Copie servile d’un modèle : la concurrence déloyale efficace
Copie servile d’un modèle : la concurrence déloyale efficace

L’enveloppe Soleau est suffisante pour dater la création d’un modèle (meuble lit escamotable et bloc bureau télécommandé). La commercialisation d’un produit reproduisant de façon servile un produit reconnu d’une société dans des conditions de nature à créer une confusion dans l’esprit du public sur l’origine du produit est révélatrice d’une concurrence déloyale.

De même, le fait de copier servilement ce produit en le reproduisant après l’avoir acquis, a permis aux appelants de s’exonérer de tout effort de développement et de recherche, et de profiter du travail précédemment réalisé, sans bourse délier, en se plaçant dans le sillage de celle-ci.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un produit puisse être librement reproduit sous réserve de l’absence de faute induite par la création d’un risque de confusion dans l’esprit du public sur l’origine du produit. L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause, la reprise d’une combinaison et d’un agencement, même individuellement usuels, pouvant caractériser des actes de concurrence déloyale s’il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public.

Le parasitisme repose, comme la concurrence déloyale, sur l’article 1240 du code civil, mais il s’en distingue car la concurrence déloyale repose sur l’existence d’un risque de confusion, critère étranger au parasitisme qui requiert la circonstance qu’une personne morale ou physique s’inspire ou copie, à titre lucratif et de manière injustifiée, une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements réalisés.

L’action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif.

La concurrence déloyale peut résulter du seul fait que l’imitation avait pour effet de créer une confusion entre les produits dans l’esprit du public.

L’action en responsabilité pour parasitisme peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de droit privatif, dès lors qu’il est justifié d’un comportement fautif.

_________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

12e chambre

ARRET DU 08 AVRIL 2021

N° RG 19/07201 –��N° Portalis DBV3-V-B7D-TQAM

AFFAIRE :

D X

C/

A Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 04 Juillet 2019 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 16/06424

LE HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT ET UN,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur D X

né le […] à Maisons-Laffitte (78600)

de nationalité Française

31 rue Jean-F G

[…]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 021447

Représentant : Me Sarah DIGUE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

SARL HD&S

N° SIRET : 809 761 844

31 rue Jean-F G

[…]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 – N° du dossier 021447

Représentant : Me Sarah DIGUE, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

APPELANTS

****************

Monsieur A Y

né le […] à […]

de nationalité Française

La Mezienne

[…]

Représentant : Me Brice LAVEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0644

SARL A Y

N° SIRET : 331 357 749

[…]

[…]

Représentant : Me Brice LAVEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0644

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 Février 2021 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur A THOMAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur A THOMAS, Président,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société A Y indique commercialiser un meuble référencé ZEN 614 créé par son gérant M.

A Y, constitué d’un lit bureau escamotable motorisé avec télécommande, associant un lit

incorporé, un bureau et une bibliothèque ainsi que divers éléments complémentaires, qu’elle exploite depuis

juillet 2009.

La société HD&S a pour gérant M. D X, qui l’a créée et immatriculée le 23 février 2015, avec pour

activité principale déclarée la vente à distance sur catalogue spécialisé ; il indique avoir réservé le 30

novembre 2015 le nom de domaine deezzign.com pour commercialiser des meubles et objets de maison.

Soutenant que M. X avait

— fait, en novembre 2015 sur le forum pragmaticentrepreneurs.com, la promotion d’un lit escamotable

reproduisant les caractéristiques originales de son meuble ‘Zen 614″, produit ensuite offert en vente sur le site

deezzign.com sous la référence ‘Beddesk’ et les mots clés ‘jeune-femme-heureuse-lit-

bureau-escamotable-Beddesk-type-A-Y’

— puis offert à la vente, le 12 janvier 2016, sur le site leboncoin.fr le produit contrefaisant au prix de 4.700

euros par la société Hd&s avec les termes ‘lit escamotable’ et ‘A Y’,

la société A Y, ayant constaté le 21 janvier 2016 une vidéo promotionnelle descriptive du lit

contesté sur la plateforme YouTube, a fait dresser par huissier de justice trois procès-verbaux de constat en

ligne les 28 janvier, 2 et 14 février 2016.

Elle a ensuite, par courriers de son conseil des 6 février et 17 mars 2016, mis en demeure la société Hd&s, M.

