COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 2ème chambre – formation à 3, 08/02/2011, 08LY01526, Inédit au recueil Lebon

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COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 2ème chambre – formation à 3, 08/02/2011, 08LY01526, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 3 juillet 2008, présentée pour M. André A, domicilié … ;

M. A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0400183 – 0404752 du 29 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2000 et sa réclamation valant demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999, 2000 et 2001 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de l’indemniser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu’il a été assujetti à une cotisation d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2000, établie en omettant la déduction d’un déficit reportable de 8 403 660 francs des revenus qu’il avait déclarés, et à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 1999 à 2001, établies à la suite des vérifications de comptabilité des sociétés à responsabilité limitée A. Dumont et Dumont-Collinet ; que la clôture de son activité de géomètre-expert en 1998 a fait ressortir un stock d’encours de 6 372 935 francs qu’il a déduit de son résultat professionnel au titre de pertes définitives sur travaux en cours, ce déficit étant reportable à hauteur de 6 098 536 francs sur l’année 2000 ; qu’il apporte la preuve de la réalité des pertes comptabilisées, les travaux en question ne pouvant pas être facturés ; que les sommes qu’il a perçues de la SARL Dumont Collinet et déclarées en tant que bénéfices non commerciaux devaient être imposées en tant que rémunérations de gérance, alors que l’administration fiscale en a imposé une partie en tant que revenus de capitaux mobiliers, bien que les associés aient régulièrement approuvé les comptes intégrant les versements effectués qui étaient clairement identifiés et isolés dans un compte intitulé honoraires TTC dus à M. A ; que le traitement social de ces rémunérations a été correctement effectué et que leur assujettissement aux contributions sociales conduit à une double imposition, alors que leur traitement fiscal erroné lui a été préjudiciable, ainsi qu’à la SARL Dumont Collinet ; que les majorations de mauvaise foi appliquées aux rappels relatifs aux rémunérations de gérant et aux revenus distribués par les sociétés A. Dumont et Dumont Collinet sont infondées, les sommes perçues de la SARL Dumont Collinet ayant été entièrement déclarées et l’erreur de cédule commise ne revêtant aucun caractère délibéré, alors que les rappels afférents aux revenus provenant de la société Dumont procèdent d’une simple présomption de distribution, sans qu’il se soit rendu coupable d’omissions déclaratives, et conduisent à une double pénalisation puisque cette société a également été soumise à l’impôt et aux majorations de mauvaise foi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le déficit professionnel déclaré par M. A au titre de l’année 1998 a été réduit à 905 454 francs, à la suite d’une vérification de comptabilité, les pertes pour travaux en cours de 6 372 935 francs qu’il avait déclarées n’ayant pas été admises en charges ; que ce déficit a été entièrement absorbé par les revenus de l’année 1999, lesquels ont été rectifiés par divers rehaussements ; que c’est au requérant qu’il incombe de justifier du bien-fondé du montant de 6 372 935 francs qu’il entend déduire de ses revenus imposables au titre des années 1999 à 2001 ; que la charge de la preuve lui incombe aussi, pour l’année 2000, en application des dispositions de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales, la procédure de taxation d’office prévue aux articles L. 66 et L. 67 du même livre ayant été utilisée, et de l’article R.* 194-1 dudit livre, la déclaration souscrite plus de trente jours après une mise en demeure ne faisant pas mention d’un déficit reportable ; que M. A déterminait depuis 1989, sur la base d’une tolérance administrative, le montant de ses bénéfices non commerciaux selon les règles de la comptabilité commerciale ; qu’il ne pouvait par suite déduire de ses résultats imposables que les dépenses engagées présentant le caractère de dettes certaines dans leur principe et leur montant et se trouvait placé de plein droit sous le régime défini à l’article 93 A du code général des impôts ; que, le mode de suivi et de facturation des chantiers mis en place par M. A étant en totale contradiction avec les dispositions comptables et fiscales applicables, il ne peut justifier de la déduction de son revenu global du solde des comptes pertes sur encours ; que le solde des travaux en cours correspondait à des honoraires qu’il n’avait jamais facturés pour des chantiers terminés ou abandonnés et nullement à des pertes sur créances acquises ; que M. A ne conteste pas avoir reçu de la société Dumont Collinet des sommes de 1 302 480 francs en 1999, 929 700 francs en 2000 et 175 035 euros en 2001, lesquelles n’ont pas été admises en déduction des résultats de cette société faute de factures justificatives ; que lesdites sommes étaient par suite imposables à son nom sur le fondement du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, les sommes portées au crédit d’un compte courant d’associé étant au surplus imposables en tant que revenus de capitaux mobiliers sauf preuve contraire apportée par le titulaire dudit compte ; que l’administration a néanmoins accepté de considérer ces sommes comme des rémunérations, imposables sur le fondement de l’article 62 du code général des impôts, à hauteur de 320 000 francs pour 1999 et 2000, selon le montant voté pour 2000, et de 54 881 euros pour 2001, selon le montant voté pour 2001, sans appliquer l’abattement de 20 % prévu au a du 5 de l’article 158 du code général des impôts ; que les associés n’ont jamais approuvé les sommes en cause en tant que rémunérations, puisqu’elles apparaissaient dans un poste honoraires toutes taxes comprises dus à M. A ; que ces sommes n’ont jamais été mentionnées sur les déclarations de salaires souscrites par la société ; que le paiement de cotisations sociales sur ces sommes n’est nullement démontré ; que le requérant ayant cessé son activité en 1998 ne pouvait ignorer qu’il n’avait jamais établi de factures d’honoraires ni souscrit de déclarations mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, ce qui établit sa mauvaise foi pour les rappels afférents aux sommes perçues de la SARL Dumont Collinet imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu’au surplus le requérant avait déclaré des montants inférieurs aux montants effectivement perçus ; que s’agissant des rappels non contestés afférents aux avantages occultes perçus des sociétés Dumont Collinet et A. Dumont, le requérant associé de ces deux sociétés, gérant majoritaire de la première et époux de la gérante de la seconde, ne peut prétendre être étranger aux modalités de fonctionnement de ces sociétés, alors qu’il était au surplus responsable des déclarations fiscales de la société qu’il dirigeait et qu’il avait été informé à plusieurs reprises des obligations liées à la comptabilisation et à la déduction de dépenses professionnelles ; qu’il n’y a pas double pénalisation dès lors que les sociétés concernées ont une personnalité distincte de celle du requérant ;

