Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2002, présentée pour la SCI LES MEUNIERS, dont le siège social est situé place des Tilleuls à Lourmarin (84160), par Me Rondeau-Abouly , avocat ;
La SCI LES MEUNIERS demande à la Cour :
1 ) d’annuler le jugement n° 98-4231)en date du 30 septembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er avril 1994 au 31 décembre 1995 ainsi que des pénalités qui ont assorti cette imposition ;
2°) de prononcer la décharge demandée à concurrence de la somme de 155 955,34 euros en principal et 43 667,50 euros de pénalités ;
..
Vu la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 mars 2007 ;
– le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;
– et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SCI LES MEUNIERS a acquis de la SCI Le Moulin du Rayol, par acte en date du 30 juin 1994, un immeuble à usage d’hôtel-restaurant situé à Lourmarin moyennant le prix de 6 523 000 francs ; que les parties à l’acte de vente ont regardé l’immeuble comme achevé depuis moins de cinq ans et ont soumis l’opération de mutation à la taxe sur la valeur ajoutée par application des dispositions du 7° de l’article 257 du code général des impôts ; que la SCI LES MEUNIERS a déduit, à concurrence de la somme de 1 023 000 francs, la taxe sur la valeur ajoutée grevant cette opération sur sa déclaration CA 12 souscrite au titre de l’année 1994 ; que l’administration fiscale a considéré que l’immeuble objet de la cession était achevé depuis le
1er juin 1989 et faisait l’objet d’une utilisation effective depuis cette date et que la cession intervenue le 30 juin 1994 ne pouvait de ce fait relever des dispositions du 7° de l’article 257 du code général des impôts ; que la déduction de la somme de 1 023 000 francs a été remise en cause par notification de redressement datée du 9 décembre 1996 ; que la SCI LES MEUNIERS a contesté ce rappel devant le Tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa requête par jugement du
30 septembre 2002 ; qu’elle relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
Considérant, en premier lieu, qu’en vertu des dispositions des articles 242 quater et 242 sexies de l’annexe II au code général des impôts, les redevables soumis au régime simplifié de liquidation des taxes sur le chiffre d’affaires sont tenus de souscrire des déclarations mensuelles ou trimestrielles et une déclaration annuelle ; que le défaut de production ou la production tardive de la déclaration annuelle, qui permet à l’administration de calculer le montant exact des taxes dues au titre de l’année, entraîne la taxation d’office en application du 3° des dispositions de l’article 66 du livre des procédures fiscales, quand bien même auraient été produites les déclarations mensuelles ; qu’il est constant que la SCI LES MEUNIERS, qui relevait du régime d’imposition simplifié, n’a pas déposé en temps utile sa déclaration annuelle de chiffre d’affaires de l’année 1994 ; qu’ainsi, contrairement à ce qu’elle soutient, elle se trouvait, pour cette période, en situation d’être taxée d’office en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il incombe à l’administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d’informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d’arrêter d’office les bases d’imposition, de l’origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l’exercice de son droit de communication afin que l’intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu’il résulte de l’instruction que la notification de redressement datée du 18 février 1997, suffisamment motivée, délivrait à la société des informations suffisantes au sujet des renseignements que l’administration avait utilisés dans l’exercice de son droit de communication pour procéder aux redressements ; qu’à la réponse en date du 30 avril 1997 faite par l’administration fiscale aux observations du contribuable étaient jointes dix annexes comportant la reproduction de l’ensemble des documents recueillis par l’administration dans l’exercice de son droit de communication ; que cette réponse aux observations du contribuable accordait à la société un délai de trente jours pour formuler de nouveau ses observations ; que ce délai était expiré lorsque le complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la société a été mis en recouvrement le 10 juillet 1997 ; que, dans ces conditions, la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été privée de la garantie tenant à la complète information du contribuable au sujet des renseignements recueillis par l’administration dans l’exercice de son droit de communication ou que le principe du contradictoire aurait été méconnu ;
Considérant, en troisième lieu, qu’à la différence des litiges relatifs aux pénalités fiscales, les litiges relatifs à l’assiette des impôts et taxes ne sont pas visés par les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement invoquer ces stipulations pour critiquer la régularité de la procédure suivie pour établir les droits mis à sa charge ;
Sur le bien-fondé de l’imposition :
Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l’espèce : Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (…)
