Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la Cour administrative d’appel de Bordeaux a transmis à la Cour administrative d’appel de Marseille, en application du décret n 97-457 du 9 mai 1997, la requête présentée pour le département de l’AUDE ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Bordeaux, le 25 avril 1996 sous le n 96BX00748, présentée pour le département de l’AUDE, par Me RAPP, avocat ;
Le département de l’AUDE demande à la Cour d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution du jugement du 28 mars 1996 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a, d’une part, annulé la délibération de son conseil général en date du 13 octobre 1995, la délibération de sa commission permanente en date du 30 octobre 1995, et la délibération de son conseil général en date du 18 décembre 1995 en tant qu’elle porte inscription en recette et en dépense d’une somme de 15 millions de francs et d’autre part, a annulé la convention non datée passée entre le département précité et la société AUDE X… ainsi que le contrat conclu le 20 décembre 1995 entre le département et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 82-6 du 7 janvier 1982 ;
Vu la loi n 82-213 du 2 mars 1982 ;
Vu la loi n 83-597 du 7 juillet 1983 ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 juin 1998 :
– le rapport de M. GONZALES, premier conseiller ;
– et les conclusions de M. DUCHON-DORIS, premier conseiller ;
Sur la nature des conclusions présentées par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS :
Considérant qu’en première instance, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est intervenue en défense contre le déféré du préfet de l’AUDE enregistré au greffe du Tribunal administratif de Montpellier sous le n 96-206 ; que sa demande présentée devant la Cour sous la dénomination de « mémoire d’appel » constitue en conséquence une requête dirigée contre le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que le Tribunal administratif de Montpellier ne s’est fondé ni sur le mémoire en réplique présenté par MM. B… et A… dans l’instance n 95-3916, ni sur le mémoire présenté par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS dans l’instance n 96-206, qui n’ont été respectivement communiqués aux autres parties en litige que deux jours avant l’audience, et la veille de celle-ci ; que, dès lors, le département de l’AUDE n’est pas fondé à soutenir que la procédure aurait été non contradictoire et, par suite, irrégulière ;
Considérant, en second lieu, que la convention souscrite par le département de l’AUDE le 20 décembre 1995 auprès de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est relative à un emprunt destiné à financer une intervention économique envisagée par le département dans le cadre juridique prévu par l’article 4 de la loi susvisée du 7 janvier 1982 ; qu’elle intervient entre deux personnes publiques ; qu’eu égard à la qualité des personnes contractantes et à son objet, cette convention relève du droit public et présente un caractère administratif ; que, dans ces conditions, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal administratif de Montpellier s’est estimé compétent pour statuer sur ladite convention ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article 48 de la loi susvisée du 2 mars 1982 modifiée par la loi n 88-13 du 5 janvier 1988 : « L’Etat a la responsabilité de la conduite de la politique économique et sociale ainsi que de la défense de l’emploi. Néanmoins, sous réserve du rrouvant le plan. II. – Lorsque la protection des intérêts économiques et sociaux de la population départementale l’exige, le département peut accorder des aides directes et indirectes à des entreprises en difficulté pour la mise en oeuvre de mesures de redressement prévues par une convention passée avec celle-ci … » ; qu’il résulte des dispositions de l’article 4 de la loi du 7 janvier 1982 approuvant le plan intérimaire 1982-1983 que la faculté d’intervention ouverte aux communes et aux départements en matière d’aides directes aux entreprises ne peut s’exercer qu’en complément de la région et exclusivement selon les formes définies par la loi et les décrets d’application ;
