Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 15 février 2013, présentée pour la société civile immobilière (SCI) du Wale, dont le siège est 12 quai des Américains à Dunkerque (59140), par Me François Wibaut ; la société SCI du Wale demande à la cour :
1°) d’annuler l’article 3 du jugement n° 0906460 du 13 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006 ainsi que des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt qui lui ont été assignées au titre des années 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 et la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
– les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
– les observations de Me François Wibaut, avocat de la société SCI du Wale ;
1. Considérant qu’à la suite d’une vérification de comptabilité de la société SCI du Wale portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, l’administration a mis à la charge de la SCI des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la même période ainsi que des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés au titre des années 2004 et 2005 ; que la société SCI du Wale relève appel du jugement du 13 décembre 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu’il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires ;
Sur l’étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision du 4 juillet 2013, postérieure à l’introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques du Nord/Pas-de-Calais a prononcé un dégrèvement, en droits et pénalités, d’une somme de 43 euros au titre de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés et de la contribution à cet impôt mises à la charge de la société requérante au titre de l’année 2005 ; que les conclusions de la requête de la société SCI du Wale sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur la régularité du jugement :
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier de première instance que l’administration fiscale a adressé un mémoire en réplique au tribunal administratif le 11 décembre 2012, après la clôture d’instruction, enregistré au greffe avant l’audience publique du 13 décembre 2012 à laquelle a été lue l’affaire ; qu’il appartenait au tribunal de prendre connaissance du contenu de ce mémoire ; que par ce mémoire, l’administration a réduit, d’une part, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels a été assujettie la société SCI du Wale d’un montant de 3 058 euros en droits simples et de 1 285 euros en pénalités et a prononcé, d’autre part, des dégrèvements de 2 094 euros et de 31 euros ainsi que des pénalités correspondantes au titre des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution à cet impôt mises à la charge de la société requérante au titre de l’année 2005 ; qu’à concurrence de ces sommes, la demande de la société SCI du Wale était devenue sans objet ; que le jugement du tribunal administratif de Lille, en date du 13 décembre 2012, qui a statué sur cette demande sans prendre en compte les dégrèvements précités, doit dès lors être annulé sur ce point ; qu’il y a lieu, d’une part, d’évoquer les conclusions de la demande ainsi devenues sans objet au cours de la procédure de première instance et de constater qu’il n’y a pas lieu d’y statuer et, d’autre part, de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur le surplus des conclusions présentées par la société SCI du Wale devant le tribunal administratif ;
Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :
4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 10 du livre des procédures fiscales : » Avant l’engagement d’une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l’administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l’administration » ; que la remise au contribuable d’une charte périmée ne vicie la procédure d’imposition que si elle a pour effet de priver l’intéressé d’une garantie essentielle ; que la société SCI du Wale fait valoir qu’il a été joint à l’avis de vérification de comptabilité du 1er février 2007 qui lui a été adressé un exemplaire périmé de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que si l’administration a effectivement indiqué dans l’avis de vérification avoir joint à cet envoi un exemplaire de la charte dans sa version de juin 2004, l’erratum joint à cet avis, lequel faisait bien référence à la version de mai 2006 de la charte et mentionnait les corrections à apporter à ce document, démontre que l’indication figurant sur l’avis de vérification procède d’une simple erreur matérielle ; que l’administration doit ainsi être regardée comme ayant satisfait aux obligations qui lui incombaient ; que, par suite, la société SCI du Wale n’a été privée d’aucune garantie essentielle ;
5. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : » L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) » ;
