Cosmétique : 30 juin 2014 Cour d’appel de Versailles RG n° 12/03642

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Cosmétique : 30 juin 2014 Cour d’appel de Versailles RG n° 12/03642

30 juin 2014
Cour d’appel de Versailles
RG n°
12/03642

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2014

R.G. N° 12/03642

MNR/CA

AFFAIRE :

[V] [B]

C/

ALBEA SERVICES anciennement ALCAN PACKAGING BEAUTY SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Juillet 2012 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Nanterre

N° RG : 10/02304

Copies exécutoires délivrées à :

Me Diane REBOURSIER

Me Florence AUBONNET

Copies certifiées conformes délivrées à :

[V] [B]

ALBEA SERVICES anciennement ALCAN PACKAGING BEAUTY SERVICES

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [V] [B]

[Adresse 2]

[Localité 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Diane REBOURSIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

APPELANT

****************

ALBEA SERVICES anciennement SAS ALCAN PACKAGING BEAUTY SERVICES

[Adresse 1]’

[Localité 2]

représentée par Me Florence AUBONNET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0461

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant lettre d’engagement du 2 janvier 2001, M. [V] [B] a été embauché par la société Techpack international, appartenant au groupe Alcan, en qualité de directeur de la stratégie, statut cadre.

A compter du 14 décembre 2005, la société Techpack internationala été dénommée Alcan Packaging beauty services puis, à compter du 20 avril 2011, Albea services.

Cette société a pour activité principale la fabrication et la commercialisation de contenants d’emballage dans le domaine du maquillage et de la cosmétique. Elle est la société mère d’un certain nombre de filiales, parmi lesquelles Techpark America.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la plasturgie.

Suivant contrat du 30 septembre 2003, M. [B] a été expatrié aux Etats-Unis en qualité de vice-président exécutif de Techpark America pour les ventes d’emballage cosmétique en Amérique du Nord, et ce pour une durée de trois ans, renouvelable deux ans. Le 4 mai 2007, l’expatriation de M. [B] a été prolongée d’un commun accord jusqu’au mois d’octobre 2008.

Par lettre remise en main propre à M. [B] le 30 septembre 2007, lequel a mentionné qu’il acceptait les termes de ce courrier, la société Alcan Inc a écrit :

‘La récente offre non sollicitée de rachat par Alcoa et les événements qui ont suivi, avec pour point d’orgue l’offre faite par Rio Tinto et les annonces de la cession de l’activité Packaging d’Alcan ont fait naître un certain nombre d’inquiétudes parmi certains de nos salariés. Afin de vous assurer que votre contribution à Alcan Inc (« Alcan » ou « la société ») est prise en compte à sa juste valeur et pour vous encourager à demeurer salarié de l’activité Packaging durant cette période de transition vers une nouvelle organisation, Alcan vous offre la prime de fidélisation [‘retention award’ dans la version américaine] suivante :

Prime de fidélisation

L’entreprise tient à vous offrir une prime de fidélisation effective au 1er octobre 2007, équivalant à 6 mois de salaire de référence. Cette prime vous sera versée en espèces à la fin d’une période de 12 mois ou le 30 septembre 2008 (« la date de versement »), à condition que vous demeuriez, pendant cette période, salarié de l’activité Packaging ou de l’une de ses filiales ou ayant droit […]

Pour l’interprétation de cette prime de fidélisation, le salaire de référence sera défini comme votre salaire de base. Cette prime de fidélisation ne sera pas considérée comme un revenu pour des questions de retraite ou d’indemnité de licenciement’.

A compter du mois d’avril 2008, des discussions ont eu lieu entre les parties afin de définir les modalités de la poursuite de la collaboration de M. [B] au sein de la société.

Par lettre du 25 septembre 2008, M. [B] a indiqué à M. [L] [S], directeur des ressources humaines de la société Alcan packaging beauty services, qu’il ne disposait pas du temps matériel nécessaire pour faire valider par un conseil juridique certains aspects de la proposition qui lui était faite, notamment concernant le passage d’un contrat de droit français à un contrat de droit américain, et lui a demandé de prolonger à titre exceptionnel sa période d’expatriation jusqu’au 15 octobre 2008.

