Cotisation foncière des entreprises : 9 juin 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/00146

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Cotisation foncière des entreprises : 9 juin 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 21/00146

N° RG 21/00146 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NKUA

Décision du Tribunal de proximité de VILLEURBANNE

du 17 septembre 2020

RG : 19-004097

[R]

C/

[H]

S.A.S. HOMNIA NOTAIRES [W] – [B] [S] – [X] [U] – [Z]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 09 Juin 2022

APPELANTE :

Mme [J] [R]

née le 06 Octobre 1959 à VIERZON (18100)

18 rue Gabillot

69003 LYON

Représentée par Me Hélène ARATA de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 438

INTIMES :

Me [N] [H] notaire associé de la SAS HOMNIA NOTAIRES – [N] [H] [Y] [W] [B] [S] [X] [U] [Z] [O] [G] [E]

1 place Charles Hernu

69100 VILLEURBANNE

LA S.A.S. HOMNIA NOTAIRES – [N] [H] [Y] [W] [B] [S] [X] [U] [Z] [O] [G] [E]

1 place Charles Hernu

69100 VILLEURBANNE

Représentés par Me Roger TUDELA de la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1813

assisté de Me Jean-Jacques RINCK de la SCP BAULIEUX BOHE MUGNIER RINCK, avocat au barreau de LYON

******

Date de clôture de l’instruction : 9 Novembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mai 2022

Date de mise à disposition : 09 Juin 2022

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Dominique BOISSELET, président

– Evelyne ALLAIS, conseiller

– Stéphanie ROBIN, conseiller

assistés pendant les débats de Sylvie GIREL, greffier

A l’audience, Dominique BOISSELET a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt cntradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Sylvie GIREL, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes d’huissier de justice du 7 novembre 2019, [J] [R] a fait assigner à comparaître devant le tribunal d’instance de Villeurbanne Me [N] [H], notaire, et la SAS [N] [H] – [Y] [W] – [B] [S] – [X] [U] – [Z] [O] – [G] [E], notaires associés (devenue Homnia Notaires), en exposant ce qui suit :

Le 13 juillet 2016, Mme [R] a signé un compromis pour l’acquisition d’un bien immobilier à Saint Privat d’Allier, avec faculté de substitution, la réitération en la forme authentique devant intervenir au plus tard le 15 octobre 2016.

Souhaitant réaliser cette acquisition avec ses deux enfants majeurs Mme [R], à la demande de la Société Générale consultée pour l’obtention d’un financement a été incitée à constituer une société civile immobilière.

Le 21 juillet 2016, elle s’est adressée à l’office notarial précité pour la constitution de cette société. Les statuts de la SCI Le Repaire du Loup Blanc ont été rédigés par l’étude de Maître [H] et signés les 29 juillet et le 1er août 2016 ; l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés a été faite le 11 août 2016.

Le financement n’a pas été réalisé par la Société Générale, mais par un autre établissement bancaire qui lui a prêté les fonds nécessaires à l’acquisition à titre personnel, sans recours à la SCI qui a donc été inutilement constituée.

Mme [R], estimant que Me [H] a manqué à son devoir de conseil, a demandé sa condamnation solidaire avec la société notariale à lui payer 4.702,20 euros en réparation des préjudices subis outre la somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, avec exécution provisoire.

L’affaire, appelée pour la première fois à l’audience du 16 janvier 2020 du tribunal de proximité de Villeurbanne, a été renvoyée à la demande des parties et a été retenue à l’audience du 2 juillet 2020.

A cette audience, Mme [R] se réfère à la citation qu’elle a fait délivrer et maintient l’intégralité de ses demandes. Pour l’essentiel, elle fait valoir qu’aucun conseil ne lui a été donné sur les conséquences d’un défaut d’obtention du financement et que la SCI a été immatriculée prématurément avant l’accord de financement ; elle soutient également que les défendeurs n’ont pas accompli correctement les formalités d’immatriculation, qu’ils ont commis une faute lors de la dissolution de la société et enfin que ces fautes ont généré un préjudice constitué par le paiement de frais et honoraires de constitution et de dissolution et lié au temps perdu à ces opérations.

