COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 4ème chambre – formation à 3, 23/04/2015, 14LY00511, Inédit au recueil Lebon

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COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 4ème chambre – formation à 3, 23/04/2015, 14LY00511, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2014, présentée pour la société Poste Immo, dont le siège est 35-39 boulevard Romain Rolland à Paris (75014), représentée par son directeur général ;

La société La Poste Immo demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1202022 en date du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré que la convention du 27 décembre 1962 conclue entre la commune de Saligny-sur-Rondon et l’Etat doit être interprétée comme ayant prévu la rétrocession gratuite de l’immeuble en cas de suppression du service postal, sans qu’aucune indemnité ne soit à la charge de la commune de Saligny-sur-Roudon à cette occasion ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance de la commune de Saligny-sur-Roudon ;

3°) à titre subsidiaire, de la mettre hors de cause ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de déclarer que les stipulations de la convention du 27 décembre 1962 doivent s’entendre comme ne faisant pas obstacle à l’indemnisation des travaux réalisés en plus de ceux prévus par l’offre de concours dès lors que la remise gratuite de l’immeuble est subordonnée à ce que ce dernier soit dans l’état dans lequel il se trouvait au 31 décembre 1962 ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saligny-sur-Roudon une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier, dès lors que :

– la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la demande en interprétation présentée par la commune, compte tenu de la nature du litige qu’elle serait susceptible d’introduire en application des stipulations de la convention dont l’interprétation est demandée ;

– le Tribunal a refusé, à tort, de la mettre hors de cause, tout en indiquant qu’elle a simplement été appelée à présenter ses observations alors qu’elle présentait la qualité de partie et qu’elle n’a plus de droit sur l’immeuble, cédé en 2005 à la SCI BP ;

– le Tribunal n’a pas communiqué la procédure de première instance à la SCI BP ou invité cette société à présenter ses observations et a ainsi méconnu le principe du contradictoire ;

– le jugement n’est pas correctement motivé, dès lors que le Tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que la société Poste Immo n’était plus propriétaire du bien litigieux ;

Elle soutient en outre que le jugement est mal fondé, dès lors que :

– les conditions autorisant le juge à faire droit à la demande d’interprétation n’étaient pas réunies, la clause en débat n’étant ni obscure ni ambiguë et la commune de Saligny-sur-Roudon ne justifiant pas d’un intérêt à obtenir l’interprétation sollicitée, puisqu’elle n’a entrepris aucune initiative pour saisir le juge du fond et qu’elle ne pourrait obtenir la restitution du bien de la part du juge judiciaire, la clause résolutoire du contrat étant inopposable à la SCI BP, ce qui fait qu’il n’existe ou ne peut exister de litige né et actuel ;

– l’interprétation retenue par les premiers juges est erronée, car la convention est claire, c’est à tort qu’elle a été interprétée au regard de la délibération du 14 janvier 1962 et, car la convention établit une corrélation entre la gratuité de la remise du bien et l’état du bien, tenant à son état initial et à des travaux prévus comme contrepartie dans l’offre de concours et prévoit un retour gratuit à la commune en ce qui concerne les travaux stipulés dans l’offre de concours, l’Etat ne pouvait avoir pris le risque de consentir une libéralité illégale à la commune ;

Vu l’ordonnance en date du 8 juillet 2014 fixant la clôture de l’instruction au 25 août 2014 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 août 2014, présenté pour la commune de Saligny-sur-Roudon, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Poste Immo une somme de 4 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est régulier, dès lors que :

– seul le juge administratif a compétence, conformément à l’article R. 312-4 du code de justice administrative, pour statuer sur l’interprétation d’un contrat administratif, tel que l’offre de concours en litige, la société requérante ne contestant pas la nature administrative du contrat en question et la compétence pour interpréter un acte s’appréciant seulement au regard de la nature de cet acte ; le litige existant avec la société requérante ne porte pas sur la propriété du bien mais sur les modalités financières selon lesquelles la rétrocession est juridiquement intervenue ;

– la circonstance que la société Poste Immo n’ait pas été mise hors de cause n’est constitutive d’aucune irrégularité ; la société requérante ne peut reprocher dans le même temps au Tribunal d’avoir estimé qu’elle n’avait été appelée à la cause que pour présenter des observations tout en contestant le fait qu’elle ait pu être mise en cause ; la société requérante ne se considérait pas comme une partie, au sens du code de justice administrative, en première instance ; seules les signataires du contrat devaient être regardées comme des parties ;

