Corruption et abus de confiance dans le milieu sportif : un système démasqué

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Corruption et abus de confiance dans le milieu sportif : un système démasqué

Contexte de l’affaire

Au cours de l’année 2014, des athlètes russes de haut niveau ont dénoncé un système de corruption impliquant des responsables de l'[10] et de l'[11]. Ces allégations ont mis en lumière des pratiques douteuses au sein de l’organisation régissant l’athlétisme mondial.

Ressources et missions de l'[11]

L'[11] est une association monégasque regroupant 212 fédérations régionales, dont les ressources proviennent principalement des Jeux olympiques et des sponsors. Elle a pour mission de réguler l’athlétisme et de lutter contre le dopage, en mettant en place des programmes de détection, notamment un passeport biologique pour chaque athlète.

Révélations de dopage et corruption

Mme [T] [R] a révélé avoir versé 450 000 euros en espèces à des dirigeants de l'[10] pour éviter des sanctions disciplinaires. De plus, Mme [S] [F] a interrompu son régime dopant après avoir été informée de son inclusion sur une liste d’athlètes suspectés de dopage.

Enquête et constatations

Une enquête a révélé que l'[11] avait identifié 23 cas de passeports biologiques anormaux d’athlètes russes sans sanction appropriée, permettant à certains de participer aux Jeux olympiques de 2012. Ces faits coïncidaient avec des négociations de contrats de sponsoring.

Signalement et poursuites judiciaires

Le 4 août 2015, un président de commission indépendante a signalé ces faits au procureur national financier. Une enquête a été ouverte, mettant en cause plusieurs individus, dont M. [H], M. [A], et M. [O], pour divers délits liés à la corruption et au blanchiment.

Ouverture d’une information judiciaire

Le 1er octobre 2015, une information judiciaire a été ouverte pour corruption active et passive, blanchiment en bande organisée, et participation à une association de malfaiteurs. Plusieurs personnes ont été mises en examen, dont M. [O] et M. [P].

Développements de l’instruction

L’instruction a révélé des détournements de fonds, notamment par M. [O] au profit de son fils, M. [I] [E] [O]. Des mandats d’arrêt ont été décernés contre plusieurs suspects, et des réquisitoires ont été délivrés pour divers délits.

Jugement du tribunal correctionnel

Le 16 septembre 2020, le tribunal a relaxé M. [I] [E] [O] pour complicité de corruption passive, mais a déclaré les autres prévenus coupables de divers délits, imposant des peines d’emprisonnement et des amendes significatives.

Réparation des préjudices

Le tribunal a également statué sur les demandes de réparation des parties civiles, condamnant les prévenus à verser des sommes importantes pour les préjudices subis, tant moraux que financiers.

Appels et décès des prévenus

Des appels ont été interjetés par plusieurs prévenus et parties civiles. Lors de l’audience de la cour d’appel, il a été constaté le décès de M. [O] et de [Y] [B], sans intervention de quiconque à leur sujet.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
23-83.595
N° Q 23-83.595 F-D

N° 01333

GM
6 NOVEMBRE 2024

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 NOVEMBRE 2024

MM. [I] [E] [O] et [V] [P] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, chambre 2-13, en date du 9 mars 2023, qui a condamné, le premier, pour corruption passive et complicité de corruption passive, corruption active et recel, à cinq ans d’emprisonnement, 500 000 euros d’amende, dix ans d’interdiction professionnelle, et le second, pour corruption passive et complicité de corruption passive, à trois ans d’emprisonnement avec sursis probatoire, 100 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction professionnelle, une confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de M. de Lamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de MM. [I] [E] [O] et [V] [P], les observations de Me Balat, avocat de l'[3] et de [19], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l’audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. de Lamy, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Au cours de l’année 2014, des athlètes russes de niveau international ont dénoncé des faits révélateurs d’un système de corruption pouvant impliquer des responsables de la [10] ([10]), présidée par M. [Z] [H], et de l'[11] ([11], devenue [19]) présidée par [M] [O].

3. L'[11] est une association de droit privé monégasque regroupant deux cent douze fédérations régionales. Ses ressources proviennent essentiellement des Jeux olympiques et des sponsors. L’association, ayant pour objet de régir et promouvoir l’athlétisme au niveau mondial, s’est donnée pour mission de lutter contre le dopage et, à cette fin, a mis en place des programmes de détection confiés à son service antidopage dirigé par [Y] [B], notamment en instaurant un passeport biologique comportant les résultats d’analyses toxicologiques de chaque athlète.

4. Mme [T] [R], convaincue de dopage, a révélé avoir, courant 2012, versé une somme de 450 000 euros en espèces à des dirigeants de l'[10] pour pouvoir échapper à la procédure disciplinaire et continuer à concourir notamment aux Jeux olympiques de [Localité 12] en 2012 ainsi qu’au marathon de [Localité 7].

5. Mme [S] [F] a reconnu avoir interrompu, en février 2012, son régime dopant après que l’entraîneur de l’équipe nationale, M. [C] [A], l’eut informée que son nom figurait sur une liste d’athlètes dont les passeports biologiques étaient révélateurs d’indices de recours à des produits dopants, liste transmise par l'[11] à l'[10].

6. L’enquête diligentée par l'[3] ([3]) a montré que l'[11], à compter de novembre 2011, avait mis en évidence vingt-trois cas de passeports biologiques anormaux d’athlètes russes sans qu’aucune sanction n’ait été prononcée à leur égard ou alors seulement après une procédure anormalement longue de sorte que certains d’entre eux ont ainsi pu participer aux Jeux olympiques de [Localité 12] en 2012.

7. Selon le rapport de l'[3], ces faits étaient concomitants avec la négociation, par l'[11], de contrats de sponsoring avec la banque russe [18], d’une part, et la cession des droits télévisés pour les championnats du monde devant se tenir à [Localité 13] en 2013, d’autre part.

8. Le 4 août 2015, le président de la commission indépendante mise en place par l'[3] a dénoncé l’ensemble de ces faits au procureur national financier.

9. L’enquête préliminaire a fait apparaître plusieurs comportements délictueux susceptibles d’être reprochés à M. [H], président de l'[10] et trésorier de l'[11], mis en cause par Mme [R], à M. [A], entraîneur des marathoniens et des marcheurs au sein de l'[10], ainsi qu’à [Y] [B], directeur du service médical au sein de l'[11], à [M] [O], à son fils, M. [I] [E] [O], consultant marketing à l'[11], et à son conseiller juridique, M. [V] [P].

10. Une information a été ouverte le 1er octobre 2015 des chefs de corruption active et passive d’une personne n’exerçant pas une fonction publique, blanchiment en bande organisée, recel en bande organisée et participation à une association de malfaiteurs.

11. [M] [O] a été mis en examen pour corruption passive, corruption active et blanchiment aggravé, M. [P] a également été mis en examen pour corruption passive et [Y] [B] pour corruption passive.

12. Un mandat d’arrêt a été décerné contre MM. [H] et [A] ainsi que M. [I] [E] [O].

13. L’instruction ayant révélé des faits nouveaux, en ce que M. [I] [E] [O] aurait bénéficié du détournement d’une partie des recettes de l'[11], un réquisitoire a été délivré pour abus de confiance, blanchiment aggravé, complicité et recel de ces délits, faits commis depuis 2007. [M] [O] a été mis en examen du chef d’abus de confiance pour avoir détourné les fonds de l'[11] en faveur de son fils, contre lequel délivré un nouveau mandat d’arrêt visant les faits de recel.

14. Par ordonnance en date du 22 mai 2020, le juge d’instruction a renvoyé devant le tribunal correctionnel MM. [O], [I] [E] [O], [P], [B], [H] et [A].

15. [M] [O] a été poursuivi du chef d’abus de confiance au préjudice de l'[11] pour être intervenu et avoir permis, du fait de ses fonctions, à son fils M. [I] [E] [O], agissant tant personnellement qu’à travers des sociétés telles que [15], de s’approprier les recettes de l'[11] provenant de sponsors, du chef de corruption passive, pour avoir obtenu de M. [H] et des plus hautes autorités russes qu’elles financent des campagnes électorales au Sénégal au cours de l’année 2012, à hauteur de 1 500 000 USD, négocié dans des conditions avantageuses d’importants contrats de sponsoring et de droits télévisés avec le président de la [10], M. [H], des représentants de l’Etat russe, des dirigeants de la [18] et de la télévision russe, l’ensemble de ces avantages ayant été obtenus en contrepartie du ralentissement des procédures de suspension d’athlètes russes suspectés de dopage, et du chef de corruption active pour avoir obtenu le ralentissement du processus normal de sanctions à l’encontre d’athlètes suspectés de dopage de la part de différentes personnes dotées de responsabilité au sein de l'[11] quant à l’exercice de sanctions disciplinaires contre des athlètes convaincus de dopage en leur remettant des sommes d’argent en espèces, notamment à [Y] [B] un montant évalué à 190 000 euros, et enfin du chef de corruption passive pour avoir sollicité directement ou indirectement, auprès d’athlètes suspectés par l'[11] de dopage, des remises d’espèces pour un montant total évalué à 3 450 000 euros en contrepartie de leur retrait de la liste des personnes suspectées afin de leur permettre de participer à des compétitions sportives.