D X et Mme H X de cesser la commercialisation de tout meuble reproduisant les

caractéristiques du produit ‘Zen 614’ et de lui communiquer toute information sur les quantités acquises ou

fabriquées et vendues.

Par acte extrajudiciaire du 27 mai 2016, la société A Y et M. A Y ont assigné la société

Hd&s, M. et Mme X devant le tribunal de grande instance de Nanterre, en contrefaçon de droits d’auteur,

concurrence déloyale et parasitaire.

Par jugement du 4 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a:

— Rejeté la fin de non-recevoir opposée par M et Mme X et la société Hd&s au titre du défaut de qualité à

agir en contrefaçon ;

— Rejeté l’intégralité des demandes de la société A Y et de M. Y au titre de la contrefaçon ;

— Dit qu’en promouvant et en commercialisant en ligne un meuble constituant la copie servile du meuble

référencé ‘Zen 614’ vendu par la société A Y dans des conditions générant un risque de confusion,

M. X et la société Hd&s ont commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;

— Condamné in solidum M. X et la société Hd&s à payer à la société A Y la somme de 10.000

€ en réparation du préjudice causé par leurs actes concurrents de concurrence déloyale et de parasitisme ;

— Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

— Ordonné la capitalisation des intérêts ;

— Interdit à M. X et à la société Hd&s, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et/ou par jour

de retard pendant un délai de six mois courant dès la signification du jugement, de promouvoir et

commercialiser directement ou par personne interposée le lit escamotable référencé « Beddesk » et désormais

« Buroli » ou toute autre référence reproduisant ou imitant le meuble « Zen 614 » de la société A Y

;

— s’est réservé la liquidation de cette astreinte ;

— Rejeté les demandes de confiscation et de publication judiciaire présentées par la société A Y ;

— Rejeté les demandes de la société A Y à l’encontre de Mme X ;

— Rejeté les demandes de M. Y, de mme X, de M. X et de la société Hd&s au titre des frais

irrépétibles ;

— Rejeté la demande de la société A Y à l’encontre de Mme X au titre des frais irrépétibles ;

— Condamné in solidum M. X et la société Hd&s à payer à la société A Y la somme de 10 000

€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamné in solidum D X et la société Hd&s à supporter les entiers dépens de l’instance ;

— Ordonné l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.

Par déclaration du 14 octobre 2019, M. X et la société Hd&s ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2020, la société Hd&s et M. X demandent à la cour de

:

— Déclarer la société Hd&s et M. X recevables et bien fondés en leur appel:

— Constater que le tribunal a condamné la société Hd&s et M. X en concurrence déloyale et parasitaire

pour copie servile soit pour des faits identiques à ceux invoqués par les intimés au titre de la contrefaçon ;

— Constater que le tribunal n’a pas distingué les faits retenus au titre de la concurrence déloyale de ceux retenus

au titre du parasitisme ;

— Constater que les condamnations prononcées à l’encontre des appelants sont infondées;

Y faisant droit,

— Infirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

/ Dit qu’en promouvant et en commercialisant en ligne un meuble constituant la copie servile du meuble

référencé « Zen 614 » vendu par la société A Y dans des conditions générant un risque de

confusion, la société Hd&s et M. X ont commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et

parasitaire ;

/ Condamné in solidum la société hd&s et M. X à payer à la société A Y la somme de 10.000

euros en réparation du préjudice causé par leurs actes concurrents de concurrence déloyale et de parasitisme ;

/ Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

/ Ordonné la capitalisation des intérêts ;

/ Interdit à la société hd&s et M. X, sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée et/ou par jour de

retard pendant un délai de six mois courant dès la signification du jugement, de promouvoir et commercialiser

directement ou par personne interposée le lit escamotable référencé « Beddesk » et désormais « Buroli » ou

toute autre référence reproduisant ou imitant le meuble « Zen 614 » de la société A Y ;

/ S’est réservée la liquidation de cette astreinte ;

/ Condamné in solidum la société hd&s et M. X à payer à la société A Y la somme de 10 000

€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

/ Condamné in solidum la société Hd&s et M. X à supporter les entiers dépens de l’instance.