Par courriel du 26 septembre 2008, M. [S] lui a répondu qu’il était d’accord pour prolonger sa période d’expatriation jusqu’au 15 octobre 2008, date à laquelle soit il aura signé l’avenant à son contrat de travail français et poursuivra son activité aux Etats Unis soit son expatriation prendra fin et il rentrera en France pour travailler chez APBS (Alcan Packaging beauty services). Il lui était en outre indiqué : ‘Non le retention n’est pas dû si tu as démissionné et est en préavis à la date du 30 septembre d’où la logique de notre position sur le sujet’.

Par courriel du 1er octobre 2008, M. [B] a écrit à M. [S] :

‘ Je note que nous sommes le 1 octobre et que je n’ai pas reçu le paiement correspondant à mon retention package. Je te remercie de clarifier par écrit la raison de ce non versement ainsi que de me confirmer la date à laquelle il aura lieu. Tu m’as dit qu’ [un mot illisible] refusait de me verser ce rétention tant que je n’avais pas signé les nouveaux contrats. Franchement, je suis écoeuré par ce recours au chantage dépourvu de tout fondement, la clause nous liant et signée l’année dernière étant parfaitement claire et ne supportant aucune interprétation possible’.

Par courrier du 7 octobre 2008, adressée au directeur des ressources humaines de la société Alcan packaging beauty services, M. [S], le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en ces termes :

‘Compte tenu de notre discussion ce jour par laquelle tu m’as confirmé ta volonté de ne pas respecter tes engagements contractuels à mon égard, je n’ai pas d’autre solutions que de quitter l’entreprise. Il ne s’agit pas d’une démission de ma part, ce départ étant contraint du fait des agissements d’Alcan Rio Tinto à mon égard.

[…]

Comme je te l’ai indiqué hier, merci de m’indiquer les modalités pratiques de mon départ’.

Par courrier du même jour, 7 octobre 2008, remise en main propre contre décharge à M. [B], M. [S] a pris acte de la ‘démission’ de ce dernier et lui a indiqué :

‘ En effet, le motif que tu invoques pour justifier ce départ que tu considères comme contraint, à savoir le non paiement au 7 octobre du « retention bonus », non seulement ne constitue pas une violation des engagements convenus entre les parties mais de surcroît, est manifestement insuffisant pour imputer à la société la responsabilité de cette rupture.

Je comprends, au travers de ces courriers et de nos récents échanges, que tu n’avais en réalité jamais eu l’intention d’accepter notre proposition du 11 juillet 2008 alors qu’elle permettait de satisfaire ton souhait de rester aux Etas-Unis, dans des conditions acceptables pour les parties.

Je conteste bien entendu toute allégation relative à un prétendu manquement de la société ou du groupe à ses obligations à ton égard, étant encore une fois rappelé, que ton expatriation devait s’achever le 30 septembre, et que tu nous avais à maintes reprises exprimé ton intention de ne pas revenir en Europe.

Cela étant dit, je prends acte de la rupture immédiate de ton contrat de travail avec la société APBS. Tu voudras bien nous remettre ce jour tous les documents, matériels etc appartenant à la société.

Celle-ci t’adressera les documents administratifs afférents à cette rupture […]’ ;

C’est dans ces conditions que M. [B] a saisi, le 28 juillet 2010, le conseil de prud’hommes de Nanterre afin d’obtenir, selon le dernier état de sa demande et sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– la condamnation de la société Alcan packaging beauty services à lui payer les sommes suivantes :

* 81 390 € à titre du ‘retention bonus’,

* 111 492,51 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 11 149,25 € au titre des congés payés afférents,

* 89 365,53 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 445 970 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la remise sous astreinte des documents de fin de contrat.

Par jugement du 4 juillet 2012, le conseil :

– a constaté que la prise d’acte de rupture du contrat de travail n’est pas aux torts exclusifs de l’employeur,

– a dit que la rupture du contrat de travail de M. [B] s’analyse en une démission,

– a dit que la prime ‘retention bonus’ est due à M. [B],

– a condamné la société Alcan packaging beauty services à payer à M. [B] les sommes suivantes:

* 81 390 € au titre de la rémunération variable dénommée ‘retention bonus’,

* 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a ordonné l’exécution provisoire de sa décision sur le fondement de l’article 515 du code de procédure civile,

– a débouté M. [B] du surplus de ses demandes,

– a mis les dépens éventuels à la charge des deux parties.

Le salarié a régulièrement interjeté appel de cette décision.

