CIV. 1
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 janvier 2022
Rejet et
Désistement partiel
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 16 F-D
Pourvoi n° W 20-15.900
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2022
1°/ la société Révolutions per minute 77, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société HVR 77, anciennement dénommée société Direct Vo , société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° W 20-15.900 contre l’arrêt rendu le 22 janvier 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Robinson, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à la société GTI, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Révolutions per minute 77, de la société HVR 77, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Robinson, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société GTI, et l’avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l’audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte aux sociétés Révolutions per minute 77 et HVR 77 du désistement de leur pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société SC Robinson.
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 janvier 2020), le 13 décembre 2011, la société SC Robinson, exerçant l’activité de location de terrains et autres biens immobiliers, a donné à bail aux sociétés Révolutions per minute 77 (RPM 77) et Direct VO, moyennant un loyer annuel de 100 000 euros hors taxes, un terrain, dont elle était elle-même sous-locataire depuis plusieurs années, par l’intermédiaire de la société GTI, anciennement dénommée Arthur Loyd, agent immobilier qu’elle avait mandaté.
3. Le 15 décembre 2014, la société SC Robinson a mis en demeure les sociétés RPM 77 et Direct VO de lui payer la somme de 42 401,76 euros correspondant aux taxes foncières sur les locaux pour les années 2012 à 2014.
4. Le 15 juin 2015, la société RPM 77 et la société Direct VO, devenue HVR 77, ont assigné la société SCI Robinson afin qu’il soit jugé que la taxe foncière exigée par le bailleur est à la charge exclusive de celui-ci et, le 17 mai 2016, elles ont attrait à l’instance la société GTI aux fins d’être garanties par celle-ci des condamnations qui seraient prononcées contre elles. La société SC Robinson a sollicité reconventionnellement le paiement des taxes foncières pour les années 2012 à 2018.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Les sociétés RPM 77 et HVR 77 font grief à l’arrêt de rejeter leur demande en garantie, alors :
« 1°/ que l’agent immobilier, qui offre un bien à la location pour le compte de son mandant, est tenu de vérifier l’exactitude des informations qu’il fournit sur ce bien et les conditions de la location, peu important qu’il ne soit pas le rédacteur de l’acte de bail ; que les sociétés RPM 77 et HVR 77 soutenaient que la société GTI, agent immobilier, avait manqué à ses obligations en leur indiquant, sans le vérifier, que le montant de l’impôt foncier qui serait à leur charge, en leur qualité de locataires, était de 563 euros, bien qu’il se soit élevé, en réalité, à la somme de 12 000 euros ; qu’en retenant, pour exclure tout manquement à ses obligations, que l’agent immobilier, mandaté par la société SC Robinson pour donner à bail l’immeuble, n’était pas le rédacteur de l’acte de location, et que, s’il avait mis en relation les parties, il avait mentionné dans les offres de location le montant de l’impôt foncier qui lui avait été communiqué par ses mandants, sans que son attention ait pu être « particulièrement attirée » sur son caractère erroné, et qu’il n’aurait donc pu lui être reproché de ne pas avoir demandé de précisions ou de justificatifs à ce sujet, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
2°/ que l’agent immobilier est tenu de s’assurer que toutes les conditions nécessaires à l’efficacité de la convention conclue par son entremise se trouvent réunies et, à cette fin, de procéder à toutes vérifications nécessaires ; qu’en retenant que la société GTI, qui avait mis en relation les parties, n’était pas tenue de demander des précisions ou des justificatifs concernant le montant de l’impôt foncier mis à la charge des locataires, et qu’elle avait indiqué aux sociétés RPM 77 et HVR 77, la cour d’appel a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil ;
3°/ que le juge doit répondre aux conclusions des parties ; qu’après avoir retenu que le montant de 589 euros, mentionné au titre de l’impôt foncier dans le mandat confié à l’agent immobilier, correspondait « manifestement » à la seule contribution foncière des entreprises acquittée par la société SC Robinson, à laquelle le remboursement de la taxe foncière n’avait pas été réclamé avant 2013, la cour d’appel s’est bornée à relever que ce montant était « sensiblement similaire » à celui mentionné dans un autre mandat confié à la société GTI, pour affirmer que l’attention de cette dernière n’aurait pu être « particulièrement attirée sur leur caractère éventuellement erroné » et qu’il n’aurait pu lui être reproché de ne pas avoir demandé de précisions ou de justificatifs à ce sujet ; qu’en statuant de la sorte, sans répondre aux conclusions des sociétés RPM 77 et HVR 77, qui soutenaient que le montant peu élevé de la taxe foncière mentionnée dans les actes aurait dû éveiller l’attention de l’agent immobilier, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que l’agent immobilier n’est pas déchargé de ses obligations à l’égard des parties à l’acte conclu par son entremise, par le seul fait que ces parties étaient assistées d’un conseil ; qu’en relevant que les sociétés SC Robinson, RMP 77 et HVR 77 étaient assistées de leurs conseils respectifs, la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier l’absence de toute vérification, par la société GTI, du montant de l’impôt foncier à la charge des locataires, et a violé l’article 1382, devenu 1240, du code civil. »
Réponse de la Cour
6. Après avoir constaté que le mandat confié par la société SC Robinson à la société GTI mentionnait un impôt foncier à la charge du preneur de 589 euros et qu’il avait été réclamé aux sociétés RPM 77 et HVR 77 des taxes foncières d’un montant annuel de près de 12 000 euros, qui étaient dues par celles-ci à la société SC Robinson, la cour d’appel a relevé que cette société n’avait pas connaissance de l’impôt foncier d’un tel montant qui ne lui avait jamais été réclamé avant 2013 par son propre bailleur et que le montant communiqué par la société SC Robinson à la société GTI était similaire à celui communiqué par l’occupant sortant, de sorte que l’attention de l’agent immobilier ne pouvait pas être spécialement attirée sur son caractère éventuellement erroné.
7. Ayant répondu aux écritures prétendument délaissées, sans tirer de conclusion du fait que les sociétés RPM 77 et HVR 77 étaient assistées de leur conseil respectif, la cour d’appel a pu en déduire qu’il ne pouvait être reproché à la société GTI de ne pas avoir réclamé de justificatifs d’un impôt foncier qui n’avait pas été appelé à la date de son intervention et que sa responsabilité n’était pas engagée.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Révolutions per minute 77 et HVR 77 aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux.