Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de NANCY le 21 octobre 1996 la requête présentée pour la SA FRAL dont le siège social est … représentée par son président, par Me X…, avocat au barreau de DIJON ;
La SA FRAL demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 94-1001 du tribunal administratif de DIJON du 6 août 1996 en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande tendant à obtenir la réduction des impositions supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 à 1992 ;
2°) de lui accorder la réduction des impositions litigieuses ;
3°) de condamner l’Etat à lui payer une somme de 30 000 francs sur le fondement de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 2 février 2000 ;
le rapport de M FONTBONNE, premier conseiller ;
et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions tendant à obtenir la réduction des impositions litigieuses en tant qu’elles procèdent de la réintégration de charges
En ce qui concerne le moyen tiré de l’insuffisante motivation des notifications de redressement :
Considérant qu’aux termes de l’article L.57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation … » ;
Considérant qu’en lui indiquant que les redevances payées à la S.A.R.L. NEUF n’étaient pas admises en charges pour leur partie excédant le montant du salaire de l’employée comptable de la S.A.R.L. NEUF, les notifications de redressements adressées à la SA FRAL le 18 décembre 1992 et le 22 mars 1993, la mettaient à même, comme elle l’a d’ailleurs fait, de présenter utilement des observations pour contester le mode de détermination du montant du redressement ; que le moyen tiré de l’insuffisante motivation des notifications de redressement doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré du non-respect de la procédure de répression des abus de droit :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l’administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d’un contrat ou d’une convention à l’aide de clauses : a) Qui donnent ouverture à des droits d’enregistrement ou à une taxe de publicité foncière moins élevés ; b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ; c) Ou qui permettent d’éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d’affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d’un contrat ou d’une convention. L’administration est en droit de restituer son véritable caractère à l’opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis à la demande du contribuable, à l’avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité dont les avis rendus feront l’objet d’un rapport annuel. Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement. » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SA FRAL a conclu le 4 janvier 1988 avec la S.A.R.L. NEUF constituée en décembre 1987 une convention aux termes de laquelle cette dernière société s’engageait à assurer sa gestion comptable, administrative et financière moyennant un coût horaire révisable de 250 francs H.T ; que l’administration a estimé que le coût horaire stipulé pour lesdites prestations était surévalué et qu’ainsi pour partie les sommes payées par la société FRAL et déduites en charges ne constituaient pas la contrepartie d’un service effectif, et n’avaient ainsi pas été exposées dans l’intérêt de l’entreprise ; que si le vérificateur a dans la motivation des notifications de redressements et de la réponse aux observations du contribuable, relevé que le coût desdites prestations avait été surévalué et déterminé de telle sorte que l’exploitation de la S.A.R.L. NEUF qui avait acquis des parts de la société FRAL et souscrit un emprunt à cet effet, fasse apparaître un résultat nul, et si le même vérificateur a ajouté que l’opération permettait au président de la société FRAL d’acquérir la totalité des parts de sa société par personne interposée, l’administration n’a tiré aucune conséquence de cette observation ; qu’elle n’a dès lors entendu ni écarter la convention entre les deux sociétés en soutenant qu’elle aurait été fictive, ni la remettre en cause en lui attribuant une autre qualification juridique ; que le redressement litigieux a ainsi été exclusivement fondé sur la constatation de la réalisation d’un acte anormal de gestion ; que dans ces conditions la SA FRAL qui ne conteste d’ailleurs par l’existence d’une surévaluation du coût des prestations qui lui ont été facturées n’est pas fondée à soutenir que l’administration aurait implicitement entendu sanctionner un abus de droit et que la procédure d’imposition suivie à son encontre serait irrégulière pour avoir été privée de la possibilité de saisir le comité consultatif de répression des abus de droit ;
En ce qui concerne l’acte anormal de gestion :
Considérant que, comme il a été dit précédemment, l’administration a estimé que le coût horaire de 250 francs hors taxe stipulé pour les prestations comptables assurées par la SARL NEUF étaient surévaluées et qu’ainsi pour leur partie excédant le montant du salaire de l’employée comptable de la SARL NEUF, les sommes payées par la société FRAL et déduites en charges ne constituaient pas la contrepartie d’un service effectif ;
Considérant que la société FRAL, qui se borne à alléguer sans apporter aucune précision chiffrée que l’administration n’a pas tenu compte des frais de structure de la société NEUF, ne conteste pas que l’employée comptable de la société NEUF effectuait également des travaux pour d’autres sociétés ; que dans ces conditions l’administration établit qu’au delà des montants qu’elle a admis, les sommes payées par la société FRAL à la société NEUF ne constituaient par la contrepartie d’un service effectif ; que, partant, à défaut pour le contribuable d’être en mesure de justifier de l’exactitude du montant des dites écritures de charges, l’administration démontre que les faits ainsi établis ne relèvent pas d’une gestion commerciale normale ; que la SA FRAL n’est par suite pas fondée à soutenir que c’est à tort que l’administration a réintégré dans ses bases d’imposition les sommes de 144 914 francs pour 1989, 221 190 francs pour 1990, 327 901 francs pour 1991 et 345 288 francs pour 1992 ;
