Cotisation foncière des entreprises : 12 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03255

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Cotisation foncière des entreprises : 12 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03255
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03255 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ISWV

CO

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NIMES

20 septembre 2022

RG:2021F00570

[E]

C/

S.E.L.A.R.L. BRMJ (30)

Grosse délivrée

le 12 AVRIL 2023

à Me Celine ALCALDE Me Jean-marie CHABAUD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 12 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de NIMES en date du 20 Septembre 2022, N°2021F00570

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Avril 2023 prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [S] [E]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Assisté de Me Celine ALCALDE de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. BRMJ (30) prise en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de la société [E] AUTOMOBILES, fonction à laquelle elle a été nommée par jugement du Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 11 mars 2020

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

Affaire fixée en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile avec ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Mars 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Avril 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’appel interjeté le 7 octobre 2022 par Monsieur [S] [E] à l’encontre du jugement prononcé le 20 septembre 2022 par le tribunal de commerce de Nîmes dans l’instance n°2021F00570 ;

Vu l’avis de fixation de l’affaire à bref délai du 17 octobre 2022 ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 6 février 2023 par l’appelant, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 2 décembre 2022 par la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société [E] automobiles, intimée et appelante incidente, et le bordereau de pièces qui y est annexé ;

Vu les conclusions du ministère public transmises par la voie électronique le 17 février 2023 ;

Vu l’ordonnance de clôture de la procédure du 17 octobre 2022 à effet différé au 9 mars 2023.

***

La SARL [E] automobiles a été immatriculée le 3 mars 2006 pour l’exploitation d’une activité de vente de véhicules neufs et d’occasion et de location de véhicules sans permis, et avait pour gérant et associé unique, Monsieur [S] [E].

Sur déclaration du gérant le 27 février 2020, et par jugement du 11 mars 2020, le tribunal de commerce de Nîmes a prononcé la liquidation judiciaire immédiate de cette société, fixé la date de cessation des paiements au 1er janvier 2019 et désigné la SELARL BRMJ en qualité de liquidateur judiciaire.

Par exploit du 29 avril 2021, la SELARL BRMJ, ès-qualités, a fait assigner Monsieur [S] [E] devant le tribunal de commerce de Nîmes en comblement intégral de l’insuffisance d’actif de la société [E] automobiles, et en prononcé d’une mesure de faillite personnelle .

Par jugement du 20 septembre 2022, le tribunal de commerce de Nîmes a, au visa des articles L651-2 et suivants du code de commerce et ‘constatant que Monsieur [E] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs de la SARLU [E] automobiles’,

condamné Monsieur [E] [S] à supporter l’insuffisance d’actifs de la SARLU [E] Automobiles,

à ce titre, l’a condamné au paiement de la somme de 70.000 euros ainsi qu’aux entiers dépens,

et au visa des articles L653-4 et 655-5ème du code de commerce,

prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pendant une durée de 3 ans,

dit qu’en application des articles L128-1 et suivants et R128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce,

pour le surplus, débouté les parties de leurs demandes, fins et conclusions,

condamné Monsieur [E] [S] à payer à la SELARL BRMJ prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société [E] automobiles la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

ordonné l’exécution provisoire de la décision,

et condamné Monsieur [E] [S] aux entiers dépens.

Monsieur [E] a interjeté appel de cette décision aux fins de la voir réformer en toutes ses dispositions.

***

Dans ses dernières conclusions, l’appelant demande à la cour, au visa de l’article 651-2 du code de commerce, de :

rejeter l’appel incident du mandataire judiciaire,

confirmer la décision en ce qu’elle n’a pas retenu de faute dans :

1. l’absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours,

2. le non-paiement de charges sociales et fiscales,

3. la poursuite abusive d’activité déficitaire,

4. des irrégularités comptables,

5. des paiements préférentiels,

réformer la décision en ce qu’elle a retenu des actes de gestion contraires aux intérêts sociaux,

réformer la décision en ce qu’elle a considéré qu’il existait un lien de causalité entre les fautes reprochées et retenues et l’insuffisance d’actifs,

A titre subsidiaire, si la cour devait retenir l’existence d’une insuffisance d’actif, la limiter à la somme de 9.000 euros,

réformer la décision en ce qu’elle a prononcé une faillite personnelle du gérant [E] [S],

réformer la décision en ce qu’elle a condamné Monsieur [E] [S] à hauteur de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

rejeter toutes les autres demandes et fins du mandataire judiciaire,

ordonner le paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner le demandeur aux entiers dépens.

