Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4IH
13e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 DÉCEMBRE 2019
N° RG 18/08462 – N° Portalis DBV3-V-B7C-S2W5
AFFAIRE :
SERVICE DES IMPÔTS DES ENTREPRISES DE RENNES EST
C/
Maître [M] [O]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2018 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 05
N° Section : 00
N° RG : 2016L633
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 17.12.2019
à :
Me Franck LAFON
Me Isabelle WALIGORA
TC de PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SERVICE DES IMPÔTS DES ENTREPRISES DE RENNES EST représenté par le Comptable chargé du recouvrement
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Maître Franck LAFON, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20180483 et par Maître Jean-Louis MALHERBE, avocat plaidant au barreau du VAL D’OISE
APPELANT
****************
Maître [M] [O] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS MORY DUCROS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Maître Isabelle WALIGORA de l’ASSOCIATION ALAIN CLAVIER – ISABELLE WALIGORA – AVOCATS ASSOCIÉS , avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 431 – N° du dossier 190104 et par Maître Bernard LAGARDE, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Novembre 2019 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,
Par jugement en date du 26 novembre 2013, le tribunal de commerce de Pontoise a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SAS Mory Ducros et désigné maîtres [X] et [H] en qualité d’administrateurs judiciaires et maître [M] [O] en qualité de mandataire judiciaire.
Selon décision rendue le 6 février 2014, le tribunal a arrêté un plan de cession et prononcé la liquidation judiciaire avec poursuite d’activité jusqu’au 6 mai 2014, prorogée par la suite jusqu’au 6 août 2014, maître [O] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 6 novembre 2014, maître [O], ès qualités, a formé une demande de remboursement d’un crédit de TVA d’un montant de 9,3 millions d’euros. Le comptable public du service des impôts des entreprises (le SIE) de Garges-lès-Gonesse a procédé au remboursement à hauteur de 8 millions d’euros, le surplus de 1,3 millions d’euros étant retenu.
Le 29 octobre 2015, le centre des finances publiques de Rennes Magenta a adressé au comptable public du SIE de Garges-lès-Gonesse deux avis à tiers détenteur pour les sommes de 15 967 et de 6 322 euros se rapportant à la cotisation foncière des entreprises pour l’année 2014 pour les établissements de la société Mory Ducros situés à [Localité 3] et à [Localité 4].
Le 24 novembre 2015, maître [O], ès qualités, a contesté l’avis à tiers détenteur.
La direction départementale des finances publiques du Val d’Oise ayant rejeté sa contestation, maître [O], ès qualités, a assigné le comptable chargé du recouvrement du SIE de Rennes Est devant le tribunal de commerce de Pontoise aux fins de voir ordonner la mainlevée de l’avis à tiers détenteur.
Selon jugement contradictoire du 9 novembre 2018, le tribunal de commerce de Pontoise a :
– déclaré maître [O], ès qualités, bien fondé en sa demande ;
– ordonné la main levée des deux avis à tiers détenteur en date du 29 octobre 2015 à due concurrence des sommes de 15 967 euros pour l’établissement de [Localité 3] et de 6 322 euros pour celui de [Localité 4] délivrés auprès du comptable public du SIE de Garges-lès-Gonesses au profit du PRS de Rennes-Est (sic) ;
– dit que les créances fiscales correspondant aux cotisations foncières des entreprises 2014 pour les montants de 15 967 et de 6 322 euros seront portées sur la liste des créances établie par maître [O], ès qualités, pour vérification ;
– condamné le PRS de Rennes (sic) aux dépens de l’instance ainsi qu’aux frais d’acte et de procédure d’exécution, s’il y a lieu.
Le comptable chargé du recouvrement du SIE de Rennes Est a interjeté appel de cette décision le 14 décembre 2018.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 26 février 2019, il demande à la cour de :
– infirmer le jugement en toutes ces dispositions ;
Et statuant à nouveau,
– dire que les avis à tiers détenteur émis le 29 octobre 2015 entre les mains du SIE de Garges-lès-Gonesses pour avoir paiement des contributions foncières des entreprises 2014 sur les établissements de [Localité 3] et de [Localité 4] d’un montant respectif de 15 967 et 6 322 euros sont valables et produiront leur plein et entier effet ;
– débouter maître [O], ès qualités, de toutes ses demandes ;
– dire que maître [O], ès qualités, conservera les dépens à sa charge dont distraction au profit de maître Frank Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Rappelant que le fait générateur de la CFE 2014, qui se situe au 1er janvier de l’année 2014, est né pendant la période d’observation, il soutient que ses créances sont postérieures à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que liées à l’activité professionnelle, elles sont nécessaires à sa poursuite, en sorte qu’elles doivent être regardées comme méritantes et bénéficier du traitement préférentiel de l’article L.622-17 du code de commerce lequel prévoit leur paiement à l’échéance ou à défaut le bénéfice d’un privilège de traitement.
Il précise qu’en application de l’article L.622-21 du même code, les créances utiles ne sont pas concernées par l’interdiction de paiement et l’arrêt des poursuites individuelles et que pour recouvrer ses créances, il bénéficie d’un droit de poursuites individuelles, y compris par voie d’exécution forcée, et ce qu’il ait ou non accompli la formalité de porter sa créance à la connaissance des organes de la procédure. Il explique que ce droit d’exercer des poursuites est indépendant de l’existence éventuelle d’autres créances postérieures, fussent-elles d’un rang préférentiel dans le classement établi par les articles L.622-17 et L.641-13 et que la chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré qu’un avis à tiers détenteur notifié afin de recouvrer une créance postérieure au jugement d’ouverture avait produit son effet d’attribution immédiate sans que puisse lui être opposé l’ordre de paiement de ces articles dès lors que les autres créanciers n’avaient pas pris l’initiative de poursuites individuelles.
