Absence de responsabilité de l’entreprise
Si, au cours de son activité professionnelle, les cotisations et contributions sociales obligatoires du chef d’entreprise ont pu être directement réglées par l’entreprise celle-ci n’est pour autant pas devenue débitrice de la caisse.
Les entreprises ne sont pas affiliées
Par ailleurs, les entreprises ne sont pas affiliées en tant que telles à un régime social obligatoire de sorte qu’elles ne sont pas débitrices de la caisse. L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’entreprise n’a ainsi aucune incidence sur la créance dont dispose la caisse à l’égard du gérant et n’a aucune obligation de déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire.
La Cour de cassation rappelle ainsi régulièrement que ‘ sauf confusion des patrimoines ou fictivité de la personne morale reconnue par une décision du tribunal de la procédure collective, une créance n’a pas à être déclarée au patrimoine d’une personne qui n’est pas le débiteur soumis à la procédure collective ».
En l’espèce, le jugement de liquidation judiciaire du 25 mars 2013 ne mentionne pas que la procédure ait été étendue à la situation personnelle de la cotisante, mais uniquement en sa qualité de commerçante inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4] depuis le 27 septembre 2010.
Les cotisations du chef d’entreprise
Aux termes de l’article L. 133-6 du code de la sécurité sociale, les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales disposent d’un interlocuteur social unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dont elles sont redevables à titre personnel (…)
Et de l »article R. 133-26 du code de la sécurité sociale, devenu R. 133-2-1 puis R. 613-2 du même code :
Les cotisations et contributions sociales annuelles dues, à titre personnel, par un travailleur indépendant sont acquittées par versements mensuels.
Il en résulte de ces dispositions que c’est bien la personne physique qui est affiliée auprès du RSI et qui est redevable des cotisations et contributions sociales.
S’il ne peut être contesté que les dettes de cotisations et contributions sociales réclamées par le RSI sont bien des dettes nées pour les besoins ou au titre d’une activité professionnelle, elles sont cependant personnelles au gérant et non à l’entreprise.
Elles sont la contrepartie d’une protection sociale personnelle accordée au cotisant personne physique qui peut ainsi obtenir, entre autre, le remboursement de ses frais de santé et bénéficier d’une pension de retraite.
En conséquence, la cotisante, qui a été immatriculée auprès du RSI du fait de son statut de commerçante était tenue personnellement de cotiser à ce régime afin d’assurer sa couverture personnelle sociale.
Sur la recevabilité de l’appel
Le jugement contesté ayant été notifié le 02 septembre 2020 à la cotisante, ainsi que l’atteste l’avis de réception signé, l’appel adressé le 29 septembre 2020 à la cour est donc recevable, formé dans le mois suivant sa notification.
Sur l’exigibilité des sommes réclamées
La cotisante ne conteste ni le principe, ni le montant de la créance dont l’Urssaf sollicite le paiement, mais seulement son exigibilité immédiate.
Aux termes de l’article L. 133-6 du code de la sécurité sociale applicable pour les cotisations échues avant le 1er janvier 2017, les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales disposent d’un interlocuteur social unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dont elles sont redevables à titre personnel. Il en résulte que c’est bien la personne physique qui est affiliée auprès du RSI et qui est redevable des cotisations et contributions sociales.
Par conséquent, la cotisante était tenue personnellement de cotiser à ce régime afin d’assurer sa couverture personnelle sociale. Le jugement doit être confirmé en ce sens.
Partie succombante, la cotisante sera tenue aux dépens, ainsi qu’en équité à verser à l’Urssaf la somme de 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 29 Mars 2024
(n° , 4 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/06206 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCNC2
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juin 2020 par le Pole social du TJ de MELUN RG n° 18/00752
APPELANTE
Madame [V] [E]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 7]
comparante en personne
INTIMEE
URSSAF – ILE DE FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 6]
représenté par M. [K] [N] en vertu d’un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Décembre 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe LATIL, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Monsieur Christophe LATIL, conseiller
Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 01 mars 2024, puis prorogé au 22 mars 2024, puis au 29 mars 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par M Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [V] [E] d’un jugement prononcé le 02 juin 2020 le pôle social du tribunal judiciaire de Melun dans un litige l’opposant à l’Urssaf Ile-de-France, venant aux droits du RSI.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que
l’Urssaf a délivré, le 24 septembre 2018 une contrainte établie le 04 septembre 2018 pour un montant de 22 252 euros correspondant aux cotisations et majorations de retard pour les années 2011, 2012 et 2013 à Mme [V] [E] (la cotisante), immatriculée à l’Urssaf depuis le 31 juillet 2018 pour une activité libérale d’exploitation d’un fonds de commerce hôtelier à l’enseigne [Adresse 5], [Localité 7], titulaire de deux comptes :
– un compte employeur de personnels salariés : [Numéro identifiant 1],
– un compte travailleur indépendant : [Numéro identifiant 2].
L’entreprise gérée par la cotisante a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Melun qui le 18 décembre 2013 a ordonné un plan de redressement à laquelle la dette sociale découlant du compte employeur a été admise et fait l’objet d’un paiement échelonné.
La cotisante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun le 04 octobre 2018 aux fins de former opposition à cette contrainte concernant sa dette découlant du compte travailleur indépendant.
