Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 11/10/2011, 10BX00816, Inédit au recueil Lebon

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Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 11/10/2011, 10BX00816, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU
NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 10 mars 2010, présentée pour la SAS MENUISERIES PVC GM, dont le siège est à Lacapelle Bleys (12 240), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Derrien-Lalanne ;

La SAS MENUISERIES PVC GM demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n°0501134 du 29 décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er mai 1998 au 30 avril 2001, ainsi que l’amende prévue à l’article 1740 ter du code général des impôts qui lui a été appliquée au titre de l’année ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat les frais qu’il a exposés, non compris dans les dépens, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 septembre 2011 :

– le rapport de M. Mauny, premier conseiller,

– les observations de Me Derrien-Lalanne présentées pour la SAS MENUISERIES PVC GM ;

– et les conclusions de M. Vié , rapporteur public ;

– la parole ayant été rendue à Me Derrien-Lalanne ;

Considérant que la SAS MENUISERIES PVC GM relève appel du jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2009 par lequel il a rejeté sa demande tendant à la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes, qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er mai 1998 au 30 avril 2001, ainsi que la décharge de l’amende prévue à l’article 1740 ter du code général des impôts qui lui a été appliquée au titre de l’année 1998 ;

Sur les conclusions à fin de réformation du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : L’administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (…) ; que si l’administration procède à une notification non au contribuable lui-même mais à une tierce personne, qu’elle soit ou non son mandataire ou son représentant légal, il appartient au juge d’apprécier, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, si la notification est parvenue au contribuable et si, par suite, elle peut être regardée comme régulière ; qu’il est constant que la notification du 19 décembre 2002 a été signifiée par huissier et remise à M. , associé de la société y exerçant les fonctions de chef d’atelier, dont il n’est pas contesté qu’il n’avait pas qualité pour représenter la société ; que toutefois, il n’est pas contesté que la société, qui a présenté des observations le 17 janvier 2003, a obtenu la notification de redressement susmentionnée ; qu’ainsi, la SAS MENUISERIES PVC GM n’est pas fondée à soutenir que la remise de ladite notification à une personne non habilitée pour la recevoir l’aurait privée des garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire et aurait vicié la procédure d’imposition ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires intervient : 1° Lorsque le désaccord porte soit sur le montant du bénéfice industriel et commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d’affaires, déterminé selon un mode réel d’imposition, soit sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d’intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l’article 257 6° et 7°-1 du code général des impôts ;… ; que la remise en cause d’un régime d’exonération dans lequel une entreprise s’est placée, tel que celui prévu par l’article 262 ter du code général des impôts, a trait au principe même de l’imposition de ces opérations et non au montant du chiffre d’affaires mentionné à l’article L. 59 A du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, une telle question ne relève pas de la compétence de la commission départementale alors même que sa solution dépendait de l’appréciation de questions de fait ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

S’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée à collecter :

Considérant qu’aux termes de l’article 262 ter du code général des impôts : I. Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d’un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d’un autre assujetti ou d’une personne morale non assujettie ;

Considérant, d’une part, qu’il résulte de ces dispositions que l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons intracommunautaires de biens est notamment subordonnée à la condition, d’une part, que l’acquéreur desdits biens soit assujetti à cette taxe ou ait la qualité de personne morale non assujettie et ne bénéficiant pas dans l’Etat membre dans lequel elle est établie d’un régime dérogatoire l’autorisant à ne pas soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée ses acquisitions intracommunautaires et, d’autre part, que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l’acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d’un autre Etat membre ; que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l’impôt, au vu de l’instruction et compte tenu, le cas échéant, de l’abstention d’une des parties à produire les éléments qu’elle est seule en mesure d’apporter et qui ne sauraient être réclamés qu’à elle-même, d’apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l’assujettissement à l’impôt ou, le cas échéant, s’il remplit les conditions légales d’une exonération ; que, s’agissant de la réalité de la livraison d’une marchandise sur le territoire d’un autre Etat membre de la Communauté européenne, pour l’application des dispositions précitées de l’article 262 ter du code général des impôts, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajouté est en mesure de produire les documents afférents au transport de la marchandise, lorsqu’il l’a lui-même assuré, ou tout document de nature à justifier la livraison effective de la marchandise, lorsque le transport a été assuré par l’acquéreur ;