M. [B] demande à la cour :

– de dire que la prime de fidélisation lui est due,

– de constater que sa prise d’acte de rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société est justifiée,

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Albea services à lui payer les sommes suivantes :

– 81 390 € au titre de la prime de fidélisation,

– 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– y ajoutant de condamner la société Albea services à lui verser la somme de 8 139 € au titre des congés payés afférents à la prime de fidélisation,

– d’infirmer le jugement entrepris pour le surplus et de condamner la société Albea services à lui payer les sommes suivantes :

* 89 729,71 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 8 972,97 € au titre des congés payés afférents,

* 71 783,77 € net à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 360 000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Albea services, anciennement dénommée Alcan packaging beauty services, demande à la cour :

‘ à titre principal :

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la rupture du contrat de travail de M. [B] constitue une démission et en conséquence :

– de le débouter de ses demandes relatives à un prétendu licenciement,

– de le condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 35 850 € au titre du préjudice subi du fait de la non-exécution du préavis,

* 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la prime ‘retention bonus’ était due à M. [B] et en conséquence, de condamner ce dernier à lui rembourser la somme de 77 853,65 € qu’elle lui a versée au titre de l’exécution provisoire du jugement,

– en tout état de cause, de débouter M. [B] de sa demande au titre de l’indemnité de congés payés afférente à la prime de fidélisation,

‘ à titre subsidiaire :

– de réduire le montant de l’indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 28 680 €,

– de réduire le montant des dommages-intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 71 700 €,

‘ en toute hypothèse :

– de débouter M. [B] de demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le ‘retention bonus’

Considérant que la société Albea services, qui conclut à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a fait droit à la demande de M. [B] en paiement de son ‘retention bonus’, ne fait valoir aucun moyen de nature à justifier que cette prime n’était pas due au salarié, soutenant seulement qu’il s’agissait d’une prime exceptionnelle accordée non par elle-même mais par la société mère du groupe pour en déduire que son absence de versement ne pouvait constituer un manquement à ses obligations contractuelles ;

Considérant que M. [B] soutient :

– qu’étant toujours présent dans les effectifs de la société au 30 septembre 2008, il pouvait prétendre au paiement du ‘retention bonus’,

– que si l’engagement a été pris par la société mère pour le compte d’une de ses filiales, il s’agissait d’une prime qui lui était due en sa qualité de salarié de la société Alcan packaging beauty services ; que nul ne pouvant se contredire au détriment d’autrui, il y a lieu de constater que la société n’a, tout au long de leurs échanges ‘ notamment les échanges entre lui-même et le DRH, M. [S] ‘ jamais indiqué ne pas être redevable de cette prime, et qu’elle ne peut aujourd’hui prétendre ne pas être liée par l’engagement pris à son égard ;

Considérant qu’il ressort de la lettre remise en main propre contre décharge à M. [B] le 30 septembre 2007, acceptée par ce dernier et signée par M. [D], président de la société Alcan Inc, société mère du groupe Alcan, qu’une prime de fidélisation a été attribuée au salarié pour l’ ‘encourager à demeurer salarié de l’activité Packaging durant cette période de transition vers une nouvelle organisation [offre de rachat de Rio Tinto et annonce de la cession de l’activité Packaging d’Alcan ] et que cette prime ‘effective au 1er octobre 2007, équivalant à 6 mois de salaire de référence […] sera versée en espèces à la fin d’une période de 12 mois ou le 30 septembre 2008 (« la date de versement »), à condition [qu’il demeure] pendant cette période, salarié de l’activité Packaging ou de l’une de ses filiales ou ayant droit […] ;

que la seule condition prévue pour le versement de cette prime était donc que M. [B] soit toujours ‘salarié de l’activité Packaging’ au 30 septembre 2008, ce qui en l’occurrence a été le cas ; qu’en effet, quelle que soit la réponse apportée par ce dernier à la proposition de son employeur concernant sa situation à compter du 1er octobre 2008, M. [B] bénéficiait en tout état de cause du statut d’expatrié en qualité de vice-président exécutif de la société Techpark America pour les ventes d’emballage cosmétique en Amérique du Nord, et donc relevait de l’activité ‘Packaging’, jusqu’au 30 septembre 2008 inclus, indépendamment même de la prolongation de sa situation d’expatrié jusqu’au 15 octobre 2008 qui lui a été concédée à sa demande par son employeur ;

