Cour Administrative d’Appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 29/04/2008, 05MA01239, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 29/04/2008, 05MA01239, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 20 mai 2005, présentée pour Mme Sylvie X, demeurant …, par Me Amiel ; Mme X demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 9902758 du 24 février 2005 du Tribunal administratif de Montpellier rejetant partiellement sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée auxquelles elle a été assujettie au titre de l’année 1994, ainsi que sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire à la contribution pour le remboursement de la dette sociale qui lui a été réclamée au titre de l’année 1995 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 mars 2008 ,

– le rapport de Mme Mariller, rapporteur ;

– les observations de Me Deleu, de la SCP Alcade et Associés pour Mme X ;

– et les conclusions de M. Emmanuelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’à l’issue de l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, Mme X a été assujettie à une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et à la contribution sociale généralisée au titre de l’année 1994, ainsi qu’à la contribution pour le remboursement de la dette sociale au titre de l’année 1995 ; que le jugement attaqué du 24 février 2005 lui a accordé une réduction en base de 354 400 francs des impositions mises à sa charge au titre de l’année 1994 et a procédé à une substitution de base légale pour imposer les sommes de 146 378, de 94 500 et de 170 000 francs, initialement taxées comme des revenus d’origine indéterminée, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Sur la régularité du jugement :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur le moyen de la requête :

Considérant que le tribunal administratif saisi du litige soumis par Mme X a mis en oeuvre, le 14 janvier 2005, la procédure prévue à l’article R.611-7 du code de justice administrative en soulevant d’office le moyen tiré de ce que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ne sont imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et ne peuvent être imposées dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ; que ce moyen d’ordre public ne concernait que les sommes de 94 500 et 170 000 francs créditées sur les comptes courants de la requérante dans les sociétés SNCR et LD Finances en 1994 et non la somme de 146 378 francs encaissée par Mme X le 13 janvier 1995 sur un compte bancaire ; qu’en réponse à ce moyen d’ordre public, l’administration a, dans un mémoire enregistré le 26 janvier 2005, admis le bien-fondé de ce moyen et demandé au tribunal de prononcer une substitution de base légale pour imposer les sommes en cause dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que dans ce mémoire, le directeur n’a pas demandé au tribunal d’opérer une substitution de base légale pour le redressement de la somme de 146 378 francs ; qu’en l’absence de demande de l’administration, le tribunal ne pouvait d’office modifier la qualification de la somme en litige ; que le jugement doit, en conséquence, être annulé en tant qu’il rejette les conclusions de Mme X ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Montpellier et auxquelles il n’a pas été fait droit ;

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l’examen de situation fiscale personnelle d’un contribuable au regard de l’impôt sur le revenu, en vertu des articles L.47 à L.50 du livre des procédures fiscales, interdit au vérificateur d’adresser la notification de redressement qui, selon l’article L.48, marquera l’achèvement de son examen, sans avoir, au préalable, engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu’il envisage de retenir ; qu’au cours de ce débat, le vérificateur n’est cependant pas tenu d’informer le contribuable des redressements envisagés dont il aura connaissance par l’envoi de la notification de redressement et sur lesquels il pourra contradictoirement débattre ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’au cours de l’examen de la situation fiscale personnelle, le vérificateur a rencontré Mme X à deux reprises, les 22 janvier et 12 mars 1997, avant de lui adresser une demande de justification le 27 mars 1997 ; que le vérificateur a envisagé avec elle au cours de ces entretiens, les sources de ses revenus et le détail des sommes figurant au crédit de ses comptes financiers ; qu’en l’absence d’obligation pour le vérificateur d’engager un dialogue contradictoire sur les redressements envisagés dès ce stade de la procédure, avant l’envoi de la notification de redressement, la circonstance que la requérante n’a pas rencontré le vérificateur après la demande de justification ne suffit pas à révéler une absence ou une insuffisance du débat contradictoire ; que le moyen doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L.57 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu’il résulte de l’instruction que la notification de redressement du 14 août 1997 adressée à Mme X mentionnait précisément les motifs de droit et les bases sur lesquels les cotisations supplémentaires à la contribution sociale généralisée et à la contribution au remboursement de la dette sociale étaient assises ; que le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la notification de redressement doit, en conséquence, être rejeté ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l’imposition des sommes de 170 000 et 94 850 francs :

Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) ; que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant que la somme de 170 000 francs a été créditée sur le compte courant de Mme X dans la société LD finances au mois de mars 1994 tandis que celle de 94 850 francs figure au crédit du compte courant de la requérante dans la société SNCR au mois de décembre 1994 ; que, ces sommes devaient, par suite, être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que la requérante est dès lors fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration les a imposées dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ;

Considérant toutefois que le ministre demande par voie de substitution de base légale que l’imposition de ces deux sommes soit maintenue dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que l’administration est en droit, à tout moment de la procédure, pour justifier le bien-fondé d’une imposition, de substituer une base légale valable à celle qui a été primitivement retenue, à condition que la procédure d’imposition afférente à la nouvelle base légale ait été régulièrement suivie ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que, nonobstant la taxation d’office des sommes en litige par application des dispositions des articles L.16 et L.69 du livre des procédures fiscales, l’administration a adressé, le 14 août 1997, à Mme X une notification de redressement dont la motivation répondait aux exigences des articles L.57 et L.58 du livre des procédures fiscales, sans qu’il puisse être reproché au vérificateur de ne pas avoir visé les dispositions de l’article 109-1° du code général des impôts dès lors qu’il ne s’agissait pas du fondement légal des redressements notifiés ; qu’elle précisait à la requérante qu’elle disposait d’un délai de trente jours pour faire connaître son acceptation ou ses observations et qu’elle avait la possibilité de se faire assister d’un conseil, ce qu’elle a d’ailleurs fait ; que l’administration a répondu aux observations de la requérante le 7 novembre 1997 ; que, s’agissant de revenus de capitaux mobiliers, l’administration justifie ainsi avoir respecté l’ensemble des garanties offertes au contribuable dans le cadre de la procédure contradictoire ; qu’en outre, l’inscription d’un crédit à un compte courant d’associé ne permettant pas de présumer de son caractère professionnel, l’administration n’a pas commis un détournement de procédure en utilisant la procédure prévue à l’article L.16 du livre des procédures fiscales pour demander à Mme X des justifications sur la nature de ces sommes ;

Considérant, en deuxième lieu, d’une part, que dans le dernier état de ses écritures, Mme X soutient pour justifier le crédit de 170 000 francs que pour faire face aux difficultés de la société LD Finances, M. Llinares, père du gérant, a accordé à la société un prêt de 340 000 francs au moyen de deux chèques de 170 000 francs qui ont été déposés sur le compte bancaire de ladite société ; qu’elle allègue que le compte courant du gérant qui aurait dû être crédité du montant du prêt accordé ne l’a été que de 170 000 francs et que son compte courant a lui-même été crédité par erreur de la somme de 170 000 francs ; que si les pièces produites par la requérante confirment l’existence de mouvements financiers entre M. Llinares père et la société LD Finances, la preuve de la cause du versement de 340 000 francs et notamment de l’existence d’un prêt n’est pas apportée ; qu’en outre, l’erreur alléguée par la requérante ne peut être regardée comme établie par le seul débit enregistré sur son compte vingt jours plus tard, sans aucune indication sur la destination de cette somme ; que la requérante n’apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère non imposable de la somme de 170 000 francs ;