— Ordonner à la société A Y de rembourser à la société Hd&s et à M. X la totalité des sommes

perçues à titre de dommages et intérêts ;

— Confirmer la décision pour le surplus

Et par conséquent, statuant de nouveau :

A titre principal :

— Dire et juger que la société Hd&s et M. X n’ont commis aucun acte de concurrence déloyale et de

concurrence parasitaire à l’encontre de la société A Y et de M. Y;

En conséquence,

— Dire et juger qu’aucune condamnation sur ces fondements ne peut être prononcée à leur encontre.

A titre subsidiaire : Dans l’hypothèse où la Cour considérerait que la société Hd&s et M. X ont commis

des actes déloyaux et parasitaires à l’encontre de la société A Y et de M. A Y :

— Dire et juger, qu’au regard des faits du litige, la simple promotion du meuble « Buroli » n’a pas entraîné la

banalisation et la vulgarisation du modèle de meuble « Zen 614 » des intimés.

En conséquence,

— Condamner M. X et la société Hd&s à verser à la société A Y des dommages et intérêts d’un

montant proportionnel aux faits commis soit un montant symbolique.

En tout état de cause :

— Ordonner à la société A Y de rembourser les sommes versées par les appelants au titre de l’article

700 du code de procédure civile et des dépens en exécution du jugement du tribunal de grande instance de

Nanterre.

— Condamner la société A Y à payer la société Hd&s et M. X la somme de 15.000 euros au

titre de l’article 700 du code de procédure civile;

— Condamner la société A Y aux entiers dépens, dont distractions au profit de Maître Z

Cheron, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 17 avril 2020, la société A Y et M. Y demandent à la

cour de :

— Confirmer le jugement entrepris en ses principales dispositions ;

— L’infirmer en ce qu’il a jugé que l’action en concurrence déloyale ne peut être invoquée cumulativement à

une action en contrefaçon qu’en présence de faits dommageables distincts de la contrefaçon ;

— L’infirmer en ce qu’il a dit que la pratique d’un prix moindre serait indifférent car relevant de la liberté de la

concurrence et étant dans le litige totalement anecdotique ;

— L’infirmer en ce qu’il a dit que le meuble référencé Zen 614 ne serait pas le modèle phare de la gamme de

meubles commercialisés par la société Y;

— L’infirmer en ce qu’il a limité le préjudice économique subi par la société A Y à la somme de

10.000€ ;

— L’infirmer en ce qu’il a rejeté la demande de publication judiciaire ;

et statuant à nouveau,

— Condamner M. X et la société Hd&s in solidum à verser 50.000 euros à la société A Y à titre

de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale, de la confusion et du parasitisme et ce avec

intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 6 février 2016;

— Ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

— Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux et périodiques au choix de la société

A Y, aux frais in solidum de la société Hd&s et M. X, dans la limite de 5.000€ par insertion ;

— Condamner la société Hd&s et M. X in solidum à verser à la société A Y et à M. A

Y 15.000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux

écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Les appelants affirment que l’action en concurrence déloyale n’est pas une demande de repli de celui qui est

dépourvu de droit de propriété intellectuelle, et que la seule reproduction même servile n’est pas

nécessairement constitutive de concurrence déloyale. Ils ajoutent que le jugement a retenu des faits distincts

de la copie servile, de sorte qu’ils n’avaient pas besoin de contester la prétendue identité des produits pour se

défendre. Ils critiquent les motifs retenus par le jugement comme empruntant aux éléments constitutifs de la

contrefaçon et de la copie servile, laquelle est inapplicable puisque la demande en concurrence déloyale et

parasitaire n’a pas été présentée à titre subsidiaire. Les éléments retenus -achat d’un lit A Y par la

mère de M. X, absence de preuve de création- ne sauraient créer un risque de confusion, qu’ils soient

pris ensemble ou isolément. Ils contestent la réputation de la société A Y et le fait que l’utilisation

de ces signes A Y comme mots-clés puisse créer un risque de confusion. De même déclarent-ils

avoir usé de pratiques courantes pour présenter la société HD&S comme leader du marché, et ajoutent que le

jugement n’a pas distingué concurrence déloyale et parasitaire.

