Cour Administrative d’Appel de Marseille, 3ème chambre – formation à 3, 20/12/2013, 11MA01944, Inédit au recueil Lebon

·

·

Cour Administrative d’Appel de Marseille, 3ème chambre – formation à 3, 20/12/2013, 11MA01944, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le recours, enregistré le 18 mai 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat ;

Le ministre chargé du budget demande à la Cour :

1°) d’annuler l’article 1er du jugement n°0906089 du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. et Mme B…A…des cotisations d’impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes qui leur ont été assignées au titre des années 2004 et 2005 ;

2°) de rétablir les intimés aux rôles d’impôt sur le revenu au titre des années 2004 et 2005 respectivement pour des montants globaux de 8 564 euros et 52 293 euros ainsi qu’aux rôles de contributions sociales au titre des années 2004 et 2005 respectivement pour des montants globaux de 8 216 euros et 21 496 euros ;

3°) de réformer en ce sens le jugement entrepris ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 décembre 2013 :

– le rapport de M. Haïli, premier conseiller,

– les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

– et les observations orales de Me Meidani, avocat de M. et MmeA… ;

1. Considérant que M. et MmeA…, de nationalité néerlandaise, ont fait l’objet d’un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2004 et 2005, engagé par avis du 11 décembre 2006 ; qu’à la suite de deux mises en demeure de souscrire au titre de ces années les déclarations de revenus prévues par l’article 170-1 du code général des impôts, M. A…a signalé à l’administration fiscale qu’il déclarait ses revenus en Hollande ; que le service a adressé aux intéressés, le 16 juillet 2007, pour déterminer les bases d’imposition à fixer, une demande n°2172 d’éclaircissements ou de justifications concernant les crédits bancaires figurant au seul compte ouvert au nom des époux A…en France ; que par lettre n°3924 du 13 décembre 2007, en l’absence de dépôt des déclarations de revenus, l’administration a engagé une procédure de taxation d’office au titre des années 2004 et 2005 en application de l’article L. 66-1 du livre des procédures fiscales et a arrêté les bases d’impositions correspondant aux crédits bancaires dont l’origine était demeurée indéterminée, soit un total de 60 974 euros pour l’année 2004 et de 133 063 euros pour l’année 2005 ; que les redressements ont été partiellement maintenus par lettre n° 3926 du 13 mars 2008 à concurrence de 48 478 euros au titre de l’année 2004 et de 132 758 euros au titre de l’année 2005 ; qu’à la suite de sa saisine à la demande des contribuables, la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d’affaires, dans son avis du 11 septembre 2008, a constaté que le service disposait d’éléments suffisants pour qualifier les sommes litigieuses dans une catégorie de revenus autre que celle retenue et s’est déclarée incompétente s’agissant de la détermination de la domiciliation fiscale des épouxA… ; que toutefois, en l’absence de justification de l’objet des versements, les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement par l’administration fiscale le 31 décembre 2008 dans la catégorie des revenus d’origine indéterminée ; que par l’article 1er du jugement du 27 janvier 2011, le tribunal administratif de Marseille a déchargé M. et Mme A… des cotisations d’impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes qui leur ont été assignées au titre des années 2004 et 2005 ; que le ministre chargé du budget relève régulièrement appel de l’article 1er de ce jugement ;

Sur la qualification des sommes en litige :