En défense, à l’audience du 2 juillet 2020, Me [H] et la société notariale ont contesté l’existence de toute faute directement génératrice d’un préjudice indemnisable et conclu au rejet de toutes les demandes de Mme [R]. Ils ont sollicité sa condamnation à leur payer la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement en date du 17 septembre 2020, le tribunal de proximité de Villeurbanne a :

– dit que Me [H] a commis manquement à son devoir de conseil ayant entraîné pour Mme [R] la perte d’une chance d’avoir pu différer les formalités d’enregistrement et d’immatriculation de sa société dans l’attente du résultat de sa demande de prêt et d’en éviter la charge en cas de refus du prêt,

– condamné solidairement Me [H] et la SAS [N] [H] – [Y] [W] – [B] [S] – [X] [U] – [Z] [O] – [G] [E], notaires associés, à réparer le préjudice subi par Mme [R] et à lui payer en conséquence la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts,

– condamné in solidum Me [H] et la SAS [N] [H] – [Y] [W] – [B] [S] – [X] [U] – [Z] [O] – [G] [E], notaires associés à payer à Mme [R] la somme de 200 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

– rejeté le surplus des demandes des parties,

– et ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Mme [R] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe de la Cour le 7 janvier 2021.

En ses dernières conclusions du 24 septembre 2021, [J] [R] demande à la Cour ce qui suit, au visa des articles 1382 ancien et 1240 du code civil :

– juger que l’appel formé par Mme [R] est recevable et bien fondé ;

– confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Villeurbanne en ce qu’il a dit que Me [H] a commis manquement à son devoir de conseil ayant entraîné pour Mme [R] la perte d’une chance d’avoir pu différer les formalités d’enregistrement et d’immatriculation de sa société dans l’attente du résultat de sa demande de prêt et d’en éviter la charge en cas de refus du prêt ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– limité les conséquences du manquement de Me [H] à son devoir de conseil à la perte de chance pour Mme [R] d’avoir pu différer les formalités d’enregistrement et d’immatriculation de sa société dans l’attente du résultat de prêt et d’en éviter la charge en cas de refus de prêt,

– limité la condamnation solidaire de Me [H] et de la société notariale pour la réparation du préjudice subi par Mme [R] au paiement de la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts,

– limité la condamnation solidaire de Me [H] et de la société notariale au paiement à Mme [R] de la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

– juger que Me [H], ès-qualités de notaire, a manqué à son devoir de conseil ;

– débouter Me [H] et la société notariale de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

– rejeter l’appel incident formé par Me [H] et la société notariale ;

en conséquence,

– condamner solidairement Me [H] et la société notariale à payer à Mme [R] la somme de 4.702,20 euros en réparation des préjudices subis ;

– condamner solidairement Me [H] et la société notariale à payer à Mme [R] la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner les mêmes aux entiers dépens de l’instance.

Par conclusions du 24 juin 2021, Me [N] [H] et la SAS Homnia Notaires demandent à la Cour de statuer comme suit, en visant les dispositions de l’article 1240 du code civil :

– dire l’appel non fondé ;

– infirmer le jugement rendu le 17 septembre 2020 en ce qu’il a retenu un manquement du notaire lié à la perte de chance de n’avoir pu différer les formalités d’enregistrement et d’immatriculation et d’en éviter le coût, alors que les délais imposés à l’avant-contrat n’étaient pas du fait du notaire ;

– confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [R] de ses autres demandes ;

– juger que Mme [R] est défaillante dans la démonstration d’une faute de Me [H] directement génératrice pour elle d’un préjudice indemnisable ;

– débouter Mme [R] de l’intégralité de ses prétentions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de Me [H] et de la société notariale ;

– condamner Mme [R] à payer à Me [H] et la société notariale la

somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– la condamner aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SAS Tudela & Associés, avocat au Barreau de Lyon, au titre des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la création de la SCI

Il ressort des pièces versées aux débats et des explications des parties que Mme [R] a signé le 13 juillet 2016 un compromis aux fins d’acquisition, avec faculté de substitution, d’un bien immobilier situé à Saint Privat d’Allier (Haute-Loire), pour un prix de 150.000 euros.

Il était convenu d’une condition suspensive d’obtention d’un prêt d’un montant maximum de 130.000 euros, dont la justification devait être donnée avant le 30 septembre 2016, pour réitération authentique au plus tard le 15 octobre 2016.

De son propre aveu, Mme [R] n’avait alors pas reçu l’accord de principe d’un prêt par sa banque, la Société Générale, dont la conseillère lui avait conseillé d’acquérir le bien sous forme de SCI pour y associer ses deux enfants, encore étudiants.

Dans ce contexte d’avant-contrat déjà signé, Mme [R] a chargé l’étude notariale de la création de la SCI dans un délai particulièrement contraint puisqu’il fallait faire immatriculer la société pour un dépôt de demande de prêt en août 2016. Il ne saurait donc être reproché au notaire d’avoir exécuté les formalités de constitution et d’immatriculation de la SCI en urgence, sans attendre un accord de prêt.