Les intimés affirment que les mêmes éléments peuvent fonder une demande en concurrence déloyale et une

demande en contrefaçon, à partir du moment où ils constituent une faute au sens des articles 1240 du code

civil. Ils ajoutent que la copie servile est constitutive d’une faute, comme le sont des comportements contraires

aux usages de la vie des affaires qui tendent à créer une confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine des

produits, ou qui viennent à tirer profit sans bourse délier d’une valeur économique d’autrui. Ils soutiennent

qu’en l’espèce la copie proposée par les appelants est servile, que ses plans ont été dressés à partir du meuble

acheté à A Y, ce qu’ils ont tenté de dissimuler. Ils soulignent que les appelants ne justifient pas

avoir acheté des marchandises, et ont commercialisé le même meuble qu’ils avaient acquis auprès de la société

Y, et copié son modèle phare avec lequel elle réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires. Ils

avancent que les appelants se sont abusivement présentés comme leader sur le marché du mobilier ‘gain de

place’, reprenant une expression couramment utilisée par la société A Y pour se présenter, ce qui

constitue également un fait constitutif de concurrence déloyale et parasitaire.

Ils mettent en avant la reprise du nom de M. Y pour proposer le produit querellé.

***

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un produit puisse être librement reproduit sous réserve de l’absence de faute induite par la création d’un risque de confusion dans l’esprit du public sur l’origine du produit. L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause, la reprise d’une combinaison et d’un agencement, même individuellement usuels, pouvant caractériser des actes de concurrence déloyale s’il en résulte un risque de confusion dans l’esprit du public.

Le parasitisme repose, comme la concurrence déloyale, sur l’article 1240 du code civil, mais il s’en distingue car la concurrence déloyale repose sur l’existence d’un risque de confusion, critère étranger au parasitisme qui requiert la circonstance qu’une personne morale ou physique s’inspire ou copie, à titre lucratif et de manière injustifiée, une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Il consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissements réalisés.

L’action en concurrence déloyale peut être intentée par celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, il n’importe pas que les faits incriminés soient matériellement les mêmes que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif.

La concurrence déloyale peut résulter du seul fait que l’imitation avait pour effet de créer une confusion entre les produits dans l’esprit du public.

L’action en responsabilité pour parasitisme peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de droit privatif, dès lors qu’il est justifié d’un comportement fautif.

La cour observe que le jugement a rejeté la demande présentée au titre de la contrefaçon, et n’est pas contesté sur ce point par la société A Y et M. Y, de sorte que ne sont plus discutés que les faits de concurrence déloyale et parasitaire.

Il ressort des pièces, notamment de l’enveloppe Soleau mentionnant comme déposant A Y, portant cachet du 17 juillet 2009 et contenant la représentation d’un meuble lit escamotable et bloc bureau télécommandé, des factures de la société A Y dressées en 2009 et 2010 portant la référence ZEN 614 pour désigner un lit coulissant et bureau escamotable, et du constat d’huissier du 28 janvier 2016, que

cette société propose à la vente sous la référence ZEN 614 le meuble contenant lit escamotable et bloc bureau

télécommandé tel qu’il figure dans l’enveloppe Soleau.

Mme H X a notamment acheté, le 24 janvier 2015, auprès de la société A Y, un lit

coulissant de 140 et bureau télécommandé, qui lui a été livré sans installation le 12 mars 2015.

Comme le montre le procès-verbal d’huissier du 2 février 2016, la société HD&S, qui a pour gérant M.

D X, qui a la même adresse que Mme H X et qui apparaît être son fils, a proposé à la

vente sur le site internet Leboncoin.fr un lit escamotable et bureau télécommandé.

Le procès-verbal d’huissier du 4 février 2016 montre qu’à l’adresse www.deezzign.com un lit escamotable et

bureau télécommandé est présenté à la vente, le constat établissant que le site a pour éditeur la société Hd&S.

E n f i n , e t a u v u d u c o n s t a t d u 2 8 j a n v i e r 2 0 1 6 , l e j u g e m e n t a r e l e v é q u e s u r l e s i t e

‘pragmaticentrepreneurs.com’ a été présenté le meuble modulable, sous le pseudonyme de M. C, dont M.

X ne conteste pas être l’utilisateur.

Les appelants allèguent que le lit commercialisé par la société Hd&s est différent de celui proposé à la vente

par la société A Y, mais ne s’opposent pas véritablement à l’analyse contenue dans le jugement qui

a conclu à une identité presque totale des produits, en relevant notamment que leur fonctionnement était

identique.

De même, s’agissant de leurs dimensions, les meubles ont exactement les mêmes hauteur et longueur, ainsi

qu’une profondeur très proche.