En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, l’affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Melun, qui devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020 a, par jugement du 02 juin 2020 :
– validé la contrainte du 04 septembre 2018 pour son montant actualisé de 17 262 euros,
– dit que les frais de signification de la contrainte seront à la charge de la cotisante.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 02 septembre 2020 à la cotisante qui en a interjeté appel par lettre recommandée adressée au greffe le 29 septembre 2020.
L’affaire a alors été fixée à l’audience du 04 décembre 2022 pour être plaidée et lors de laquelle la cotisante a présent oralement ses moyens et l’Urssaf a développé oralement ses moyens.
La cotisante demande à la cour d’infirmer le jugement dont appel au motif que, selon elle, l’Urssaf devait déclarer sa créance pour qu’elle puisse être prise en compte dans le cadre du plan de redressement de son entreprise qui prévoit l’apurement de ses dettes sur dix ans.
L’Urssaf demande à la cour de :
– vérifier la recevabilité de l’appel interjeté par la cotisante,
– si l’appel était recevable, déclarer la cotisante mal fondée en son appel,
– l’en débouter,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Melun le 02 juin 2020,
– confirmer la validation de la contrainte pour la somme de 17 262 euros de cotisations et de majorations de retard provisoires,
– condamner la cotisante à lui verser une somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la cotisante du surplus de ses demandes, fins et conclusions.
L’Urssaf soutient que s’agissant du compte travailleur indépendant, les cotisations dues constituent une dette personnelle de la cotisante et qu’à ce titre elle n’avait pas à figurer dans la liste des créances déclarées au passif de la procédure collective, s’agissant des cotisations personnelles de la cotisante.
MOTIFS DE LA DECISION
– Sur la recevabilité de l’appel
Le jugement contesté ayant été notifié le 02 septembre 2020 à la cotisante, ainsi que l’atteste l’avis de réception signé, l’appel adressé le 29 septembre 2020 à la cour est donc recevable, formé dans le mois suivant sa notification.
– Sur l’exigibilité des sommes réclamées
La cotisante ne conteste ni le principe, ni le montant de la créance dont l’Urssaf sollicite le paiement, mais seulement son exigibilité immédiate.
Aux termes de l’article L. 133-6 du code de la sécurité sociale applicable pour les cotisations échues avant le 1er janvier 2017 :
Les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales disposent d’un interlocuteur social unique pour le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dont elles sont redevables à titre personnel (…)
et de l »article R. 133-26 du code de la sécurité sociale, devenu R. 133-2-1 puis R. 613-2 du même code :
les cotisations et contributions sociales annuelles dues, à titre personnel, par un travailleur indépendant sont acquittées par versements mensuels.
Il en résulte de ces dispositions que c’est bien la personne physique qui est affiliée auprès du RSI et qui est redevable des cotisations et contributions sociales.
S’il ne peut être contesté que les dettes de cotisations et contributions sociales réclamées par le RSI sont bien des dettes nées pour les besoins ou au titre d’une activité professionnelle, elles sont cependant personnelles au gérant et non à l’entreprise. Elles sont la contrepartie d’une protection sociale personnelle accordée au cotisant personne physique qui peut ainsi obtenir, entre autre, le remboursement de ses frais de santé et bénéficier d’une pension de retraite.
Si, au cours de son activité professionnelle, les cotisations et contributions sociales obligatoires ont pu être directement réglées par l’entreprise celle-ci n’est pour autant pas devenue débitrice de la caisse.
Par ailleurs, les entreprises ne sont pas affiliées en tant que telles à un régime social obligatoire de sorte qu’elles ne sont pas débitrices de la caisse. L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de l’entreprise n’a ainsi aucune incidence sur la créance dont dispose la caisse à l’égard du gérant et n’a aucune obligation de déclarer sa créance auprès du mandataire judiciaire.
La Cour de cassation rappelle ainsi régulièrement que ‘ sauf confusion des patrimoines ou fictivité de la personne morale reconnue par une décision du tribunal de la procédure collective, une créance n’a pas à être déclarée au patrimoine d’une personne qui n’est pas le débiteur soumis à la procédure collective ». A toutes fins utiles, la cour relève que le jugement de liquidation judiciaire du 25 mars 2013 ne mentionne pas que la procédure ait été étendue à la situation personnelle de la cotisante, mais uniquement en sa qualité de commerçante inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le numéro [N° SIREN/SIRET 4] depuis le 27 septembre 2010.
En conséquence, la cotisante, qui a été immatriculée auprès du RSI du fait de son statut de commerçante était tenue personnellement de cotiser à ce régime afin d’assurer sa couverture personnelle sociale.
Le jugement numéro doit être confirmé en ce sens.
Partie succombante , la cotisante sera tenue aux dépens, ainsi qu’en équité à verser à l’Urssaf la somme de 200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE recevable l’appel formé par Mme [V] [E] ;
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 02 juin 2020 le pôle social du tribunal judiciaire de Melun (RG n° 18/00681) ;
CONDAMNE Mme [V] [E] à payer à l’Urssaf Ile-de-France venant aux droits du RSI la somme de 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [V] [E] aux dépens.
La greffière Le président