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En application du principe de réciprocité, les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la Convention de Berne, dans les pays de l’Union autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente convention.
Il est constant que les États-Unis et la France sont deux états signataires de la Convention de Berne du 9 septembre 1886 pour la protection des œuvres littéraires et artistiques qui comporte une règle de conflit de loi, en son article 5, en ces termes:
1. Les auteurs jouissent, en ce qui concerne les œuvres pour lesquelles ils sont protégés en vertu de la présente Convention, dans les pays de l’Union autres que le pays d’origine de l’œuvre, des droits que les lois respectives accordent actuellement ou accorderont par la suite aux nationaux, ainsi que des droits spécialement accordés par la présente convention.
La jouissance et l’exercice de ces droits ne sont subordonnés à aucune formalité: cette jouissance et cet exercice sont indépendants de l’existence de la protection dans le pays d’origine de l ‘œuvre.
Par suite, en dehors des stipulations de la présente Convention, l’étendue de la protection ainsi que les moyens de recours garantis à l’auteur pour sauvegarder ses droits se règlent exclusivement d’après la législation du pays où la protection est réclamée.
Il s’en infère qu’une œuvre créée aux États-Unis et pour laquelle la protection est réclamée en France, est protégée sur ce territoire de la même manière que si elle avait été créée en France, si les conditions prévues par les dispositions des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle sont remplies.
L’oeuvre, au sens du code de la propriété intellectuelle, est l’oeuvre de l’esprit prévue à l’article L. 111-1 selon lequel l’auteur jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur du fait de la création d’une forme originale, en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.
La propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés.
Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.
En l’espèce, la demanderesse revendique des droits d’auteur sur un véhicule qui participe à des représentations et compétitions de camions-monstres. La société Feld Motor Sports expose que son camion “El TORO LOCO” a ainsi participé pour la première fois au championnat mondial “Monster Jam” en 2003. Elle produit un certificat d’enregistrement américain qui, s’il ne produit pas d’effet en France sous l’angle des droits d’auteur, donne néanmoins une indication pour dater la création. Depuis cette date, il est démontré que le camion apparait régulièrement dans des compétitions.
S’il a existé, pendant les vingts dernières années, plusieurs camions, ce que ne conteste pas la société demanderesse, parfois agencés pour des évènements en particulier ou pour un pilote spécial, le camion a un peu évolué avec le temps, présentant seulement de légères différences notamment sur la forme des roues (lisses ou crantées), la couleur (variant, au sein des couleurs chaudes, du rouge au jaune), ou la forme des cornes et des flammes. Cette modification est inévitable, s’agissant de véhicules de combat ayant vocation à être dégradés lors des différents affrontements.
Cependant, une comparaison des différentes photographies produites permet de réaliser que les caractéristiques principales, sur la base desquelles la société Feld Motor conclut à l’originalité, sont conservées, à savoir :
– un véhicule de type « pick-up », dont le toit est orné de deux cornes placées en position d’attaque pour représenter la tête d’un animal;
La combinaison des différents éléments de carrosserie représente un taureau “enragé”. Elle révèle des choix esthétiques arbitraires de l’auteur et ne résulte pas d’une obligation dictée par la fonction du véhicule.
En effet, le véhicule apparaît avoir été travaillé afin que son apparence puisse s’assimiler à celle d’un taureau “enragé”, reprenant des attributs caractéristiques de cet animal de combat, ses cornes ou encore ses naseaux.
Les ailes avant ont été placées de façon à faire apparaître une mâchoire avec une dentition apparente dont il se dégage une impression d’agressivité et de force brute.
Le parti-pris créatif et esthétique est, à plus forte mesure, illustré par le graphisme spécifique utilisé pour le signe “El TORO LOCO”, selon une typologie angulaire, avec un motif déchiré sur les premières lettres des mots. L’ensemble de ces caractéristiques, traduisant les choix arbitraire et esthétiques, porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur qui entend donner au camion l’apparence d’un taureau enragé de combat, propre au type de compétition auquel le camion participe.
Ainsi, l’originalité de l’oeuvre de la demanderesse apparaît établie, l’oeuvre est donc également protégée par le droit français.