En ce qui concerne les pénalités :
Considérant qu’aux termes de l’article de 1729 du code général des impôts : « I. Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’impositions ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assortie de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l’intéressé est établie ou de 80% s’il s’est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d’abus de droit au sens de l’article L.64 du livre des procédures fiscales » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 6.1 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée comme elle. » ;
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts que le montant des pénalités est calculé sur la base et en pourcentage du redressement ; que le juge de l’impôt qui exerce son plein contrôle sur les faits retenus et leur qualification juridique, peut annuler la sanction dans le cas où l’administration qui a la charge de la preuve ne démontre pas l’absence de bonne foi du contribuable ; que dans ces conditions, même si elles ne conférent pas au juge de l’impôt le pouvoir de moduler le taux des pénalités, les dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts permettent d’assurer la proportionnalité de la sanction aux faits reprochés ; que le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme doit en conséquence être écarté ;
Considérant que la SA FRAL a versé au dossier une étude effectuée pour la SARL NEUF par un expert-comptable faisant apparaître clairement que le coût horaire des prestations en cause était suréavalué ; que par suite la SA FRAL, qui ne conteste pas avoir eu dès l’origine connaissance de cette étude, a ainsi sciemment accepté de régler des factures, qui pour partie ne correspondaient pas à des dépenses exposées dans son intérêt ; que l’administration apporte dès lors la preuve de l’absence de bonne foi du contribuable ; que la SA FRAL n’est par suite pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de DIJON a, après avoir estimé qu’elle n’avait pas usé de manoeuvres frauduleuses, substitué à la majoration de 80% appliquée par l’administration, la majoration de 40% prévue lorsque la mauvaise foi de l’intéressé est établie ; Sur les conclusions tendant à obtenir la réduction des impositions litigieuses en tant qu’elles procédent de suppléments d’impôt sur les sociétés établis au titre des bénéfices réputés distribués :
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que la lettre du 20 septembre 1993, du directeur régional des impôts de Bourgogne, informant la société FRAL de l’abandon de divers chefs de redressement, fait expressément mention du maintien au titre des bénéfices réputés distribués, de suppléments d’impôt sur les sociétés à hauteur de 11 441 francs pour 1990, 28 267 francs pour 1991 et 47 626 francs pour 1992 ; que le moyen tiré de l’abandon du redressement manque en fait ;
Considérant que la notification de redressements relative aux exercices clos en 1990, 1991 et 1992 adressée à la SA FRAL le 22 mars 1993 indique pour chaque exercice le mode de calcul des suppléments d’impôt sur les sociétés établis sur les sommes réputées distribuées ; qu’elle satisfait ainsi aux exigences de motivation édictées par les dispositions précitées de l’article L.57 du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu’aux termes du I c) de l’article 219 du code général des impôts alors en vigueur : « Le taux de l’impôt sur les sociétés est porté à 42% pour les distributions au sens du présent code, effectuées par les entreprises au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1989. Pour l’application de l’alinéa précédent, un supplément d’impôt sur les sociétés, égal à 3/58 du montant net distribué est dû sur ces distributions à concurrence de la somme algébrique des résultats comptables des mêmes exercices, diminuée des distributions antérieures décidées conformément aux statuts de la société et soumises au supplément d’impôt. Le supplément est également dû sur les sommes réputées distribuées au cours de ces exercices en application des articles 109 et 115 quinquies-1. » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 109 du code général des impôts : « 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1°) tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2°) Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. » ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les sommes susmentionnées qui correspondent aux charges non admises en déduction, doivent dès lors que la société n’était pas en situation déficitaire et qu’il n’est pas allégué qu’elles auraient été mises en réserve ou incorporées au capital, être réputées avoir été distribuées ; que, par suite, la société, s’agissant d’une imposition mise à sa charge, ne peut utilement faire valoir que l’administration n’établit pas l’appréhension des sommes en cause par un associé ; qu’elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que lesdites distributions ont donné lieu à l’établissement de suppléments d’impôt sur les sociétés dans les conditions fixées par les dispositions précitées de l’article 219 du code général des impôts ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la SA FRAL n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de DIJON a rejeté le surplus de sa demande tendant à obtenir la réduction des impositions litigieuses ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L.8-1 du code des tribunaux et des cours administratives d’appel :
Considérant que les conclusions de la SA FRAL ne peuvent qu’être rejetées dès lors qu’elle est partie perdante ;
Article 1er : La requête de la SA FRAL est rejetée.