Vu l’ordonnance en date du 1er septembre 2009 fixant la clôture d’instruction au 25 septembre 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 18 janvier 2011 :

– le rapport de M. Pourny, premier conseiller ;

– et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

Considérant que M. André A a exercé à titre individuel, jusqu’au 31 mars 1998, la profession de géomètre-expert ; qu’il a déclaré à la cessation de son activité un déficit professionnel de 9 585 513 francs résultant notamment, à hauteur d’un montant de 6 372 935 francs, de pertes sur travaux en cours ; qu’il a contesté la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2000, au motif que cette cotisation ne tenait pas compte du report d’une partie de ce déficit professionnel ; que M. A, associé de la société à responsabilité limitée A. Dumont, dont son épouse était la gérante, et gérant majoritaire de la société à responsabilité limitée Dumont Collinet, a en outre été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 1999, 2000 et 2001, à la suite des vérifications des comptabilités de ces sociétés ; qu’il a également contesté ces impositions ; qu’il demande l’annulation du jugement du 29 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et sa réclamation valant demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la cotisation d’impôt sur le revenu établie au titre de l’année 2000 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 193 du livre des procédures fiscales : Dans tous les cas où une imposition a été établie d’office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l’imposition. ;

Considérant que M. A a souscrit sa déclaration de revenus pour l’année 2000 plus de trente jours après la réception d’une mise en demeure ; que la cotisation d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de cette année a été établie selon la procédure de taxation d’office prévue par l’article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la charge de la preuve incombe au contribuable ;

Considérant que M. A se prévaut de l’existence d’un déficit professionnel reportable sur ses revenus de l’année 2000 ; que pour établir l’existence de ce déficit, il soutient qu’il comptabilisait dans des comptes d’encours les heures passées sur chacun des chantiers pour lesquels son entreprise a travaillé, avant de facturer à ses clients les prestations effectuées, et que, certaines prestations n’ayant jamais été facturées et ne pouvant plus l’être, il a été amené à comptabiliser, lors de la cessation de son activité en 1998, une perte de 6 372 935 francs, comprise dans le déficit de 9 583 513 francs qu’il avait déclaré au titre de l’année 1998 ; que, toutefois, il ne justifie ni de la comptabilisation régulière des encours concernés, ni du caractère déductible au titre de l’année 1998 des pertes alléguées qui correspondraient à des dossiers ouverts entre 1974 et 1993 ; que, par suite, le déficit professionnel de 905 454 francs admis par l’administration au titre de l’année 1998 ayant déjà été entièrement imputé sur les revenus de l’année 1999, avant même que ces revenus ne soient rectifiés, M. A n’établit pas l’existence d’un déficit professionnel reportable sur ses revenus de l’année 2000 ;

Sur les cotisations supplémentaires établies au titre des années 1999 à 2001 :

Considérant qu’aux termes de l’article 62 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s’ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés par application de l’article 211, même si les résultats de l’exercice social sont déficitaires, lorsqu’ils sont alloués : a) aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n’ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes dans les conditions prévues à l’article 3-IV du décret n° 55-594 du 20 mai 1955 modifié ou dans celles prévues à l’article 239 bis AA ; (…) et qu’aux termes de l’article 109 du même code : 1. Sont considérés comme revenus distribués : (…) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. ;

