Cour administrative d’appel de Douai, 2e chambre – formation à 3, 04/12/2012, 11DA01522, Inédit au recueil Lebon

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Cour administrative d’appel de Douai, 2e chambre – formation à 3, 04/12/2012, 11DA01522, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 16 septembre 2011 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, régularisée le 19 septembre 2011 par la production de l’original, présentée pour M. Pierre A, demeurant …, par la SCP Bignon Lebray et associés, société d’avocats ; M. A demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0806609 du 30 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2004 et à la condamnation de l’Etat au paiement d’intérêts moratoires en application de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) de prononcer la décharge de l’imposition contestée ;

3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

– les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

– et les observations de Me Bertrand, avocat, pour M. A ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article 92 du code général des impôts :  » 1. Sont considérés (…) comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices (…) de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.  » ;

2. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, dans le cadre de la prise de contrôle du groupe Jean Caby, la société Smithfield France s’est rapprochée, au cours de l’année 2004, de M. A, alors actionnaire majoritaire et dirigeant de la SA Noragral, qui détenait elle-même 68,81 % du capital de la société Finagral, cette dernière contrôlant elle-même 62,16 % du capital de la société Jean Caby ; que si, au cours des pourparlers, M. A a fait donation à un enfant de 2 000 actions de la SA Noragral, il en est resté, jusqu’à la cession, le dirigeant et l’actionnaire prépondérant détenant 19 500 des 40 500 actions formant son capital, les 21 000 autres titres de participations étant détenus par 18 actionnaires ; que, par acte du 28 mai 2004, la société Smithfield France, qui entendait prendre l’entier contrôle de chacune de ces sociétés liées, a fait l’acquisition de l’ensemble des actions de la SA Noragral, de la fraction du capital de la société Finagral non détenue par la société précédente ainsi que des actions de la société Jean Caby non détenues par la société Finagral ; que, si le prix unitaire des 21 000 actions formant le capital de la SA Noragral cédées par 18 de ses actionnaires a été uniformément fixé à la somme de 342,393 euros, celui des 19 500 actions détenues par M. A a été fixé à la somme de 362,907 euros ;

3. Considérant qu’il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve de ce que la somme égale à la différence entre, d’une part, le prix perçu par le contribuable à l’occasion de l’opération de cession de ses actions et, d’autre part, la somme qu’il en aurait retirée au tarif unitaire convenu par les autres actionnaires de la SA Noragral est la rémunération d’un service d’entremise, rendu par ce dernier au profit de ses co-actionnaires, imposable en application du 1. de l’article 92 du code général des impôts ;

4. Considérant que le ministre intimé admet que M. A n’a reçu des autres actionnaires de la SA Noragral aucun mandat exprès lui conférant le pouvoir de négocier, avec la société Smithfield France, le prix de cession de leurs actions ; que l’administration admet également que le mandat consenti le 11 mai 2004 par la fille du requérant ne contient pas davantage de pouvoir explicite en vue de négocier le prix des titres en cause ; que l’article 16 de l’acte de cession du 28 mai 2004 ne révèle pas l’existence d’un mandat implicite à cette fin, dès lors que cette stipulation se borne à confier au contribuable un pouvoir de représentation limité à la signature et à lui donner un pouvoir de négociation circonscrit à l’exécution de ce pacte de cession, dans l’hypothèse d’un différend né de cette exécution notamment ; que la signature du contrat de cession, celle des ordres de mouvements nécessaires au transfert des actions, la perception du prix de cession global, la quittance donnée au cessionnaire, la répartition du prix entre les cédants, la mise en place de la convention de séquestre, la souscription des déclarations et, plus généralement, toutes les démarches et diligences effectuées par M. A pour le compte des autres actionnaires s’inscrivent dans ces missions, non rémunérées, d’exécution de la convention du 28 mai 2004, sans mettre en évidence l’existence d’un mandat ayant pour objet la négociation préalable du prix de vente de l’ensemble des actions de la SA Noragra et ce, alors même que, par sa position éminente comme dirigeant et actionnaire prépondérant, le contribuable a pu contribuer à la réalisation de l’opération aux meilleures conditions pour ses co-actionnaires ; que, si cette position particulière ne lui a pas nécessairement conféré un pouvoir de négociation au nom des autres cédants, cette même position, qui le rendait incontournable dans la réalisation de l’opération de rachat des trois entités du groupe Jean Caby par la société Smithfield France, laquelle entendait prendre leur entier contrôle, lui a en revanche permis de négocier, pour lui-même, la surcote des actions de la SA Noragral dont il a été l’unique bénéficiaire ; que, dans ces conditions, l’administration n’établit pas que le surcroît de plus-value de cession dont a bénéficié M. A à l’occasion de la cession de ses actions de la SA Noragral correspond, non pas à un gain en capital, mais à la réalisation d’un profit imposable en application des dispositions précitées du 1. de l’article 92 du code général des impôts ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé, d’une part, à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et, d’autre part, à obtenir la décharge qu’il demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :  » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. « ;

7. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. A est déchargé de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2004.

Article 2 : Le jugement n° 0806609 du 30 juin 2011 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu’il est contraire au présent arrêt.

Article 3 : L’Etat est condamné à verser la somme de 1 500 euros à M. A en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Pierre A et au ministre de l’économie et des finances.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°11DA01522


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