– le Tribunal n’était pas tenu de communiquer la procédure à la SCI BP ou de l’inviter à présenter des observations car ses intérêts sont représentés par son gérant, la société Poste Immo, ces deux sociétés ont le même conseil juridique et font la même interprétation de la convention en litige, les difficultés d’interprétation sont apparues entre la commune et la société Poste Immo, la société Poste Immo n’a demandé sa mise hors de cause que tardivement et la SCI BP n’a pas estimé nécessaire d’intervenir ;

– le jugement est suffisamment motivé dès lors que le Tribunal a statué sur le moyen tiré de ce que la société Poste Immo n’était plus propriétaire du bien en cause ;

Elle soutient en outre que le jugement est bien-fondé, dès lors que :

– les conditions du recours en interprétation étaient réunies, dans la mesure où les parties ont une interprétation divergente de la convention, le caractère ambigu des stipulations ayant été reconnu par le rapporteur public, et où le fait qu’aucun recours au fond n’ait été introduit est sans incidence sur la recevabilité du recours en interprétation ; c’est à tort que la société requérante soutient que le transfert du bien à la SCI BP ferait obstacle à la rétrocession, cette société ne pouvant être regardée comme étrangère aux obligations mises à la charge de la Poste aux termes de la convention en litige ;

– les premiers juges ont fait une correcte interprétation de la convention et ont à juste titre tenu compte de la délibération du 14 janvier 1962 ; la convention ne prévoit aucun aménagement à la gratuité de la rétrocession ; la commune n’a aucun pouvoir quant à la nature et à l’étendue des travaux ; cette interprétation est conforme à la jurisprudence applicable aux travaux réalisés par les titulaires d’autorisations d’occupation domaniale ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 22 août 2014, présenté pour la société Poste Immo, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que la commune ne peut utilement se prévaloir de l’article R. 312-4 du code de justice administrative, relatif à la compétence territoriale ; que la commune devrait aller devant le juge judiciaire pour se voir reconnaître un droit de propriété ; que sa requête n’est pas contradictoire en ce qui concerne sa mise en cause ; que le jugement est entaché de contrariété de motif sur ce point ; que la seule qualité de gérant ne saurait impliquer une représentation de la société SCI BP ; que la commune avait indiqué, dans divers courriers, que la clause en question était claire et précise ; que la gratuité ne trouve à s’appliquer que dans le cadre défini par la convention ; que les travaux ont été réalisés dans l’intérêt de la commune ; qu’une offre de concours n’est pas assimilable à une convention d’occupation domaniale et l’argumentation de la commune militerait en faveur de la démolition des travaux réalisés, alors que la convention l’exclut ;

Vu l’ordonnance en date du 26 août 2014 reportant la clôture de l’instruction au 15 septembre 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 septembre 2014, présenté pour la commune de Saligny-sur-Roudon, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens :

Elle soutient en outre que la société Poste Immo, comme la SCI BP, ont toujours reconnu son droit à restitution, le litige portant seulement sur l’exécution d’obligations financières prétendument issues de l’offre de concours ; en tout état de cause, le juge administratif est compétent, quand est en cause l’interprétation d’un contrat administratif, pour dire qui est propriétaire d’un bien ;

Vu l’ordonnance en date du 18 septembre 2014 reportant la clôture de l’instruction jusqu’au 6 octobre 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, non communiqué, présenté pour la société Poste Immo ;

Vu l’ordonnance en date du 7 novembre 2014 reportant la clôture de l’instruction au 8 décembre 2014 ;

Vu le courrier adressé aux parties le 7 novembre 2014, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;

La Cour a informé les parties qu’elle était susceptible de relever d’office l’irrecevabilité des conclusions de la société Poste Immo qui n’a pas qualité pour contester le jugement attaqué, faute d’avoir la qualité de partie en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2014, présenté pour la société Poste Immo, qui présente ses observations sur le courrier du 7 novembre 2014 ;

