Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 19/06/2012, 10MA00847, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Marseille, 1ère chambre – formation à 3, 19/06/2012, 10MA00847, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2010, présentée pour la SOCIETE DECATHLON, dont le siège est 4, Boulevard de Mons à Villeneuve D’Ascq (59650), représentée par son président directeur général en exercice, par la S.E.L.A.S. Wilhelm et Associés ;

La SOCIETE DECATHLON demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0803143 du 18 décembre 2009 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la société Kingsport, la décision de la commission départementale d’équipement commercial de l’Aude en date du 26 juin 2008 l’autorisant à étendre de 2 005 m² une surface de vente d’articles de sport et de loisirs à l’enseigne  » Décathlon « , sur le territoire de la commune de Carcassonne ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Kingsport devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de la société Kingsport la somme de 6 000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 mai 2012 :

– le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;

– les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;

– les observations de Me d’Albert des essats pour la SOCIETE DECATHLON ;

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé, à la demande de la société Kingsport, la décision du 26 juin 2008 par laquelle la commission départementale d’équipement commercial de l’Aude a autorisé la SOCIETE DECATHLON à étendre de 2 005 m² une surface de vente d’articles de sport et de loisirs à l’enseigne  » Décathlon « , sur le territoire de la commune de Carcassonne, dans la zone industrielle La Bouriette ; que la SOCIETE DECATHLON relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE DECATHLON, le jugement attaqué est suffisamment motivé ; qu’en outre, l’absence de visa et d’analyse des mémoires des parties dans l’expédition du jugement attaqué n’entache pas la régularité de celui-ci dès lors que ces mentions figurent dans la minute de ce jugement ; qu’enfin, il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire de la société Kingsport, enregistré le 1er octobre 2008 au greffe du tribunal, que le moyen tiré de l’abus de position dominante a été soulevé ; que la circonstance que les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce n’ont pas été explicitement invoquées par la société Kingsport n’est pas de nature à faire regarder les premiers juges comme ayant soulevé d’office ce moyen ; que, dès lors, la SOCIETE DECATHLON n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d’irrégularité ;

Sur la légalité de la décision du 26 juin 2008 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 420-2 du code de commerce :  » Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 752-6 du même code : « Dans le cadre des principes définis à l’article L. 750-1, la commission statue en prenant en considération : (…) 5° Les conditions d’exercice de la concurrence au sein du commerce et de l’artisanat (…)  » ; qu’il incombe aux commissions d’équipement commercial de veiller, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, au respect des règles tendant à préserver le libre jeu de la concurrence, notamment de celles qui résultent des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 1986, insérées dans le code de commerce ; qu’au nombre de ces règles figurent celles qui visent à prévenir les risques d’abus de position dominante ;

Considérant que les premiers juges, après avoir relevé qu’avant délivrance de l’autorisation en litige, le poids de l’enseigne Décathlon était de 58,3 % dans la zone de chalandise et qu’après délivrance de ladite autorisation, celui-ci serait de 70 %, ont estimé que si, à lui seul, un tel taux n’était pas de nature à établir que l’autorisation accordée aurait pour effet de conduire nécessairement l’établissement à exploiter abusivement une position dominante, il révélait un risque d’abus d’une telle position dans la zone considérée ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le tribunal a pris en compte le  » marché pertinent  » constitué par la zone de chalandise ; qu’en outre, la commission départementale devant déterminer si l’entreprise qui demande une autorisation est susceptible d’abuser de la position dominante, c’est à bon droit que les premiers juges se sont fondés sur le risque d’abus de position dominante pour annuler l’autorisation litigieuse ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en l’espèce, eu égard à la nature du projet, qui concerne une extension et non une création de magasin, dont seulement la moitié est destinée au développement des gammes de produits, l’autre moitié devant permettre l’amélioration de l’agencement et des circulations internes, la délivrance de l’autorisation sollicitée par la SOCIETE DECATHLON est susceptible de conduire cette dernière à abuser de sa position dominante dans la zone de chalandise au détriment des trois autres magasins de vente d’articles de sport et de loisirs dont deux spécialisés, présents dans la zone ; qu’il s’ensuit que c’est à tort que les premiers juges ont retenu l’existence d’un risque d’abus de position dominante et annulé l’autorisation délivrée par la commission départementale d’équipement commercial de l’Aude ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Marseille et la cour ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales :  » Le maire est seul chargé de l’administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints et, en l’absence ou en cas d’empêchement des adjoints ou dès lors que ceux-ci sont tous titulaires d’une délégation à des membres du conseil municipal. (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 2122-25 du même code :  » Le maire procède à la désignation des membres du conseil municipal pour siéger au sein d’organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes.  » ; qu’il résulte de ces dispositions que le maire est la seule autorité compétente pour désigner ses représentants au sein de la commission départementale d’équipement commercial ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le maire de Carcassonne a été représenté par Mme Vaissière à la commission départementale d’équipement commercial de l’Aude qui s’est réunie le 26 juin 2008, M. Icher ayant été empêché ; que Mme Vaissière a été désignée comme suppléante par une délibération du conseil municipal du 9 avril 2008 ; qu’en vertu des dispositions précitées, cette désignation, qui émane d’une autorité incompétente, est illégale ; qu’il s’ensuit que la composition de la commission était irrégulière ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 751-4 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret n° 2006-665 du 7 juin 2006 applicable à la date de la décision attaquée :  » Le représentant des associations de consommateurs, ainsi qu’un suppléant, sont désignés par les associations de consommateurs du département agréées, au titre de l’article L.411-1 du code de la consommation, soit par arrêté du préfet de département, soit par leur affiliation à une association nationale elle-même agréée. Le représentant des associations de consommateurs exerce un mandat de trois ans ; le membre titulaire ne peut effectuer deux mandats consécutifs, que ce soit en qualité de titulaire ou de suppléant. S’il perd la qualité en vertu de laquelle il a été désigné ou en cas de démission ou de décès, le représentant des consommateurs est immédiatement remplacé pour la durée du mandat restant à courir.  » ; que la représentante des associations de consommateurs qui siégeait au sein de la commission d’équipement commercial lors de sa séance du 26 juin 2008 n’a pas été désignée conformément à ces dispositions ; que la composition de cette commission est, par suite, entachée d’irrégularité ; que les deux irrégularités qui viennent d’être relevées présentant un caractère substantiel, la décision litigieuse a été prise par une autorité irrégulièrement constituée ; que, dès lors, elle est entachée d’illégalité et doit être annulée ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE DECATHLON n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l’autorisation litigieuse du 26 juin 2008 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu, d’une part, de rejeter ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et, d’autre part, de mettre à sa charge, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros à verser à la société Kingsport au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 10MA00847 de la SOCIETE DECATHLON est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE DECATHLON versera à la société Kingsport une somme de 2000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE DECATHLON, à la société Kingsport, et au ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur.

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N° 10MA008472

FS


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