Considérant que la prime litigieuse, qui présente un caractère contractuel compte tenu de l’acceptation du salarié et à tout le moins résulte d’un engagement unilatéral de l’employeur, peu important que cet engagement émane de la société mère auquel la société employeur de M. [B] appartient, constitue un élément de salaire de ce dernier même si la lettre précitée du 30 septembre 2007 précise qu’elle ‘ne sera pas considérée comme un revenu pour des questions de retraite ou d’indemnité de licenciement’ ;

Considérant que la société Alcan packaging beauty services, employeur de M. [B], était tenue de s’acquitter de l’intégralité de la rémunération due à ce dernier et que c’est en conséquence à juste titre que le conseil a alloué au salarié la somme de 81 390 € au titre du ‘retention bonus’ ou prime de fidélisation, sous réserve de préciser qu’il s’agit d’une somme brute, à laquelle il y a lieu d’ajouter la somme de 8 139 € brute au titre des congés payés afférents sollicitée par le salarié devant la cour ;

Sur la rupture du contrat de travail

Considérant que lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission ;

Considérant qu’il résulte de la lettre du 7 octobre 2008 par laquelle M. [B] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et des écritures de ce dernier ‘ la lettre de prise d’acte ne fixant pas les limites du litige ‘ qu’il impute à son employeur les manquements suivants :

– absence de versement du ‘retention bonus’,

– mauvaise foi caractérisée de son employeur dans la négociation d’un nouveau contrat de travail, la proposition de ce dernier constituant un ‘véritable bouleversement des relations contractuelles’ puisque son contrat de travail n’était plus régi par le droit français mais par le droit américain, et la société exerçant des pressions à son égard pour l’amener à accepter ces modifications sous la menace de ne pas lui verser son ‘retention bonus’ ;

Considérant que la société Albea services, qui soutient que la prise d’acte par M. [B] de son contrat de travail doit produire les effets d’une démission, fait valoir :

– qu’aucune disposition substantielle du contrat de travail du salarié et de sa lettre d’expatriation n’a été violée, ce dernier ayant été rempli de ses droits au titre de sa rémunération et de son bonus ; que l’absence de paiement d’une prime de rétention constituant une gratification exceptionnelle à caractère unilatéral, quelques jours seulement après son échéance, consentie non par elle-même en sa qualité d’employeur mais par la maison mère du groupe, prime qui ne s’insérait pas dans le cadre de l’exécution normale du contrat de travail de l’intéressé, ne constitue pas un manquement d’une gravité telle qu’elle justifie que le salarié soit considéré comme ayant été licencié sans cause réelle et sérieuse,

– que M. [B] a artificiellement créé les conditions de son maintien dans les effectifs de la société au 1er octobre 2008 ; qu’une nouvelle affectation ne lui a pas été proposée de façon brutale mais qu’il a eu six mois pour y réfléchir, que cette proposition était loyale et conforme aux engagements pris et qu’il a délibérément ralenti le processus de signature, pourtant bien engagé après cinq mois d’échanges, à un mois de sa prise de poste ;

Considérant qu’en sa qualité d’employeur, la société Alcan packaging beauty services était tenue de s’acquitter de l’intégralité de la rémunération due à M. [B] ;

que cette rémunération comprenait non seulement son salaire de base et sa rémunération variable mais également les primes de toute nature dont il bénéficiait, et notamment la prime ‘retention bonus’ ;

Considérant qu’en ne versant pas à M. [B] l’intégralité de la rémunération qui lui était due, la société Alcan packaging beauty services a commis un manquement à ses obligations contractuelles, étant observé que si l’engagement de verser le ‘retention bonus’ émanait de la société mère du groupe, la société Alcan packaging beauty services a personnellement indiqué à M. [B], par l’intermédiaire de son DRH, M. [S], dans un courrier du 26 septembre 2008, que le ‘retention bonus’ n’était pas dû alors qu’il était toujours salarié de la société au 30 septembre 2008, dans le secteur du packaging, de sorte qu’il pouvait prétendre de plein droit au paiement de cette prime et qu’à aucun moment, postérieurement à la prise d’acte de rupture du salarié, elle n’a proposé de lui verser ladite prime ;

Considérant que le refus de la société Alcan packaging beauty services de remplir ses obligations contractuelles et de verser à M. [B] son ‘retention bonus’, d’un montant de 81 390 €, rendait à lui seul impossible la poursuite du contrat de travail et que la prise d’acte par ce dernier de la rupture de son contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ;

