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A supposer même que l’absence d’affiliation résulte d’une faute de l’IRCEC comme un artiste l’invoque, il reste qu’un tel manquement se résout en allocation de dommages-intérêts mais ne saurait être de nature, ni à l’exonérer du paiement des cotisations dues, ni à lui conférer de droit à voir valider des trimestres d’assurance et points du régime complémentaire du RAAP, dès lors qu’une telle validation de droits suppose d’avoir corrélativement cotisé, dans les conditions rappelées par les textes sus mentionnés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, les cotisations de retraites étant portables et non quérables, il appartient à l’artiste, à réception des courriers de l’IRCEC lui indiquant qu’il n’était redevable d’aucune cotisation dès lors que ses revenus étaient inférieurs au seuil d’affiliation au RAAP (dont le montant est précisé sur chacun des courriers versés), d’entreprendre les démarches nécessaires afin de corriger cette information et de déclarer ses revenus réels afin de procéder au règlement de ses cotisations de retraite dans les délais règlementaires. Dès lors qu’un artiste-auteur perçoit des revenus d’auteur supérieurs au seuil d’affiliation, il doit obligatoirement cotiser au RAAP et, d’autre part, que les droits à prestations sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés à ce régime. Il résulte des dispositions des articles L. 382-1, L. 382-12 et L. 644-1 du code de la sécurité sociale que les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la sécurité social dans le cadre duquel ils cotisaient jusqu’en 2019 auprès de l’AGESSA et depuis 2020, auprès de l’URSSAF pour leur retraite de base et relèvent, de manière obligatoire, pour leur retraite complémentaire, d’un des trois régimes complémentaires d’assurance vieillesse gérés par l’IRCEC, dont le régime de droit commun dénommé le régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) qui s’applique indépendamment du secteur de création artistique du professionnel. En vertu des articles 1et 2 du décret n° 62-420 du 11 avril 1962 applicable au RAAP, les personnes affiliées à l’IRCEC sont tenues au versement d’une cotisation destinée à financer le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs professionnels dont le montant est calculé en pourcentage des revenus de la dernière année écoulée. La cotisation porte attribution d’un nombre de points égal à son montant divisé par un coefficient de référence fixé par décret sur proposition du conseil d’administration. L’affiliation à ce régime est cependant conditionnée à la perception, au cours de la dernière année civile, d’un montant de revenus de droits d’auteur atteignant un seuil, dit seuil d’affiliation, fixé à 900 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée. |
→ Résumé de l’affaireMadame [D], auteur dramatique, a contesté les appels de cotisations de l’IRCEC pour les années 2017, 2018 et 2019, demandant l’application d’un taux réduit de 4%. Après un refus initial, la commission de recours amiable a partiellement accepté sa demande pour l’année 2019. Madame [D] a saisi le tribunal judiciaire de Paris pour contester le refus de l’IRCEC et demander la reconstitution gratuite de ses droits à la retraite pour la période de 1991 à 2017, invoquant une erreur de l’organisme qui ne l’a pas fait cotiser malgré des revenus dépassant les seuils d’affiliation. L’IRCEC conteste ces demandes, arguant que Madame [D] a tardé à formuler sa demande d’exonération et que sa demande de reconstitution de carrière est prescrite. L’affaire est en attente du délibéré du tribunal.