L’appelant soutient qu’il n’a pas commis de faute de gestion :

La déclaration de cessation de paiements n’est pas tardive, l’exercice 2019 faisait apparaitre un chiffre d’affaires en croissance, les comptes au 31 décembre 2018 ne permettaient pas de constater la cessation des paiements et le solde bancaire de la société était de 9.285 euros au 31 janvier 2020. Et quand bien même elle le serait, cela ne résulterait que d’une simple négligence de sa part.

Il n’y a pas eu de poursuite d’activité déficitaire sans que soient prises les mesures nécessaires puisque la marge a évolué positivement en 2019 et que l’augmentation du passif entre 2017 et 2018 est notamment liée à une augmentation de la charge d’emprunts bancaires.

Les impayés sur charges fiscales et sociales dataient seulement de l’année 2019 et début 2020, les difficultés rencontrées par la société n’ayant alors pas permis de les acquitter intégralement avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements.

La cession d’actifs correspondant aux ventes de véhicules n’est pas fautive puisque le stock de véhicules acquis pour 8.837 euros a été revendu 9.000 euros plusieurs mois après. Des actifs mobiliers de faible valeur marchande ont été cédé à des prix majorés pour pouvoir payer les dernières dépenses suscitées par l’exploitation et notamment les salaires. Et la cession du véhicule Ford Mustang ne peut être prise en compte puisqu’il avait été acquis par Monsieur [E] à titre personnel et par un crédit conclu personnellement auprès de Cetelem en décembre 2018, et ce, quand bien même sa carte grise mentionne le société [E] automobiles comme propriétaire puisque ce n’est pas un titre de propriété mais un titre de police. Enfin, seules les cessions antérieures à l’ouverture de la procédure collective peuvent caractériser une faute de gestion et celles conclues postérieurement l’ont été dans le cadre du statut d’auto-entrepreneur déclaré par Monsieur [E] et sans objection du mandataire judiciaire.

S’agissant des irrégularités comptables, la situation de la société entre fin 2019 et début 2020 ne permettait plus de rémunérer l’expert-comptable de sorte que le bilan 2019 n’a pu être obtenu, mais il existe un grand livre pour la période 2019.

L’augmentation de sa rémunération entre 2017 et 2018 est en corrélation avec le nombre d’heures effectuées au sein de l’entreprise et reste modique. Et le paiement du loyer était indispensable courant 2019 au maintien de l’activité.

Enfin, de simples omissions ne peuvent en tout état de cause pas caractériser des fautes de gestion et, bien au contraire, les actes effectués avaient pour finalité de réduire le passif de la société, aucun lien de causalité n’étant ainsi établi avec l’insuffisance d’actif.

Si la cour devait entrer en voie de condamnation, elle devrait en tout état de cause limiter sa responsabilité à 9.000 euros qui correspond aux ventes réalisées vis-à-vis de la société Barthélémy.

La situation de l’appelant ne mérite pas la sanction que constitue le prononcé d’une mesure de faillite personnelle puisqu’il ‘s’est donné corps et âme pour la réussite de son entreprise’ et que le stress généré par sa relation conflictuelle avec un salarié a pu conduire à une diminution de sa vigilance ainsi qu’à l’acceptation de comportements induisant les mauvais résultats de l’entreprise.

***

Dans ses dernières conclusions, l’intimée relève appel incident de la décision du 20 septembre 2022 et demande à la cour,

s’agissant des sanctions patrimoniales et au visa de l’article L651-2 du code de commerce, de :

confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu comme constituée la faute de gestion tenant à la réalisation d’actes de gestion contraires aux intérêts sociaux,

le réformer au titre des fautes écartées, pour juger caractérisées les fautes de gestion tenant à l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours, à la poursuite d’une activité déficitaire, aux impayés sociaux et fiscaux, aux irrégularités comptables et aux paiements préférentiels,

