Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 15 octobre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d’annuler l’article 2 du jugement n° 0601404 rendu par le Tribunal administratif de Montpellier le 29 mai 2008 en ce qu’il a accordé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles mises à la charge de la société civile immobilière (SCI) Ispasy au titre des exercices clos les 31 décembre 1999, 2000 et 2001 ;
2°) de remettre à la charge de la SCI Ispasy les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés qui lui ont été assignées au titre des exercices clos les 31 décembre 1999, 2000 et 2001 pour un montant global de droits et pénalités de 152 281 euros ;
………………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et l’arrêté d’expérimentation du vice-président du Conseil d’Etat en date du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 octobre 2011,
– le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;
– les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;
– et les observations de Me Amiel, de la SCP Alcade et Associés, pour la SCI Ispasy ;
Considérant que la SA Hostellerie de l’Aube Rouge, dont les actionnaires détiennent la totalité des parts de la société civile immobilière (SCI) Ispasy a, le 31 mars 1999, renoncé en faveur de cette dernière aux droits incorporels liés à l’option d’achat qu’elle détenait, au prix de 4 millions de francs, sur un complexe hôtelier pour lequel elle avait contracté, le 22 octobre 1986, auprès de la société UIS, un crédit-bail d’un montant de 11 millions de francs ; que l’administration fiscale, constatant que le prix de cession de 4 millions de francs mentionné à l’acte était inférieur à la valeur vénale de l’immeuble, évaluée à 11 148 060 francs, a estimé que la SA Hostellerie de l’Aube Rouge avait effectué un acte anormal de gestion en abandonnant, sans contrepartie, son droit d’achat du complexe hôtelier ; qu’à l’issue d’une vérification de comptabilité de la SCI Ispasy, portant sur la période du 11 mars 1999 au 31 décembre 2001, l’administration a rapporté aux résultats de la SCI, au titre de l’exercice clos le 31 décembre 1999, le montant de l’avantage procuré par la SA Hostellerie de l’Aube Rouge (2 228 916 francs) ayant affecté le résultat fiscal de trois exercices, qui a été déterminé en effectuant la différence entre la valeur vénale du bien et son prix de revient, diminué des amortissements pratiqués ; que la SCI Ispasy a contesté les cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés en résultant, mises à sa charge au titre des exercices clos les 31 décembre 1999, 2000 et 2001 ; que le Tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande par jugement en date du 29 mai 2008 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE fait appel de ce jugement ;
Sur le bien-fondé du jugement :
Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 109 du code général des impôts : Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (…) ; que, selon l’article 111 du même code : Sont notamment considérés comme revenus distribués : (…) c. Les rémunérations et avantages occultes (…) ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par acte sous seing privé en date du 22 octobre 1986, la société UIS a consenti à la SA Hostellerie de l’Aube Rouge un contrat de crédit-bail immobilier d’une durée de quinze ans et d’un montant d’investissement de 11 millions de francs, aux fins de créer un complexe hôtelier sis à Castelnau-le-Lez (Hérault) ; qu’en raison, notamment, de l’atonie de ce secteur d’activité, la SA Hostellerie de l’Aube Rouge n’a pas honoré la totalité des échéances prévues par le contrat de crédit-bail ; que la Société UIS a engagé, au cours de l’année 1994, diverses procédures judiciaires à l’encontre du crédit-preneur défaillant ; que, le 14 septembre 1994 et le 28 mars 1998, le crédit-bailleur a proposé à la SA Hostellerie de l’Aube Rouge de lever l’option d’achat pour des montants respectifs de 6 et 4 millions de francs ; qu’aucune suite n’a été donnée à cette proposition que, par protocole d’accord en date du 3 février 1999, la société UIS a accepté de vendre l’ensemble hôtelier à la SA Hostellerie de l’Aube Rouge ou à toute autre personne physique ou morale s’y substituant au prix de 4 millions de francs ; que les époux A, actionnaires de la SA Hostellerie de l’Aube Rouge, ont constitué, le 5 mars 1999, la SCI Ispasy aux fins de se substituer à cette dernière ; que la SCI Ispasy ayant obtenu l’accord d’un établissement de crédit pour le financement de l’acquisition, a, pour un montant de 4 millions de francs, levé l’option d’achat détenue par la SA Hostellerie de l’Aube Rouge sur le complexe hôtelier ;