Le premier juge a estimé que Me [H] a reconnu implicitement, dans son courrier du 11 juillet 2018 adressé au président de la Chambre des Notaires du Rhône, ne pas avoir informé Mme [R] des conséquences possibles d’un refus de financement qui pouvait effectivement rendre inutile l’immatriculation de la société.

Cependant, au regard du projet d’acquisition immobilière familiale de Mme [R], la création de la SCI n’appelait pas de réserve légitime de la part du notaire, étant considérée habituellement comme préférable à une indivision et plus adaptée à une transmission future du patrimoine aux enfants. Mme [R] ne pouvait ignorer que l’obtention du prêt par la Société Générale n’était pas certaine et n’avait nul besoin d’un avis du notaire pour consulter une autre banque sur le financement de son projet. On ne voit pas en quoi un rappel par le notaire du risque de non acceptation du prêt par la Société Générale aurait changé quoi que ce soit à la démarche de sa cliente dans sa décision de création de la SCI puisque, aussi bien, cette société pouvait être constituée pour acquérir le bien moyennant un prêt consenti par une autre banque.

Etant observé que Mme [R] procède par simple affirmation, sans produire le moindre justificatif, quant au fait que la Société Générale n’aurait pas répondu à sa demande de prêt dans un délai compatible avec la réalisation de la vente. Pas plus, elle ne justifie du fait que l’autre banque aurait préféré lui prêter directement les fonds.

Selon le courrier adressé le 11 juillet 2018 par Me [H] au président de la Chambre des Notaires du Rhône, Mme [R] ne faisait pas état d’une exigence de la Société Générale de constituer une SCI pour lui prêter les fonds – ce qui aurait été pour le moins inhabituel – mais d’un conseil donné par la banquière pour son projet d’associer ses enfants à l’acquisition du bien. Mme [R], qui a changé d’avis et fait choix d’acquérir la maison en son seul nom, n’est pas fondée à reprocher au notaire les conséquences de sa décision de créer la SCI suivie de son revirement quant à la participation de ses enfants à son acquisition.

Pas plus, Mme [R] ne peut prétendre faire supporter au notaire les conséquences de sa décision de ne pas conserver la SCI, ce qu’elle pouvait faire éventuellement en vue d’y apporter le bien ou une autre acquisition immobilière.

Les éléments du dossier montrent qu’en réalité, Mme [R] n’avait aucun reproche à faire à l’étude notariale jusqu’à ce qu’elle entre en litige avec celle-ci à l’occasion de sa démarche de clôture de la SCI et engage ensuite, de manière relativement tardive, sa réclamation auprès de la Chambre des Notaires.

Au regard de ces éléments, il n’est pas démontré un manquement du notaire à son devoir de conseil et le jugement doit être réformé.

Sur l’erreur d’enregistrement de la société

Il est établi que la SCI a été enregistrée à tort au registre du commerce et des sociétés sous la forme juridique de ‘société civile de construction vente’. Que l’erreur soit de son fait ou de celui du greffe, le notaire a pour le moins manqué de vigilance. Cette erreur a valu à Mme [R] de se voir réclamer à tort la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui est due en cas d’activité professionnelle. La CFE a été réglée pour l’année avec majoration puis remboursée par les services fiscaux après dégrèvement.

La Cour relève que Mme [R] fonde ses demandes indemnitaires sur le remboursement des frais liés à la constitution, à la liquidation et à la dissolution de la société, ainsi qu’au titre du temps passé à régler les questions administratives liées à la dissolution de la société. En l’absence de demande indemnitaire en réparation des conséquences dommageables de l’erreur d’enregistrement, il n’y a pas lieu de statuer sur la responsabilité du notaire sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Mme [R], partie perdante, supporte les dépens de première instance et d’appel. Elle conserve la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés et doit indemniser les parties adverses de leurs propres frais à concurrence de 1.500 euros.

L’avocat des intimés demande que les dépens soient ‘distraits’ à son profit, terme employé dans l’ancien code de procédure civile qui n’est plus en vigueur depuis 1972. Il entend en réalité bénéficier du droit de recouvrement direct des dépens prévu par les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ce qui doit lui être accordé sur sa simple demande dès lors que le ministère d’avocat est obligatoire dans la procédure d’appel et que la partie adverse est condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 17 septembre 2020 par le tribunal de proximité de Villeurbanne ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [R] de toutes ses demandes ;

La condamne aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement direct au profit de la SAS Tudela & Associés ;

La condamne à payer à Me [N] [H] et la SAS Homnia Notaires la somme globale de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Me [N] [H] et la SAS Homnia Notaires du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

 


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