en conséquence, accueillir l’appel incident et condamner Monsieur [S] [E] au comblement intégral de l’insuffisance d’actif et au paiement d’une somme provisionnelle de 130.000 euros,

s’agissant des sanctions professionnelles et au visa de l’article L653-4 1° 3° 5° du code de commerce, de :

confirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la faillite personnelle de Monsieur [S] [E],

statuer ce que de droit quant à la durée de cette mesure,

sur les frais et l’exécution, de:

confirmer le jugement déféré en ce qu’il lui a alloué une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et condamné l’appelant aux dépens de l’instance,

en cause d’appel, condamner l’appelant au paiement des entiers dépens, ainsi qu’à celui d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le liquidateur fait valoir que de nombreuses fautes de gestion ont été commises par l’appelant alors qu’il était gérant de la société [E] automobiles.

1. La date de cessation de paiement a été fixée au 1er janvier 2019 mais il n’a déclaré cette cessation que le 27 février 2020, ce qui dépasse la simple négligence.

2. La comparaison des comptes de produits et charges dans le grand livre 2019 montre un déficit, ce qui confirme la poursuite d’une activité déficitaire sur 2018 et 2019.

3. Les taxes 2019 exigibles dès janvier n’ont pas été acquittées, ce qui constitue une faute de gestion.

4. Plusieurs actes de gestion ont été accomplis alors qu’ils étaient contraires aux intérêts sociaux :

– la rémunération et les avantages en nature ne peuvent être en décalage avec la réalité économique de la société,

– s’il a vendu après le 11 mars 2020 des actifs de la société, c’était parce qu’il les avait fait disparaitre des documents et locaux de l’entreprise avant l’ouverture de la procédure collective,

– et le stock de véhicules d’occasion et de pièces ne peut être contrôlé à défaut de livre de police conforme et d’inventaire comptable à la clôture de l’exercice 2019.

5. Les comptes annuels n’ont pas été établis sur l’exercice clos le 31 décembre 2019 ; le grand livre provisoire n’est pas conforme aux textes et ne permet pas en tout état de cause de suivre l’activité de la société.

6. Sur l’année 2019 qui est une période suspecte, la SCI [E] perçoit ses loyers pour 6.600 euros par trimestre, le gérant reçoit une rémunération de 43.900 euros qui génère 25.255 euros de cotisations sociales et retire le 26 avril 2019 les 25.000 euros qu’il avait avancés en compte courant le 8 février 2019.

L’existence et le montant de l’insuffisance d’actif doivent être appréciés au jour où le juge statue sans qu’il soit nécessaire d’attendre la clôture de la procédure de liquidation judiciaire. En l’espèce, l’intimée relève appel incident du quantum de l’insuffisance retenue par les premiers juges à hauteur de 70.000 euros qui ne correspond qu’à un comblement partiel.

Et chacune des fautes de gestion commises a contribué à cette insuffisance d’actif.

Enfin, pour avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, pour avoir fait des biens ou du crédit de celle-ci un usage contraire à son intérêt à des fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, et pour avoir dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de cette personne morale, l’appelant doit fait l’objet d’une mesure de faillite personnelle dont la cour appréciera la durée.

***

Le ministère public conclut pour sa part :

‘1° à l’infirmation partielle par la cour de la décision entreprise sur la caractérisation des fautes de gestion, en vue de retenir l’intégralité des fautes de gestion avérées ayant contribué à de manière directe à l’insuffisance d’actifs de la société EURL [E] automobiles dont [S] [E] était le dirigeant, à savoir :

– le non-paiement des charges sociales et fiscales, exigibles en majorité dès 01/2019,

-la tenue d’une comptabilité imparfaite, incomplète, et donc non sincère et irrégulière, dans un but de dissimulation,

– l’absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours de son occurence, en l’état d’une déclaration du 27 février 2020 et d’une cessation des paiements fixée légitimement au 1er janvier 2019,

– la poursuite d’une activité déficitaire,

– le détournement d’actifs sociaux au profit et dans les intérêts personnels du dirigeant [S] [E],

2° à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné [S] [E], gérant de droit de la société EURL [E] automobiles à une mesure de faillite personnelle,