7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles (…). 2. Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables : Aux opérations portant sur des immeubles ou parties d’immeubles qui sont achevés depuis plus de cinq ans (…); qu’aux termes de l’article 258 de l’annexe II au même code : Pour l’application du 7° de l’article 257 du code général des impôts, un immeuble ou une fraction d’immeuble est considéré comme achevé lorsque les conditions d’habitabilité ou d’utilisation sont réunies ou en cas d’occupation, même partielle, des locaux, quel que soit le titre juridique de cette occupation. La date de cet achèvement et la nature de l’événement qui l’a caractérisé sont obligatoirement mentionnées dans les actes constatant les mutations; et, qu’aux termes des dispositions de l’article 271 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l’espèce : (…) 3 I.1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (…) II . 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures d’achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (…);
Considérant, en premier lieu, que si la société requérante se trouve en situation de taxation d’office et supporte en principe la charge de prouver que l’imposition mise à sa charge n’est pas fondée, la solution du litige dépend au premier chef de la question de savoir si la cession de l’ensemble immobilier intervenue le 30 juin 1994 entrait dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière, conformément aux énonciations portées sur l’acte de vente du
30 juin 1994, dont il n’est pas contesté qu’elle a été régulièrement publiée à la conservation des hypothèques d’Avignon ; que, si les mentions portées sur cet acte font foi jusqu’à preuve contraire, l’administration fiscale conserve la possibilité d’établir qu’elles sont erronées ; que les termes de la note administrative du 25 mai 1965 et de la documentation administrative de base référencée
13 L 1511 à jour au 1er avril 1995, dont la société, en toute hypothèse, ne peut utilement se prévaloir dès lors qu’elles sont relatives à la procédure d’imposition, ne font pas obstacle à cette possibilité pour l’administration de renverser la présomption d’exactitude qui s’attache à une déclaration régulièrement effectuée ;
Considérant, en deuxième lieu, que l’administration fiscale a relevé que les éléments nécessaires à l’activité de restauration avaient été livrés dès le 22 octobre 1988 par une société spécialisée dans l’aménagement de cuisines pour un montant de 225 000 francs HT, que le branchement de l’immeuble au réseau d’électricité avait été réalisé par les services techniques compétents le 3 avril 1989, que des travaux de peinture et de décoration avaient été réalisés sur l’immeuble de janvier à mai 1989, que des tables, chaises et literies, mobiliers nécessaires à l’exploitation d’un établissement ayant pour activité l’hôtellerie et la restauration, avaient été livrés en mai 1989 et que le branchement au réseau extérieur des eaux usées avait été effectué le
1er juin 1989 par la société des eaux de Marseille ; que la commission intercommunale de sécurité de Pertuis-Cadenet a relevé le 10 avril et le 1er juin 1989 l’achèvement des travaux de gros-oeuvre et des cloisons, la présence de dispositifs de ventilation et d’alarme, d’un mécanisme de désenfumage, d’un bar, de sanitaires, d’un ascenseur desservant tous les niveaux de l’immeuble, les seules réserves émises en matière de sécurité concernant l’absence d’éclairage au-dessus de la sortie de l’immeuble et la non conformité d’un poteau d’incendie à l’extérieur ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments précis et concordants que les conditions d’habitabilité ou d’utilisation de l’immeuble au sens de l’article 258 de l’annexe II au code général des impôts étaient réunies dès le 1er juin 1989 ; que, d’ailleurs, des livraisons de boisson et de denrées périssables ont été effectuées dans l’établissement en mai et juin 1989, des salariés ont été embauchés dès le 16 mai 1989 pour assurer le service d’hôtellerie et de restauration et des intérimaires ont également été recrutés en juin 1989, mois au cours duquel l’établissement a été en mesure d’accueillir des clients et de réaliser des recettes ; qu’ainsi, l’administration fiscale doit être regardée comme établissant que l’ensemble immobilier était achevé depuis plus de cinq ans à la date de la cession intervenue le 30 juin 1994 ; que c’est dès lors à bon droit que l’administration a écarté l’opération de mutation du champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, en troisième lieu, que, si la société requérante soutient que sa bonne foi ne saurait être mise en cause et que l’interdiction de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est opposée serait injustifiée, les premiers juges ont relevé à bon droit, par un motif d’ailleurs non contesté de leur jugement, qu’il résultait de l’examen de l’acte de vente du 30 juin 1994 que l’assujettissement de la vente à la taxe sur la valeur ajoutée immobilière résultait des déclarations des parties, qui avaient ensemble fixé la date d’achèvement de l’ensemble immobilier au
12 juillet 1989 et que, dans ces conditions, la société requérante ne pouvait être regardée comme ayant légitimement ignoré que cette mutation n’était pas soumise à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que l’acte de vente du 30 juin 1994 aurait donné lieu à une double taxation de l’opération à la taxe sur la valeur ajoutée et aux droits d’enregistrement demeure sans incidence sur le bien-fondé du complément de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la société, dès lors que cette imposition a été établie conformément à la loi fiscale ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SCI LES MEUNIERS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI LES MEUNIERS est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI LES MEUNIERS et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Copie en sera adressée à Me Rondeau-Abouly et à la Direction de contrôle fiscal Sud-Est.
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N°02MA02398