Elle soutient que le moyen que la Cour envisage de relever d’office n’est pas fondé, dès lors qu’elle avait la qualité de partie en première instance, puisqu’elle a été constituée comme partie tant par la commune demanderesse que par le Tribunal et qu’elle a été mise en cause et non simplement appelée en cause ; qu’elle est, en tout état de cause, recevable à faire appel alors même qu’elle ne serait qu’un tiers, dès lors que le jugement a statué sur ses droits et obligations ; la Cour ne pourrait retenir ce moyen sans méconnaître le principe du contradictoire, la SCI BP n’ayant pas été mise en cause en première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 décembre 2014, présenté pour la société civile immobilière BP, dont le siège est 35/39 boulevard Romain Rolland à Paris (75 014), représentée par son gérant, la société Poste Immo ; la SCI BP demande à la Cour :

1°) d’accueillir son intervention ;

2°) d’annuler le jugement attaqué ;

3°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance de la commune de Saligny-sur-Roudon ;

4°) à titre subsidiaire, de déclarer que les stipulations de la convention du 27 décembre 1962 doivent s’entendre comme ne faisant pas obstacle à l’indemnisation des travaux réalisés en plus de ceux prévus par l’offre de concours dès lors que la remise gratuite de l’immeuble est subordonnée à ce que ce dernier soit dans l’état dans lequel il se trouvait au 31 décembre 1962 ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Saligny-sur-Roudon une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le moyen que la Cour envisage de relever d’office n’est pas fondé, dès lors que la société Poste Immo avait la qualité de partie en première instance, puisqu’elle a été constituée comme partie tant par la commune demanderesse que par le Tribunal et qu’elle a été mise en cause et non simplement appelée en cause ;

Elle soutient en outre que le jugement est irrégulier et doit être annulé dès lors que :

– la juridiction administrative est incompétente pour connaître de la demande en interprétation présentée par la commune, compte tenu de la nature du litige qu’elle serait susceptible d’introduire en application des stipulations de la convention dont l’interprétation est demandée ;

– le Tribunal ne lui a pas communiqué la procédure de première instance ou ne l’a pas invitée à présenter ses observations et a ainsi méconnu le principe du contradictoire ; elle n’a pas été représentée en première instance ;

– c’est à tort que le Tribunal a refusé de mettre hors de cause la société Poste Immo ;

Elle soutient en outre que le jugement est mal fondé, dès lors que :

– les conditions autorisant le juge à faire droit à la demande d’interprétation n’étaient pas réunies, la clause en débat n’étant ni obscure ni ambiguë et la commune de Saligny-sur-Roudon ne justifiant pas d’un intérêt à obtenir l’interprétation sollicitée, puisqu’elle n’a entrepris aucune initiative pour saisir le juge du fond et qu’elle ne pourrait obtenir la restitution du bien de la part du juge judiciaire, la clause résolutoire du contrat étant inopposable à la SCI BP, ce qui fait qu’il n’existe ou ne peut exister de litige né et actuel ;

– l’interprétation retenue par les premiers juges est erronée car la convention est claire, c’est à tort qu’elle a été interprétée au regard de la délibération du 14 janvier 1962 et, car la convention établit une corrélation entre la gratuité de la remise du bien et l’état du bien, tenant à son état initial et à des travaux prévus comme contrepartie dans l’offre de concours et prévoit un retour gratuit à la commune en ce qui concerne les travaux stipulés dans l’offre de concours, l’Etat ne pouvait avoir pris le risque de consentir une libéralité illégale à la commune ;

Vu l’ordonnance en date du 10 décembre 2014 reportant la clôture de l’instruction au 5 janvier 2015 ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 janvier 2015, présenté pour la commune de Saligny-sur-Roudon, qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Elle soutient que l’appel de la société Poste Immo est irrecevable, dès lors qu’elle n’était ni partie à l’instance ni intervenante ; que l’intervention de la société BP est irrecevable, du fait de l’irrecevabilité de la requête ;

Vu l’ordonnance en date du 8 janvier 2015 reportant la clôture de l’instruction au 22 janvier 2015 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de la poste et des télécommunications, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 26 mars 2015:

– le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

– les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

– et les observations de MeA…, représentant les sociétés Poste Immo et BP et de MeB…, représentant la commune de Saligny-sur-Roudon ;

1. Considérant que la société Poste Immo et la société BP demandent à la Cour d’annuler le jugement en date du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, saisi d’un recours en interprétation par la commune de Saligny-sur-Roudon, a déclaré que la convention du 27 décembre 1962 conclue entre cette commune et l’Etat doit être interprétée comme ayant prévu la rétrocession gratuite de l’immeuble en cas de suppression du service postal, sans qu’aucune indemnité ne soit à la charge de la commune à cette occasion ;