6. Considérant que la proposition de rectification du 24 mai 2007 qui a été adressée à la société SCI du Wale mentionne les circonstances de droit et de fait justifiant le rejet des charges au regard des dispositions de l’article 230 de l’annexe II au code général des impôts auquel elle se réfère, en traitant, rubrique par rubrique, les différentes dépenses concernées, en particulier les frais de réception, de déplacements, de carburant et précise le montant des rappels au titre des années 2004 et 2005 ; que l’annexe II reprend en détail la liste de ces dépenses dont la justification de l’intérêt pour la société n’est pas apportée ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la proposition de rectification comporte la nature et le montant des rectifications envisagées et des indications suffisantes pour permettre au contribuable de présenter utilement ses observations et d’engager valablement une discussion avec l’administration ; que la proposition de rectification répond ainsi, sur ce chef de redressement, aux exigences de motivation prévues à l’article L. 57 du livre des procédures fiscales précité ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions contestées :
En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
S’agissant du rappel de taxe sur la valeur ajoutée à raison des cessions de terrain à bâtir :
7. Considérant qu’aux termes de l’article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l’espèce : » Sont également soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : (…) / 6° Les opérations qui portent sur des immeubles, des fonds de commerce ou des actions ou parts de sociétés / immobilières et dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels ou commerciaux ; / 7° Les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles. / Ces opérations sont imposables même lorsqu’elles revêtent un caractère civil. 1. Sont notamment visés : a. les ventes (…) de terrains à bâtir (…) / Ces dispositions ne sont pas applicables aux terrains acquis par des personnes physiques en vue de la construction d’immeubles que ces personnes affectent à un usage d’habitation (…) » ; qu’aux termes de l’article 268 du même code, dans sa rédaction applicable en l’espèce : » En ce qui concerne les opérations visées au 6° de l’article 257, la base d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par la différence entre : a. D’une part, le prix exprimé et les charges qui viennent s’y ajouter, ou la valeur vénale du bien si elle est supérieure au prix majoré des charges ; b. D’autre part, selon le cas : – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du bien ; – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués » ; qu’il résulte de ces dispositions, d’une part, que les opérations réalisées par un marchand de biens ne sont imposables sur le fondement du 6° de l’article 257 du code général des impôts que pour autant qu’elles ne relèvent pas du 7° de ce même article, et d’autre part, que ces opérations entrent dans le champ d’application du 7° de cet article si elles ont eu lieu, à la date de la cession, en vue de la production ou de la livraison d’immeubles ;
8. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction que la société SCI du Wale, qui exerce une activité de lotisseur, a, par deux actes des 24 mai et 29 octobre 2004, acquis des terrains situés sur la commune de Cappellebrouck en qualité de marchand de biens avec engagement de les revendre dans un délai de quatre ans à compter de la date de ces acquisitions et a, en 2005 et 2006, procédé à des cessions de lots dépendant de ces terrains à des personnes physiques ; que ces opérations, qui étaient au nombre de celles dont les résultats doivent être compris dans les bases de l’impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux lorsqu’elles sont réalisées par des personnes physiques, entraient, par suite, dans le champ d’application du 6° de l’article 257 du code général des impôts ; qu’en outre, la SCI a déclaré que ces opérations ne concouraient pas à la production et à la commercialisation d’immeubles neufs et constituaient des opérations relevant du 6° de cet article ; qu’elle a ainsi entendu soumettre celles-ci au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ; que ces opérations de vente n’entraient ainsi pas dans le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée du 7° de l’article 257 du même code, qui sont claires et ne nécessitent pas de se référer aux travaux préparatoires de la loi de finances 1999 dont elles sont issues ; que, par suite, l’administration était fondée à mettre à la charge de la société SCI du Wale, sur le fondement du 6° de l’article 257 du code général des impôts, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée s’élevant à des montants respectifs de 50 846 euros et de 59 476 euros pour les opérations de cession réalisées en 2005 et 2006 ;
9. Considérant, d’autre part, qu’à supposer même que l’argumentation de la société SCI du Wale suffise à permettre de regarder les dispositions du 7° du même article comme étant incompatibles avec les objectifs des directives communautaires précitées, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la compatibilité des dispositions du 6° de cet article avec ces directives, et ce, sans qu’y fasse obstacle le caractère subsidiaire de l’assujettissement des lotisseurs sur ce fondement ; que, de même, la seule circonstance que le législateur ait, postérieurement aux années en litige, modifié le régime de taxation sur la marge alors prévu par les dispositions de l’article 268 du code général des impôts, est sans incidence sur la compatibilité de ce régime par rapport aux objectifs des directives ; qu’ainsi, alors qu’il résulte de l’instruction et, en particulier, des écritures mêmes de la société SCI du Wale, que les opérations à raison desquelles elle a fait l’objet de rehaussements, ont été assujetties à cette taxe sur le fondement du 6° de l’article 257 du code général des impôts, le moyen invoqué par la société requérante est sans incidence sur le bien-fondé de sa demande en décharge des impositions ;
