Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu ensemble la requête, enregistrée le 23 mai 2005 au greffe de la Cour administrative d’appel de Douai et les pièces complémentaires enregistrées le 7 juin 2005, présentées pour
M. Léonardi , demeurant …, par
Me Ramas-Muhlbach ; M. demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement nos 0300196-0300197 en date du 24 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période relative à l’année 1997 par avis de mise en recouvrement du 5 octobre 2001 et, d’autre part, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1997, 1998 et 1999, mises en recouvrement le 30 avril 2002, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 915 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. soutient que la procédure d’imposition est irrégulière, dès lors que la notification de redressements du 21 décembre 2000 relative à l’ensemble du revenu imposable du requérant n’était pas suffisamment motivée pour lui permettre d’engager un débat contradictoire avec l’administration ; que l’administration n’a, de plus, pas répondu clairement et précisément aux observations que le contribuable a formulées sur ces redressements le 26 février 2001 ou n’a pas suffisamment motivé sa réponse ; que le nombre important de mémoires et courriers qui lui ont été adressés par les services fiscaux l’ont empêché d’avoir une vision claire de la procédure engagée contre lui ; que s’agissant de la notification du 21 décembre 2000 visant les rappels de taxe à la valeur ajoutée notifiés pour la période du 1er janvier au 30 septembre 1997, l’omission par l’administration de la mention de la procédure mise en oeuvre entache d’irrégularité la procédure ; que l’administration n’a, de plus, pas répondu expressément aux observations que le contribuable a formulées sur ces redressements de taxe sur la valeur ajoutée ou n’a pas suffisamment motivé sa réponse du 26 février 2001 pour que le requérant sache clairement quels chefs de redressements étaient maintenus et a, de plus, omis de saisir, comme il le sollicitait, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires entachant ainsi d’irrégularité la procédure d’imposition ; que s’agissant de la notification de redressements du 28 mars 2001 portant sur les revenus des années 1998 et 1999, l’administration a omis de saisir, comme il le sollicitait, la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires, entachant de même d’irrégularité la procédure d’imposition ; qu’elle n’a de même pas répondu aux observations du contribuable ; que les impositions qui lui ont été assignées ne sont pas fondées, dès lors que c’est à tort que lui a été refusée la déduction des frais de carburants qu’il a exposés pour les besoins de sa profession ; que le service a retenu un montant des factures prétendument facturées par son entreprise individuelle à la société Paganelli, supérieur de 24 366,08 euros au montant effectivement encaissé par elle ; que l’absence d’enregistrement des factures ne procédait pas d’une intention volontaire de dissimuler de la matière imposable ; que les frais de déplacements que lui ont versés les sociétés ASPS et ARM étaient justifiés sans qu’il fût nécessaire que l’obtention de marchés en conditionne l’octroi ; que l’attribution de ces sommes ne sauraient donc donner lieu à un redressement de ses revenus personnels au titre de revenus distribués ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2005, présenté par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ; le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie conclut au rejet de la requête ; il soutient que contrairement à ce que soutient le requérant, la réponse adressée au contribuable le 26 février 2001 suite à la notification de redressements du
21 décembre 2000 relative à l’ensemble du revenu imposable de l’année 1997, était suffisamment et correctement motivée ; qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’exige de l’administration la mention sur la notification de redressements de la nature de la procédure d’imposition suivie vis-à-vis du contribuable ; que lorsque, comme en l’espèce, le contribuable a fait l’objet d’une procédure contradictoire, le défaut d’information sur le caractère ordinaire de celle-ci n’a en aucune façon pu le léser ou l’induire en erreur ; que le requérant a bien été destinataire, le
26 février 2001, d’une réponse à ses observations aux redressements notifiés le 21 décembre 2000 qu’il n’a pas réclamée ; que, dès lors que le contribuable n’apportait aucun élément nouveau au regard de l’imposition contestée dans sa lettre du 15 juin 2001 qui reprenait les termes de celle du
13 avril 2001 à laquelle il avait été répondu le 25 mai 2001, l’administration n’avait pas à y répondre ; que dès lors que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires était incompétente pour connaître des questions posées par le contribuable, l’administration n’était pas tenue de soumettre le litige à son avis ; que ladite commission a été, à l’inverse, régulièrement saisie des redressements opérés à l’encontre des sociétés ASPS et ARM dont M. était le gérant ; que dès lors que le requérant a utilisé le barème kilométrique pour le calcul des frais de déplacements, il ne pouvait en sus déduire les frais de carburant y afférents ; que ceux-ci ne sont au demeurant pas justifiés ; que le document produit par le requérant n’établit aucunement que les sommes qui ont été versées à son entreprise par la société Paganelli fussent inférieures à celles retenues par le service ; que le montant du redressement rectifié à la suite des observations du contribuable a pris en considération les discordances relevées en ce qui concerne les factures émises ; que la distribution entre les mains de M. des frais de déplacement non déductibles des résultats des sociétés ASPS et ARM est justifiée par l’administration ; que le requérant ne saurait pour justifier les versements qui lui ont été faits se borner à les imputer à des erreurs et à invoquer l’insuccès de certaines démarches commerciales engagées pour le compte de ces deux sociétés ;