Il ajoute en outre que l’ordre de paiement des articles L.622-17 et L.641-13 ne peut trouver à s’appliquer que dans la mesure où le liquidateur détient les fonds qu’il doit répartir ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’effet attributif immédiat des avis à tiers détenteur l’ayant empêché de les appréhender.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 avril 2019, maître [O], ès qualités, demande à la cour de :
– le recevoir en ses conclusions d’appel et y faisant droit ;
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
– condamner la direction générale des finances publiques aux dépens, outre l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 1 500 euros.
Il critique le fait que faisant abstraction des règles applicables en procédure collective, le comptable public s’octroie le pouvoir de qualifier sa créance fiscale et en tire des conséquences en contrariété avec les dispositions régissant la matière. Invoquant les dispositions de l’article L.622-17 du code de commerce, il fait valoir que le liquidateur judiciaire a l’obligation de traiter les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture dans l’ordre légal et après avoir arrêté la liste des créances mentionnées au I de l’article L.622-17. En réplique à l’appelant qui soutient qu’il n’y a pas lieu de respecter un ordre des paiements dès lors qu’il a procédé à un avis à tiers détenteur, il souligne que cette prétention n’aurait d’effet que dans l’hypothèse où la société serait en cours de sauvegarde ou de redressement judiciaire et pour autant que la créance soit née pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l’activité, ou née en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l’activité ou en exécution d’un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d’ouverture ou née des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique, et qu’en l’espèce l’avis à tiers détenteur a été émis au cours de la liquidation judiciaire.
Il prétend que le créancier public a l’obligation de porter à la connaissance de l’administrateur judiciaire et à défaut du mandataire judiciaire l’existence de sa créance postérieure au jugement d’ouverture s’il entend bénéficier de son privilège et d’une primauté de paiement, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce avant l’expiration du délai d’un an fixé au 7 février 2015.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2019.
Pour un plus ample exposé des prétentions des moyens et des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
L’article 1447 du code général des impôts dispose notamment que la CFE est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée.
Elle est calculée sur la valeur locative des biens immobiliers utilisés pour l’activité. Elle a pour fait générateur l’existence de l’entreprise débitrice au 1er janvier de l’année au titre de laquelle elle est due.
Aux termes de l’article L.622-17 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure au 17 février 2014 applicable en l’espèce du fait de la date du jugement d’ouverture, ‘I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. II- Lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l’exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L.143-10, L.143-11, L.742-6 et L.751-15 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l’article L.611-11 du présent code. III- Leur paiement se fait dans l’ordre suivant : […] 3° Les autres créances, selon leur rang. IV- Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n’ont pas été portées à la connaissance de l’administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation.’
L’article L.641-13 I, dernier alinéa, du même code prévoit également qu”en cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l’article L.622-17′, outre la perte du privilège en cas de défaut d’information des organes de la procédure.
Selon l’article R.622-15 du code de commerce, ‘l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné , tient le mandataire judiciaire informé des créances mentionnées au I de l’article L.622-17 dont il a eu connaissance dans les conditions prévues au IV du même article. La liste de ces créances est transmise par l’administrateur ou, à défaut, le mandataire judiciaire, dès la cessation de leurs fonctions, au commissaire à l’exécution du plan, ou au liquidateur, selon le cas, qui la complète.
Le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire de la société Mory Ducros étant en date du 26 novembre 2013 et la liquidation judiciaire du 6 février 2014, la créance de l’appelant au titre de la CFE 2014 pour les immeubles affectés à l’activité professionnelle de la société est née régulièrement le 1er janvier 2014, soit au cours de la période d’observation. C’est une créance postérieure, qui a été mise en recouvrement après l’arrêté du plan de cession et le prononcé de la liquidation judiciaire.
La CFE est une créance d’origine légale qui n’est pas la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la période d’observation.
Si elle est liée aux locaux utilisés, elle n’est cependant ni utile à la conservation de ceux-ci ni inhérente à l’activité de la société. Elle n’est pas directement issue d’opérations ou d’actes faits pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation qu’elle n’a notamment pas servi à financer.
Dès lors, le SIE ne peut pas invoquer le caractère ‘utile’ ou ‘méritant’ de ses créances postérieures afin d’échapper à l’arrêt des poursuites individuelles.
Il n’est pas contesté que le SIE de Rennes Est n’a pas porté à la connaissance de l’administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire l’existence de ses créances, lesquelles ne figurent donc pas sur la liste établie en application de l’article R.622-15.
C’est donc à juste que le premier juge a ordonné la mainlevée des ATD. Il convient, dans ces conditions, et en l’absence d’autre demande, de confirmer le jugement.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné le Pôle de recouvrement spécialisé de Rennes Est aux dépens ;
Déboute maître [O], ès qualités, de sa demande d’indemnité procédurale ;
Condamne le comptable chargé du recouvrement du SIE de Rennes Est aux dépens de première instance et d’appel d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,