Sur les conséquences de la rupture

‘ sur les indemnités de rupture

Considérant que les indemnités de rupture auxquelles peut prétendre un salarié mis par une société au service de laquelle il était engagé à la disposition d’une filiale étrangère au titre de son licenciement après qu’il a été mis fin à son détachement doivent être calculées par référence aux salaires perçus par le salarié dans son dernier emploi ;

Considérant qu’il ressort des articles 3 et 10 de la lettre d’expatriation de M. [B] que ce dernier bénéficiait d’un véhicule de fonction et d’une indemnité de logement, ce qui, contrairement à ce soutient la société Albea services, ne correspond pas à des remboursements de frais professionnels mais à des avantages en nature qui constituent des éléments de la rémunération du salarié et qui doivent être pris en compte pour le calcul des indemnités qui lui sont dues ;

Considérant qu’en conséquence, au vu des pièces versées aux débats, il y a lieu de fixer le montant de la rémunération brute moyenne mensuelle de M. [B] à la somme de 29 909,90 €, ainsi que le sollicite ce dernier, correspondant à son salaire de base, à sa rémunération variable, ainsi qu’aux avantages en nature constitués par la mise à sa disposition d’un véhicule de fonction et par le versement d’une indemnité de logement ;

‘ sur l’indemnité compensatrice de préavis et sur les congés payés afférents

Considérant qu’il convient d’allouer à M. [B] la somme de 89 729,70 € brute, correspondant à trois mois de salaire, à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 8 972,97 € brute au titre des congés payés afférents ;

Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;

‘ sur l’indemnité conventionnelle de licenciement

Considérant qu’aux termes de l’article 9 de l’avenant cadres à la convention collective nationale de la plasturgie, M. [B] pouvait prétendre à une indemnité de licenciement égale à 3/10ème de mois de salaire par année pour la période de 0 à 8 ans d’ancienneté ;

Considérant que M. [B] avait une ancienneté de 8 ans compte tenu de la durée de son préavis;

Considérant que sur la base d’un salaire de référence de 29 909,90 €, il peut donc prétendre à une indemnité de licenciement de 71 783,76 € ;

Considérant que le jugement déféré sera infirmé en ce sens ;

‘ sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Considérant qu’au moment de la rupture de son contrat de travail, M. [B] avait au moins deux années d’ancienneté et que la société Albea services employait habituellement au moins onze salariés ;

Considérant qu’en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, M. [B] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;

Considérant qu’en raison de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée et du fait qu’il a retrouvé un emploi similaire au sein de la société MWV aux Etats-Unis dès le mois de décembre 2008, il y a lieu de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi, la somme de 180 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Considérant que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;

‘ sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés

Considérant qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu, à toutes fins utiles, d’ordonner le remboursement par la société Albea services aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à M. [B] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois ;

Sur les demandes de la société Albea services

Considérant que compte tenu de la teneur de la présente décision, il y a lieu de débouter la société Albea services de ses demandes en paiement d’une somme au titre du préjudice subi du fait de la non-exécution du préavis et en remboursement de la somme de 71 700 € versée à M. [B] en exécution du jugement déféré ;

Sur l’indemnité de procédure

Considérant qu’il apparaît équitable de condamner la société Albea services à payer à M. [B] la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de celle qui lui a été allouée en première instance ;

Considérant qu’il convient de débouter la société Albea services de cette même demande ;

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Constate que la société Alcan packaging beauty services se dénomme actuellement Albea services ;

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre en date du 4 juillet 2012 en ce qu’il a condamné la société Alcan packaging beauty services, actuellement dénommée Albea services, à payer à M. [V] [B] les sommes suivantes :

* 81 390 € à titre de ‘retention bonus’ ou prime de fidélisation, sous réserve de préciser qu’il s’agit d’une somme brute,

* 700 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Dit que la prise d’acte par M. [B] de la rupture de son contrat de travail, en date du 7 octobre 2008, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Albea services à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* 89 729,70 € brute à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 8 972,97 € au titre des congés payés afférents,

* 71 783,76 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 180 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne le remboursement par la société Albea services aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à M. [B] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois ;

Y ajoutant :

Condamne la société Albea services à payer à M. [B] les sommes suivantes :

* 8 139 € brute au titre des congés payés afférents au ‘retention bonus’,

* 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d’appel ;

Déboute la société Albea services de ses demandes ;

Condamne la société Albea services aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Noëlle ROBERT, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier.

Le GREFFIERLe PRESIDENT

 


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