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→ Les points essentielsMotifs de la décisionSur le moyen tiré de l’absence de saisine préalable de la CRA, Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. » L’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission. En l’espèce, il est constant que Madame [O] [D] n’a pas sollicité auprès de la CRA la reconstitution de ses droits à titre gratuit. Pour autant, dans son courrier à la commission du 5 novembre 2020, Madame [D] écrit, commentant le mail que lui a adressé l’IRCEC le 19 octobre 2020 : « il est, en effet, mentionné que, de 1991 à 1995 et de 1997 à 2016, mes droits d’auteurs étaient inférieurs au seuil. Cela est erroné : à partir de 1989, et pendant plus de 20 ans (et non 10 comme je vous l’ai indiqué dans mon courrier du 12 février 2020), je n’ai pas eu d’appel de cotisation de la part de l’IRCEC, alors que mes droits d’auteurs étaient supérieurs au seuil et que je cotisais à l’AGESSA pour la retraite. Or, les deux cotisations [retraite de base (AGESSA) et retraite complémentaire] étant dissociables, j’aurais dû cotiser à l’IRCEC. » S’il est exact, comme le soutient l’IRCEC, que ce défaut d’affiliation n’est invoqué par Madame [O] [D] qu’au soutient de sa demande d’exonération du paiement des cotisations 2017, 2018, 2019, il n’en demeure pas moins que cette question a été soumise à la CRA. La demande est donc recevable. Sur le fondIl résulte des dispositions des articles L. 382-1, L. 382-12 et L. 644-1 du code de la sécurité sociale que les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la sécurité social dans le cadre duquel ils cotisaient jusqu’en 2019 auprès de l’AGESSA et depuis 2020, auprès de l’URSSAF pour leur retraite de base et relèvent, de manière obligatoire, pour leur retraite complémentaire, d’un des trois régimes complémentaires d’assurance vieillesse gérés par l’IRCEC, dont le régime de droit commun dénommé le régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) qui s’applique indépendamment du secteur de création artistique du professionnel. En vertu des articles 1et 2 du décret n° 62-420 du 11 avril 1962 applicable au RAAP, les personnes affiliées à l’IRCEC sont tenues au versement d’une cotisation destinée à financer le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs professionnels dont le montant est calculé en pourcentage des revenus de la dernière année écoulée. L’affiliation à ce régime est cependant conditionnée à la perception, au cours de la dernière année civile, d’un montant de revenus de droits d’auteur atteignant un seuil, dit seuil d’affiliation, fixé à 900 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée. Il résulte des textes précités, d’une part, que, dès lors qu’un artiste-auteur perçoit des revenus d’auteur supérieurs au seuil d’affiliation, il doit obligatoirement cotiser au RAAP et, d’autre part, que les droits à prestations sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés à ce régime. Il découle de ce qui précède qu’à supposer même que l’absence d’affiliation résulte d’une faute de l’IRCEC comme l’intéressée l’invoque, il reste qu’un tel manquement se résout en allocation de dommages-intérêts mais ne saurait être de nature, ni à l’exonérer du paiement des cotisations dues au titre des années 2017, 2018 et 2019 dès lors qu’il n’est pas contesté que ses revenus d’auteur 2016, 2017 et 2018 étaient supérieurs au seuil d’affiliation à l’IRCEC, ni à lui conférer de droit à voir valider des trimestres d’assurance et points du régime complémentaire du RAAP, dès lors qu’une telle validation de droits suppose d’avoir corrélativement cotisé, dans les conditions rappelées par les textes sus mentionnés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Par ailleurs, les cotisations de retraites étant portables et non quérables, il appartenait à Madame [D], à réception des courriers de l’IRCEC lui indiquant qu’elle n’était redevable d’aucune cotisation dès lors que ses revenus étaient inférieurs au seuil d’affiliation au RAAP (dont le montant est précisé sur chacun des courriers versés), d’entreprendre les démarches nécessaires afin de corriger cette information et de déclarer ses revenus réels afin de procéder au règlement de ses cotisations de retraite dans les délais règlementaires. Contrairement au cas d’espèce qu’elle invoque et ayant fait l’objet du jugement du pôle social de Versailles du 4 mars 2020, Madame [D] était parfaitement informée et consciente de son obligation de cotisation à l’IRCEC à raison de la nature de ses revenus, du fait qu’elle ne versait aucune cotisation et du motif de cette absence de cotisation. Elle était donc parfaitement en mesure d’agir, ce qu’elle n’a pas fait pendant plus de 20 ans comme elle l’indique elle-même. Madame [D], sera donc déboutée de sa demande de reconstitution de ses droits pour la période de 1991 à 2017, de sa demande d’exonération du paiement des cotisations au RAAP pour 2017, 2018 et 2019 et de sa demande d’expertise. Sur les mesures accessoiresMadame [D] est condamnée au paiement des entiers dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile applicable en vertu du paragraphe II de l’article R.142-1-A du code de la sécurité sociale. Les montants alloués dans cette affaire: – Madame [O] [D] est déboutée de l’ensemble de ses demandes
– Madame [O] [D] est condamnée au paiement des dépens de l’instance |
→ Réglementation applicable– Code de la sécurité sociale
– Code de procédure civile Article R. 142-1 du code de la sécurité sociale: Article 696 du code de procédure civile: Décret n° 62-420 du 11 avril 1962: Article L. 382-1 du code de la sécurité sociale: Article L. 382-12 du code de la sécurité sociale: Article L. 644-1 du code de la sécurité sociale: |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Nicolas CHEWTCHOUK
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→ Mots clefs associés & définitions– Motifs de la décision
– Saisine préalable de la CRA – Commission de recours amiable – Affiliation à l’IRCEC – Cotisations – Seuil d’affiliation – Revenus d’auteur – Obligation de cotisation – Dommages-intérêts – Entiers dépens – Motifs de la décision: Raisons ou arguments qui justifient une décision prise par une autorité compétente.
– Saisine préalable de la CRA: Obligation de soumettre un litige à la Commission de recours amiable avant de saisir le tribunal. – Commission de recours amiable: Instance chargée de régler les litiges entre les auteurs et l’IRCEC. – Affiliation à l’IRCEC: Adhésion à la caisse de retraite complémentaire des artistes-auteurs. – Cotisations: Sommes d’argent versées régulièrement par les auteurs pour financer leur retraite. – Seuil d’affiliation: Montant de revenus à partir duquel un auteur est obligé de s’affilier à l’IRCEC. – Revenus d’auteur: Sommes perçues par un auteur pour l’exploitation de ses œuvres. – Obligation de cotisation: Devoir de verser des cotisations à l’IRCEC pour bénéficier d’une retraite complémentaire. – Dommages-intérêts: Somme d’argent versée à une personne en réparation d’un préjudice subi. – Entiers dépens: Frais de justice qui peuvent être mis à la charge de la partie perdante dans un litige. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
1 Expédition délivrée à Maître CHEWTCHOUK en LS le :
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PS ctx protection soc 3
N° RG 21/00708 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUD7N
N° MINUTE :
Requête du :
26 Mars 2021
JUGEMENT
rendu le 24 Avril 2024
DEMANDERESSE
Madame [O] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Nicolas CHEWTCHOUK, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 751010012021054258 du 20/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
DÉFENDERESSE
I.R.C.E.C.
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Madame [N] [Z], munie d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde SEZER, Juge
Alain MEUNIER, Assesseur
Corinne BERDEAUX, Assesseur
assistés de Marie LEFEVRE, Greffière
Décision du 24 Avril 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 21/00708 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUD7N
DEBATS
A l’audience du 28 Février 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Avril 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Madame [O] [D] exerce une activité d’auteur dramatique au titre de laquelle elle relève du régime de retraite complémentaire obligatoire géré par l’Institut de retraite complémentaire de l’enseignement et de la création (IRCEC).
L’IRCEC a adressé à Madame [D] des appels de cotisations au titre des années 2017, 2018 et 2019.
Le 12 février 2020, Madame [D] a adressé un courrier à la commission de recours amiable de l’IRCEC, avec copie par courriel à l’IRCEC, sollicitant, notamment, l’application d’un taux réduit de 4% pour les trois années 2017, 2018 et 2019.
Par courriel en date du 5 novembre 2020, le service recouvrement de l’IRCEC a indiqué à Madame [D] qu’un taux réduit de 4% serait bien appliqué sur l’année 2017, le montant des cotisations dues s’en trouvant soldé. En revanche, l’organisme lui a opposé un refus concernant les années 2018 et 2019 au motif que sa demande d’application du taux réduit ne lui était pas parvenue dans le délai prévu.
Le 5 novembre 2020, Madame [D], a adressé un nouveau courrier à la commission de recours amiable de la caisse en vue de l’étude de sa situation lors de la séance du 19 novembre 2020.
Lors de cette séance, la commission de recours amiable a rejeté la demande de taux réduit formée par Madame [D] au titre de l’année 2018, estimant la demande tardive et, « à titre exceptionnel » fait droit à cette demande au titre de l’année 2019 compte tenu du léger dépassement du délai butoir et de l’état de santé de l’assurée.
Par courrier recommandé en date du 26 mars 2021, Madame [D] a saisi le tribunal judiciaire de Paris du litige l’opposant à la caisse.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 12 janvier 2022. L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois avant d’être plaidée à l’audience du 28 février 2024.