Les deux meubles présentent la même structure, la même étagère et plateau bureau se déplaçant vers le haut

pour la position couchage, une même motorisation par télécommande, une même position de lecture

intermédiaire.

Enfin, les plans versés par les parties montrent également la quasi-identité du produit Zen 614 de la société

A Y, et du meuble Buroli de M. X.

Aussi c’est à raison que le jugement a retenu que le meuble présenté par la société Hd&S constituait une copie

servile du meuble Zen 614, les différences étant insignifiantes.

Il est ainsi établi que la société HD&S de M. X a proposé à la vente au début de l’année 2016 un produit

quasiment identique à celui que commercialisait depuis plusieurs années (2009-2010) la société A

Y sous la dénomination Zen 614.

Les appelants ne justifient du reste pas des efforts de conception et de recherche qu’ils auraient engagés pour

élaborer le produit litigieux, et n’ont pas apporté de réponse satisfaisante aux intimés sur la spécification

technique d’une pièce d’assemblage, ce qui tend à démontrer qu’ils ont reproduit les plans de montage du

meuble A Y que Mme X s’était fait livrer à son domicile, non monté, quand bien même le lit

bureau commandé qu’elle a reçu alors n’était pas le modèle Zen 614, puisqu’il s’agissait aussi d’un lit

coulissant et bureau télécommandé, et que les appelants ne démontrent pas qu’il s’agirait de meubles

présentant des différences sensibles.

Le seul achat d’un seul moteur, de deux commandes, et d’une faible quantité de fournitures participe aussi à

établir que les appelants n’ont pas consacré du temps à la mise au point et au développement d’un produit

complexe induisant un mouvement motorisé et simultané de plusieurs éléments, sans justifier disposer de

compétences particulières en ce domaine, et qu’ils ont reproduit celui de la société A Y.

Il résulte des pièces que les produits de la société A Y bénéficient d’une certaine couverture

médiatique s’agissant des meubles encastrés et coulissants, que le meuble Zen 614 a fait l’objet du dépôt d’une

enveloppe Soleau en 2009 et est régulièrement commercialisé par cette société depuis lors, une attestation de

la FNAEM faisant état de sa renommée particulière sur le marché du lit coulissant et motorisé.

L’annonce diffusée en 2016 par la société HD&S sur le site internet leboncoin.fr proposant à la vente le

produit litigieux constituant un lit escamotable et bureau télécommandés, utilise les signes ‘A, Y

A’; de même, sur le site Youtube a été mise en ligne par Deezzign, nom de domaine réservé par M.

X, une vidéo montrant un lit et bureau télécommandés utilisant le terme ‘A Y’. Cette utilisation

révèle l’intention de créer chez le consommateur à tout le moins une association avec le produit identique

proposé par la société A Y, ce d’autant que cette société bénéficie d’une reconnaissance pour les

produits de ce type, et notamment pour le produit Zen 614 correspondant qu’elle commercialise depuis

plusieurs années.

Dès lors, la commercialisation d’un produit reproduisant de façon servile un produit reconnu de la société

A Y dans des conditions de nature à créer une confusion dans l’esprit du public sur l’origine du

produit est révélatrice d’une concurrence déloyale.

De même, le fait de copier servilement ce produit de la société A Y en le reproduisant après l’avoir

acquis, a permis aux appelants de s’exonérer de tout effort de développement et de recherche, et de profiter du

travail précédemment réalisé par A Y et la société éponyme, sans bourse délier, en se plaçant dans

le sillage de celle-ci.

Ces faits sont imputables à la société HD&S, mais la responsabilité de M. X sera aussi retenue, ayant

notamment déposé le nom de domaine happydom.us constituant le radical permettant de répondre aux

internautes intéressés par l’annonce diffusée sur le site leboncoin.fr, le jugement ayant à raison retenu que ces

faits avaient permis ceux commis par la société Hd&S, et la domiciliation provisoire de M. X en Espagne

ne l’empêchant pas de participer à leur commission.

Le seul fait que le produit était proposé à la vente un prix inférieur à celui de la société A Y ne sera

pas retenu, la différence de prix n’apparaissant pas très significative, et alors qu’il n’est pas établi que la société

Hd&s a vendu un seul meuble litigieux ; de même le recours à l’usage de la dénomination sociale d’une société

concurrente pour améliorer le référencement d’un site n’étant pas prohibé, les intimés ne sauraient s’en

prévaloir utilement. Enfin, le fait que la société Hd&S se soit faussement présentée comme ‘leader du marché

du lit escamotable’ ne sera pas retenu comme constitutif de concurrence déloyale.