Considérant, par ailleurs, qu’en vertu de l’article 1er de la loi du 7 juillet 1983 susvisée, les sociétés d’économie mixte locales ont notamment vocation à réaliser des opérations d’aménagement et de construction et à exploiter des services publics à caractère industriel et commercial ; qu’aux termes de l’article 5-1 de la même loi : « Lorsqu’il ne s’agit pas de prestations de service, les rapports entre les collectivités territoriales … d’une part, et les sociétés d’économie mixte d’autre part, sont définis par une convention qui prévoit à peine de nullité … 3 Les obligations de chacune des parties et le cas échéant, le montant de leur participation financière, l’état de leurs apports en nature ainsi que les conditions dans lesquelles la collectivité, le groupement ou la personne publique contractant fera l’avance de fonds nécessaire au financement de la mission ou remboursera les dépenses exposées pour son compte et préalablement définies. » ;
Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les départements ne peuvent accorder légalement d’aides directes ou indirectes aux sociétés d’économie mixte, qui sont régies par les dispositions de la loi sur les sociétés commerciales, qu’en respectant les conditions fixées par la loi du 7 janvier 1982 et par la loi du 2 mars 1982 modifiée ;
Considérant que par sa délibération du 13 octobre 1995 le conseil général du département de l’AUDE a décidé d’acheter à la société d’économie mixte locale « AUDE X… » une créance de 15 millions de francs, détenue par cette société sur la commune de FLEURY d’AUDE et de souscrire à cet effet un emprunt à hauteur de la même somme auprès de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des avis rendus les 15 février 1990, 28 mai 1990 et 8 août 1991 par la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon, que cette créance correspond aux dépenses effectuées par la société d’économie mixte pour l’exécution d’un mandat que lui avait confié la commune de FLEURY d’AUDE le 26 mars 1988 en vue de la réalisation d’un jardin aquatique, et que cette commune ne lui a pas remboursées ; que le fait que cette créance se trouve actuellement contestée en justice par la commune n’est pas, dans les circonstances de l’espèce, de nature à la faire regarder comme une créance fictive ou comme une créance irrecouvrable par le département de l’AUDE qui est subrogé dans les droits de la société d’économie mixte pour engager toutes voies d’action pour la récupérer ; que, dans ces conditions, dès lors que l’engagement budgétaire du département doit être réputé avoir une contrepartie réelle, il ne saurait être regardé comme ayant une incidence directe dans le patrimoine de cette collectivité territoriale ou dans les résultats de la société d’économie mixte ; que si l’achat de ladite créance, décidé par la délibération du conseil général du 13 octobre 1995, permet à cette société, dont le département est l’actionnaire majoritaire, de restaurer sa trésorerie, l’aide qu’elle représente pour son développement a le caractère d’une aide indirecte au sens des dispositions précitées des lois des 7 janvier et 2 mars 1982, et 7 juillet 1983, et n’est donc pas illégale ; qu’il en va de même pour la délibération du 30 octobre 1995 par laquelle la commission permanente du conseil général de l’AUDE a décidé de réaliser un emprunt de 15 millions de francs auprès de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATION pour financer cette aide, pour la délibération du conseil général du 18 décembre 1995, en tant qu’elle porte inscription, en recettes et en dépenses, d’une somme de 15 millions de francs au budget départemental, ainsi que pour la convention non datée passée entre le département de l’Aude et la société AUDE X… et pour la convention de prêt conclue le 20 décembre 1995 entre le département de l’AUDE et la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS destinée au financement de l’intervention économique du département ; qu’il suit de là que le département de l’AUDE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a prononcé l’annulation des actes susmentionnés ;
Sur les conclusions présentées à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
Considérant que, par la présente décision, il est statué au fond ; qu’ainsi lesdites conclusions sont devenues sans objet ; qu’il n’y a plus lieu d’y statuer ;
Article 1er : Les conclusions de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS sont rejetées.
Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 3 : Les demandes présentées devant la Tribunal administratif de Montpellier par le préfet de l’AUDE et par MM. Y…, PELOFY, MARIO, TEULIE, JONCKER, A…, B…, SARCOS, DESTREM, AURIFEUILLE et Z… sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de l’AUDE, à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, à la société d’économie mixte AUDE X…, à MM. Z…, Y…, PELOFY, MARIO, TEULIE, JONCKER, A…, B…, SARCOS, DESTREM, AURIFEUILLE et au ministre de l’intérieur.