*
Au terme de ses conclusions n° 3, visées par le greffe et reprises oralement par son conseil, Madame [D] demande au tribunal de :
Déclarer son recours recevable ; Condamner l’IRCEC à reconstituer gratuitement ses droits à la retraite pour la période de 1991 à 2017 et à lui verser les sommes correspondantes aux droits ouverts ; Dire que l’IRCEC doit lui transmettre, dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, son relevé de situation individuelle ; Condamner l’IRCEC à lui rembourser la somme de 491, 28 euros au titre des cotisations 2017 et la débouter de ses demandes au titre des cotisations des années 2018 et 2019 ; Ordonner l’exécution provisoire de la décision.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par l’IRCEC, elle fait valoir qu’il est constant qu’elle a demandé à la commission de recours amiable tant de la décharger du paiement des cotisations ou, à titre subsidiaire, de lui appliquer un taux de cotisations réduit de 4% pour chacune des années litigieuses qui de reconnaître la faute commise par l’IRCEC qui a cessé d’appeler les cotisations dues depuis 1991 et qu’à tout le moins cette question était soumise à la commission.
Sur le fond, elle fait valoir que contrairement à ce qu’affirme l’IRCEC, elle a été affiliée au régime de sécurité sociale des artistes auteurs (alors géré par l’AGESSA) du 1er décembre 1989 au 30 juin 1998 puis réaffiliée au 1er janvier 2000 et que, durant cette période, elle déclaré des revenus supérieurs au seuil d’affiliation de 900 fois la valeur horaire moyenne du SMIC sauf en 1994, année au titre de laquelle elle a été affiliée sur la base du seuil minimum d’affiliation ; que depuis cette date, l’AGESSA communique à l’IRCEC (anciennement CREA) les revenus de droits d’auteurs perçus et soumis à cotisations ; que toutefois pendant plus de vingt ans l’IRCEC lui a indiqué pour une raison ignorée qu’elle était dispensée de cotiser alors qu’il est établi que ses revenus étaient supérieurs aux seuils statutaires ou règlementaires.
Or, cette erreur manifeste lui cause nécessairement un préjudice en ce que les paiements demandés depuis 2017 deviennent disproportionnés par rapport aux droits à pension qu’ils ouvrent et en ce qu’aucun droit à la retraite n’a pu être constitué entre 1991 et 2017.
Elle estime que la faute commise par l’IRCEC justifie qu’il soit condamné à reconstituer ses droits à la retraite pour la période litigieuse sans qu’aucune prescription ne puisse lui être sérieusement opposée. En outre elle soutient que l’IRCEC ne peut soutenir qu’il lui appartenait de se manifester et de procéder spontanément au paiement du montant des cotisations dues alors que le défenseur des droits, dans un avis n° 2020-21 du 22 janvier 2020, repris in extenso par le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles dans un jugement du 4 mars 2020 (RG 18/01827) a relevé le caractère disproportionné à l’égard des assurés et inadapté au système de financement des organismes de sécurité sociale d’une telle position.
Interrogé par la présidente sur le fondement de sa demande de reconstitution de carrière à titre gratuit, le conseil de Madame [D] indique qu’il sollicite cette reconstitution à titre d’indemnisation du préjudice lié à la faute de l’IRCEC et donc sur le fondement de l’article 1240 du code civil et ajoute qu’il sollicite, à titre subsidiaire, une expertise judiciaire afin de déterminer l’étendue exacte du préjudice de sa cliente, celle-ci étant dans l’impossibilité de procéder au calcul des droits à la retraite dont elle aurait pu bénéficier en cas d’affiliation dès 1991.
En défense, l’IRCEC, au terme de ses conclusions n° 2, visées par le greffe, demande au tribunal de :
A titre principal,
Débouter Madame [D] de sa demande d’exonération du paiement des cotisations 2017, 2018 et 2019 ; Débouter Madame [D] de sa demande de remboursement de la somme de 491, 28 euros ;A titre subsidiaire,
Débouter Madame [D] de sa demande de reconstitution à titre gratuit de ses droits à retraite sur la période de 1991 à 2017 ;A titre infiniment subsidiaire,
De confirmer la décision de la commission de recours amiable en date du 25 janvier 2021 en ce qu’elle a refusé de faire droit à la demande d’application du taux réduit à 4% pour les cotisations dues au titre du RAAP 2018.
