Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Douai le 16 juillet 2007 par télécopie et confirmée le 18 juillet 2007 par la production de l’original, présentée pour l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS, dont le siège est Hôtel de ville à Saint-Pol-sur-Ternoise (62130), la SARL STADIUM, dont le siège est 16 rue de Frévent à Saint-Pol-sur-Ternoise(62130) et M. Anthony X, demeurant …, par la SCP Delaporte Briard Trichet ; ils demandent à la Cour :
1) d’annuler le jugement n° 0602596 du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 27 février 2006 de la commission départementale d’équipement commercial du Pas-de-Calais autorisant la SAS CSF à créer à Herlin-le-Sec un hypermarché à l’enseigne Champion d’une surface de vente de 3 000 m2, et d’autre part, à la condamnation de l’Etat à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d’annuler la décision du 27 février 2006 de la commission départementale d’équipement commercial du Pas-de-Calais ;
Ils soutiennent que le jugement frappé d’appel a été rendu en violation des dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative dès lors qu’il ne vise ni analyse avec suffisamment de précision les conclusions et moyens des parties ; que le tribunal administratif a entaché sa décision d’une insuffisance de motivation, en s’abstenant de répondre au moyen tiré de ce qu’il appartenait à l’autorité préfectorale normalement compétente pour présider la commission, à partir du moment où elle était empêchée, de différer la réunion de la commission dès lors que le délai de quatre mois dont elle disposait pour statuer n’était pas expiré ; que le président de la communauté de communes du Saint Polois n’avait aucune qualité pour engager l’établissement public de coopération intercommunale à céder le terrain au pétitionnaire, l’organe délibérant de l’établissement étant seul habilité à cet effet ; que c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que la commission pouvait être valablement présidée par le secrétaire général adjoint de la préfecture ; que la décision d’autorisation d’équipement commercial est insuffisamment motivée, faute pour la commission d’avoir explicitement fait porter son appréciation sur l’application des dispositions de l’ordonnance du 1er décembre 2006 instituant des règles parmi lesquelles figurent celles qui visent à prévenir l’abus de position dominante ; que c’est également à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision contestée prise par la commission départementale d’équipement commercial n’était pas de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l’équilibre recherché par le législateur entre diverses formes de commerces ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire ampliatif, enregistré le 29 août 2007 par télécopie et confirmé le 30 août 2007 par la production de l’original, présenté pour l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X, qui concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et soutiennent en outre que la commission départementale d’équipement commercial devait déterminer si le projet était de nature à compromettre dans la zone de chalandise l’équilibre recherché par le législateur entre différentes formes de commerce, puis, dans l’affirmative, si cet inconvénient était compensé par les effets positifs du projet ; que le raisonnement de la commission doit être censuré dès lors qu’elle s’est livré à un examen des avantages du projet alors même qu’elle avait considéré que celui-ci n’était pas de nature à écraser le petit commerce de Saint-Pol-sur-Ternoise ; que le projet méconnaît les principes fixés par les articles L. 720-1 et suivants du code de commerce dès lors que la zone de chalandise est déjà largement équipée en grandes surfaces alimentaires alors que sa population et la consommation des ménages tendent à décroître ; que la commission départementale d’équipement commercial s’est livrée à une appréciation erronée des faits de l’espèce en considérant que le projet consistait en un transfert de surface commerciale alors que les anciens locaux exploités à l’enseigne Champion n’ont pas vocation à être désaffectés ; que le nouveau magasin réalisera son chiffre d’affaires au détriment des autres circuits de distribution locaux ; que la décision méconnaît les exigences du droit de la concurrence dès lors que la commission départementale d’équipement commercial s’est abstenue de rechercher si le projet qui lui était soumis n’était pas de nature à conduire à une situation de position dominante ;
Vu la lettre en date du 28 mars 2008 mettant en demeure le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi de produire ses observations ;