Considérant, d’autre part, que si, pour l’application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l’expédition des biens à destination d’un autre Etat membre et du numéro d’identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l’acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l’administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n’ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataire présumé des personnes dépourvues d’activité réelle ; que, toutefois, le droit à exonération de cet assujetti ne peut être remis en cause que s’il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu’il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu’il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société requérante a appliqué le régime d’exonération de taxe sur la valeur ajoutée à deux factures émises en 1998 et correspondant à deux livraisons à la société de droit espagnol Puertas y Ventanas del Mediterraneo pour 125 823 et 116 715 francs ; que l’administration établit cependant que la société espagnole a déclaré à ses autorités nationales ne pas avoir réceptionné les marchandises en cause ; que le service a relevé également, sans être contredit, des anomalies quant aux dates d’établissement des lettres de voiture (CMR) par comparaison avec leur numérotation, et que l’établissement de ces documents était intervenu, antérieurement à l’établissement des factures des 30 juin et 3 août 1998 ; qu’aucune des livraisons litigieuses n’a fait l’objet d’un paiement par la cliente espagnole de la requérante, la facture n°808001 ayant été réglée en espèces le 6 janvier 1999, et la facture n°806379 par la société industrie et négoce de menuiserie ; qu’elle a relevé enfin que la société de transport qui aurait assuré les livraisons en litige n’a déclaré aucune livraison intra-communautaire sur les derniers trimestres de l’année 1998 ; qu’ainsi, alors même que la société Puertas y Ventanas del Mediterraneo était enregistrée au registre du commerce espagnol et identifiée à la taxe sur la valeur ajoutée, et que les montants facturés représentent une faible part du chiffre d’affaires total de la société, l’administration établit, par les éléments susmentionnés, d’une part que les livraisons en cause n’ont pas eu lieu, et d’autre part que le droit à exonération de la SAS MENUISERIES PVC GM pouvait être remis en cause dès lors qu’il est établi, au vu des éléments dont elle avait connaissance, qu’elle savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu’elle effectuait la conduisait à participer à une fraude fiscale ;

S’agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

Considérant, d’une part, qu’en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l’article 230 de l’annexe II à ce code, un contribuable n’est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services ; que dans le cas où l’auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l’administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d’établir qu’il s’agissait d’une facture fictive ou d’une facture de complaisance ; que si l’administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d’apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. a été mandaté par M. Jean-Louis pour négocier la vente des titres des 9 sociétés composant le groupe , dont la société Mag et de la SAS MENUISERIES PVC GM, en vertu d’un contrat du 13 avril 2000 ; qu’il a reçu courant 2000 et pour moitié de chaque société, le paiement de deux acomptes de 110 000 francs chacun ; que la requérante et la société Mag, en vertu d’une transaction en date du 19 février 2001, ont versé à l’intéressé une somme de 334 000 francs à titre de dommages-intérêts pour réparation du préjudice résultant de l’interruption de sa mission et du non respect d’une clause de non concurrence dont bénéficiait M. ; que la SAS MENUISERIES PVC GM a déduit la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé ces versements auxquels elle a procédé en 2000 et 2001 ; que cette déduction a été remise en cause par le service au motif que cette somme n’était pas nécessaire à son exploitation mais avait été engagée dans l’intérêt des actionnaires de la société ; qu’il résulte des termes du contrat susmentionné que les honoraires de l’intéressé devaient être versés par les associés des sociétés du groupe , et non par les sociétés elles-mêmes ; que si l’article 5 dudit contrat prévoit, avant le paiement desdits honoraires, deux paiements de 110 00 F au titre des frais d’établissement et de déplacement de M. , il est constant, en tout état de cause, que ces frais devaient être supportés par la SAS Mag et non la SAS MENUISERIES PVC GM qui devait supporter les frais de séjour de l’intéressé en Aveyron ; que, par ailleurs, si la SAS MENUISERIES PVC GM produit un courrier en date du 25 juillet 2000 par lequel M. , son dirigeant, demandait une modification de la mission initiale et la recherche de partenaires industriels, ce document est à entête de la SAS Mag et ne fait pas référence à la situation de la requérante ; qu’en outre, il est constant que ce courrier, qui n’a pas pu être recoupé avec des informations provenant de M. , ne prévoit en tout état de cause aucun paiement par les sociétés susmentionnées et ne revient pas sur les termes du contrat du 13 avril 2000 qui prévoyait le versement des honoraires par les associés des sociétés ; qu’ainsi, dès lors que la mission de M. , aux termes du contrat susmentionné, consistait en la recherche d’acquéreurs des parts des neuf sociétés du groupe détenues par ses associés, et était effectuée dans l’intérêt de ces derniers, et qu’aucun document n’établit que cette mission aurait été étendue au bénéfice de la SAS MENUISERIES PVC GM, la société n’établit pas que les dépenses susmentionnées auraient été effectuées dans l’intérêt de son exploitation, et dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé le montant versé à ce titre aurait été déductible ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant en premier lieu qu’aux termes de l’article 1740 ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur et applicable au présent litige : Lorsqu’il est établi qu’une personne, à l’occasion de l’exercice de ses activités professionnelles a travesti ou dissimulé l’identité ou l’adresse de ses fournisseurs ou de ses clients ou sciemment accepté l’utilisation d’une identité fictive ou d’un prête-nom, elle est redevable d’une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations. (…) ;

