COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 2ème chambre, 27/08/2019, 19LY01266, Inédit au recueil Lebon

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COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON, 2ème chambre, 27/08/2019, 19LY01266, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L’EURL Immoxine a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre des périodes du 1er au 30 juin 2012 et du 1er au 31 mai 2014 et de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 750 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1800095 du 14 décembre 2018, le tribunal administratif de Dijon a déchargé l’EURL Immoxine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er au 30 juin 2012 et du 1er au 31 mai 2014, et des intérêts de retard y afférents et mis à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, le ministre de l’action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 décembre 2018 ;

2°) de rétablir l’imposition de l’EURL Immoxine à hauteur de la somme de 59 287 euros.

Le ministre soutient que c’est à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge des droits rappelés dès lors que la mise en oeuvre du régime dérogatoire consistant en une application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l’article 268 du code général des impôts suppose que le bien vendu ait la même qualification juridique que le bien acheté.

La requête a été dispensée d’instruction en application de l’article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

– la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ;

– le code de justice administrative ;

Le ministre ayant été régulièrement averti du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Bourrachot, président de chambre,

– et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L’EURL Immoxine, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, a fait l’objet d’un contrôle sur pièces à l’issue duquel des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été réclamés, notamment au titre des périodes du 1er au 30 juin 2012 et du 1er au 31 mai 2014. L’EURL Immoxine a demandé au tribunal administratif de Dijon la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Par un jugement du 14 décembre 2018 le tribunal administratif de Dijon a déchargé l’EURL Immoxine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er au 30 juin 2012 et du 1er au 31 mai 2014, et des intérêts de retard y afférents. Le ministre de l’action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l’article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 visée ci-dessus relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée :  » Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat. « .

3. En vertu du 1° et 2° du I de l’article 257 du code général des impôts, les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, ou d’immeubles bâtis dans les cinq ans qui suivent leur achèvement sont imposables de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée. Selon les dispositions du b du 2. de l’article 266 du code général des impôts, pour les opérations de livraison de biens immeubles mentionnées au I de l’article 257 du même code, la taxe sur la valeur ajoutée est assise, pour les mutations à titre onéreux, sur le prix de la cession augmenté des charges qui s’y ajoutent.

4. Aux termes de l’article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi visée ci-dessus du 9 mars 2010 transposant le droit communautaire :  » S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir, (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain (…) ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. « . Le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ainsi défini s’applique aux livraisons de terrains à bâtir pour lesquelles l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ce cas, la base d’imposition est constituée de la seule marge dégagée par l’assujetti au titre de l’opération d’achat-revente, c’est-à-dire la différence entre le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent et les sommes que le cédant a versées pour l’acquisition du terrain.

5. Il résulte des dispositions précitées du code général des impôts et de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que l’application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition.

6. Il résulte de l’instruction que l’EURL Immoxine a acquis, les 28 février 2012 et 24 octobre 2013, deux maisons à usage d’habitation avec leur terrain d’assiette. Elle a procédé à des divisions parcellaires et a cédé les 5 juin 2012 et 16 mai 2014 trois terrains à bâtir. L’administration a remis en cause le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge auquel l’entreprise Immoxine a entendu soumettre les opérations en cause au motif que les terrains cédés n’avaient pas été acquis en tant que terrains à bâtir et qu’en l’absence d’identité entre le bien acquis et le bien vendu ce régime ne trouvait pas à s’appliquer. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts que l’application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge en matière de livraison de terrain à bâtir est conditionnée au seul fait que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Contrairement à ce que soutient l’administration, il ne ressort pas de ces dispositions que les terrains revendus comme terrains à bâtir doivent nécessairement avoir été acquis comme terrain n’ayant pas le caractère d’immeuble bâti. Dès lors, le fait pour l’entreprise requérante de procéder, après division cadastrale, à la vente d’un terrain à bâtir issu d’une acquisition portant initialement sur un immeuble bâti et son terrain d’assiette ne fait pas obstacle à l’application des dispositions précitées de l’article 268 du code général des impôts. La circonstance que la division parcellaire ait été réalisée après l’acquisition des biens est également sans incidence sur l’application de ces dispositions. Contrairement à ce que soutient le ministre la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession ne saurait par elle-même faire obstacle à l’application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au sens de l’article 268 du code général des impôts. Par suite, le ministre n’est pas fondé à soutenir que cette livraison devait être imposée sur le prix de vente total du bien cédé.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l’action et des comptes publics n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a déchargé l’EURL Immoxine des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes du 1er au 30 juin 2012 et du 1er au 31 mai 2014, et des intérêts de retard y afférents et mis à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l’action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l’action et des comptes publics et à l’EURL Immoxine.

Copie en sera adressée à Me B…, représentant de l’EURL Immoxine en première instance.

Délibéré après l’audience du 9 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme C…, présidente assesseure,

Mme A…, première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 août 2019.

2

N° 19LY01266


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