Considérant que M. A a déclaré dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, malgré la cessation de son activité de géomètre-expert au 31 mars 1998, des sommes créditées sur son compte courant d’associé dans la SARL Dumont Collinet pour des montants de 1 080 000 francs en 1999, de 777 593 francs en 2000 et de 146 351,05 euros en 2001 ; que l’administration a imposé les montants qu’il a réellement perçus de la SARL Dumont Collinet, soit 1 302 480 francs en 1999, 929 700 francs en 2000 et 175 035 euros en 2001, en les répartissant entre la catégorie des rémunérations des gérants majoritaires, imposables sur le fondement de l’article 62 du code général des impôts, à hauteur de 320 000 francs au titre de chacune des années 1999 et 2000 et de 54 881 euros au titre de l’année 2001, et la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, imposables sur le fondement du 2° du 1 de l’article 109 du même code, pour le surplus ; que M. A, qui ne conteste pas avoir perçu de la SARL Dumont Collinet les sommes mentionnées par l’administration, soutient qu’elles devaient être intégralement imposées sur le fondement de l’article 62 du code général des impôts, puisqu’elles figuraient expressément sous l’intitulé honoraires TTC dus à Monsieur Dumont dans les comptes régulièrement approuvés par les associés de cette société ; que, toutefois, une telle comptabilisation ne faisait pas apparaître que ces sommes étaient versées à M. A en rémunération de ses fonctions de gérant majoritaire ; que, dès lors, la circonstance que les comptes de cette société aient été régulièrement approuvés par ses associés ne permet de regarder lesdites sommes comme ayant été tacitement approuvées en tant que compléments de rémunération lors de l’approbation des comptes ; que, par suite, ces sommes ayant été rejetées des charges déductibles des résultats de cette société, elles n’étaient pas imposables sur le fondement des dispositions de l’article 62 du code général des impôts mais sur celui des dispositions précitées de l’article 109 du même code ;

Considérant que les sommes en question devant être imposées sur le fondement des dispositions précitées du 2° du 1 de l’article 109 du code général des impôts, le requérant ne saurait se prévaloir utilement de ce qu’elles auraient par ailleurs été soumises à cotisations sociales en tant que rémunérations ou du caractère préjudiciable, pour la SARL Dumont Collinet et pour lui-même, de la qualification erronée qui leur avait été donnée ; qu’en tout état de cause, il n’établit pas l’existence d’une double imposition ;

Sur les pénalités :

Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : 1. Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l’intéressé est établie ou de 80 p. 100 s’il s’est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d’abus de droits au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.(…) ;

Considérant, en premier lieu, que si M. A soutient avoir entièrement déclaré les sommes qu’il a perçues de la SARL Dumont Collinet en tant que bénéfices non commerciaux et que cette erreur de qualification ne présentait pas un caractère délibéré, l’administration fiscale établit que le requérant n’avait pas entièrement déclaré lesdites sommes et fait valoir que l’intéressé, qui avait déjà fait l’objet de redressements importants au titre d’années antérieures, était gérant et associé de la SARL Dumont Collinet et qu’il ne pouvait ignorer avoir cessé son activité individuelle en 1998 et n’avoir effectué aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée à titre personnel au titre des années en litige ; que, dès lors, l’administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve, dont elle a la charge, de la mauvaise foi de l’intéressé s’agissant du redressement afférent aux revenus qu’il avait partiellement déclarés en tant que bénéfices non commerciaux ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en faisant valoir, outre les manquements antérieurs de l’intéressé à ses obligations fiscales, que M. A, en tant que bénéficiaire d’avantages occultes accordés par la société Dumont Collinet, dont il était le gérant, et la SARL A. Dumont, gérée par son épouse, ne pouvait ni valablement prétendre être étranger aux décisions et déclarations de ces sociétés, ni ignorer le caractère imposable entre ses mains des avantages qui lui étaient octroyés, l’administration fiscale doit également être regardée comme apportant la preuve, dont elle a la charge, de la mauvaise foi de M. A s’agissant des redressements relatifs à ces revenus ;

Considérant, en dernier lieu, que M. A ne saurait utilement se prévaloir de ce que les sociétés dont il était associé ont été assujetties à des impositions assorties de majorations de mauvaise foi, à raison de leurs manquements à leurs obligations déclaratives, pour soutenir que les majorations auxquelles il est assujetti, à raison de manquements à ses propres obligations, conduisent à une double pénalisation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. A n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et sa réclamation valant demande ; que les conclusions qu’il présente au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. André A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat.

Délibéré après l’audience du 18 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Pourny et Segado, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 8 février 2011.

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N° 08LY01526


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