3° à la confirmation de la décision entreprise en ce qu’elle a condamné [S] [E] à supporter la dite insuffisance d’actifs, le lien de causalité entre les fautes de gestion avérées et l’insuffisance d’actif étant parfaitement caractérisé,

4° à la réformation de la décision entreprise sur la durée de la faillite personnelle, qui pourrait être prononcée pour une durée qui ne saurait être inférieure à 5 ans, tenant la gravité, la malignité des faits, ainsi que le montant conséquent de l’insuffisance d’actifs qui en a résulté,

5° à la réformation de la décision entreprise sur la quantum de l’insuffisance d’actifs mis à la charge de [S] [E], le dit quantum devant être porté à son intégralité, soit 166.275,28 euros, eu égard la gravité des manquements sus-évoquée’

***

Pour un plus ample exposé, il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur l’action en comblement du passif  :

Selon l’article L651-2 du code de commerce, « Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée. »

L’action en comblement de passif est une action en responsabilité délictuelle qui suppose l’existence d’un préjudice pour la société : une insuffisance d’actif, la caractérisation de la commission de fautes de gestion -excédant la simple négligence- à la charge de la personne dont la responsabilité est recherchée, et la démonstration d’un lien de causalité entre la ou les fautes commises et l’insuffisance d’actif constatée.

La responsabilité de Monsieur [S] [E] est recherchée en sa qualité de gérant de droit de la SARL [E] automobiles depuis sa création et jusqu’à l’ouverture de la procédure de liquidation par jugement du 11 mars 2020, qualité non contestée.

l’insuffisance d’actif :

L’insuffisance d’actif s’établit à la différence entre le montant du passif admis et correspondant à des créances antérieures au jugement d’ouverture et le montant de l’actif de la personne morale débitrice tel qu’il résulte des réalisations effectuées en liquidation judiciaire (Com. 26 juin 2001, n°98-16.520).

Elle s’apprécie au jour où la juridiction statue dans le cadre de l’action engagée à l’encontre du dirigeant en exercice (Com. 16 mars 1999 n°95-208.14).

En l’espèce, il résulte de l’état définitif des créances clôturé le 28 septembre 2020 et de l’ordonnance globale d’admission de créances du 16 octobre 2020 -produits en pièces 15 et 16 par l’intimée- que le passif admis s’élève à 166.275,28 euros -dont 134.433,28 euros de créances échues définitives et 31.842 euros de créances échues provisionnelles.

Le procès-verbal d’inventaire avec prisée établi le 16 avril 2020 (pièce 18) fixe le montant général de la prisée à 16.795 euros pour tous les actifs réalisables.

L’insuffisance d’actif est donc à ce jour certaine, et est d’ores et déjà établie à 149.480,28 euros (166.275,28 ‘ 16.795), et donc plus de 130.000 euros, montant de la provision à laquelle le mandataire liquidateur demande à la cour de condamner Monsieur [E].

les fautes de gestion et leur lien de causalité avec l’insuffisance d’actif :

L’action en comblement du passif a pour objet de sanctionner le comportement antérieur au jugement de liquidation judiciaire du dirigeant qui y aurait contribué. Il en résulte que seules des fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire – qui autorise l’exercice de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif – peuvent être prises en compte. (Com. 22 janvier 2020 n°18-17.030).

En l’occurrence, la liquidation judiciaire a été prononcée le 11 mars 2020. Seules peuvent donc être retenues comme fautes de gestion engageant sa responsabilité, celles commises par Monsieur [S] [E] avant cette date.

De plus, un lien de causalité doit être établi entre la faute de gestion et l’insuffisance d’actif (Com. 3 juillet 2012, n° 10-17.624 notamment).

La faute peut avoir seulement contribué à l’insuffisance d’actif et il n’est pas nécessaire que la faute soit la cause directe et exclusive du dommage (Com. 21 juin 2005, n° 04-12.087). Le juge n’a ainsi pas à déterminer avec précision la part d’insuffisance d’actif imputable à telle faute du dirigeant.

1°) l’absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours

L’article L640-4 du code de commerce dispose que « l’ouverture de cette procédure (de liquidation judiciaire) doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas dans ce délai demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation ».

La tardiveté de la déclaration de cessation de paiement s’apprécie au regard de la seule date de cessation fixée dans le jugement ouvrant la procédure collective, date en l’espèce fixée au 1er janvier 2019 par le jugement du 11 mars 2020 (Com. 18 mai 2016 n°14-21.133 notamment).