Vu le mémoire en constitution, enregistré le 15 avril 2008, présenté pour la SAS CSF, dont le siège est zone industrielle à Mondeville (14120), par Me Létang, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2008 par télécopie et confirmé le 5 mai 2008 par la production de l’original, présenté pour la SAS CSF, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire ; la SAS CSF soutient que les requérants ne démontrent pas que le Tribunal administratif de Lille aurait omis de viser des mémoires contenant des moyens nouveaux qui, ainsi, n’auraient pas été correctement pris en considération lors de l’instruction de la requête ; que le tribunal administratif a régulièrement considéré que malgré l’absence de mention de l’accord de l’organe délibérant de la communauté de communes, l’attestation du président de cette collectivité territoriale est suffisante pour conférer un titre habilitant à construire à la société pétitionnaire ; que le préfet était régulièrement représenté à la présidence de la commission départementale d’équipement commercial par le secrétaire général adjoint de la préfecture et, en tout état de cause, une éventuelle irrégularité en la matière ne revêtirait pas un caractère substantiel ; que la décision de la commission départementale d’équipement commercial qui s’est fondée sur pas moins de huit considérants pour autoriser le projet de la société CSF est suffisamment motivée ; que, dès lors qu’il n’est pas démontré que le projet n’aurait pas pour effet de permettre l’abus d’une position dominante, la commission ne peut pas refuser le projet ; que le critère de la densité commerciale ne saurait être satisfaisant lorsqu’il est retenu pour une aire géographique trop restreinte ; que l’augmentation de la densité commerciale du fait du projet est tout à fait modeste et raisonnable ; que quand bien même il existe une surdensité commerciale dans la zone de chalandise, cette seule circonstance est insuffisante pour interdire la création d’un nouvel équipement commercial si celui-ci vient, par des effets positifs, compenser le risque de déséquilibre entre les différentes formes de commerce résultant d’une surdensité commerciale ; que le projet aura pour effet de diminuer l’évasion commerciale vers les communes de Bruay-la-Buissière et Arras ; que le chiffre d’affaire du magasin projeté ne sera pas réalisé sur les commerces préexistants à Saint-Pol-sur-Ternoise ; que la zone de chalandise connaît un accroissement de 5,28 % du nombre de ménage ; que le projet de la société CSF contribuera à renforcer l’attractivité des commerces traditionnels du centre ville de Saint-Pol-sur-Ternoise ; qu’en apportant une modernisation de l’équipement commercial, le projet permettra d’améliorer la satisfaction des besoins des consommateurs et de créer 29 emplois en équivalent temps plein ; que le projet de la société pétitionnaire n’aura pour effet que d’accroître de seulement 1% la surface de vente détenue par le groupe Carrefour dans la zone de chalandise ;
Vu l’ordonnance en date du 23 février 2009 portant clôture d’instruction au 23 mars 2009 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 23 mars 2009 par télécopie et confirmé le 25 mars 2009 par la production de l’original, présenté pour l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X, qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens et soutiennent en outre que l’étude de la DGCCRF ne tient pas compte de l’Intermarché situé à Marconnelle d’une surface de vente de 2 000 m2 et situé à côté du magasin Champion, de même que l’étude ne prend apparemment pas en compte les établissements Champion de Frévent (1 800 m2), Avesnes-le-Comte (2 000 m2), notamment ; que l’évasion commerciale se réalise sur les hypercentres de Bruay, Arras et Hénin-Beaumont qui ne peuvent être concurrencés par la zone d’Herlin ;
Vu l’ordonnance en date du 26 mars 2009 portant réouverture d’instruction ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 avril 2009 par télécopie et confirmé le 30 avril 2009 par la production de l’original, présenté pour la SAS CSF, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures et soutient en outre que le moyen de l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS et autres tiré de l’irrégularité de la zone de chalandise n’est pas fondé tout comme celui d’une évasion commerciale générée par le commerce non alimentaire ; qu’il ne ressort pas de l’étude CEDACOM produite par les requérants que la zone de chalandise du projet de la société CSF serait saturée de grandes surfaces à dominante alimentaire de nature à créer l’hypermarché Champion à Herlin le Sec ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d’orientation du commerce et de l’artisanat modifiée ;
Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 relatif à l’autorisation d’exploitation commerciale de certains magasins de commerce de détail et de certains établissements hôteliers, aux observatoires et aux commissions d’équipement commercial ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements ;
Vu l’arrêté du 12 décembre 1997 fixant le contenu de la demande d’autorisation d’implantation de certains magasins de commerce de détail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique le rapport de M. Albert Lequien, président-assesseur, les conclusions de M. Jacques Lepers, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Videau, pour l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X et Me Perez, pour la SAS CSF ;
Considérant que la requête de l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE (UCIA) DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X est dirigée contre le jugement du 16 mai 2007 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 27 février 2006 de la commission départementale d’équipement commercial du Pas-de-Calais autorisant la SAS CSF à créer à Herlin le Sec un hypermarché à l’enseigne Champion d’une surface de vente de 3 000 m2 ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le Tribunal administratif de Lille qui n’était pas tenu de répondre aux différents arguments des demandeurs et qui a visé puis répondu à l’ensemble des conclusions et des moyens des parties n’a pas entaché son jugement d’irrégularité ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;
Considérant qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 27 décembre 1973, ultérieurement codifié à l’article L. 720-8 du code de commerce, devenu article L. 751-2 : I – La commission départementale d’équipement commercial est présidée par le préfet qui, sans prendre part au vote, informe la commission sur le contenu du programme national prévu à l’article L. 720-1 et sur le schéma de développement commercial mentionné à l’article L. 720-3. / ; qu’aux termes de l’article 45 du décret du 29 avril 2004 susvisé : En cas d’absence ou d’empêchement du préfet, sans que ce dernier ait désigné par arrêté un des sous-préfets en fonction dans le département pour assurer sa suppléance, celle-ci est exercée de plein droit par le secrétaire général de la préfecture ;
Considérant que si en application du décret du 29 avril 2004 susvisé, en cas d’absence ou d’empêchement du préfet, sa suppléance peut être exercée de plein droit par le secrétaire général de la préfecture, aucune disposition ne confère ce même droit de suppléance au secrétaire général adjoint ; qu’en outre, s’il ressort des pièces du dossier que M. Y, secrétaire général adjoint de la préfecture du Pas-de-Calais disposait d’une délégation en date du 31 octobre 2005 à l’effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant notamment de la législation sur l’équipement commercial, cette délégation qui s’analyse comme une délégation de signature ne lui donnait pas compétence pour présider le 10 février 2006, la commission départementale d’équipement commercial du Pas-de-Calais qui a autorisé la SAS CSF à créer à Herlin le Sec un hypermarché et ce, même s’il n’a pas pris part au vote ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille, a écarté leur moyen tiré de ce que le secrétaire général adjoint de la préfecture du Pas-de-Calais ne pouvait régulièrement remplacer le préfet pour assurer la présidence de la commission départementale d’équipement commercial réunie le 10 février 2006 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X, qui au surplus font valoir à bon droit que la SAS CSF ne justifiait pas d’un titre l’habilitant à construire sur le terrain dont s’agit, sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la décision du 27 février 2006 de la commission départementale d’équipement commercial du Pas-de-Calais ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demande la SAS CSF au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille du 16 mai 2007 est annulé.
Article 2 : La décision du 27 février 2006 de la commission départementale d’équipement commercial du Pas-de-Calais est annulée.
Article 3 : Les conclusions de la SAS CSF présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’UNION COMMERCIALE INDUSTRIELLE ET ARTISANALE DE SAINT-POL ET ENVIRONS, la SARL STADIUM et M. Anthony X, à la SAS CSF et au ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.
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N°07DA01074