Copie servile de sac : efficacité de l’action en parasitisme
Copie servile de sac : efficacité de l’action en parasitisme
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En matière de copie servile de modèles de sacs, l’action en parasitisme est une action aussi efficace que l’action en contrefaçon.

Absence d’originalité de cabas

En défense d’une action en contrefaçon, la société J&M FACTORY a opposé avec succès au titulaire des droits (Mme [K]) sur ledit modèle que les sacs revendiqués sont des sacs en jute fabriqués par des femmes dans une coopérative du Bangladesh, selon une technique traditionnelle (macramé), avec des noeuds simples appelés en anglais « square knots » ; des sacs cabas en jute, provenant du commerce équitable, identiques à ceux commercialisés par Mme [K], avec ou sans inscription, sont communément proposés sur divers sites web.

Les cabas « Bonjour » et « Holiday » ne présentaient pas l’originalité requise pour être admissibles à la protection par le droit d’auteur, la description qui en était donnée par Mme [K], ainsi que leur confection, traduisant la mise en oeuvre d’un savoir-faire ou l’existence de contraintes fonctionnelles ou de détails de fabrication, l’inscription de mots sur les sacs, dont l’idée est préexistante à la création des cabas de Mme [K], étant, elle, banale tant dans les termes choisis (« Bonjour » et « Holiday ») pour des accessoires principalement destinés à la plage, que dans la police sélectionnée.

L’originalité en matière d’arts appliqués

En matière d’arts appliqués, il est généralement considéré qu’il y a création originale chaque fois qu’un dessin ou modèle est l’aboutissement d’un effort créatif et est caractérisé par une forme esthétique individualisée ; la description fournie par Mme [K] ne permettait pas de démontrer l’empreinte de la personnalité de son auteur dans la combinaison revendiquée mais tout au plus la traduction d’un savoir-faire nécessaire à la fabrication de ce type d’accessoire.

La protection des oeuvres de l’esprit

Pour rappel, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-14°, les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure sont considérées comme oeuvres de l’esprit.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une oeuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

La concurrence déloyale et le parasitisme

En revanche, la concurrence déloyale et le parasitisme ont été retenus.

Ces actions sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil, selon lequel ‘Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’, mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance qu’à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité, la notoriété du produit copié.

Il incombe à celui qui se prétend victime d’actes de concurrence déloyale ou de parasitisme d’en rapporter la preuve et de démontrer que les éléments constitutifs de ces comportements répréhensibles sont réunis.

Or, il est acquis que la société J&M FACTORY a offert à la vente, au sein de son établissement à l’enseigne MOGANO, deux sacs dont les caractéristiques principales sont similaires à celles des sacs commercialisés par Mme [K], s’agissant de sacs cabas confectionnés en jute tissée selon la méthode du macramé, présentant les mêmes volume et forme et portant dans une couleur contrastée les mêmes inscriptions « Bonjour » et « Holiday ».

Les différences entre les produits opposés tiennent seulement à la moindre qualité de la matière et de la confection – ce qui se traduit, sur les sacs litigieux, par un tissage moins resserré, l’absence de soufflet et des finitions moins soignées, notamment dans le fond du sac laissant voir des fils et des noeuds – et au mode d’application des inscriptions, réalisé, sur les sacs J&M FACTORY, en lettres majuscules en feutrine grossièrement cousues sur une seule face du sac, alors que les inscriptions des sacs revendiqués sont, hormis la première lettre, en minuscules et sont tissées sur les deux faces du sac dans le même point que le reste du cabas. Ces seules différences n’empêchent cependant pas une même impression d’ensemble.

Par ailleurs, Mme [K] justifie que ses sacs réalisés en macramé recouverts d’inscriptions diverses, et qui sont commercialisés depuis 2012 bénéficient d’un certain succès en produisant de nombreuses publications presse et Instagram, faisant notamment apparaître que ses cabas sont vendus aux Galeries Lafayette.

Dès lors, la reprise sur des sacs d’inspiration et de confection très similaires de deux mots identiques « Bonjour » et « Holiday », sans nécessité aucune, ce qui exclut que ce choix lexical soit le fruit du hasard, est de nature, malgré les quelques différences relevées, à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen qui sera amené à croire que les sacs litigieux sont de même origine que les sacs de [X] [K] ou du moins en constituent une déclinaison. Les actes de concurrence déloyale sont ainsi caractérisés ainsi que l’a retenu le tribunal.

De son côté, la société J&M FACTORY n’invoque aucun investissement pour la création et la promotion des deux sacs litigieux.

