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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DC
13e chambre
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 07 FEVRIER 2023
N° RG 21/04112 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UTIM
AFFAIRE :
POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DU VAL D’OISE
C/
Me [W]
….
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 05
N° Section :
N° RG : 2016L00624
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Franck LAFON
Me Isabelle WALIGORA
TC PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
POLE DE RECOUVREMENT SPECIALISE DU VAL D’OISE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20210252
APPELANTE
****************
MMJ représentée par Me [V] [W] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mory Ducros
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle WALIGORA de l’ASSOCIATION ALAIN CLAVIER – ISABELLE WALIGORA – AVOCATS ASSOCIÉS, /Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 431 – N° du dossier 210160
Représentant : Me Bernard LAGARDE de la SCP CABINET BERNARD LAGARDE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0368
Société MORY DUCROS
[Adresse 3]
[Localité 5]
Défaillante
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 Décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Delphine BONNET, Conseiller chargé du rapport et Madame Marie-Andrée BAUMANN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
Par jugement du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société Mory Ducros et désigné maîtres [Z] et [X] en qualité d’administrateurs judiciaires et la Selarl MMJ, prise en la personne de maître [V] [W], en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 6 février 2014, le même tribunal a arrêté le plan de cession de la société Mory Ducros et prononcé sa liquidation judiciaire, en autorisant la poursuite de l’activité jusqu’au 6 mai 2014, avec désignation de la Selarl MMJ prise en la personne de maître [V] [W] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 9 mai 2014, la poursuite de l’activité résiduelle a été prorogée jusqu’au 6 août 2014. Au cours de cette période, la Selarl MMJ, ès qualités, a formé dans le cadre du recouvrement des actifs dépendant de la liquidation judiciaire une demande de remboursement de crédit de TVA à hauteur de 9300 000 euros auprès du SIE de [Localité 6] le 6 novembre 2014.
Cette créance a été reconnue fondée, mais elle n’a été remboursée qu’à hauteur de 8 000 000 d’euros par le PRS de [Localité 6], et ce, en date du 17 juillet 2015, ce dernier maintenant ‘en réserve ou en séquestre ou en libre arbitre’, la somme de 1 300 000 euros.
Le PRS du Val d’Oise, a porté à la connaissance de maître [W], ès qualités, par lettre en date du 26 juin 2015, l’existence d’une créance ‘dite postérieure’ d’un montant de 107 143 euros au visa de l’article L.622-17 IV du code de commerce.
Cette créance fiscale a fait l’objet d’un avis à tiers détenteur entre les mains du SIE de Garges-les-Gonesse le 19 janvier 2016 pour un montant de 61 607 euros, avis notifié à maître [W], ès qualités, le même jour.
Ce dernier a contesté le bien-fondé de l’acte de poursuite à hauteur de 61 607 euros suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
Par jugement contradictoire du 11 juin 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a :
– déclaré maître [W], ès qualités, bien fondé en sa demande ;
– ordonné la mainlevée de l’avis à tiers détenteur en date du 19 janvier 2016 à due concurrence de la somme de 61 607 euros délivré auprès du comptable public du SIE de [Localité 6] au profit du comptable chargé du recouvrement Val d’Oise ;
– dit que la créance fiscale correspondant à la cotisation foncière des entreprises 2014 pour un montant de 61 607 euros sera portée sur la liste des créances établie par maître [W], ès qualités, pour vérification ;
– condamné le comptable chargé du recouvrement du Val d’Oise aux dépens.
Par déclaration du 29 juin 2021, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Val d’Oise (le PRS du Val d’Oise) a interjeté appel du jugement. La déclaration a été signifiée à la société Mory Ducros le 16 août 2021 par acte remis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 septembre 2021 puis signifiées à la société Mory Ducros le 1er octobre 2021, par acte remis selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, le PRS du Val d’Oise demande à la cour de :
– juger recevable et bien fondé en son appel ;
y faisant droit,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement ;
et statuant à nouveau,
– juger que son avis à tiers détenteur pour la somme de 61 607 euros est parfaitement valable et produira son plein et entier effet ;
en conséquence,
– juger n’y avoir lieu d’ordonner la mainlevée de l’avis à tiers détenteur du 19 janvier 2016 ;
– débouter maître [W], ès qualités, de toutes ses demandes ;
– condamner maître [W], ès qualités, aux dépens dont distraction au profit de maître Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le PRS fait valoir que les dispositions de l’article L. 622-17 du code de commerce ont vocation à s’appliquer au cas d’espèce et que sa créance n’est concernée ni par l’interdiction des paiements ni par l’arrêt des poursuites individuelles. Il soutient que la cotisation foncière des entreprises est liée à l’activité professionnelle et donc nécessaire à la poursuite de la société et au bon déroulement de la procédure de redressement judiciaire en sorte qu’elle doit être regardée comme une créance méritante bénéficiant d’un traitement préférentiel, citant un arrêt de la Cour de cassation du 24 mars 2021. S’agissant du délai pour porter à la connaissance du mandataire judiciaire l’existence de sa créance, le PRS prétend que ce délai a commencé à courir au cas d’espèce à compter de la fin de la période de poursuite d’activité prolongée au 4 août 2014, soulignant qu’il a porté à la connaissance du liquidateur sa créance postérieure au jugement d’ouverture dans le délai d’un an expirant le 6 août 2015. Il affirme qu’en tout état de cause, si la créance exigible au traitement préférentiel n’a pas été portée à la connaissance du liquidateur, elle ne perd pas pour autant son privilège de paiement par ordre de classement établi par l’article L. 622-17 du code de commerce en sorte que le comptable conserve son droit de poursuite individuelle qui s’exerce sur tous les éléments d’actif. Il estime en conséquence qu’il disposait du droit de recouvrer sa créance méritante par voie d’avis à tiers détenteur.