16. M. [I] [E] [O], a été renvoyé, d’une part, du chef de complicité du délit de corruption passive reproché à son père pour l’avoir aidé et assisté sciemment dans sa préparation ou sa consommation, en l’espèce en recueillant sur des comptes ouverts notamment à Singapour des fonds et des espèces sollicités auprès d’athlètes suspectés par l'[11] de dopage, d’autre part, du chef de recel d’abus de confiance commis au préjudice de l'[11] par son père [M] [O], portant sur les recettes provenant de sponsors, de troisième part, du chef de corruption active de différentes personnes travaillant au sein de l'[11], en leur remettant des sommes d’argent en espèces, notamment à [Y] [B] un montant évalué à 190 000 euros, afin qu’elles ne mettent pas en oeuvre, ou parce qu’elles n’ont pas mis en oeuvre, le processus normal de sanctions à l’encontre d’athlètes suspectés de dopage afin de leur permettre de participer à des compétitions sportives.

17. Enfin, M. [P] a été poursuivi d’une part, du chef de corruption passive pour avoir, alors qu’il exerçait dans le cadre de son activité professionnelle un travail pour le compte de l'[11], sollicité, directement ou indirectement auprès d’athlètes suspectés par l'[11] de dopage, des remises d’espèces pour un montant total évalué à 3 450 000 euros en contrepartie de leur retrait de la liste des personnes suspectes afin de leur permettre de participer à des compétitions sportives, et d’autre part, du chef de complicité de corruption passive par une personne n’exerçant pas une fonction publique commise par [M] [O], en prenant une part active dans le ralentissement des procédures de suspension d’athlètes russes suspectés de dopage en retardant la transmission des courriers à l'[11].

18. Par jugement en date du 16 septembre 2020, le tribunal correctionnel a relaxé M. [I] [E] [O] des faits de complicité de corruption passive s’agissant de la mise à disposition d’un compte à Singapour destiné à récupérer les fonds remis par les athlètes russes suspectés par l'[11] de dopage, et, pour le surplus, a requalifié les faits de complicité de corruption passive en corruption passive.

19. Le tribunal a déclaré les prévenus coupables du surplus des faits reprochés et ainsi partiellement requalifiés et a notamment condamné M. [P] à trois ans d’emprisonnement dont deux ans avec sursis, 100 000 euros d’amende, cinq ans d’interdiction d’exercer la profession d’avocat et cinq ans d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou une activité sociale en lien avec le sport, et M. [I] [E] [O] à cinq ans d’emprisonnement, ordonnant le maintien des effets du mandat d’arrêt décerné à son encontre, 1 000 000 euros d’amende et dix ans d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale en lien avec le sport.

20. Sur l’action civile, il a déclaré recevables en leur constitution de partie civile l'[3], le [8] ([8]), Mme [X] [D], déclaré les prévenus responsables des préjudices subis par elles et les a condamnés à payer à l'[3], solidairement, la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice moral pour tous les faits commis à son encontre, la partie civile étant déboutée de sa demande de réparation du préjudice financier, outre, in solidum, la somme de 111 958,77 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale, au [8], solidairement, un euro au titre de dommages-intérêts pour tous les faits commis à son encontre et, in solidum, la somme de 10 000 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale et à Mme [D], solidairement, les sommes de 15 000 euros au titre du préjudice matériel résultant d’une perte de chance, 5 000 euros au titre du préjudice d’image, 10 000 euros au titre du préjudice moral, et, in solidum, 15 000 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

21. Concernant l'[11], le tribunal a déclaré partiellement recevable sa constitution de partie civile, a déclaré [M] [O] et M. [I] [E] [O] responsables du préjudice résultant des abus de confiance et du recel subi et les a condamnés, solidairement, à lui payer la somme de 5 236 408 euros en réparation de son préjudice financier. Le tribunal a par ailleurs déclaré les six prévenus entièrement responsables du préjudice résultant des faits de corruption active, corruption passive et complicité de ces délits et les a condamnés, solidairement, à payer à cette partie civile les somme de 9 500 000 euros au titre de la perte de chance, 1 000 000 euros en réparation de son préjudice de réputation, 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et 200 000 euros en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

22. Ont interjeté appel MM. [M] [O], [I] [E] [O], [P], le procureur de la République à titre incident à leur encontre, [Y] [B] contre Mme [D], l'[3] et l'[11], ainsi que les parties civiles [3] et l'[11] sur les dispositions civiles.

23. A l’audience de la cour d’appel, les juges ont constaté le décès de [M] [O] et de [Y] [B] sans que personne n’intervienne pour aucun d’eux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, le troisième moyen, et le sixième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposés pour M. [O], les deuxième, troisième, sixième, et huitième moyens, proposés pour M. [P]

24. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l’admission des pourvois au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

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