10. Considérant, enfin, qu’aux termes du 3 de l’article 28 de la sixième directive du conseil des communautés européennes en date du 17 mai 1977 applicable aux rappels en cause de taxe sur la valeur ajoutée les Etats membres peuvent : » (…) f) prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat » ; qu’il résulte clairement de ces dispositions que les opérations de la nature de celles auxquelles s’est livrée, en l’espèce, la société requérante peuvent être soumises à un régime de taxation de la marge dérogatoire au régime de droit commun prévu par cette même directive ; qu’ainsi, le régime alors prévu par les dispositions combinées du 6° de l’article 257 du code général des impôts et de l’article 268 du même code, en tant qu’il prévoyait que les professionnels assujettis effectuant des livraisons de terrains à bâtir n’ayant entraîné aucune déduction lors de l’acquisition, étaient redevables de la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur la marge, n’était pas incompatible avec les objectifs de cette directive ;
S’agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible :
11. Considérant qu’aux termes du 1 du I de l’article 271 du code général des impôts : » La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l’article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu’un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l’assujetti et pour déterminer l’étendue d’un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l’acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu’en l’absence d’un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l’intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l’acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ;
12. Considérant que la société SCI du Wale a acquis en 1997 un ensemble immobilier situé sur la commune de Socx et y a effectué des travaux au cours de la période vérifiée ; que l’administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée opérée par la SCI relative à plusieurs factures de travaux réalisés en 2004 et 2005 ; que si la SCI fait valoir qu’il y a eu un changement d’affectation d’une partie des locaux de cet immeuble pour les utiliser à des fins professionnelles et les donner en location à l’EURL SERIM au cours des années 2001 à 2003, il résulte de l’instruction qu’une visite sur place du vérificateur a permis de constater que cet immeuble était en réalité affecté à un usage d’habitation ; qu’en tout état de cause, la société SCI du Wale n’établit pas avoir comptabilisé, au titre de la période vérifiée, des recettes commerciales provenant de la location de cet immeuble à des fins professionnelles ; que si la société requérante fait valoir que l’absence d’activités économiques dans ces locaux ne s’oppose pas à ce qu’elle puisse pratiquer la déduction de la taxe grevant une facture de remplacement de fenêtres et de réparation de la toiture, seuls rappels encore en litige après les dégrèvements prononcés par l’administration le 11 décembre 2012, de telles dépenses ne peuvent toutefois être regardées comme des frais généraux de l’entreprise constitutifs du prix des produits de cette dernière et entretenant, par suite, un lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité de la société SCI du Wale ; que c’est, dès lors, à bon droit que l’administration a pu refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses en cause ;
13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le service a pris en compte l’erreur qu’il avait commise sur le montant de taxe sur la valeur ajoutée grevant la facture relative au remplacement de la fenêtre et a prononcé le dégrèvement correspondant, soit 565 euros, par décision du 11 décembre 2012 ;
14. Considérant qu’aux termes du 1 de l’article 230 de l’annexe II au code général des impôts, alors en vigueur : » 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu’ils se livrent à eux-mêmes n’est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l’exploitation. Toutefois, la taxe ayant grevé les dépenses relatives à des biens et à des services ne peut donner lieu à déduction lorsque le pourcentage de l’utilisation de ces biens et services pour les besoins privés de l’assujetti ou pour ceux de son personnel ou plus généralement à des fins étrangères à son entreprise est supérieur à 90 % de leur utilisation totale (…) « . ;
15. Considérant que la société SCI du Wale a comptabilisé au cours de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, de nombreuses charges correspondant à des frais de réception, de déplacement, d’entretien, de fournitures et de carburant ; que l’administration a constaté que le montant du poste comptable » réception » était constitué essentiellement de factures de restaurant, dont certaines n’étaient pas nominatives et ne comportaient pas la qualité des bénéficiaires ou concernaient des repas effectués le week-end, en Belgique, de factures d’achats de vin, de produits alimentaires, de factures de supermarchés et de sommes non justifiées ; que si la société SCI du Wale fait valoir que son activité n’était pas limitée à la région de Dunkerque et produit une attestation de la direction interrégionale de l’administration pénitentiaire du 6 mars 2008 relative à une recherche de locaux dans la région Nord/Pas-de-Calais et une lettre d’un notaire établi dans le département des Pyrénées Orientales datée du 31 août 2006 relative à une opération de vente, ces seuls éléments, qui au demeurant ne concernent pas la période en litige, ne permettent pas d’établir que les dépenses concernées étaient nécessaires à l’activité de la société ;