2. Considérant qu’après avoir relevé que M. et Mme A…contestaient la taxation en tant que revenus indéterminés des sommes versées par M. A…sur le compte bancaire de son épouse ouvert en France, dès lors que ces sommes correspondraient à ce qui était nécessaire pour l’entretien de celle-ci et celui de ses enfants, ainsi que pour l’éducation de ces derniers et que sur ce point, l’administration avait admis dans ses propres écritures qu’il s’agissait de sommes virées par des sociétés hollandaises dans lesquelles M. A…avait la qualité d’associé, ce qu’avait d’ailleurs souligné auparavant la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, les premiers juges ont jugé, après information des parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que les sommes en litige, même en l’absence de tout élément quant à leur cause juridique, ne pouvaient être regardées comme d’origine indéterminée ; que faute de demande de substitution de base légale par l’administration, le tribunal administratif de Marseille a par suite fait droit aux conclusions en décharge présentées par M. et MmeA…, en considérant que les sommes en litige, même en l’absence de justificatifs quant à leur cause, ne pouvaient être regardées que comme des revenus de capitaux mobiliers, non susceptibles d’être taxés d’office sur le fondement de l’article L. 69 du livre des procédures fiscales ; qu’à l’appui de son recours devant la Cour, le ministre chargé du budget fait valoir d’une part qu’il n’est pas établi que les sociétés hollandaises concernées sont soumises à l’impôt sur les sociétés en Hollande et d’autre part que l’objet des versements effectués par celles-ci n’est pas justifié, ce qui fait obstacle au rattachement avec certitude des sommes litigieuses à une catégorie précise de revenus ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (…) » ; que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé ont, sauf preuve contraire apportée par l’associé titulaire du compte, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu’ont également ce caractère les sommes versées par une société à son dirigeant de fait ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment des copies des extraits de comptes des deux sociétés hollandaises, IRB Holding BV et Beleggingsmaatschappij A…BV, dont M. A… est actionnaire et dirigeant, et des attestations du commissaire aux comptes précisant que  » les virements effectués en 2004 et 2005 de ces sociétés et du compte bancaire personnel de M. A… correspondent à des revenus fonciers d’immeubles situés aux Pays Bas « , que les crédits bancaires, réintégrés dans les bases taxables de M et Mme A…en tant que revenus d’origine indéterminée, provenaient de comptes courants d’associé détenus par M. A…dans ces sociétés ; qu’en outre, l’administration fiscale ne conteste pas devant la Cour la circonstance que ces sociétés hollandaises soient la partie versante ; que ces sommes devaient par suite être imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que si le ministre soutient que la circonstance que la partie versante soit identifiée ne suffit pas à écarter la qualification de revenus d’origine indéterminée, il est constant que cet argument ne saurait prospérer s’agissant des sommes mises par une société à la disposition de l’un de ses associés, qui sont présumées être des revenus de capitaux mobiliers en application du 1 de l’article 109 du code général des impôts ; que par ailleurs, en se bornant à alléguer un doute sur la soumission des sociétés concernées à l’impôt sur les sociétés en Hollande, le ministre chargé du budget ne critique pas sérieusement l’assujettissement des deux sociétés hollandaises, IRB Holding BV et Beleggingsmaatschappij A…BV au régime fiscal des sociétés de capitaux, dont la forme de BV  » besloten vennootschap  » correspond à la catégorie de société anonyme à responsabilité limitée imposable à l’impôt des sociétés selon le système fiscal néerlandais ; que dans ces conditions, c’est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à la demande de M. et Mme A…tendant à la décharge des cotisations d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, qui leur ont été assignées au titre des années 2004 et 2005 ;

Sur la demande de substitution de base légale présentée en appel par le ministre chargé du budget :

5. Considérant qu’à l’appui de ses conclusions subsidiaires, le ministre chargé du budget sollicite, dans le cadre d’une demande de substitution de base légale, le rétablissement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers des droits et pénalités résultant de l’imposition des sommes en litige ; que l’administration est en droit à tout moment de la procédure juridictionnelle de demander, pour justifier le bien-fondé d’une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d’imposition ; que toutefois, la demande de substitution de base légale présentée par le ministre n’est recevable que s’il définit avec précision le fondement sur lequel il sollicite la taxation de la somme litigieuse ; qu’en l’espèce, le ministre chargé du budget demande que soit substituée au fondement légal initialement retenu par l’administration pour taxer cette somme la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que, faute pour le ministre de définir avec précision le fondement sur lequel il sollicite la taxation de la somme litigieuse, alors qu’au sein de cette catégorie de revenus s’appliquent différentes bases légales, ces conclusions ne peuvent être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du ministre chargé du budget est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’économie et des finances et à M. et Mme B…A….

Copie sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

 »

 »

 »

 »

2

N° 11MA01944


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x