Sur la demande d’exonération du paiement des cotisations 2017, 2018 et 2019, il fait valoir que Madame [D] oublie de préciser que par décision du 9 novembre 2023, elle a bénéficié d’une aide du fonds social du RAAP de sorte que les créances nées du paiement des cotisations afférentes aux années 2018 et 2019 sont également soldées. En tout état de cause, elle rappelle qu’en vertu des dispositions des articles L. 382-1, R. 382-2 du code de la sécurité sociale et 3 du règlement applicable au RAAP, Madame [D], en qualité d’auteur dramatique doit cotiser au RAAP pour les années 2017, 2018 et 2019 dès lors que ses revenus 2016, 2017 et 2018 sont supérieurs au seuil d’affiliation à ce régime ce que la requérante ne conteste pas.
Elle ajoute que l’article 25 du règlement applicable au RAAP prévoit la possibilité d’une exonération totale de cotisations pour insuffisance de ressources du cotisant mais subordonne celle-ci à la présentation d’une demande du cotisant en ce sens, dans les trois mois suivant l’exigibilité de la cotisation. Or, elle relève qu’en l’espèce, Madame [D] a formulé sa demande pour la première fois le 5 novembre 2020 à l’occasion de la saisine de la commission de recours amiable au titre des années 2017, 2018 et 2019, soit hors délai.
Sur la demande d’affiliation à titre gratuit sur la période de 1991 à 2017, elle fait tout d’abord valoir que cette demande doit être rejetée, celle-ci n’ayant pas été formulée devant la commission de recours amiable alors qu’il s’agit d’un préalable obligatoire à la saisine du tribunal et que cette saisine est d’autant plus indispensable en l’espèce dès lors qu’il n’existe aucun cadre légale ou règlementaire propre à la régularisation de cotisations prescrites au RAAP comme cela existe concernant le régime de base.
En outre, elle soutient que cette demande est prescrite dès lors que la requérante a formé sa demande en 2022 au titre des années 1991 à 2017 alors qu’elle avait connaissance, chaque année, de son défaut d’affiliation.
En tout état de cause, elle fait valoir que, conformément au principe nemo auditur propriam turpitudinem allegans, Madame [D], qui n’a jamais informé l’IRCEC du montant de ses revenus de droits d’auteur alors qu’elle a régulièrement reçu l’information de l’IRCEC selon laquelle ses revenus ne dépassaient pas le seuil d’affiliation au RAAP et a ainsi fait preuve de négligence, ne saurait aujourd’hui revendiquer son affiliation rétroactive à ce régime à titre gratuit en invoquant une prétendue faute de l’IRCEC.
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L’affaire a été mise en délibéré au 24 avril 2024.
Sur le moyen tiré de l’absence de saisine préalable de la CRA,
Aux termes de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale, « Les réclamations relevant de l’article L. 142-4 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil, du conseil d’administration ou de l’instance régionale de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. »
L’étendue de la saisine de la commission de recours amiable d’un organisme de sécurité sociale se détermine au regard du contenu de la lettre de réclamation et non de celui de la décision ultérieure de cette commission.
En l’espèce, il est constant que Madame [O] [D] n’a pas sollicité auprès de la CRA la reconstitution de ses droits à titre gratuit. Pour autant, dans son courrier à la commission du 5 novembre 2020, Madame [D] écrit, commentant le mail que lui a adressé l’IRCEC le 19 octobre 2020 : « il est, en effet, mentionné que, de 1991 à 1995 et de 1997 à 2016, mes droits d’auteurs étaient inférieurs au seuil. Cela est erroné : à partir de 1989, et pendant plus de 20 ans (et non 10 comme je vous l’ai indiqué dans mon courrier du 12 février 2020), je n’ai pas eu d’appel de cotisation de la part de l’IRCEC, alors que mes droits d’auteurs étaient supérieurs au seuil et que je cotisais à l’AGESSA pour la retraite. Or, les deux cotisations [retraite de base (AGESSA) et retraite complémentaire] étant dissociables, j’aurais dû cotiser à l’IRCEC. »
S’il est exact, comme le soutient l’IRCEC, que ce défaut d’affiliation n’est invoqué par Madame [O] [D] qu’au soutient de sa demande d’exonération du paiement des cotisations 2017, 2018, 2019, il n’en demeure pas moins que cette question a été soumise à la CRA.
La demande est donc recevable.
