COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 5ème chambre – formation à 3, 12/04/2012, 10LY00946, Inédit au recueil Lebon

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COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 5ème chambre – formation à 3, 12/04/2012, 10LY00946, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. et Mme Thierry A, domiciliés … ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0802204 du 12 janvier 2010, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2002 dans le rôle de la commune de Mâcon ;

2°) de prononcer ladite décharge, ainsi que la restitution des sommes versées à tort, assorties d’intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat, à leur bénéfice, la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutiennent que le don, tel qu’il a été effectué, est parfaitement régulier et opposable tant au plan civil, qu’au plan fiscal, dès lors qu’il y a eu matérialisation d’une tradition réelle et acceptation des donataires ; qu’en effet, il est admis par la doctrine administrative 7 G-3161 que les dons manuels concernant des valeurs mobilières peuvent s’opérer par un simple jeu d’écriture dès lors qu’il y a un dessaisissement irrévocable de la part du donateur ; qu’en l’espèce le dessaisissement est manifeste car matérialisé par l’ordre de mouvement des titres du 15 décembre 2001 et par l’enregistrement de ce mouvement sur la comptabilité titres de la société Finail ; que l’acceptation de la donation des titres résulte de la présence des donataires aux assemblées générales et de la cession de leurs titres ; qu’en outre, l’exploit d’huissier du 28 février 2002 valide la donation ; qu’en application de l’instruction 5 B-12-92 du 29 mai 1992 paragraphe 17 cette donation a purgé la plus-value d’apport qui ne pouvait donc plus être taxée entre leurs mains ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 8 novembre 2010, le mémoire en défense présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que ni la déclaration unilatérale du donataire, ni l’ordre de mouvement, qui ne fait apparaître que la seule signature de M. A, ni le document  » registre des mouvements de titres  » non signé, ni la présence des enfants aux assemblées générales, ni enfin les exploits d’huissiers du 1er mars 2002 qui présentent un caractère unilatéral, ne sauraient fonder la preuve de la réalité de la tradition et de l’acceptation des donataires ; que l’existence d’une donation n’étant pas caractérisée, l’administration a, à bon droit, procédé à la taxation de la plus-value constatée à l’occasion de la dissolution de la société Finail ;

Vu, enregistré le 21 janvier 2011, le mémoire en réplique présenté pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que la donation répond aux exigences de l’article 894 du code civil ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 22 mars 2012 :

– le rapport de Mme Besson-Ledey, premier conseiller ;

– et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;

Considérant que M. A était actionnaire de la société anonyme Finail, au capital de 8 466 000 francs, pour 4 233 actions, soit 50 % de son capital ; que cette société, lors de sa création en 1997, avait été constituée par apport en nature de titres d’une société CBC ; que cet apport avait été réalisé dans le cadre du dispositif de report des impositions de plus-values dégagées au moment de l’apport ; que, par acte du 15 décembre 2001, M. A a déclaré effectuer au profit de ses deux filles mineures la donation de ses actions, dans la proportion de la moitié chacune ; que, le 22 décembre 2001, les nouveaux actionnaires ont décidé de dissoudre la société et de répartir le boni de liquidation entre les actionnaires présents le jour de la liquidation définitive ; que M. A a estimé que les donations des titres à ses enfants l’avaient exonéré définitivement de la taxation de la plus-value en report d’imposition ; qu’à l’issue d’un contrôle sur pièces de son dossier fiscal, l’administration a toutefois considéré que les donations étant imparfaites, faute de remise matérielle des titres et d’acception expresse par leurs donataires, M. A devait être regardé comme étant demeuré propriétaire des titres et que la plus-value dont il avait demandé le report d’imposition ne pouvait pas bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu au titre de la transmission à titre gratuit des titres mais devait faire l’objet d’une taxation au taux de 16 % du fait de la dissolution de la société Finail le 31 juillet 2002 ; qu’un boni de liquidation correspondant à ces titres a, par ailleurs, été intégré au revenu imposable de l’intéressé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des articles 111 bis et 161 du code général des impôts ; que M. et Mme A relèvent appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon du 12 janvier 2010 qui a rejeté leur demande de décharge des impositions sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2002 en raison de cette plus-value et du boni de liquidation de la société Finail ;

Considérant qu’aux termes de l’article 894 du code civil :  » La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte.  » ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. A a déclaré, par un acte du 15 décembre 2001, enregistré le 16 janvier 2002, effectuer au profit de ses deux filles mineures la donation des actions qu’il détenait au sein de la société Finail et a signé un ordre de mouvement des titres en cause le 15 décembre 2001 ; qu’à cette même date, cette donation a été inscrite au registre des mouvements des titres de la société Finail, enregistré au greffe du Tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse le 23 septembre 1997, ainsi que dans les comptes d’actionnaires de la société ; que l’ensemble de ces éléments justifient du transfert réel et effectif au 15 décembre 2001 des actions en cause que caractérise la tradition de la chose et qui confère son existence et son irrévocabilité au don manuel ; que les requérants ont également produit des exploits d’huissier du 1er mars 2002 portant reconnaissance et acceptation par les donataires, représentés par leurs représentants légaux, des donations qui leur ont été faites ; que M. et Mme A sont, par suite, fondés à soutenir qu’il y a eu donation régulière au sens de l’article 894 du code civil et que c’est à tort que l’administration a estimé qu’ils étaient demeurés propriétaires des titres en cause jusqu’à la dissolution de la société Finail ;

Considérant que M. et Mme A qui font valoir, ainsi que l’admet l’administration, qu’en application de la doctrine administrative 5 B-12-92 du 29 mai 1992 une transmission à titre gratuit des titres exonère la plus-value dont l’imposition était reportée, sont fondés à soutenir que c’est à tort, d’une part, que la plus-value dont M. A avait demandé le report a été imposée entre leurs mains au taux de 16 % et qu’un boni de liquidation des titres en litige a été intégré à leurs revenus imposables et, d’autre part, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande de décharge des impositions auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2002 ;

Sur le remboursement des sommes versées assorties des intérêts moratoires :

Considérant qu’en l’absence de litige né et actuel sur la demande de remboursement des impositions acquittées et de versement d’intérêts moratoires, ces conclusions sont irrecevables ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement à M. et Mme A d’une somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0802204 du 12 janvier 2010 du Tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : M. et Mme A sont déchargés des contributions supplémentaires d’impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2002.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Thierry A et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’Etat.

Délibéré après l’audience du 22 mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Duchon-Doris, président,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2012.

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N° 10LY00946


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