Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 14 août 1992, présentée pour la SA société commerciale de CHEVAGNES, dont le siège est au château de Paray le Frésil (03230), par Me X…, avocat ;
La SA société commerciale de CHEVAGNES demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement en date du 25 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande en décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 15 février 1994 :
– le rapport de M. GAILLETON, conseiller ;
– et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’au vu des moyens qui y sont exposés la présente requête doit être regardée, d’une part comme présentée pour Mme DE TRACY au seul nom de la SA société commerciale de CHEVAGNES dont elle est dirigeante, d’autre part comme tendant seulement à la décharge des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels la société commerciale de CHEVAGNES a été assujettie au titre des années 1984 à 1986 ;
Sur l’étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 13 août 1993 postérieure à l’introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de l’Allier a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence respectivement des sommes de 1 062 122 francs et 121 597 francs, des compléments d’impôt sur les sociétés auxquels la SA société commerciale de CHEVAGNES a été assujettie au titre des années 1984 et 1986 ; que les conclusions de la requête de la SA société commerciale de CHEVAGNES relatives à ces impositions sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur l’année 1984 :
Considérant qu’il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a omis de se prononcer sur le moyen présenté par la SA société commerciale de CHEVAGNES à l’encontre du complément d’impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l’année 1984 et tiré de ce que la plus-value qu’elle a réalisée à l’occasion de la cession d’un immeuble social aurait dû être imposée au titre d’une année maintenant prescrite, et non au titre de 1984 ; que, par suite, le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 25 juin 1992 doit être annulé en tant qu’il a statué sur les conclusions de la demande de la SA société commerciale de CHEVAGNES restant en litige au titre de l’année 1984 ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions, en même temps que sur le surplus des conclusions de la requête restant en litige ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’acte, en date du 22 décembre 1983, constatant la cession par la SA société commerciale de CHEVAGNES d’un immeuble lui appartenant était assortie d’une clause suspensive qui n’a pas été levée en 1983 ; que, par suite, les parties ayant entendu fixer le transfert de propriété dudit immeuble, non à la date de l’acte, mais à celle de la réalisation de la condition suspensive, la SA société commerciale de CHEVAGNES n’est pas fondée à contester l’imposition établie par l’administration au titre de l’année 1984 en soutenant que la plus value dégagée à l’occasion de la cession dont s’agit a été réalisée au cours de l’année 1983, alors prescrite ; que ses conclusions doivent, par suite, être rejetées ;
Sur l’année 1985 :
Considérant qu’aux termes de l’article L 203 du livre des procédures fiscales : « Lorsqu’un contribuable demande la décharge ou la réduction d’une imposition quelconque, l’administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l’expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l’imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l’assiette ou le calcul de l’imposition au cours de l’instruction de la demande. » ;
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, le ministre du budget, sans défendre le bien fondé des redressements dont procède l’imposition en litige, demande le bénéfice de la compensation prévue à l’article L 203 précité du livre des procédures fiscales, en soutenant que la SA société commerciale de CHEVAGNES n’ayant pas affecté à un compte de réserves, avant la clôture de l’exercice 1985, la plus-value à long terme dégagée en 1984 par la cession de l’immeuble mentionné ci-dessus, ladite plus-value aurait dû donner lieu à un complément d’impôt sur les sociétés au titre de l’année 1985 ;
Considérant qu’aux termes de l’article 219 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « I … Le montant net des plus-values à long terme …fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 15 % dans les conditions prévues aux articles 39 quindecies I et 209 quater … » ; qu’aux termes de l’article 209 quater du même code : « 1. Les plus values soumises à l’impôt aux taux réduit prévu à l’article 219.I … diminuées du montant de cet impôt, sont portées à une réserve spéciale. 2. Les sommes prélevées sur cette réserve sont rapportées au résultat de l’exercice en cours lors de ce prélèvement, sous déduction de l’impôt perçu lors de la réalisation des plus-values correspondantes … » ; que les bénéfices qui, en vertu des dispositions précitées du I de l’article 219 du Code doivent être imposés au taux de 15 %, font partie des bénéfices sociaux de l’exercice au cours duquel ils ont été réalisés ; que les sociétés sont en droit de choisir entre les différents emplois possibles des bénéfices d’un exercice, ces emplois comprenant, notamment, l’inscription à des comptes de réserve, mais ne peuvent faire ce choix qu’après la clôture de l’exercice lorsque les comptes de celui-ci ont été arrêtés ; que, par suite, l’obligation impartie aux sociétés par les dispositions précitées de l’article 209 quater-1 ne peut être respectée, et, par conséquence ne peut être regardée avoir été méconnue, qu’au cours de l’exercice suivant celui au cours duquel ont été réalisés les bénéfices relevant du régime des plus-values à long terme ; que si, au cours de ce second exercice, la société s’abstient de porter le montant de ses bénéfices, diminués de l’impôt y afférent, à la réserve spéciale prévue à l’article 209 quater-1, elle doit être regardée comme ayant pris, au sujet de l’emploi de cette somme, une décision de gestion qui lui est opposable, consistant à ranger délibérément ladite somme parmi les réserves ordinaires, libres de toutes sujétions touchant à leur distribution éventuelle aux actionnaires ; qu’une telle décision, équivalant à doter un compte de réserve libre par le débit de la réserve spéciale, doit être assimilée à un prélèvement sur cette dernière, au sens et pour l’application des dispositions précitées de l’article 29 quater-2 ; qu’elle entraîne, par suite, en vertu de ce texte, l’assujettissement des sommes correspondantes à l’impôt sur les sociétés à un taux d’imposition égal à la différences entre le taux de droit commun et le taux de 15 % ; qu’il ressort des pièces du dossier que la plus-value nette à long terme réalisée par la société en 1984 n’a pas été portée en 1985 à la réserve spéciale prévue à l’article 209 quater susmentionné du code général des impôts ; que, ce faisant, la société a pris une décision de gestion qui lui est opposable ; que l’administration n’ayant pas procédé au redressement correspondant, établit, à concurrence d’un montant supérieur à la base d’imposition assignée à la SA société commerciale de CHEVAGNES, l’existence d’une insuffisance d’imposition en matière d’impôt sur les sociétés au titre de l’année 1985 ; que, dès lors, la compensation opposée par le ministre du budget en vertu des dispositions précitées de l’article L 203 du livre des procédures fiscales, est fondée et de nature à justifier le maintien de l’imposition restant en litige ;
Sur l’année 1986 :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SA société commerciale de CHEVAGNES n’a pu justifier, comme il lui appartenait de le faire, de la réalité des frais de voyages et déplacements, restant seuls en litige, que l’administration a réintégré dans ses résultats ; que, dès lors, les conclusions de la société requérante doivent être rejetées ;
Article 1er : A concurrence respectivement des sommes de 1 062 122 francs et 121 597 francs, en ce qui concerne les compléments d’impôt sur les sociétés auxquels la SA société commerciale de CHEVAGNES a été assujettie au titre des années 1984 et 1986, il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SA société commerciale de CHEVAGNES.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 25 juin 1992 est annulé en tant qu’il a statué sur les conclusions de la demande de la SA société commerciale de CHEVAGNES restant en litige au titre de l’année 1984.
Article 3 : Les conclusions de la demande de la SA société commerciale de CHEVAGNES restant en litige au titre de l’année 1984, et le surplus des conclusions de sa requête, sont rejetés.