En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés :
S’agissant de la provision constituée au 31 décembre 2005 :
16. Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts applicable à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : » 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ; qu’il appartient au contribuable de justifier du bien-fondé de la déduction d’une provision de ses bénéfices imposables ;
17. Considérant que la société SCI du Wale a constitué, à la clôture de l’exercice 2005, une provision d’un montant de 97 000 euros pour risques et charges, destinée à permettre l’achèvement de travaux sur le lotissement » Les Bleuets 1 » ; que l’administration a réintégré cette provision dans les résultats de cet exercice ; que si la société produit des devis établis aux mois de mai et juin 2004 par les entreprises chargées des travaux ainsi qu’un certificat administratif du 17 décembre 2004 mentionnant que certains travaux devaient être achevés au plus tard le 12 février 2007, ces éléments qui sont antérieurs de plus d’un an à la constitution de la provision, ne sont pas de nature, à défaut de la justification de tout lien entre le montant de la provision comptabilisée et les montants mentionnés sur les devis, à établir que cette provision a été évaluée avec une approximation suffisante ; qu’ainsi, l’administration était fondée à la réintégrer dans les résultats imposables de l’exercice 2005 ;
S’agissant des frais de déplacement et des autres dépenses engagées réintégrées dans les résultats imposables des exercices 2004 et 2005 :
En ce qui concerne les frais de déplacement :
18. Considérant que l’administration, tout en admettant la déduction de certains frais de déplacement, a relevé que les dépenses de carburant comptabilisées en 2004 et 2005 correspondaient à des kilométrages respectifs de 46 200 kilomètres et de 59 100 kilomètres et les a regardés comme excessifs compte tenu de l’activité de la société SCI du Wale ; qu’elle a également relevé que nombre de ces dépenses correspondaient à des périodes de vacances et de week-end dans des régions éloignées de celle où la société exerçait son activité ; que le service estimant que ces dépenses n’avaient pas été exposées dans l’intérêt de l’exploitation les a réintégrées dans le bénéfice imposable des exercices 2004 et 2005 pour des montants respectifs de 4 574 euros et de 4 653 euros ; que la société requérante ne justifie pas que les éléments de fait rapportés par l’administration soient erronés en se bornant à faire référence aux documents dont il a été fait état au point 16 ci-dessus ; que, par suite, l’administration doit être regardée comme établissant que les charges précitées n’ont pas été supportées dans l’intérêt de la société requérante ;
En ce qui concerne les autres dépenses :
19. Considérant qu’il n’est pas établi, alors que l’administration en conteste la nature professionnelle, que les dépenses relatives à l’acquisition de petits matériels courants non professionnels tels qu’une machine à pain, un congélateur et un réfrigérateur ou de celles relatives à des travaux de réparation d’une machine à laver et de toilettes pour la plupart livrés ou exécutés au domicile personnel du dirigeant de la société, aient été engagées dans l’intérêt de cette dernière ; que l’administration relève en outre, à juste titre, qu’elle ne justifie pas davantage que le rez-de-chaussée de cet immeuble serait affecté à des fins professionnelles ; qu’en outre, les dépenses relatives à l’acquisition d’ordinateurs portables pour des montants de 1 250 euros hors taxes et de 879 euros hors taxes ne constituent pas des charges immédiatement déductibles mais des éléments de l’actif devant faire l’objet d’une immobilisation ; qu’enfin, si la société SCI du Wale fait valoir que la dépense relative à l’acquisition d’un écran de télévision plasma ne figurerait pas dans les charges de la société comptabilisées au titre de l’exercice 2004, il n’est toutefois pas contesté que cette dépense, d’un montant de 3 360 euros hors taxes, a été acquittée par la société et que celle-ci demeure dans l’incapacité de démontrer que la constatation opérée par le vérificateur serait erronée ;
20. Considérant que si la société SCI du Wale relève que la facture relative à l’achat du congélateur s’élève à un montant de 458 euros hors taxes et non de 548 euros hors taxes comme retenu par le service, il résulte de l’instruction que l’administration a procédé à la rectification de cette erreur et a prononcé le dégrèvement correspondant par décision du 4 juillet 2013 ; que de même la contestation de la société requérante relative à la réintégration dans ses bénéfices imposables des exercices 2004 et 2005 des charges relatives à l’immeuble situé à Socx est sans objet dès lors que l’administration a abandonné ces rehaussements et a prononcé les dégrèvements d’impôt sur les sociétés correspondants, par décision du 11 décembre 2012 ;
Sur les pénalités :
En ce qui concerne l’amende fiscale prévue par l’article 1759 du code général des impôts :