Sur la recevabilité des conclusions d’appel :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 22 de la loi du 2 juillet 1990 : « les droits et obligations de l’Etat attachés aux services relevant de la direction générale de La Poste et de la direction générale des télécommunications sont transférés de plein droit respectivement à La Poste et à France Télécom » ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction et notamment des écritures et des pièces de la société Poste Immo que celle-ci n’est jamais venue aux droits de l’Etat, puis de la Poste, en tant que propriétaire du bien objet du litige et en tant que titulaire des droits et obligations prévues par le contrat en cause ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif lui a nié la qualité de partie, conformément à sa demande tendant à être mise hors de cause ; qu’ainsi, elle ne peut utilement se prévaloir du statut qui lui avait été reconnu initialement, à titre provisoire, sur Skipper et qui l’identifiait, à tort, comme défendeur ; qu’elle ne peut pas davantage se prévaloir des mentions erronées figurant sur la notification du jugement en ce qui concerne sa faculté de faire appel ; que cette société, qui était et est demeurée tiers au regard de l’acte à interpréter, ne saurait donc se voir reconnaître la qualité de partie en première instance, lui permettant de relever appel du jugement interprétant cet acte, alors même qu’elle a pris part à des discussions avec la commune de Saligny-sur-Roudon sur l’interprétation à donner à la convention en litige ; qu’il suit de là que l’appel de la société Poste Immo est irrecevable ;

4. Considérant en revanche que la SCI BP, qui est venue aux droits et obligations de l’Etat pour l’application de la convention en litige, a qualité pour faire appel du jugement, dès lors qu’elle doit être regardée comme ayant vu ses intérêts représentés en première instance par la société Poste Immo, qui est son actionnaire majoritaire et son gérant ; qu’elle doit être regardée comme ayant, en réalité, entendu reprendre à son compte les conclusions d’appel de la société Poste Immo ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saligny-sur-Roudon et tirée de ce que le recours de la SCI BP s’analyserait comme une intervention et serait irrecevable du fait de l’irrecevabilité de la requête de la société Poste Immo, doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Considérant, en premier lieu, que l’article 25 de la loi du 2 juillet 1990 dispose :  » les relations de La Poste et de France Télécom avec leurs usagers, leurs fournisseurs et les tiers sont régies par le droit commun. Les litiges auxquels elles donnent lieu sont portés devant les juridictions judiciaires à l’exception de ceux qui relèvent, par leur nature, de la juridiction administrative  » ; qu’aux termes de l’article 22 de la même loi :  » les droits et obligations de l’Etat attachés aux services relevant de la direction générale de La Poste et de la direction générale des télécommunications sont transférés de plein droit respectivement à La Poste et à France Télécom  » ; qu’aux termes de l’article 47 de la même loi :  » Les actions en justice concernant les biens, droits et obligations, engagées avant le 1er janvier 1991 qui relevaient avant cette date de la compétence de la juridiction administrative lui restent attribuées  » ; que l’article 27 de cette loi, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2001-1168, dispose :  » Les biens immobiliers de La Poste relevant de son domaine public sont déclassés. Ils peuvent être librement gérés et aliénés dans les conditions du droit commun.  » ;

6. Considérant que, sauf disposition législative contraire, la nature juridique d’un contrat s’apprécie à la date à laquelle il a été conclu ; qu’en l’espèce, aucune des dispositions précitées et aucune autre disposition législative n’a eu pour effet de modifier la nature du contrat conclu entre l’Etat et la commune de Saligny-sur-Roudon, qui a pour objet une offre de concours ayant pour but l’exécution d’un travail public et est par suite un contrat administratif ; qu’aucune disposition législative n’a, par ailleurs, soustrait ce contrat de la compétence du juge administratif ; que, dans ces conditions, le recours tendant à l’interprétation de ce contrat relève de la compétence de la juridiction administrative ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de ce qui est précisé au point 3 que la société Poste Immo a été regardée, à juste titre, par le Tribunal, comme n’ayant pas la qualité de partie en première instance ; que, par suite, il ne peut être utilement soutenu qu’elle n’a pas été mise hors de cause ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu’ainsi qu’il a été dit au point 4, la SCI BP doit être regardée comme ayant été représentée, en première instance, par la société Poste Immo ; que, par suite, le principe du contradictoire n’a pas été méconnu à son encontre ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI BP n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