Considérant, ainsi qu’il a été dit plus haut, que la requérante, qui a produit des lettres de voiture affectées d’incohérence dans leur numérotation, a été payée par virement d’une société française s’agissant d’une première facture et en espèces pour la seconde ; que les lettres de voiture ont été établies avant même l’établissement des factures litigieuses ; que la société de transport qui aurait assuré les livraisons en litige n’a déclaré aucune livraison intra-communautaire sur les trimestres de l’année 1998 au cours desquels les livraisons seraient intervenues ; qu’ainsi, et quand bien même elle aurait qualifié lesdites livraisons d’injustifiées, l’administration établit par les éléments susmentionnés que la SAS MENUISERIES PVC GM a dissimulé l’identité de ses clients véritables ; qu’elle était donc fondée à appliquer l’amende prévue à l’article 1740 ter du code général des impôts ;

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : 1. Lorsque la déclaration ou l’acte mentionnés à l’article 1728 font apparaître une base d’imposition ou des éléments servant à la liquidation de l’impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l’intérêt de retard visé à l’article 1727 et d’une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l’ intéressé est établie… ; qu’il appartient à l’administration qui entend appliquer les pénalités de mauvaise foi d’établir l’intention du contribuable d’éluder l’impôt ;

Considérant, d’une part, que l’administration a établi que la SAS MENUISERIES PVC GM avait supporté des montants importants destinés à rétribuer l’intervention d’un intermédiaire au bénéfice de ses associés et de ceux de la société Mag ; qu’au regard des montants en cause et des stipulations du contrat du 13 mai 2000, l’administration a établi que la société, en supportant de telles charges, avait entendu éluder l’impôt, et, par conséquent, sa mauvaise foi ;

Considérant, d’autre part, s’agissant de la majoration grevant les droits procédant de la remise en cause de déductions regardées comme anticipées par le service, et d’ailleurs non contestés dans la présente instance, que la société ne contredit pas l’administration qui fait valoir que des rappels de même nature lui ont été notifiés lors de deux précédents contrôles ; qu’eu égard aux montants en cause, au caractère répété de ces irrégularités, et quand bien même la société réaliserait un chiffre d’affaires important et aurait de nombreux fournisseurs, l’administration établit ainsi la mauvaise foi de la société ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SAS MENUISERIES PVC GM n’est pas fondée à demander la réformation du jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 29 décembre 2009 en tant qu’il a rejeté sa demande tendant à la réduction des droits de taxe sur la valeur ajoutée procédant de la remise en cause de la déductibilité de la taxe grevant les sommes versées à M. , ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle, dès lors que l’Etat n’est pas la partie perdante dans la présente instance, à ce que la somme demandée par la SAS MENUISERIES PVC GM soit mise à la charge de l’Etat au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS MENUISERIES PVC GM est rejetée.

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N° 10BX00816


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