarations de revenus ne permet pas d’en établir la réalité ; que, par suite, c’est à bon droit que l’administration a réintégré les intérêts des emprunts en cause dans les revenus fonciers de l’intéressé au titre des années 1997 et 1998 ;
En ce qui concerne la plus-value de la cession des titres de la SA FIBA :
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant, d’une part que, le rehaussement de la plus-value de cession des titres de la société FIBA est consécutif à l’examen de la situation fiscale personnelle de M. X, en sorte que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal administratif de Strasbourg, le moyen tiré de l’irrégularité de ladite procédure et tenant à la durée excessive de l’examen de la situation fiscale du contribuable et à la méconnaissance du caractère contradictoire de celui-ci, n’est pas inopérant ;
Considérant d’autre part et en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 12 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable : «Sous peine de nullité de l’imposition, un examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle ne peut s’étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l’avis de vérification. Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l’article L. 16 A. Elle est également prorogée des trente jours prévus à l’article L. 16 A et des délais nécessaires à l’administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n’a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l’administration «( )» ; qu’aux termes de l’article L. 47 du même livre : «Un examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle d’une personne physique au regard de l’impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l’envoi ou la remise d’un avis de vérification ( ) L’avis envoyé ou remis au contribuable avant l’engagement d’un examen contradictoire de l’ensemble de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte» ; qu’il résulte de ces dispositions qu’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut normalement s’étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l’avis de vérification ; que cependant, lorsque le contribuable n’a pas usé de sa faculté de produire ses relevés de compte dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l’administration, ce délai peut être prorogé des délais nécessaires à l’administration pour obtenir les relevés de compte courant dès le 61ème jour suivant la demande faite au contribuable par l’administration, sauf lorsque le contribuable a produit avant cette date les coordonnées exactes de l’intégralité de ses comptes, auquel cas le point de départ des délais ne court qu’à compter de la date à laquelle l’administration demande aux établissements teneurs de ces comptes que ces relevés lui soient remis ;
Considérant que M. X a été informé de l’engagement de l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle par avis en date du 25 octobre 1999 pour les années 1997 et 1998, lequel mentionnait qu’il disposait d’un délai de soixante jours pour produire les relevés de comptes bancaires ouverts à son nom ; que l’intéressé n’a produit que le 13 janvier 2000 ses relevés de compte, soit après l’expiration du délai mentionné ; que, constatant que lesdits relevés n’étaient pas complets, l’administration a demandé le 28 février 2000 auprès de la banque CIAL les relevés manquants, qui lui ont été adressés le 9 juin 2000 ; que la période de vérification qui expirait normalement le 25 octobre 2000 pouvait ainsi être prorogée du délai nécessaire à l’administration pour obtenir lesdits relevés courant du 61ème jour suivant la demande faite par l’administration au contribuable de produire les relevés de comptes le concernant, soit le 25 octobre 1999, jusqu’à la date de réception des relevés de comptes dont il n’avait pas révélé l’existence, soit le 9 juin 2000 ouvrant ainsi un délai de prorogation de 165 jours ; que l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle a été clos par l’envoi de la notification de redressement au contribuable le 8 décembre 2000, soit un an et treize jours après la date de réception de l’avis de vérification ; que, dès lors, M. X n’est pas fondé à soutenir que la procédure d’imposition est irrégulière en raison de sa durée excessive ;
Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction que l’avis d’envoi d’examen de situation fiscale personnelle en date du 25 octobre 1999 a été suivi d’entretiens qui se sont déroulés les 25 novembre 1999, 13 janvier, 10 mars, 18 avril, 16 mai et 16 juin 2000 qui ont permis à M. X de répondre aux demandes d’explication du vérificateur ; qu’en particulier, les demandes d’information adressées les 27 et 29 juin 2000 faisaient référence aux explications verbales antérieures ; que, dès lors, il ne peut être utilement soutenu que le vérificateur, qui n’était pas tenu d’adresser un formulaire modèle 754 avant d’envoyer une demande de justifications, n’a pas engagé avec M. X un dialogue contradictoire sur les points qu’il envisageait de retenir ; que, s’ensuit que, M. X n’est pas fondé à soutenir que l’examen de situation fiscale dont il a fait l’objet a méconnu le caractère contradictoire de la procédure qui constitue une garantie reconnue par la charte du contribuable vérifié ;
Sur le bien-fondé du rehaussement :
Considérant que l’administration ayant constaté que les titres de la société FIBA détenus par M. X ont été cédé à la SA Groupe FIBA non pas au prix déclaré de 10 800 000 F mais de 11 468 000 F a ainsi réévalué la plus-value réalisée par M. X d’une somme de 668 000 F ; que si M. X fait valoir que la totalité du prix de vente de ces titres n’avait pas vocation à lui être versée en intégralité, en raison d’une clause de garantie de passif mise à sa charge, la mise en jeu d’une telle clause est sans incidence sur le montant de la plus-value ; que la circonstance que le prix de cession retenu par le Tribunal de grande instance de Colmar dans son jugement en date du 4 mai 2006 soit inférieur à celui mentionné dans les protocoles d’accord et les avenants signés entre la SA FIBA et M. X n’est pas de nature à remettre en cause le prix à retenir pour le calcul de la plus-value tel qu’il résulte de ces accords ; qu’enfin, M. X ne peut utilement invoquer le nouveau régime entré en vigueur au 1er janvier 2000 dès lors que la cession en cause et la mise en jeu de la clause de garantie de passif sont intervenues avant cette date ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a partiellement rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Georges X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
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N° 06NC01091