10. Considérant que l’interprétation du contrat litigieux donne lieu à un litige né et actuel dès lors que la commune de Saligny-sur-Roudon sollicite, en application de cette convention, la restitution gratuite du local mis à disposition alors que, par plusieurs courriers, la société Poste Immo lui a indiqué que la restitution ne pouvait intervenir que contre le paiement d’une indemnité de 50 000 euros correspondant à la valeur nette comptable résiduelle du bien ; que la recevabilité du recours direct tendant à l’interprétation d’un acte administratif n’est en revanche pas conditionnée par l’existence d’un recours contentieux ; que la circonstance que certaines des clauses de la convention ne seraient pas opposables à la SCI BP, à la supposer même établie, est également, par elle-même, sans incidence sur la recevabilité du recours en interprétation ; que l’erreur de la commune sur l’identité exacte du défendeur venu aux droits de l’Etat n’a pas, de même, pour effet de rendre son recours irrecevable ;

11. Considérant qu’il suit de là que les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance de la commune de Saligny-sur-Roudon doivent être écartées ;

Sur l’interprétation de la convention litigieuse :

12. Considérant que la convention litigieuse stipule :  » L’immeuble est cédé gratuitement à titre d’offre de concours aux travaux d’agrandissement et d’installations sanitaires que l’Etat s’engage à faire exécuter avant le 31 décembre mil neuf cent soixante deux. Sa valeur est fixée d’un commun accord entre les parties à la somme de treize mille cinq cents nouveaux francs (13.500 NF). Il est précisé qu’au cas où le bureau de Poste de Saligny-sur-Roudon viendrait à être supprimé, la commune ne pourrait prétendre au paiement d’une pareille somme, mais que l’immeuble lui serait alors restitué gratuitement dans l’état où il se trouvait alors  » ;

13. Considérant que la convention en litige insiste sur la gratuité du retour de l’immeuble dans le patrimoine communal en cas de suppression du service postal et ne prévoit aucunement les conditions dans lesquelles la commune pourrait être amenée à verser une indemnité à son cocontractant, notamment pour tenir compte de la valeur comptable résiduelle des travaux réalisés sur cet immeuble ; que, dans ces conditions, sans qu’il soit besoin de se rapporter aux termes dans lesquels a été rédigée la délibération du 14 janvier 1962 du conseil municipal autorisant l’offre de concours, la dernière phrase précitée doit être regardée comme prévoyant la restitution gratuite de l’immeuble, dans l’état dans lequel il se trouve au moment de cette restitution ;

14. Considérant que la circonstance qu’une telle interprétation pourrait amener, en fonction de l’état dans lequel se trouve le bien au moment de cette restitution, une personne publique à consentir une libéralité, ne peut, en tout état de cause, être utilement invoquée pour soutenir qu’une interprétation contraire devrait être retenue, alors qu’une telle éventualité ne saurait avoir pour effet de vicier le contrat lui-même, mais seulement ses modalités de mise en oeuvre dans une hypothèse déterminée ; qu’au demeurant, une restitution gratuite à la commune dans l’hypothèse où les travaux réalisés par la personne venant aux droits de l’Etat n’auraient pas été intégralement amortis, n’a pas nécessairement pour effet d’aboutir à une libéralité, eu égard à la contrepartie tenant à ce que le cocontractant de la commune a pu exploiter depuis 1962 l’immeuble ainsi entretenu ;

15. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI BP n’est pas fondée à contester l’interprétation de la convention litigieuse retenue par les premiers juges ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais exposés à l’occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société Poste Immo et de la SCI BP doivent être rejetées ;

17. Considérant, en second lieu, que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Saligny-sur-Roudon ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCI BP est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Poste Immo sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Saligny-sur-Roudon tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Poste Immo, à la SCI BP, à la commune de Saligny-sur-Roudon et au ministre de l’intérieur et au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Délibéré après l’audience du 26 mars 2015, où siégeaient :

– M. Wyss, président de chambre,

– Mme Gondouin, premier conseiller,

– Mme Samson-Dye, premier conseiller

Lu en audience publique, le 23 avril 2015.

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N° 13LY02168

N° 14LY00511 2


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