Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 17 mai 1995, présentée pour la S.A. S.D.P. (Société anonyme de Distribution de produits), ayant son siège …, par la société Fiduciaire juridique et fiscale de France, bureau de Meylan, avocat au barreau de Grenoble ;
La S.A. S.D.P. demande à la cour :
1 ) d’annuler le jugement, en date du 13 février 1995, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1982 à 1985 ;
2 ) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3 ) de condamner l’Etat au remboursement des intérêts prévus par les dispositions de l’article L.208 du livre des procédures fiscales et au paiement d’une somme de 5 000 francs en application de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 juin 1997 :
– le rapport de M. RICHER, président ;
– et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
Considérant que la S.A. S.D.P. (Société anonyme de Distribution de produits), négociant en meubles et articles ménagers à Fontaine (Isère), qui exploitait plusieurs magasins à l’enseigne « But » dans les Alpes du Nord, a accordé gratuitement à la S.A. D.A.D. (Société anonyme Duprat André Duprat) sa caution pour la souscription de deux emprunts de 725 000 et 790 000 francs respectivement au cours des années 1982 et 1984 et lui a consenti, le 30 septembre 1983, l’abandon d’une créance de 500 000 francs, majorée des intérêts s’élevant à 61 142 francs, correspondant à une avance faite au mois de mars 1982 ; que le vérificateur a regardé les avantages correspondant à la gratuité de ces cautions et à cet abandon comme des actes anormaux de gestion et a réintégré dans chacun des résultats des exercices clos au mois de mars des années 1982 à 1984 la somme de 7 250 francs, dont le montant n’est pas contesté, représentant les commissions non perçues sur l’engagement de caution de 1982, ainsi que la somme de 500 000 francs au titre de l’exercice clos en mars 1984, représentant l’abandon de créance, et celle de 7 900 francs sur l’exercice clos en 1985, représentant la commission non perçue sur l’engagement de caution de 1984 ; qu’en raison de la procédure suivie, l’administration supporte la charge d’établir les faits d’où résulterait l’acte de gestion anormal qu’elle invoque ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que jusqu’au 30 septembre 1983, date à laquelle elle est devenue majoritaire dans le capital de la S.A. D.A.D., la S.A. S.D.P. n’a détenu qu’une proportion de celui-ci égale ou inférieure à 8,5 % ; qu’alors même que la S.A. S.D.P. envisageait dès 1981 de s’implanter dans la région toulousaine, en acquérant éventuellement le contrôle de la S.A. D.A.D. implantée à Aucamville (Haute-Garonne), afin de satisfaire un engagement pris auprès de son franchiseur, la société But INTERNATIONAL, elle n’entretenait avec la S.A. D.A.D. aucune relation commerciale ; que si la S.A. S.D.P. fait valoir l’existence de relations avec la S.A. D.A.D., ainsi que les conséquences qu’aurait eu une cessation de paiements de cette dernière sur son propre renom et ses relations avec la société But INTERNATIONAL, alors que la S.A. S.D.P., qui ne participait dans le capital de la S.A. D.A.D. qu’en qualité d’actionnaire minoritaire et n’avait souscrit aucun engagement à son égard, n’entretenait avec celle-ci aucune relation commerciale, de telles circonstances n’étaient pas de nature à justifier que la S.A. S.D.P. renonçât à la perception de toute commission rémunérant l’engagement de caution souscrit au profit de la S.A. D.A.D. à l’occasion de l’emprunt de 725 000 francs contracté par celle-ci en mai 1982 ; que, par suite, la S.A. S.D.P. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que l’administration avait à bon droit regardé comme constitutif d’un acte anormal de gestion l’avantage ainsi consenti à la S.A. D.A.D. ;
Considérant qu’il résulte également de l’instruction qu’à compter du 30 septembre 1983, la S.A. S.D.P. est devenue majoritaire dans le capital de la S.A. D.A.D. ; qu’à cette date il est constant que cette dernière présentait une situation nette négative de nature à mettre en péril son existence ; que la S.A. S.D.P. s’était engagée, dès l’année 1981, envers la Société BUT INTERNATIONAL dont elle utilisait l’enseigne à créer un second établissement dans la région de Toulouse où la S.A. D.A.D. exerçait son activité ; que, par un protocole du 27 mars 1983, elle s’est également obligée à donner sa caution aux engagements financiers de cette société envers la Société BUT INTERNATIONAL ; que l’abandon de créance a été assorti d’une clause de remboursement partiel en cas de « retour à meilleure fortune » ; que, dans ces conditions, la S.A. S.D.P. a pu estimer à juste titre qu’il était conforme à ses propres intérêts, notamment pour sauvegarder son renom et faire face à ses obligations envers la Société BUT INTERNATIONAL, d’assainir la situation financière de sa filiale ; que, dans les circonstances de l’espèce, l’absence de relations commerciales entre la S.A. S.D.P. et la S.A. D.A.D. ne faisait pas obstacle à l’octroi de tels avantages ; que la date à laquelle a été consentie l’avance à la S.A. D.A.D. reste sans incidence sur l’appréciation de l’intérêt que présentait pour la S.A. S.D.P. l’abandon de sa créance ; que si l’administration soutient que cet avantage correspondait à un supplément du prix symbolique d’acquisition des actions, elle n’apporte aucun élément au soutien de cette affirmation, de nature à établir que le prix convenu était inférieur à la valeur des titres d’une société dont l’actif net était négatif ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’abandon de créance ait eu pour effet d’augmenter la valeur de la participation de la S.A. S.D.P. dans le capital de la S.A. D.A.D. ; que, par suite, l’administration n’établit pas l’existence de l’acte de gestion anormal qu’elle invoque à raison de la caution délivrée à titre gratuit par la S.A. S.D.P. au profit de la S.A. D.A.D. et de l’abandon de créance qu’elle lui a consenti ; que la S.A. S.D.P. est dès lors fondée à demander la décharge des redressements correspondants ;
Sur les pénalités :
Considérant que l’administration ne donne aucun motif pour justifier l’application aux redressements restant en litige, des pénalités prévues en cas de mauvaise foi ; qu’il convient, en conséquence, de substituer les intérêts de retard à ces pénalités ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu’en l’absence de litige né et actuel portant sur le versement des intérêts moratoires, qui sont de droit, la S.A. S.D.P. n’est pas recevable à demander que l’administration soit condamnée au paiement de tels intérêts ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la S.A. S.D.P. est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a entièrement rejeté les conclusions de sa demande ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu’en vertu des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser à la S.A. S.D.P. une somme de 5 000 francs ;
Article 1er : Le montant des bases de l’impôt sur les sociétés mis à la charge de la S.A. S.D.P. au titre des années 1984 et 1985 est réduit respectivement de 500 000 F (cinq cent mille francs) et 7 900 F (sept mille neuf cents francs).
Article 2 : La S.A. S.D.P. est déchargée des impositions correspondant à la différence entre celles qui ont été mises à sa charge et la réduction prononcée à l’article 1er ci-dessus.
Article 3 : Aux pénalités pour mauvaise foi mises à la charge de la S.A. S.D.P. sont substitués les intérêts de retard.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L’Etat (ministre de l’économie, des finances et de l’industrie) est condamné à verser à la S.A. S.D.P. une somme de 5 000 francs (cinq mille francs).
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A. S.D.P. est rejeté.