21. Considérant qu’aux termes de l’article 117 du code général des impôts : » Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu’il résulte des déclarations de la personne morale visées à l’article 116, celle-ci est invitée à fournir à l’administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l’excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application de la pénalité prévue à l’article 1759 » ; qu’aux termes de l’article 1759 du même code : » Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l’intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 177 et 240, elles ne révèlent pas l’identité, sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (…) » ;
22. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’administration a régulièrement informé la société SCI du Wale de son intention de regarder les rehaussements des bénéfices imposables consécutifs à la réintégration des frais de réception et cadeaux comme des revenus distribués de façon occulte et a demandé à la société, par application des dispositions précitées de l’article 117 du code général des impôts, de fournir l’identité des bénéficiaires ainsi que les montants alloués à chacun d’eux ; que si dans sa réponse du 25 juin 2007, la société a mentionné les noms des deux dirigeants de fait et de droit de la société, cette réponse, au demeurant fort succincte, faisait référence à des dates et montants qui n’étaient pas concernés par l’interrogation du service qui portait sur les frais de réception et les cadeaux dont le détail figurait à l’annexe 2 de la proposition de rectification ; que, par suite, la réponse donnée par la société SCI du Wale équivalait, dans les circonstances de l’espèce, à un défaut de réponse et c’est donc à bon droit que l’administration l’a assujettie à la pénalité prévue par les dispositions de l’article 1759 du code général des impôts ;
En ce qui concerne la majoration de 40 % pour manquement délibéré :
23. Considérant qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable pour l’année 2005 : » 1. Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l’intéressé est établie ou de 80 p. 100 s’il s’est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d’abus de droits au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales (…) » ; qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable pour l’année 2006 : » Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) » ;
24. Considérant qu’en relevant l’importance des rappels et des rehaussements effectués, les différents éléments attestant d’une confusion entre le patrimoine social et le patrimoine privé du gérant de la société SCI du Wale, la prise en charge non justifiée par la SCI de dépenses personnelles de M. A…B…, gérant de la société, les insuffisances de déclaration en matière de taxe sur la valeur ajoutée que ne pouvait ignorer un professionnel de l’immobilier ainsi que la comptabilisation d’une provision non justifiée au titre de l’exercice 2005 pour maintenir ce dernier déficitaire, l’administration doit être regardée comme établissant l’intention délibérée de la société requérante de se soustraire au paiement de l’impôt et justifie ainsi l’application de la majoration visée par les dispositions précitées de l’article 1729 du code général des impôts ;
25. Considérant que la société SCI du Wale soutient que l’administration et les premiers juges ont méconnu l’autorité de la chose jugée qui s’attache au jugement rendu le 8 janvier 2010 par lequel le tribunal correctionnel de Dunkerque, statuant sur la poursuite pénale engagée contre ses dirigeants à raison notamment des insuffisances relevées dans les déclarations de chiffre d’affaires soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, l’a relaxé des fins de poursuite ; que, toutefois, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis, comme en l’espèce, force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou qu’un doute subsiste sur leur réalité ; que le jugement précité du tribunal correctionnel, tout en constatant au demeurant que les intéressés avaient déposé des déclarations de chiffre d’affaires minorées, a prononcé leur relaxe au bénéfice du doute ; que le jugement ainsi motivé ne pouvait faire obstacle à l’application par l’administration de la majoration en litige pour les mêmes faits ;
26. Considérant, enfin, que si la société requérante soutient que les modifications apportées par le législateur aux dispositions de l’article 257 du code général des impôts méconnaissent l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, ce moyen ne peut être utilement soulevé devant le juge administratif dès lors qu’il n’appartient pas à ce dernier de contrôler la conformité des lois à la Constitution ; que la société requérante ne saurait davantage se prévaloir de la décision non motivée du 11 juin 2012 par laquelle l’administration a prononcé le dégrèvement de la majoration pour manquement délibéré appliquée aux rappels de droits concernant l’année 2007 ;
27. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société SCI du Wale n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer à concurrence du dégrèvement de 43 euros prononcé au titre des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de la contribution à cet impôt pour l’année 2005.
Article 2 : Le jugement n° 0906460 du 13 décembre 2012 du tribunal administratif de Lille est annulé en tant qu’il statue à concurrence, respectivement de 4 343 euros en droits et pénalités