La Selarl MMJ, ès qualités, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 décembre 2021, demande à la cour de :
– dire et juger que la créance fiscale correspondant à la cotisation foncière des entreprises 2014 à hauteur de 107 143 euros sera portée sur la liste des créances établie par le mandataire judiciaire par application de l’article R. 622-15 du code de commerce ;
– dire et juger que l’acte de poursuite individuel du PRS du Val d’Oise est inopérant et en contravention des dispositions de l’article L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce par suite du régime de la liquidation judiciaire ;
– ordonner la mainlevée de l’avis à tiers détenteur délivré auprès du tiers saisi, le comptable public du SIE de [Localité 6], à due concurrence ;
– condamner la DGFIP aux dépens.
Le liquidateur, après avoir rappelé les dispositions des articles R. 622-15, L. 622-17 alinéa IV et L. 641-13 alinéa IV du code de commerce, soutient que l’action du créancier public paraît être en contradiction avec les dispositions de ce dernier texte car la perte du privilège attaché aux créances postérieures méritantes entraîne l’exclusion et l’interdiction des poursuites de recouvrement forcé par le créancier. Il fait valoir qu’en effet la créance n’a pas été portée à la connaissance du mandataire judiciaire dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation fixée au 6 février 2014, date du prononcé du plan de cession de la société Mory Ducros puisque le PRS ne l’a portée à sa connaissance que le 26 juin 2015.
Il précise que le délai d’un an courait à compter de la publication du jugement arrêtant le plan de cession et expirait donc le 24 février 2015. Enfin, il considère que le créancier public ne peut se substituer à la mission du mandataire judiciaire et s’octroyer la priorité des paiements en contravention avec les dispositions précitées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Aucun moyen n’étant soulevé ou susceptible d’être relevé d’office, il convient de déclarer l’appel du PRS du Val d’Oise recevable.
Selon l’article L. 622-17, I, du code de commerce, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation sont payées à leur échéance. La cotisation foncière des entreprises, calculée à partir de la valeur locative des biens immobiliers soumis à la taxe foncière que les entreprises utilisent pour leur activité professionnelle, constitue, pour les entreprises qui y sont assujetties, une obligation légale et est inhérente à l’activité poursuivie après le jugement d’ouverture. La cotisation foncière des entreprises entre donc dans les prévisions de l’article L. 622-17, I, du code de commerce, ce qui a été tranché par la Cour de cassation (Cass. com., 24 mars 2021, n° 20-13.832) et n’est plus en débat entre les parties.
Selon l’article L. 622-17 alinéa IV du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du jugement d’ouverture ‘Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n’ont pas été portées à la connaissance de l’administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation.’
L’article L.641-13 I, dernier alinéa, du même code prévoit également qu”en cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l’article L.622-17′ et le IV du même article que ‘Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n’ont pas été portées à la connaissance du mandataire judiciaire, de l’administrateur lorsqu’il en est désigné ou du liquidateur, au plus tard à compter de la publication du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation ou, à défaut, dans le délai d’un an à compter de celle du jugement arrêtant le plan de cession.
Si le jugement du 6 février 2014 arrêtant le plan de cession et prononçant la liquidation judiciaire de la société Mory Ducros a été publié au Bodacc le 23 février 2014 et que c’est à compter de cette date que le créancier devait faire connaître au liquidateur judiciaire sa créance et non pas à compter du 4 août 2014, fin de la période de poursuite d’activité comme soutenu à tort par le PRS, il importe peu que ce ne soit que le 26 juin 2015 que ce créancier a porté à la connaissance de maître [W] ès qualités, en visant l’article L. 622-17 IV, sa créance au titre de la CFE 2014 non acquittée à son échéance, dès lors qu’éligible au traitement préférentiel, il n’est pas concerné par la règle de l’arrêt des poursuites individuelles et des voies d’exécution, nonobstant la perte de son privilège. Ainsi, le PRS ayant conservé son droit d’être payé à son échéance avait le droit d’exercer toute saisie et donc d’émettre un avis à tiers détenteur.
C’est donc à tort que le premier juge a ordonné la mainlevée de l’avis à tiers détenteur en date du 19 janvier 2016. Il convient par conséquent, infirmant le jugement en toutes ses dispositions, de débouter la Selarl MMJ ès qualités de toutes ses demandes et de dire que l’avis à tiers détenteur pour la somme de 61 607 euros est valable et produira son plein et entier effet.
Il ne peut y avoir recouvrement direct des dépens en matière de procédure collective.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par défaut,
Déclare l’appel du comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Val d’Oise recevable ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Déboute la Selarl MMJ prise en la personne de maître [W], ès qualités, de ses demandes ;
Dit que l’avis à tiers détenteur en date du 19 janvier 2016 délivré au comptable du SIE de [Localité 6], pour la somme de 61 607 euros, est valable et produira son plein et entier effet ;
Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le conseiller faisant fonction de président,