Sur le fond,
Il résulte des dispositions des articles L. 382-1, L. 382-12 et L. 644-1 du code de la sécurité sociale que les artistes auteurs sont rattachés au régime général de la sécurité social dans le cadre duquel ils cotisaient jusqu’en 2019 auprès de l’AGESSA et depuis 2020, auprès de l’URSSAF pour leur retraite de base et relèvent, de manière obligatoire, pour leur retraite complémentaire, d’un des trois régimes complémentaires d’assurance vieillesse gérés par l’IRCEC, dont le régime de droit commun dénommé le régime des artistes-auteurs professionnels (RAAP) qui s’applique indépendamment du secteur de création artistique du professionnel.
En vertu des articles 1et 2 du décret n° 62-420 du 11 avril 1962 applicable au RAAP, les personnes affiliées à l’IRCEC sont tenues au versement d’une cotisation destinée à financer le régime d’assurance vieillesse complémentaire des artistes et auteurs professionnels dont le montant est calculé en pourcentage des revenus de la dernière année écoulée.
La cotisation porte attribution d’un nombre de points égal à son montant divisé par un coefficient de référence fixé par décret sur proposition du conseil d’administration.
L’affiliation à ce régime est cependant conditionnée à la perception, au cours de la dernière année civile, d’un montant de revenus de droits d’auteur atteignant un seuil, dit seuil d’affiliation, fixé à 900 fois la valeur horaire brute du salaire minimum de croissance en vigueur le 1er janvier de l’année civile considérée.
Il résulte des textes précités, d’une part, que, dès lors qu’un artiste-auteur perçoit des revenus d’auteur supérieurs au seuil d’affiliation, il doit obligatoirement cotiser au RAAP et, d’autre part, que les droits à prestations sont déterminés par les cotisations acquittées par les affiliés à ce régime.
Il découle de ce qui précède qu’à supposer même que l’absence d’affiliation résulte d’une faute de l’IRCEC comme l’intéressée l’invoque, il reste qu’un tel manquement se résout en allocation de dommages-intérêts mais ne saurait être de nature, ni à l’exonérer du paiement des cotisations dues au titre des années 2017, 2018 et 2019 dès lors qu’il n’est pas contesté que ses revenus d’auteur 2016, 2017 et 2018 étaient supérieurs au seuil d’affiliation à l’IRCEC, ni à lui conférer de droit à voir valider des trimestres d’assurance et points du régime complémentaire du RAAP, dès lors qu’une telle validation de droits suppose d’avoir corrélativement cotisé, dans les conditions rappelées par les textes sus mentionnés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Par ailleurs, les cotisations de retraites étant portables et non quérables, il appartenait à Madame [D], à réception des courriers de l’IRCEC lui indiquant qu’elle n’était redevable d’aucune cotisation dès lors que ses revenus étaient inférieurs au seuil d’affiliation au RAAP (dont le montant est précisé sur chacun des courriers versés), d’entreprendre les démarches nécessaires afin de corriger cette information et de déclarer ses revenus réels afin de procéder au règlement de ses cotisations de retraite dans les délais règlementaires.
Contrairement au cas d’espèce qu’elle invoque et ayant fait l’objet du jugement du pôle social de Versailles du 4 mars 2020, Madame [D] était parfaitement informée et consciente de son obligation de cotisation à l’IRCEC à raison de la nature de ses revenus, du fait qu’elle ne versait aucune cotisation et du motif de cette absence de cotisation. Elle était donc parfaitement en mesure d’agir, ce qu’elle n’a pas fait pendant plus de 20 ans comme elle l’indique elle-même.
Madame [D], sera donc déboutée de sa demande de reconstitution de ses droits pour la période de 1991 à 2017, de sa demande d’exonération du paiement des cotisations au RAAP pour 2017, 2018 et 2019 et de sa demande d’expertise.
Sur les mesures accessoires,
Madame [D] est condamnée au paiement des entiers dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile applicable en vertu du paragraphe II de l’article R.142-1-A du code de la sécurité sociale.
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, et mise à disposition au greffe,
DEBOUTE Madame [O] [D] de l’ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE Madame [O] [D] au paiement des dépens de l’instance ;
Fait et jugé à Paris, le 24 avril 2024,
La greffièreLa présidente
N° RG 21/00708 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUD7N
EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :
Demandeur : Mme [O] [D]
Défendeur : I.R.C.E.C.
EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :
A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.
En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.
P/Le Directeur de Greffe
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