L’ouverture de la procédure aurait donc dû être demandée au plus tard le 16 février 2019 alors que cela n’a été fait par Monsieur [E] que le 27 février 2020, plus d’un an plus tard.

Or il fait valoir lui-même qu’il n’a pas été en mesure d’obtenir le bilan de l’exercice 2019, faute de pouvoir payer l’expert-comptable, et que le passif de la société est passé de 121.477 euros en 2017 à 176.509 euros en 2018 (pages 13 et 5).

Les sommes dues à l’URSSAF sont impayées à compter de décembre 2019, l’imposition CFE sur 2019 n’est pas soldée (état des créances en pièce 15).

En janvier 2020 et en février 2020, Monsieur [E] ne fait entrer qu’un seul véhicule pour le mois dans son entreprise (registre en pièce 3) : d’évidence l’activité est quasi nulle.

Il se dit interdit bancaire depuis le 4 janvier 2020 (déclaration pièce 6).

Et pourtant, il ne procède finalement à la déclaration de cessation des paiements que le 27 février 2020.

Il apparaît ainsi qu’à compter de la fin d’année 2019 au moins, Monsieur [E] a nécessairement connaissance de l’état de cessation de paiements de sa société, et que le retard pris à le déclarer ne ressort pas d’une simple négligence puisqu’il est procédé alors, avant la déclaration faite le 27 février 2020, à la cession de multiples actifs (factures en pièce 21).

La faute est caractérisée de ce chef à son encontre.

Le lien de causalité avec l’insuffisance d’actif est également établi puisque pendant les mois où la société est maintenue artificiellement en activité et où le tribunal de commerce n’est toujours pas saisi malgré l’état de cessation des paiements, les charges courantes continuent à courir en vain, à épuiser l’actif puis grever le passif en s’accumulant.

2°) la tenue d’une comptabilité incomplète et irrégulière

L’article L123-12 du code de commerce impose à toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant de procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise par ordre chronologique, de contrôler par inventaire , au moins une fois par an, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs de son patrimoine, et d’établir des comptes annuels à la clôture de l’exercice au vu des enregistrements comptables et de l’inventaire, comptes comprenant le bilan, le compte de résultat et une annexe qui forment un tout indissociable.

Or pour l’entière année 2019, seul le Grand-livre provisoire a été communiqué par Monsieur [E] et produit aux débats en pièce 12 de l’intimée, et il n’est pas contesté que les documents comptables obligatoires et notamment le bilan n’ont pas été établis pour cet exercice.

L’appelant se prévaut de ce qu’il n’avait alors plus les moyens financiers de payer l’expert-comptable pour l’établissement régulier de ces comptes, argument retenu comme valable par les premiers juges.

Pourtant, Monsieur [E] prélève sur les comptes de la société 2.000 euros le 17 janvier 2020 au titre de son salaire de décembre 2019, et 2.000 euros le 19 février 2020 pour son salaire de janvier 2020 (pièce 13).

Le défaut de paiement du comptable et l’absence de tenue régulière des comptes qui en résultait nécessairement, correspond ainsi à une priorisation de l’affectation des fonds restants et donc à un choix délibéré de Monsieur [E] qui caractérise une faute de sa part.

Ce faisant, Monsieur [E] se privait de toute possibilité d’analyse de l’évolution sur l’exercice 2019 permettant de réagir utilement ou, a minima, d’assainir la situation de la société, de sorte que cette carence fautive a de ce fait contribué à l’insuffisance d’actif telle que finalement constatée.

3°) poursuite d’activité déficitaire

Selon les propres écritures de l’appelant que confirment les éléments comptables produits aux débats par le liquidateur, le résultat net de l’exercice 2018 est déficitaire pour 17.286 euros (pièce 10), tandis que celui de l’exercice 2017 était à peine bénéficiaire de 154 euros (pièce 8) alors que le précédent était bénéficiaire pour 6.361 euros (déclaration du gérant en pièce 6).La situation de la société se détériore ainsi clairement d’année en année.

Les capitaux propres sont passés entre ces deux exercices 2017 et 2018, de 54.260 à 36.974 euros.