Considérant qu’il est constant que la SA Hostellerie de l’Aube Rouge a cédé, sans aucune contrepartie, son option d’achat, alors que ce droit, qui constituait un élément incorporel de son patrimoine, avait une valeur vénale importante ; qu’à supposer même, ainsi que l’affirme la société requérante, que la SA n’ait pas disposé des liquidités nécessaires à son achat, et se soit heurtée à des refus de financement de la part des établissements financiers contactés, ladite société s’est, en réalité, privée de la possibilité de bénéficier d’une recette égale à la valeur vénale de ce droit au profit d’une société constituée par deux de ses actionnaires et associés ; qu’en outre, la position de l’administration selon laquelle la SA Hostellerie de l’Aube Rouge n’a pas essayé de trouver un autre acquéreur que la SCI Ipsasy pour lever l’option d’achat est corroborée par les termes d’un courrier en date du 24 mars 1998, présent dans les pièces du dossier, qui fait état, à titre confidentiel, de l’accord donné par la société UIS pour la vente, en l’état, de l’hôtel l’Aube Rouge au profit de M. et Mme Obegi pour le prix de 4 millions de francs ; qu’il suit de là que la SA Hostellerie de l’Aube Rouge doit être regardée comme s’étant livrée à un acte anormal de gestion ; que, corrélativement, l’administration était fondée à considérer que la SCI Ispasy était bénéficiaire de l’avantage octroyé et à l’imposer sur le fondement des dispositions précitées des articles 109 et 111 du code général des impôts ; que c’est donc à tort que les premiers juges ont considéré que l’administration n’établissait pas l’existence d’un acte anormal de gestion et ont prononcé, pour ce motif, la décharge des impositions contestées ;
Considérant qu’il appartient toutefois à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par la SCI Ispasy ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ;
Considérant que la SCI Ispasy soutient que la notification de redressement en date du 23 octobre 2002 n’est pas suffisamment motivée et qu’elle n’a pas été mise à même de s’assurer que les éléments de comparaison proposés par l’administration pour évaluer la valeur vénale de l’ensemble immobilier étaient pertinents ; qu’il résulte de l’instruction que le vérificateur a évalué la valeur vénale du complexe hôtelier par comparaison avec quatre hôtels de grand confort dont les ventes sont intervenues dans le département de l’Hérault au cours des années 1994 à 1999 ; qu’il a calculé que le prix moyen au m² résultant des prix stipulés dans les quatre actes de vente était de 4 620 francs et a appliqué ce montant à la surface pondérée de l’ensemble immobilier sis à Castelnau-le-Lez (2 413 m²) pour obtenir la valeur vénale du bien (11 148 060 francs) ayant permis le calcul de l’insuffisance reprochée ;
Considérant que la référence à la mutation afférente à un immeuble à usage d’hôtel situé 370 rue d’Assas, à Montpellier ne saurait être regardée comme une motivation utile dans la mesure où la société requérante soutient, sans être contredite, que l’avenue d’Assas ne comporte pas de numéro 370 ; que, s’agissant des ventes afférentes à un bien sis à Sète, à un hôtel situé 1420 rue du Clos René, à Montpellier, et à un hôtel situé à Saint-Aunes, il est constant que le vérificateur n’a pas précisé la situation cadastrale des biens, les principales caractéristiques physiques des bâtiments, le classement des établissements et leur situation juridique ; que ces lacunes étaient de nature à priver la SCI Ispasy de la possibilité de formuler utilement ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que l’administration n’est pas fondée à soutenir qu’une première notification de redressement, en date du 19 juillet 2002, comportait en annexe 1 un tableau décrivant les principales caractéristiques des immeubles retenus comme termes de comparaison, au demeurant non exhaustif, dans la mesure où cette notification a été annulée et remplacée par celle datée du 23 octobre ; qu’il suit de là que la SCI Ispasy est fondée à soutenir que la notification de redressement en date du 23 octobre 2002 n’est pas suffisamment motivée au regard des exigences posées par l’article L. 57 précité du livre des procédures fiscales, et à demander, pour ce motif, que soit confirmée la décharge de l’ensemble des impositions en litige ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI Ispasy et d’examiner les autres moyens de ladite société, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a accordé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contributions additionnelles mises à la charge de la SCI Ispasy au titre des exercices clos les 31 décembre 1999, 2000 et 2001 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera à la SCI Ispasy une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L’ETAT et à la SCI Ispasy.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
»
»
»
»
N° 08MA04450 2
fn