En commercialisant ces deux sacs similaires aux sacs de Mme [K] qui bénéficient d’une certaine notoriété, la société J&M FACTORY a tiré indûment profit de ses efforts d’investissement et de son succès, ce qui caractérise un comportement parasitaire.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D’APPEL DE PARIS



Pôle 5 – Chambre 1



ARRET DU 31 MAI 2023



(n°080/2023, 12 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : 21/10074 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYKE



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 – Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 2ème section – RG n° 19/04012





APPELANTE



SAS J.M FACTORY exploitant un établissement sous l’enseigne MOGANO

Société au capital de 85 000 euros

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de BOBIGNY sous le numéro 752 741 322

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974







INTIMEE



Madame [X] [K] exploitant sous la dénomination « THE [K] »

Née le 11 Février 1966 à [Localité 7] (Allemagne)

De nationalité Britannique

Styliste,

[Adresse 2]

[Localité 5]

ROYAUME-UNI



Représentée par Me Jean-Didier MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Assistée de Me Philippe BESSIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0804





























COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHEE, conseillère.





Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON





ARRET :



– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige






***





EXPOSE DU LITIGE



Mme [X] [K] se présente comme une styliste britannique exerçant depuis 1998, en Grande-Bretagne, sous forme d’une entreprise individuelle, une activité de création, fabrication, commercialisation de produits de mode, vêtements et accessoires, qu’elle exporte dans le monde entier, notamment en France. Elle commercialise, à ce titre, une gamme de cabas sous le nom commercial ‘THE [K]’.



Elle revendique des droits d’auteur sur deux cabas portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday », qui auraient été divulgués au public, dès 2014 :













Elle indique que ces sacs, fabriqués, selon ses instructions, par une coopérative de femmes du sud-ouest du Bangladesh, ont remporté un vif succès.



La société J&M FACTORY est une société française spécialisée dans le commerce de gros et exploite à ce titre une boutique de vente en gros à [Localité 4] sous l’enseigne MOGANO [Localité 6].



Mme [K], ayant constaté, en janvier 2019, la vente par la société J&M FACTORY de sacs reprenant, selon elle, les caractéristiques de ses cabas « Bonjour » et « Holiday », a été autorisée par deux ordonnances du 14 mars 2019 à faire procéder à des saisies-contrefaçon, le 20 mars 2019, au siège de la société J&M FACTORY, ainsi que dans la boutique à l’enseigne MOGANO [Localité 6] d'[Localité 4].



Par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 21 mars 2019, Mme [K] a ensuite mis en demeure la société J&M FACTORY d’avoir à communiquer l’ensemble des factures d’achat auprès de ses fournisseurs, ainsi que tout élément comptable concernant les ventes des produits argués de contrefaçon.



Estimant qu’aucune réponse satisfaisante n’avait été apportée à ses demandes, elle a fait assigner la société J&M FACTORY, par acte du 1er avril 2019, devant le tribunal judiciaire de Paris.



Dans un jugement rendu le 16 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :



– déclaré recevables les demandes formées au titre du droit d’auteur ;



– rejeté les demandes fondées sur les actes de contrefaçon des sacs THE [K] portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday » ;



– dit que la société J&M FACTORY s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale au préjudice de [X] [K] en important et en commercialisant des sacs reprenant les caractéristiques des sacs THE [K] portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday » ;

– fait interdiction à la société J&M FACTORY d’importer, d’exposer ou de vendre les sacs référencés 5698 CABAS JUTE BJ OU HOLIDAY et/ou 5848 CABAS COTON reprenant les caractéristiques des sacs [K] portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday » commercialisés par [X] [K], et ce sous astreinte de 500 euros par infraction passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement ;

– s’est réservé la liquidation de l’astreinte ;



– ordonné la destruction, justifiée par huissier de justice, aux frais de la société J&M FACTORY des exemplaires de sacs qui seraient en sa possession ou dans ses stocks ;

– condamné la société J&M FACTORY à verser à [X] [K] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale ;



– rejeté la demande de publication ;

– condamné la société J&M FACTORY à verser à [X] [K] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens auxquels s’ajouteront les frais et honoraires d’huissier relatifs aux opérations de saisie-contrefaçon ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision sauf en ce qui concerne les mesures de destruction.







Le 28 mai 2021, la société J&M FACTORY a interjeté appel de ce jugement.