La charge des emprunts a largement doublé : 41.065 euros en 2017, 85.955 euros en 2018, les dettes sociales et fiscales ont augmenté de presque 40% : de 36.075 euros en 2017, elles passent à 50.022 euros en 2018.

Pour l’exercice 2019, comme le relève le mandataire liquidateur, l’absence de tenue d’une comptabilité régulière rend plus opaques les résultats de l’activité de la société, même si les éléments retracés dans le Grand-livre suffisent à révéler une situation globale péjorative.

Les charges sociales et fiscales ainsi que le poids des emprunts demeurent, les charges fixes ne sont aucunement allégées.

Monsieur [E] est pour le moins malvenu à soutenir que les résultats de la société s’améliorent en 2019 par rapport à 2018 alors qu’en 2019, pour la première fois, il n’est pas en mesure de payer l’expert-comptable pour arrêter les comptes de l’exercice. L’état de cessation des paiements est en outre établi au 1er janvier 2019 et c’est donc vainement que l’appelant se prévaut d’un solde bancaire -très provisoirement- positif en janvier 2020.

L’activité qui est déficitaire depuis 2018 est ainsi maintenue et poursuivie en 2019 et encore de façon complètement artificielle pendant les premiers mois de 2020 alors que la société continue à payer les loyers, les salaires du gérant et nombre de charges fixes (multiples abonnements de téléphonie, télésurveillance, ‘) sans pouvoir utilement fonctionner puisqu’elle est interdit bancaire et qu’elle ne prend plus de véhicules entrants (un seul en janvier et un dernier en février) malgré un effectif salarial constant.

La poursuite fautive de cette activité déficitaire ne peut résulter d’une simple négligence puisque les résultats de 2018 étaient déjà très inquiétants et que l’absence de comptabilité établie pour cet exercice constituait une alerte supplémentaire que le gérant a choisi d’ignorer.

Elle a évidemment contribué à l’insuffisance d’actif en ce que les intérêts de découvert se sont accumulés (Grand-livre 2019 page 243 en pièce 12) et les charges ont continué à courir tandis que les sources de revenus se tarissaient.

4°) non paiement des charges sociales et fiscales

De l’état définitif des créances, il ressort que la cotisation foncière des entreprises n’a pas été acquittée en 2019 et que d’autres impayés ont été déclarés par les services fiscaux encore pour 2020 -dont de la TVA.

Concernant l’URSSAF, les impayés s’élèvent pour décembre 2019, janvier et février 2020 à un total échu de 11.311 euros.

Cette carence fautive procède là encore d’un choix, et non d’une négligence, de Monsieur [E] qui manifestement, plutôt que de s’en acquitter, donne priorité au règlement de son salaire et des loyers versés aux bailleurs, dont une SCI [E] auto center dont il est également le gérant.

En revanche, il n’est pas établi que cette faute de gestion a contribué à l’insuffisance d’actif dès lors que le détail des sommes dues aux organismes sociaux et au fisc n’est pas produit par le mandataire liquidateur, de sorte que la cour ignore si, au delà des montants normalement dûs, des pénalités ou majorations qui seraient imputables à cette carence s’y ajoutent.

Or, si le non paiement de ces dettes a en lui-même suffi à alourdir le passif, leur paiement aurait en tout état de cause soit grevé d’autant l’actif, soit nécessité le non paiement d’autres charges qui auraient alors grevé le passif à l’identique.

A défaut de pénalités ou majorations dues à l’ouverture de la liquidation judiciaire, le lien de causalité avec l’insuffisance d’actif retenue à cette date fait donc défaut.

5°) paiements préférentiels

La matérialité des paiements préférentiels effectués par Monsieur [E] avant l’ouverture de la procédure collective est établie telle que précédemment évoquée : les loyers sont payés régulièrement à la SCI dont il est le gérant jusqu’à l’ouverture de la procédure de liquidation début 2020, et ses salaires de gérant également, quand les sommes dues au fisc et à l’URSSAF pour 2019 ne le sont pas toutes.

Et cette volonté manifeste et délibérée d’avantager certains créanciers au détriment d’autres est constitutive d’une faute de gestion.