Considérant, en troisième lieu, que s’agissant de la somme de 94 850 francs créditée sur son compte courant d’associé dans la société SNCR, Mme X soutient que la société SVI DAF, dont elle était associée avec son père et M. et Mme Pérez, a connu de graves difficultés nécessitant une recapitalisation importante de la part des associés ; qu’elle allègue avoir prêté, avec son père, les liquidités nécessaires pour faire face à cette augmentation de capital à M. et Mme Pérez et que pour rembourser leur prêt, ceux-ci ont émis un chèque à l’ordre de la société SNCR créditée sur le compte bancaire de cette société et, en contrepartie, au crédit de son compte courant d’associé ; qu’il résulte cependant du procès verbal d’assemblée générale extraordinaire du 29 septembre 1992 que c’est M. Claude X seul qui a souscrit les six mille cinq cents parts nouvelles de la société SVI DAF ; que la reconnaissance de dette signée le même jour par Mme Pérez et qui n’a pas date certaine porte sur une somme de 162 500 francs et a été établie en faveur de M. X et non de sa fille ; que le chèque encaissé sur le compte de la société SNCR a été émis par M. Pérez le 8 octobre 1994 ; que dès lors, à supposer qu’un prêt ait été accordé à Mme Pérez, il n’est pas établi que ce prêt aurait eu pour objet l’augmentation de capital de la SVI DAF, ni que la somme de 94 850 francs versée par M. Pérez qui n’était pas l’emprunteur a été versée en remboursement de ce prêt à Mme X, laquelle n’était pas, en tout état de cause, à l’origine du prêt allégué ; que la requérante n’apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère non imposable de la somme en litige ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de faire droit à la substitution de base légale demandée par l’administration et de maintenir l’imposition des deux sommes susmentionnées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

En ce qui concerne l’imposition de la somme de 146 378 francs :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que Mme X a encaissé sur son compte personnel à la BNP, le 13 janvier 1995, un effet de commerce tiré sur la société SOBEPRE pour un montant de 146 378 francs ; que les factures produites par la requérante permettent d’établir que cet effet de commerce correspond à la vente d’un véhicule par la société DAF au sein de laquelle Mme X est associée à la société SOBEPRE ; que la requérante a donc encaissé, sur un compte personnel, une créance sociale de la société DAF, sans qu’il soit établi que le débit de son compte courant dans cette société d’un montant de 152 301, 36 francs, le 31 décembre 1994, soit la contrepartie de cet encaissement ; que le débit d’un compte courant de son père ne peut de même être analysé comme la contrepartie de l’encaissement d’une créance sociale sur son compte personnel ; que l’origine et la nature de la somme en cause étant ainsi établies, ladite somme ne pouvait faire l’objet d’une imposition dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée et ne pouvait être imposée entre les mains de Mme X que comme un revenu distribué par la société DAF sur le fondement des dispositions précitées de l’article 109-1 du code général des impôts ; que l’administration n’ayant demandé ni au tribunal, ni à la cour une substitution de base légale pour l’imposition de cette somme, la requérante est fondée à demander que la somme en litige soit déduite de la base d’imposition à la contribution au remboursement de la dette sociale ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : «Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l’intéressé est établie (…) » ;

Considérant que Mme X, qui exerce à titre professionnel la gérance de sociétés, ne pouvait ignorer l’existence des crédits apparaissant sur ses comptes courants d’associée, leur origine et leur caractère imposable ; que, dans ces conditions, l’administration apporte la preuve que le défaut de déclaration de ces sommes procède d’une intention d’éluder l’impôt justifiant l’application d’une majoration pour mauvaise foi ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu dans les circonstances de l’espèce de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner l’Etat à payer à Mme X la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 24 février 2005 est annulé en tant qu’il ne fait pas droit aux conclusions de Mme X.

Article 2 : La base d’imposition à la contribution au remboursement de la dette sociale mise à la charge de Mme X au titre de l’année 1995 est réduite d’une somme de 146 378 francs.

Article 3 : Il est accordé à Mme X la réduction de la contribution au remboursement de la dette sociale mise à sa charge au titre de l’année 1995 et résultant de l’article 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sylvie X et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

2

N° 05MA01239


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