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que les griefs de concurrence déloyale

et parasitaire étaient constitués à l’égard de la société Hd&S et de M. X.

Sur les mesures réparatoires

Les appelants contestent leur condamnation, relevant n’avoir effectué aucune vente du produit querellé, et

sollicitent le remboursement des dommages-intérêts versés. Ils font, à titre subsidiaire, état du caractère

disproportionné de la condamnation, les publications n’ayant porté que sur un prototype, non vendu, et leur

business plan n’étant pas arrêté. Ils ajoutent n’avoir pas dévalorisé le produit de la société A Y,

dont ils contestent la notoriété, relevant que ni les investissements promotionnels ni la baisse du chiffre

d’affaires ne sont établis. Ils affirment que la société A Y n’a subi ni préjudice commercial ni

préjudice d’image, et qu’il n’y a pas lieu à les condamner au paiement d’intérêts ou à prononcer de mesure

d’interdiction.

Les intimés relèvent que les appelants ont copié le modèle phare de la société A Y dont le chiffre

d’affaires devait souffrir de la vente d’un produit reproduisant ses caractéristiques. Ils ajoutent qu’ils se sont

appropriés leur valeur économique fruit d’un investissement important, de leur savoir-faire. Ils font état du

préjudice économique et d’image que leur a causé la déloyauté des appelants.

***

Comme indiqué précédemment, le produit Zen 614 est commercialisé depuis 2009 sans discontinuer par la

société A Y, qui produit des pièces établissant qu’il dispose d’une certaine place sur le marché du

lit bureau escamotable.

La présentation d’un produit reproduisant ses caractéristiques au point de créer un risque de confusion

participe donc à dévaloriser le produit développé par M. Y et proposé à la vente par sa société.

Elle est également de nature à profiter indûment des efforts engagés par M. Y et sa société pour

développer le produit Zen 614, et de la valeur économique qu’ils ont créée et dont témoignent les différentes

pièces versées établissant leurs efforts pour le faire connaître.

Pour autant, il n’est pas davantage justifié en appel qu’en première instance de l’évolution des ventes du

produit Zen 614 qui révélerait une baisse sensible de ses commandes au moment où le produit querellé a été

présenté en ligne par les appelants, dont aucune vente n’est établie.

La cour mentionne que l’annonce sur le site leboncoin.fr proposait le meuble querellé au prix de 4700 euros.

Au vu de ce qui précède, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de la dépréciation du produit

des intimés du fait de la présentation sur le marché d’un produit en constituant la reproduction servile, en

condamnant les appelants au paiement de 5000 euros au titre de la concurrence déloyale.

Le préjudice causé aux intimés du fait du comportement parasitaire des appelants sera également réparé par la

condamnation de ces derniers au paiement de la somme de 5000 euros.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Hd&S et M. X au paiement

de la somme de 10.000 euros. Il sera également confirmé s’agissant des intérêts moratoires, les faits de

concurrence déloyale et parasitaire étant retenus.

La mesure d’interdiction prononcée en 1re instance, qui porte sur la poursuite des faits caractérisant les

agissements de concurrence déloyale et parasitaire retenus à l’encontre des appelants, sera maintenue. Il en

sera de même s’agissant de l’astreinte.

Il ne sera pas fait droit à la demande de publication, au vu de l’écoulement du temps, et alors qu’il n’est pas

justifié qu’un seul produit querellé ait été vendu.

Sur les autres demandes

La condamnation au paiement des dépens de 1re instance sera confirmée, de même que celle prononcée en

1re instance au titre des frais irépétibles qui sera néanmoins réduite dans son montant à la somme de 5000

euros.

Les appelants succombant au principal, ils seront condamnés au paiement des dépens d’appel. Au vu de la

décision, chaque partie supportera la charge de ses frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par décision contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf s’agissant de la condamnation prononcée au titre de

l’article 700 du code de procédure civile, qui sera réduite à 5000 euros,

y ajoutant,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Hd&s et M. X in solidum aux entiers dépens.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure

civile.

signé par Monsieur A THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de

la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


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