Pour autant, là encore, le lien de causalité avec l’insuffisance d’actif fait défaut : il n’est pas contesté que les sommes étaient dues et il n’est pas établi que le choix péjoratif pour certains autres créanciers ait été suivi d’un surcoût pour la société.

6°) réalisation d’actes de gestion contraires à l’intérêt de la société

Selon l’état des immobilisations de l’exercice 2019, figurent notamment parmi les actifs de la société [E] automobiles au 31 décembre 2019 :

un véhicule Kangoo évalué à 6.200 euros,

une remorque plateau évaluée à 1.510,83 euros HT,

une remorque évaluée à 1.241,53 euros HT.

Le premier est vendu le 14 février 2020 à un salarié 400 euros, la deuxième le même jour au même salarié 600 euros, et la troisième est cédée à Monsieur [E] lui-même, le 29 février 2020 c’est à dire 2 jours après qu’il a déclaré l’état de cessation de paiement de la société, pour 500 euros TTC. Pièces 20 et 21.

Ces trois opérations, facturées, qui sont des actes positifs et ne procèdent donc pas d’une simple négligence, constituent des actes de gestion contraires aux intérêts de la société [E] automobiles puisqu’elles emportent la cession d’une partie de ses actifs à un prix total presque six fois moindre à leur valeur globale, ce qui amoindrit d’autant l’actif réalisable et contribue ainsi à l’insuffisance d’actif retenue.

En revanche, la cession du mobilier et matériel de la société à vil prix et à son bénéfice personnel selon facture du 29 mars 2020, comme la cession qui pourrait être intervenue au second semestre 2020 à son profit personnel de véhicules -dont une Mustang- qui appartenaient à la société, tels qu’évoqués par le mandataire liquidateur, ne peuvent être retenus pour caractériser une faute de gestion dans le cadre de l’action en comblement du passif.

En effet, ces ventes sont postérieures à l’ouverture au 11 mars 2020 de la procédure de liquidation judiciaire.

Et il ne peut être utilement retenu que les détournements matériels de ces actifs -auxquels il a nécessairement dû être procédé pour permettre ensuite leur vente- puissent constituer des fautes de gestion engageant la responsabilité du gérant alors que, si la procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 11 mars 2020, l’inventaire de l’actif n’a été dressé que le 16 avril 2020, de sorte que les détournements peuvent être intervenus entre-temps et donc postérieurement à l’ouverture de la procédure.

le comblement du passif

Sont ainsi qualifiées à l’encontre du gérant Monsieur [S] [E] comme ayant contribué à l’insuffisance d’actif évaluée à ce jour à 149.480,28 euros, les fautes tenant à l’absence de déclaration de l’état de cessation des paiements dans le délai prescrit, au défaut de tenue d’une comptabilité complète et régulière, à la poursuite d’une activité déficitaire, ainsi qu’à la réalisation d’actes de gestion contraires aux intérêts sociaux.

Si Monsieur [E] demande à la cour de faire application de son pouvoir modérateur, il n’apporte aucun élément justificatif de sa situation personnelle, si ce n’est qu’il ressort des pièces au dossier qu’il se dit marié et qu’il explique dans ses dernières écritures avoir repris et continué la même activité de vente de véhicules sous le régime de l’auto-entreprise, parallèlement à la procédure de liquidation de la société Gimes automobiles.

Des pièces communiquées aux débats par le mandataire liquidateur, il ressort qu’il est également le gérant de la SCI [E] auto center qui est propriétaire d’un bâtiment à usage commercial acquis le 16 décembre 2008 pour un prix de 160.000 euros payé comptant (pièces 4 et 5).

Prenant en compte le principe de proportionnalité et au regard de ces éléments, comme de la gravité et de la multiplicité des fautes de gestion commises par Monsieur [E] et retenues comme ayant contribué à l’insuffisance d’actif -elle-même conséquente, il convient d’infirmer le jugement déféré sur l’appel incident du mandataire liquidateur et de condamner l’appelant à combler l’intégralité de l’insuffisance d’actif de la société [E] automobiles et à payer à ce titre une somme provisionnelle de 130.000 euros.

Sur la mesure de faillite personnelle

L’article L653-4 du code de commerce dispose que :

« Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale ».

