Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 15 novembre 2004, sous le n°04MA02381, présenté par le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d’annuler l’article 1er du jugement n°0003834 en date du 29 juin 2004 du Tribunal administratif de Nice déchargeant M. Robert X des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre de l’année 1993 et des pénalités y afférentes ;
2°) de rétablir M. X au rôle supplémentaire d’impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1% et des pénalités y afférentes au titre de l’année 1993 dans la limite de 57 207 euros (375 253 F) ;
..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 20 février 2007 :
– le rapport de Mme Fernandez, rapporteur ;
– les conclusions de Me Wagner pour M. X
– et les conclusions de M. Marcovici, commissaire du gouvernement;
Considérant que M. Michel X, expert comptable a fait l’objet d’un examen contradictoire de l’ensemble de sa situation fiscale personnelle portant sur l’année 1993 ; qu’à l’issue de ce contrôle, il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu à raison de l’imposition au taux de 16%, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, d’une plus value de 2 058 000 F résultant de la cession en 1993 des droits sociaux qu’il détenait dans le capital de diverses sociétés du groupe Sofidex ; que cette plus value a été déterminée par différence entre le prix d’acquisition des actions cédées 2 800 000 F, et le total formé, à concurrence de 3 891 000 F, par le prix de cession des droits et, à concurrence de 967 000 F, par l’indemnité transactionnelle et forfaitaire touchée par l’intéressé en « réparation des préjudices moraux et patrimoniaux résultant de sa sortie du groupe » que le vérificateur a regardée comme un complément de prix de ladite cession ; que les impositions supplémentaires d’impôt sur le revenu et le prélèvement social de 1% y afférent ont été mis en recouvrement à concurrence de 65 336 euros (428 579 F) le 30 avril 1998 ; que la contribution sociale généralisée y afférente a été mise en recouvrement le 31 juillet 1998 pour un montant de 9 224 euros ( 60 505 F) ; que le tribunal administratif a d’une part, dans l’article 1er du jugement attaqué, prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1% en estimant erroné le fondement en droit de l’imposition et d’autre part, dans l’article 2 dudit jugement, réduit de la somme de 800 000 F la base de la contribution sociale généralisée à laquelle M. X a été assujetti en 1993 dès lors qu’une part de l’indemnité transactionnelle de 967 000 F, à hauteur de 800 000 F devait être regardée comme ayant pour objet la compensation du préjudice subi par M. X du fait de son éviction et permettait la décharge des cotisations de contribution sociale généralisée et non comme un complément du prix de cession des parts Sofidex qu’il détenait ; qu’en appel le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE prend acte de cette qualification par le juge ; qu’en conséquence, le ministre demande à la Cour d’annuler l’article 1er du jugement attaqué et de rétablir M. X au rôle supplémentaire d’impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1% avec les pénalités y afférentes au titre de l’année 1993 dans la limite de 57 207 euros (375 253 F) correspondant à l’imposition des gains nets réalisés à l’occasion de la cession des droits sociaux de M. X à concurrence de 191 780,86 euros (1 258 000 F) ;
Sur le bien fondé du jugement :
Considérant qu’aux termes de l’article 92 B du code général des impôts applicable à l’espèce : « I ; Sont considérés comme des bénéfices non commerciaux, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières inscrites à la cote officielle ou à la cote du second marché d’une bourse de valeurs ou négociées sur le marché hors cote, des titres mentionnées au 1° de l’article 118, aux 6° et 7° de l’article 120, de droits portant sur ces valeurs ou titres ou titres représentatifs des mêmes valeurs ou titres, lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal 150 000 F par an. » ; que cette somme de 150 000 F fixée à ce montant par la loi n°82-1126 du 29 décembre 1982 est selon le 5ème alinéa de l’article 92 B, révisé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et était en 1993 de 332 000 F ; que l’article 200 A 2 du code général des impôts applicable à l’année 1993 prescrit que les gains nets obtenus dans les conditions notamment prévues à l’article 92 B sont imposés au taux forfaitaire de 16 p 100 ; qu’aux termes de l’article 92 J du code général des impôts : « Les dispositions de l’article 92 B s’appliquent aux gains nets retirés des cessions de droits sociaux réalisées par les personnes visées au I de l’article 160 lorsque la condition prévue à la première phrase du
deuxième alinéa de cet article n’est pas remplie. » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article 160 du code général des impôts : « I ; Lorsqu’un associé, actionnaire ou commanditaire ou
porteur de parts bénéficiaires cède, pendant la durée de la société, tout ou partie de ses droits sociaux, l’excédent du prix de cession sur le prix d’acquisition est taxé exclusivement à l’impôt sur le revenu au taux de 16 pour 100 » ; qu’aux termes de la première phrase du deuxième alinéa de cet article : « L’imposition de la plus value ainsi réalisée est subordonnée à la seule condition que les droits détenus directement ou indirectement dans les bénéfices sociaux par le cédant , aient dépassé 25 p 100 de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années. » ;
Considérant que pour prononcer la décharge des impositions supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvement social de 1%, le Tribunal administratif de Nice a estimé que l’administration avait méconnu le champ d’application de l’article 160 du code général des impôts dès lors que les droits détenus par M. X ne dépassaient pas 25% des bénéfices sociaux de la Sofidex ;
Considérant qu’il est effectivement constant que M. X ne remplissait pas la condition prévue à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 160 ; que par suite, il ne relevait pas du premier alinéa de cet article 160 s’agissant des gains nets retirés de la cession de ses parts de la Sofidex à la Fiducial; que dès lors, alors que ces gains nets d’un montant de
1 258 000 F (122 111,66 euros) une fois défalquée la somme de 800 000 F non retenue à ce titre par les premiers juges et admise ainsi par l’administration fiscale, sont supérieurs au seuil de 332 000 F, c’est à bon droit que l’administration fiscale a estimé que ces gains relevaient, en vertu des dispositions de l’article précité 92 J du code général des impôts ; des dispositions de l’article 92 B du même code et du taux d’imposition forfaire de 16 p 100 prévu par l’article 200 A susmentionné du code général des impôts ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, pour prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, le prélèvement de 1% et les pénalités y afférentes, contestés par M. X, le Tribunal administratif a retenu le motif susmentionné ; qu’il y a lieu d’annuler l’article 1er du jugement attaqué ;
Considérant que saisie par l’effet dévolutif de l’appel, il appartient à la Cour d’examiner les moyens présentés par M. X devant le tribunal administratif et en appel ;
En ce qui concerne la procédure d’imposition :
Considérant que le requérant soutient que la notification de redressements émise par l’administration fiscale était insuffisamment motivée au regard des dispositions de l’article L 76 B, dès lors que l’administration s’y fonde sur des éléments obtenus de tiers sans en préciser l’origine et la nature ; que toutefois, alors que l’administration n’a pas l’obligation d’indiquer la procédure de demande de renseignement mise en oeuvre, ni les demandes d’information adressées au tiers, il résulte de l’instruction que la notification contestée cite les documents, reconnaissance de paiement du 22 novembre 1993 et le protocole d’accord signé le même jour, fondant les renseignements obtenus par le service, servant à l’établissement des redressements en cause ; que les indications fournies ainsi au contribuable, étaient suffisantes pour l’informer de la nature et de la teneur des renseignements ainsi recueillis pour permettre à ce dernier
d’identifier ces documents et de le mettre à même d’en demander la communication ou d’engager avec l’administration une discussion contradictoire sur leur portée ; que la circonstance que l’administration fiscale n’ait pas indiqué que ces documents lui avaient été légalement transmis par l’autorité judiciaire, n’a, en rien, empêché M. X de bénéficier des dites garanties ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales, qui imposent l’envoi d’un avis avant le début d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu n’ont eu ni pour objet, ni pour effet de limiter la possibilité qu’à l’administration d’exercer son droit de communication auprès de tiers, avant, pendant ou après cet examen ; qu’en l’espèce, M. X soutient que l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle dont il a fait l’objet n’aurait eu que pour seul objet de permettre à l’administration fiscale de formaliser les conclusions auxquelles elle était déjà parvenue quant à l’imposition de la plus value tirée de la cession de ses parts de la Sofidex à la Fiducial, dès l’entrée en possession des renseignements susmentionnés, transmis par l’autorité judiciaire, et que dès lors l’examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle doit être regardé comme ayant commencé avant l’envoi de l’avis prévu à l’article L. 47 du livre des procédures fiscales ; que toutefois en se bornant à alléguer, sans d’ailleurs le justifier que l’ensemble des membres de l’association constituée dans le but de défendre les associés minoritaire de la Sofidex auraient fait l’objet, presque simultanément, d’un avis d’examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle et en tirant du seul fait que celui dont il a été l’objet n’a abouti qu’à des redressements fondés sur la seule plus-value tirée de la cession de ses parts de la Sofidex à la Fiducial, ne peut être regardée comme établissant que la procédure de contrôle dont il a fait l’objet serait irrégulière ou entachée de détournement de procédure ;
