Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 mai 2012, présentée pour la société Bricorama France, ayant son siège social rue du Moulin Paillasson à Roanne (42300), par Me Chaumanet, avocat ;
La société Bricorama France demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0801288 en date du 6 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 22 janvier 2008 par laquelle la commission départementale d’équipement commercial du Haut-Rhin a autorisé les sociétés l’Immobilière Castorama et Castorama France à implanter un magasin à l’enseigne Castorama sur le territoire de la commune de Kingersheim ;
2°) d’annuler la décision en date du 22 janvier 2008 ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat et des sociétés Immobilière Castorama et Castorama France la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société Bricorama France soutient que :
– le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges n’ont pas répondu aux moyens tirés de ce que les membres suppléants de la commission départementale n’ont pas été convoqués à la séance et que la décision permettra au groupe Kingfischer d’être en position dominante abusive ;
– les dispositions de la loi Royer ont été méconnues dès lors que la surdensité commerciale sera de nature à affecter l’équilibre entre les différentes formes de commerce, qu’elle aura des effets négatifs en termes de résorption de friche industrielle et en termes d’emploi ; la motivation de la décision litigieuse ne répond pas aux critères posés par l’article L. 752-6 du code de commerce, et il y aura abus de position dominante ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 août 2012, présenté pour les sociétés Castorama France, ayant son siège social Parc d’activités BP 101 à Templemars (59175) et l’Immobilière Castorama, ayant son siège social à la zone industrielle à Templemars (59175), par Me Courrech, avocat ;
Elles concluent au rejet de la requête et demandent que la société Bricorama France leur verse la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
– le moyen tiré de l’irrégularité de la convocation des membres de la commission départementale d’aménagement commercial doit être rejeté dès lors que tous les membres ont été présents ou représentés et qu’aucun n’a manqué d’information ou de temps ;
– la réalisation du projet a permis la suppression d’une friche industrielle ;
– la densité commerciale de la zone de chalandise doit être relativisée, et est compensée par les nombreux effets positifs générés par le projet ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 novembre 2012 :
– le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,
– et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;
Sur la régularité du jugement :
1. Considérant que, dans un mémoire complémentaire enregistré le 14 février 2012, la société Bricorama France a soulevé des moyens complémentaires tirés de ce que les membres suppléants de la commission départementale d’équipement commerciale n’ont pas été convoqués à la séance et que la décision permettra au groupe Kingfischer d’être en position dominante abusive ; qu’il ressort du jugement contesté que le Tribunal n’a pas répondu à ces moyens, qui n’étaient pas inopérants ; que, par suite, la société Bricorama France est fondée à soutenir que le jugement qu’elle critique est entaché d’une omission à statuer et à en demander, pour ce motif, l’annulation ;
2. Considérant qu’il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l’évocation, sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg par la société Bricorama France ;
Sur les conclusions à fin d’annulation et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
3. Considérant qu’aux termes de l’article R.752-24 du code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur : » Huit jours au moins avant la réunion, les membres titulaires et suppléants de la commission départementale d’aménagement et d’équipement commercial reçoivent, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, communication de l’ordre du jour, accompagné des rapports d’instruction de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que, le cas échéant, des avis de la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre des métiers et de l’artisanat sur l’étude d’impact, du rapport et des conclusions de l’enquête publique ainsi que de l’avis exprimé par la commission départementale de l’action touristique » ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier et qu’il n’est pas contesté que les convocations, auxquelles étaient joints les rapports et avis concernant le projet litigieux, en vue de la réunion de la commission départementale d’équipement commercial du 22 janvier 2008 au cours de laquelle a été examiné le projet de la société Castorama France, ont été adressées aux seuls membres titulaires ; qu’il est constant que cinq des six membres de la commission départementale d’équipement commercial ayant siégé lors de cette séance étaient des membres suppléants représentant respectivement le maire de Kingersheim, le maire de Mulhouse, le syndicat mixte pour le schéma de cohérence territoriale de la région de mulhousienne, la chambre de commerce et d’industrie Sud Alsace Mulhouse et la chambre des métiers d’Alsace qui étaient absents ; que les membres suppléants ayant siégé n’ont pas été personnellement destinataires des convocations à cette séance ; qu’alors même que ces représentants ont été désignés en temps utile pour siéger à cette séance de la commission départementale d’équipement commercial, il n’est établi par aucune pièce versée au dossier, ni même allégué, que le rapport d’instruction ainsi que les avis de la chambre de commerce et d’industrie et de la chambre de métiers et de l’artisanat sur l’étude d’impact leur auraient été transmis, et qu’ils auraient, ainsi, été en mesure de prendre connaissance, avant la séance, en temps utile, de ces documents, afin de pouvoir émettre un avis en pleine connaissance de cause sur le projet qui leur était soumis ; que, par suite, la décision du 22 janvier 2008 de la commission départementale d’équipement commercial du Haut Rhin a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Bricorama France est fondée à demander l’annulation de la décision en date du 22 janvier 2008 par laquelle la commission départementale d’équipement commercial du Haut-Rhin a autorisé les sociétés l’Immobilière Castorama et Castorama France à implanter un magasin à l’enseigne Castorama sur le territoire de la commune de Kingersheim ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre, d’une part, à la charge de l’Etat et, d’autre part, conjointement à la charge des sociétés Castorama France et l’Immobilière Castorama le versement à la société Bricorama d’une somme de 750 euros chacun, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Bricorama France, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que les sociétés Castorama France et l’Immobilière Castorama demandent au titre des frais de même nature qu’elles ont exposés ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 6 mars 2012 du Tribunal administratif de Strasbourg et la décision du 28 janvier 2008 de la commission départementale d’équipement commercial du Haut Rhin sont annulés.
Article 2 : L’Etat, d’une part, et les sociétés Castorama France et l’Immobilière Castorama prises conjointement, d’autre part, verseront chacun une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) à la société Bricorama France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions des sociétés Castorama France et l’Immobilière Castorama tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la société Bricorama France, aux sociétés Castorama France et l’Immobilière Castorama et au ministre de l’économie et des finances.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Colmar.
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12NC00807