L’article L653-5 suivant ajoute encore que :

«Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L653-1 (dont les personnes physiques dirigeantes de droit des personnes morales) contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d’administration d’une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d’autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l’entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s’abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d’un créancier, une créance supposée ».

 

Les premiers juges ont prononcé une mesure de faillite personnelle d’une durée de trois ans à l’encontre de Monsieur [E] en retenant seulement la poursuite d’une activité au détriment des divers créanciers et en fraude de leurs droits.

Le mandataire liquidateur soutient que cette mesure est justifiée en ce que Monsieur [E] a disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, en ce qu’il a fait des biens de la personne morale un usage contraire aux intérêts de celle-ci et à des fins personnelles, et en ce qu’il a détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Le ministère public ne précise pas les fautes retenues au soutien de sa demande en prononcé d’une mesure de faillite personnelle mais sollicite qu’elle soit portée à cinq ans.

Enfin, l’appelant en appelle à l’indulgence de la cour à cet égard.

Si la poursuite d’une activité déficitaire telle que précédemment constatée était fautive et manifestement soutenue par un intérêt personnel (paiement des loyers de la SCI [E] auto center et du salaire du gérant sur toute la période), elle peut être considérée comme fautive sur l’année 2019 et début 2020, de sorte qu’il ne peut être retenu, comme exigé par les termes de l’article précité, qu’elle ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la société -laquelle est intervenue au 1er janvier 2019.

Il est en revanche acquis que Monsieur [E] a usé des biens de la société comme des siens propres, en a fait un usage contraire aux intérêts de celle-ci et à des fins personnelles, et a ainsi tout à la fois détourné de la valeur d’actif, en faisant passer son intérêt propre avant celui de la société qu’il dirigeait, acquérant notamment à un prix dérisoire l’un de ses biens, et retardant la déclaration de cessation de paiements pour continuer à percevoir son salaire et pour que l’autre société dont il était le gérant continue à percevoir ses loyers.

Le fait que Monsieur [E] choisisse de retarder la déclaration de cessation des paiements pour céder à vil prix des actifs, et demande ensuite la liquidation immédiate de la société [E] automobiles en débutant en parallèle une activité identique en auto-entreprise, est également révélateur d’un mode de fonctionnement dangereux pour la vie des affaires.

Pour ces motifs, la cour estime que la durée de la faillite personnelle qui doit être prononcée à l’encontre de Monsieur [E] peut être utilement portée à cinq ans.

Sur les frais de l’instance :

Monsieur [S] [E], qui succombe, devra supporter les dépens de l’instance et payer à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [E] automobiles une somme équitablement arbitrée à 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné Monsieur [S] [E] à supporter l’insuffisance d’actifs de la SARL [E] automobiles et l’a condamné à ce titre au paiement de la somme de 70.000 euros ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que l’insuffisance d’actifs de la société [E] automobiles peut être évaluée à ce jour à 149.480,28 euros ;

Dit que Monsieur [S] [E] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif de la société [E] automobiles, fautes consistant en un défaut de déclaration de la cessation de paiement dans le délai légal, en une poursuite abusive d’activité déficitaire, en l’absence de comptabilité complète et régulière, et en la réalisation d’actes de gestion contraires aux intérêts sociaux ;

Condamne en conséquence Monsieur [S] [E] au comblement intégral de l’insuffisance d’actifs, et au paiement à ce titre d’une somme provisionnelle de 130.000 euros à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [E] automobiles ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions, sauf à dire que la durée de la faillite personnelle prononcée à l’égard de Monsieur [S] [E] est fixée à cinq ans ;

Y ajoutant,

Dit que Monsieur [S] [E] supportera les dépens d’appel et payera à la SELARL BRMJ ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SARL [E] automobiles une somme de 2.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Rappelle qu’en application de l’article R653-3 alinéa 1 du code de commerce, les décisions prononçant la faillite personnelle font l’objet des publicités prévues à l’article R621-8 du code de commerce et dit qu’une copie du présent arrêt sera adressé au ministère public et au directeur départemental des finances publiques du Gard ;

 

Dit que la présente décision sera signifiée à Monsieur [S] [E] par les soins du greffe de la cour d’appel, en application de l’article R653-3  alinéa 2 du code de commerce.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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