Cosmétique : 2 février 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 14-17.404

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Cosmétique : 2 février 2016 Cour de cassation Pourvoi n° 14-17.404

2 février 2016
Cour de cassation
Pourvoi n°
14-17.404

COMM.

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2016

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 111 F-D

Pourvoi n° H 14-17.404

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société [1], dont le siège est [Adresse 3]), venant aux droits de la société DR [F] Cosmetics AG

contre l’arrêt rendu le 10 janvier 2014 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société [4], anciennement dénommée société [4], dont le siège est [Adresse 2]),

2°/ à la société [4], dont le siège est [Adresse 1]),

défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 5 janvier 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société [1], de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société [4] et de la société [4], l’avis de M. Mollard, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 janvier 2014), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 4 octobre 2011, pourvoi n° 10-13.962), que, sur le fondement de la marque internationale « Manhattan » n° 295 909 visant la France, déposée le 5 avril 1965, et de la marque française « Manhattan » n° 1 511 311, déposée le 17 mai 1988, toutes deux régulièrement renouvelées et enregistrées pour désigner, en classe 34, des produits du tabac, cigares, cigarettes, articles pour fumeurs, la société [4], devenue [4], (la société [4]) a agi en déchéance des droits détenus par la société Dr [F] Cosmetics AG (la société Dr [F]) sur la partie française de la marque internationale « Manhattan » n° 177 874, déposée le 21 juin 1954, régulièrement renouvelée et enregistrée pour désigner, en classe 3, des articles de parfumerie alcoolique et non alcoolique et de cosmétique ; que la société Dr [F] a, sur le fondement de sa marque communautaire « Manhattan » n° 213 116, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 20 octobre 1998 pour désigner divers produits en classe 3 et renouvelée le 7 mai 2006, demandé, à titre reconventionnel, la déchéance des droits de la société [4] sur la partie française de la marque internationale n° 295 909 et sur la marque française n° 1 511 311 ; que la société [4] et la société [4] SA, cessionnaire des marques susvisées intervenue volontairement à la procédure, (les sociétés [4]) ont opposé à la société [1] (la société [1]), intervenue volontairement à la procédure comme venant aux droits de la société Dr [F] à la suite d’une fusion-absorption, l’existence d’un juste motif à la non-exploitation en France de leurs marques ;

Attendu que la société [1] fait grief à l’arrêt de déclarer mal fondée sa demande reconventionnelle en déchéance des droits des sociétés [4] sur la partie française de la marque internationale « Manhattan » n° 295 909 et sur la marque française « Manhattan » n° 1 511 311, pour défaut d’usage sérieux, et, en conséquence, de rejeter l’ensemble de ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que seuls des obstacles qui présentent une relation suffisamment directe avec une marque rendant impossible ou déraisonnable l’usage de celle-ci et qui sont indépendants de la volonté du titulaire de cette marque peuvent être qualifiés de justes motifs pour le non-usage de cette marque ; que la seule circonstance que les titulaires de marques antérieures désignant d’autres produits ou services que des produits de tabacs soient susceptibles d’agir, sur le fondement de la loi Evin, en vue de s’opposer à l’exploitation d’une marque identique pour des produits de tabac ne peut, en elle-même, suffire à caractériser l’existence de justes motifs de non-exploitation de cette dernière ; qu’en déduisant, en l’espèce, l’existence de justes motifs de non-exploitation du seul constat que les sociétés Dr [F] puis [1] auraient été susceptibles d’agir en justice, sur le fondement de leur marque antérieure « Manhattan » désignant des produits de la classe 3, en vue de s’opposer à une exploitation de la marque « Manhattan » pour des produits du tabac, sans caractériser en quoi la « menace de poursuite », dont les sociétés [4] auraient ainsi fait l’objet, aurait été de nature à rendre impossible ou déraisonnable toute exploitation de leurs marques « Manhattan » pour des produits du tabac, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de la directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

2°/ qu’en retenant ainsi que la « menace de poursuite », dont les sociétés [4] auraient fait l’objet, constituait un juste motif de non-exploitation, sans caractériser en quoi cette « menace de poursuite » aurait été de nature à rendre impossible ou déraisonnable toute exploitation de ces marques, quand elle constatait, au contraire, que la partie française de la marque « Manhattan » n° 177 874 de la société [1] n’a jamais été exploitée et qu’elle en déduisait que la société [1] n’était pas fondée à solliciter la nullité des marques des sociétés [4] ni à agir en responsabilité à l’encontre de ces dernières, la cour d’appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de la directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

3°/ que seuls des obstacles indépendants de la volonté du titulaire de la marque peuvent être qualifiés de justes motifs pour le non-usage de cette marque ; que l’existence de justes motifs doit être appréciée au regard de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage incriminée ; qu’en retenant, en l’espèce, l’existence d’un juste motif de non-exploitation des marques des sociétés [4], sans caractériser en quoi, au cours des périodes de non-usage de cinq ans invoquées par la société [1], soit, pour la partie française de la marque internationale n° 295 909, du 28 décembre 1991 au 28 décembre 1996, et pour la marque française n° 1 511 311, du 17 mai 1988 au 17 mai 1993, le maintien des droits de la société Dr [F] sur la marque« Manhattan » et la « menace de poursuite » qui en aurait résulté auraient constitué un obstacle indépendant de leur volonté, tout en constatant elle-même que la marque « Manhattan » de la société [1], déposée le 21 juin 1954, n’avait jamais été exploitée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de la directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

4°/ que l’existence de droits antérieurs de tiers ne peut être regardée comme constituant un juste motif de non-exploitation indépendant de la volonté du titulaire de la marque, lorsque ce dernier a procédé au dépôt et/ou au renouvellement de sa marque en connaissance de ces droits antérieurs ; qu’en se bornant à affirmer que les sociétés [4] disposaient d’un juste motif de non-exploitation de leurs marques à raison, en cas d’exploitation de celles-ci, d’une menace de poursuite, du fait des droits antérieurs de la société Dr [F] puis de la société [1] sur la partie française de la marque internationale « Manhattan » n° 177 874, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les sociétés [4] ayant procédé au dépôt et/ou au renouvellement de leurs marques « Manhattan » en connaissance de ces droits antérieurs, elles n’étaient pas elles-mêmes à l’origine du motif de non-exploitation tiré de ces droits antérieurs, qui n’étaient dès lors pas indépendant de leur volonté, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motivation, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt retient que l’exploitation par les sociétés [4] de leurs marques pour un produit de tabac aurait, en application des articles L. 3511-3 et suivants du code de la santé publique, issus de la « loi Evin », porté atteinte aux droits antérieurs de la société [1] sur sa propre marque et aurait ouvert à celle-ci une action en responsabilité à leur encontre, même si les dispositions de la loi Evin n’étaient pas de nature à restreindre l’exploitation de la marque de la société [1] ; qu’il en déduit que les sociétés [4] justifient d’une menace de poursuite jusqu’au prononcé de la déchéance des droits de la société [1] sur la partie française de la marque internationale n° 177 874 antérieure et qu’elles justifient, par conséquent, de justes motifs de non-exploitation de leurs marques ; qu’en l’état de ces appréciations souveraines, faisant ressortir que la législation relative à la lutte contre le tabagisme constituait pour les sociétés [4] un obstacle en relation directe avec leurs marques, indépendant de leur volonté, quand bien même ces sociétés auraient déposé la marque française et renouvelé les deux marques en connaissance de cette législation, et rendant l’usage en France des marques impossible ou déraisonnable, la cour d’appel, qui n’avait pas à faire d’autres recherches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

 


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