Vu l’ordonnance en date du 2 mars 2006 fixant la clôture d’instruction au 3 avril 2006, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 septembre 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, M. Olivier Mesmin d’Estienne et
M. Manuel Delamarre, premiers conseillers :
– le rapport de M. Olivier Mesmin d’Estienne, premier conseiller ;
– et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d’imposition :
En ce qui concerne les redressements notifiés le 21 décembre 2000 portant sur l’ensemble des revenus :
Considérant que M. a fait l’objet d’un contrôle effectué à partir des pièces de son dossier qui a donné lieu à l’envoi d’une notification de redressements, le 21 décembre 2000 concernant l’ensemble de son revenu imposable de l’année 1997 selon la procédure contradictoire ; qu’à la suite de cette notification, il a formulé des observations auxquelles une réponse a été donnée par le service le 26 février 2001 ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la lettre des services fiscaux du 26 février 2001 répondait à l’ensemble de l’argumentation exposée par le contribuable, était suffisamment motivée et ne pouvait être confondue avec la réponse du service du même jour portant sur les observations formulées par le requérant s’appliquant aux redressements opérés par l’administration consécutivement à la vérification de comptabilité de son entreprise individuelle ; que la circonstance que le vérificateur aurait à plusieurs reprises formulé, dans le cadre des contrôles opérés à son encontre selon des procédures de redressements distinctes les unes des autres, des demandes successives pour obtenir des renseignements et qu’en procédant de cette manière, il aurait ainsi empêché le contribuable d’avoir une vision claire des procédures engagées contre lui, est sans influence sur la régularité de la procédure d’imposition, dès lors que chacun des contrôles opérés a donné lieu à une notification particulière de redressements ; que M. n’est, par suite, pas fondé à soutenir que la réponse aux observations du contribuable aux redressements qui lui ont été notifiés le 21 décembre 2000 ne satisfaisait pas aux exigences des dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
En ce qui concerne les redressements notifiés le 21 décembre 2000 portant sur les bénéfices industriels et commerciaux et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant que M. , qui exerçait à titre individuel l’activité de fabrication d’outillages de presse pour carrosserie automobile du 5 avril 1993 au 30 septembre 1997, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité qui a porté sur la période allant du 1er janvier au
30 septembre 1997 à l’issue de laquelle divers redressements lui ont été notifiés, le
21 décembre 2000, tant en matière de bénéfices industriels que de taxe sur le chiffre d’affaires selon la procédure contradictoire ;
Considérant que lorsque l’administration entend, en application des dispositions de l’article L. 55 du livre des procédures fiscales, procéder à un redressement, il lui appartient de mentionner, dans la notification de redressement, la nature de la procédure d’imposition qu’elle entend suivre à cette fin ; que, toutefois, l’omission de cette mention n’entache pas d’irrégularité la procédure en cours lorsque cette omission n’a pas eu pour effet de priver le contribuable de l’une des garanties de procédure dont il était en droit de bénéficier ; que, par suite, M. , qui ne conteste pas avoir bénéficié des garanties de la procédure contradictoire n’est pas fondé à soutenir que l’absence d’indication, dans la notification de redressement du 21 décembre 2000 qui lui a été adressée à la suite de la vérification de comptabilité dont il a fait l’objet pour la période allant du 1er janvier au
30 septembre 1997, rendrait la procédure irrégulière ;
Considérant que le moyen tiré du défaut de réponse aux observations du contribuable qu’il a formulées à la suite de la notification du 21 décembre 2000 concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les redressements en matière de bénéfices industriels et commerciaux manque en fait ;
En ce qui concerne les redressements notifiés le 28 mars 2001 :
Considérant que M. a fait, enfin, l’objet d’un second contrôle effectué à partir des pièces de son dossier qui a donné lieu à l’envoi d’une notification de redressements, le 28 mars 2001 concernant l’ensemble du revenu imposable des années 1998 et 1999 ;
Considérant, en premier lieu, que l’administration n’est tenue de saisir la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires sur demande du contribuable que lorsque le litige concerne des matières pour lesquelles la commission est compétente en vertu de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; que le désaccord opposant M. à l’administration portait sur la déduction d’une pension alimentaire versée à un ascendant ainsi que sur des revenus distribués par les sociétés ASPS et ARM et imposés au nom du requérant dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et n’était pas au nombre de ceux qui relèvent de la compétence de ladite commission ; que, dès lors, la circonstance que la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires n’ait pas été saisie, n’a pas eu pour effet de priver l’intéressé d’une quelconque garantie ;
Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite de la notification à
M. , le 28 mars 2001, de redressements portant sur ses revenus des années 1998 et 1999, celui-ci a présenté le 13 avril 2001 des observations auxquelles une réponse avait été donnée par le service le 25 mai 2001 ; que, par lettre du 15 juin 2001, M. a présenté de nouvelles observations portant, d’une part, sur la pension alimentaire qu’il prétendait acquitter et, d’autre part, sur les frais de déplacement inscrits en charge pour le calcul de l’impôt sur les sociétés de la
Sarl ASPS ; que l’administration, lorsqu’elle a rejeté par une réponse motivée les observations écrites que le contribuable a formulées à la suite d’une notification de redressements, n’est tenue par aucune disposition législative ou réglementaire de répondre aux nouvelles observations formulées par le contribuable dans une lettre postérieure ; qu’ainsi, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’imposition résultant de l’absence de réponse à la lettre du 15 juin 2001 ne peut qu’être rejeté ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant, en premier lieu, que M. ne justifie pas les dépenses de carburant relatives à des véhicules de la société utilisés pour des déplacements professionnels ;
Considérant, en deuxième lieu, que la seule production par M. d’un relevé de factures émises à l’attention de la société italienne Paganelli dont les mentions ne sont, au demeurant, pas traduites en français, n’est pas de nature à établir que certaines des prestations qui ont été facturées durant l’exercice 1997 à cette société n’auraient pas été payées intégralement par cette dernière, alors que l’administration fait valoir sans être contredite que des virements bancaires correspondant au montant exact de ces facturations ont été enregistrés dans les comptes de l’entreprise du requérant ; que M. ne saurait de même se borner à faire valoir que l’administration aurait admis dans sa réponse aux observations du contribuable, la discordance qui existait entre le montant d’une de ces factures, telle que celle-ci avait été enregistrée en comptabilité et la somme effectivement payée par l’entreprise Paganelli, pour contester le montant retenu par l’administration s’agissant des autres factures et prétendre, en conséquence, qu’aucune intention volontaire de dissimuler de la matière imposable ne pouvait lui être reprochée ;
Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article 39-5 du code général des impôts, les frais de voyage et de déplacements et les frais de réception, y compris les frais de restaurant exposés par les personnes les mieux rémunérées de l’entreprise sont au nombre des dépenses qui, même justifiées dans leur réalité et leur montant, peuvent être réintégrées au bénéfice imposable « dans la mesure où la preuve n’a pas été apportée qu’elles ont été engagées dans l’intérêt direct de l’entreprise » et qu’aux termes de l’article 109-1 du même code : « Sont considérées comme des revenus distribués : 2° toutes sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, qu’ont été réintégrés aux résultats imposables des exercices clos en 1998 et en 1999 de la société à responsabilité limitée ASPS, d’une part, les remboursements d’indemnités dites de grands déplacements qu’elle a consentis pour un montant de 49 500 francs à M. X, en relation avec des déplacements de ce dernier sur des chantiers étrangers au cours des mois de septembre et d’octobre 1997, d’autre part, des remboursements d’indemnités kilométriques d’un montant de 44 408 francs et 59 913 francs correspondant à des déplacements qu’il aurait effectués entre la France et l’Italie durant la période allant de septembre 1998 à septembre 1999, et enfin, des remboursements de frais de déplacements entrepris en 1999 pour un montant de 7 473 francs ; qu’aux constatations précises et concordantes de l’administration sur l’absence de caractère professionnel de ces déplacements et séjours, M. se borne à faire valoir que le montant de ces dépenses de déplacements n’est pas excessif eu égard à la nature des activités exercées par la société qu’il dirigeait et à produire une liste de factures datées de la période allant du 9 janvier 1997 au 12 septembre 1997 justifiant l’existence de relations commerciales avec des clients situés à l’étranger qui ne saurait cependant concerner la période courue du
1er octobre 1997 au 30 septembre 1999, seule visée par la notification de redressements ; que, si
M. soutient que la société ASPS a entretenu des contacts professionnels avec la société italienne Paganelli, il n’assortit, toutefois, pas cette allégation d’éléments probants de nature à justifier que ses déplacements en Italie puissent avoir été en relation avec ses activités de gérant ; que c’est, dès lors, à bon droit que l’administration a réintégré ces sommes dans le revenu imposable de M. , sur le fondement de l’article 109.1.2° précité du code général des impôts, pour qu’elles soient soumises à l’impôt en tant que revenus distribués ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions de M. tendant à l’application des dispositions de l’article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. Léonardi est rejetée.
Article 2°. Le présent arrêt sera notifié à M. Léonardi et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.
N° 05DA00593 2