Considérant qu’il est constant que l’administration fiscale, qui ne peut être regardée comme ayant usé irrégulièrement de son droit de communication avant l’engagement de l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. X a fait l’objet, a tiré les renseignements fondant les redressements contestés, documents non étrangers à la comptabilité du groupe Fiducial, et du groupe Sodifex puisqu’ils permettent de vérifier les mentions du registre de transfert des actions ; qu’ils ont été obtenus régulièrement de l’autorité judiciaire en vertu des dispositions de l’article 82 C du livre des procédures fiscales à l’occasion d’une instance judiciaire ; que bien qu’ils aient été conclus entre deux personnes privées, ces actes ont un caractère communicable notamment eu égard aux dispositions de l’article L 85 0 A du même livre qui obligent à la communication à l’administration fiscale, des livres, pièces et documents des sociétés qui paient des dividendes et intérêts de leurs propres actions, parts ou obligations à des personnes ou sociétés, de nature à permettre la vérification des relevés des sommes payées par elle ;
En ce qui concerne le bien fondé de l’imposition :
Considérant que M. X soutient qu’en réalité son retrait « forcé » de la Sodifex, lors du rachat de cette société par le groupe Fiducial va se solder à terme par un appauvrissement de son patrimoine privé, ce qui au demeurant ne reste qu’éventuel en l’état des seuls éléments au dossier ; qu’en tout état de cause, eu égard aux dispositions de l’article 92 B, auquel renvoie l’article 92 J du code général des impôts, fondant l’imposition litigieuse, M. X ne peut utilement soutenir, pour ce seul motif, que les gains nets retirés de la cession de ses parts de la Sofidex à la Fiducial ne seraient pas imposables ;
Considérant que M. X ne peut utilement soutenir, pour contester l’existence même d’une plus-value, que le gain net de la cession de ses parts dans la société Sofidex serait compensé par la cession de clientèle, alors que celle-ci n’avait jamais cessé d’être la propriété de la société et que le calcul de la plus-value résulte de la simple différence entre le prix de vente et le prix d’achat des parts de société ;
Considérant que si M. X entend soutenir que c’est à tort que les premiers juges n’ont pas regardé la totalité de l’indemnité transactionnelle comme destinée à réparer son préjudice moral et professionnel que lui a causé son éviction du groupe Sofidex lors de son rachat par la Fiducial et demander que le montant de 25 458,99 euros (167 000 F) regardé comme un complément du prix de cession de ses droits sociaux, soit également reconnu comme ayant un caractère réparateur de son préjudice et l’exclusion de cette somme de la base de l’imposition supplémentaire d’impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1% auxquels il a été assujetti au titre de l’année 1993, il n’apporte aucun élément de nature à infirmer l’appréciation des premiers juges ; que le moyen ne peut, dès lors, qu’être rejeté ; que toutefois, il y a lieu, à la demande de l’administration, de tenir compte de la réduction de l’assiette d’imposition à hauteur de 121 959,21 euros (800 000 F) pour calculer les impositions qui doivent être remises à la charge de M. X ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à demander le rétablissement de M. X au rôle supplémentaire d’impôt sur le revenu et du prélèvement social de 1% et des pénalités y afférentes au titre de l’année 1993 pour un montant de 57 207 euros (375 253 F) ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. X ;
D E C I D E :
Article 1er : La cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et le prélèvement social de 1% auxquels M. X a été assujetti au titre de l’année 1993 sont remis à sa charge en droits, intérêts de retard et pénalités à concurrence de 57 207 euros (375 233 F).
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nice en date du 29 juin 2004 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de M. X tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et à M. X.
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N° 04MA02381