Moyens




Dans ses dernières conclusions, transmises le 26 janvier 2023, la société J&M FACTORY demande à la cour de :



– recevoir la société J&M FACTORY exerçant sous l’enseigne MOGANO [Localité 6] dans l’ensemble de ses arguments, fins et moyens et déclarer ceux-ci bien fondés,

– infirmer la décision du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a jugé que :



– la société J&M FACTORY s’était rendue coupable d’actes de concurrence déloyale au préjudice de [X] [K] en important et en commercialisant des sacs reprenant les caractéristiques des sacs THE [K] portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday »,

– fait interdiction à la société J&M FACTORY d’importer, exposer ou vendre les sacs référencés 5698 CABAS JUTE BJ OU HOLIDAY et/ou 5848 CABAS COTON reprenant les caractéristiques des sacs [K] portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday » commercialisés par [X] [K] et ce sous astreinte de 500 euros par infraction passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement,

– ordonné la destruction, justifiée par huissier de justice, aux frais de la société J&M FACTORY des exemplaires de sacs qui seraient en sa possession ou dans ses stocks,

– condamné la société J&M FACTORY à verser à [X] [K] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

– condamné la société J&M FACTORY à verser à Mme [X] [K] la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’au paiement des entiers dépens auxquels s’ajouteront les frais et honoraires d’huissier relatifs aux opérations de saisie-contrefaçon,



– statuant à nouveau :

– écarter tout acte de concurrence déloyale et parasitaire,

– débouter Mme [K] de toutes ses demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire,



– sur l’appel incident :

– débouter Mme [K] de ses demandes formulées dans le cadre de son appel incident et confirmer la décision entreprise d’appel en ce qu’elle a notamment :

– rejeté les demandes de Mme [K] fondées sur les actes de contrefaçon de droits d’auteur des sacs « THE [K] » portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday »,

– rejeté, à titre principal, la demande d’indemnisation de Mme [K] au titre du préjudice du fait des actes de contrefaçon de droits d’auteur, à hauteur de 85 000 euros,

– rejeté à titre subsidiaire, les demandes au titre du parasitisme,



– condamner Mme [K] payer à la société J&M FACTORY, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, les honoraires et frais d’avocats que celle-ci a dû débourser pour se défendre tant en première instance qu’en appel, soit 25 000 euros, ainsi qu’aux frais et dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit Me TEYTAUD, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

















Dans ses dernières conclusions, numérotées 4, transmises le 23 février 2023, Mme [K] demande à la cour de :



Vu les saisies-contrefaçon du 20 mars 2019

Vu l’article 789 du code de procédure civile

Vu les articles L.111-1 et suivants, L. 332-1 et suivants

Vu l’article 1240 du code civil,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– à titre principal, jugé recevables les demandes formées par Mme [K] au titre du droit d’auteur,

– à titre subsidiaire, condamné la société J&M FACTORY à une somme de 20 000 euros au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

– en tout état de cause,

– prononcé des mesures d’interdiction à l’encontre de la société J&M FACTORY, à savoir : l’interdiction d’importer, exposer ou vendre les sacs référencés 5698 CABAS JUTE BJ OU HOLIDAY et/ou 5848 CABAS COTON reprenant les caractéristiques des sacs [K] portant les inscriptions « BONJOUR » et « HOLIDAY » commercialisés par [K] et ce sous astreinte de 500 euros par infraction passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement et la destruction, justifiée par Huissier de justice, aux frais de la société J&M FACTORY des exemplaires de sacs qui seraient en sa possession ou dans ses stocks,

– s’est réservé la liquidation de l’astreinte,

– condamné la société J&M FACTORY au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance, aux entiers dépens de première instance, aux frais et honoraires d’huissier relatifs aux opérations de saisie-contrefaçon,

– prononcé l’exécution provisoire du jugement,



– infirmer le jugement entrepris pour le surplus en ce qu’il a :

– rejeté les demandes de Mme [K] fondées sur les actes de contrefaçon de droits d’auteur des sacs « THE [K] » portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday »,

– rejeté, à titre principal, la demande d’indemnisation de Mme [K] au titre du préjudice du fait des actes de contrefaçon de droits d’auteur, à hauteur de 85 000 euros,

– rejeté les demandes de publications, à savoir la parution du jugement à intervenir dans trois journaux au choix de Mme [K] et aux frais avancés des défenderesses, et dans une limite de 5.000 euros HT maximum par insertion,



– statuant à nouveau :



– à titre préliminaire, juger irrecevable toute contestation de l’appelante concernant la titularité des droits de Mme [X] [K] puisque non soulevée devant le juge de la mise en état par application de l’article 789 du code de procédure civile et la juger très subsidiairement infondée,

– à titre principal :

– juger que la société J&M FACTORY s’est rendue coupable de contrefaçon de droits d’auteur sur les sacs « THE [K] » comportant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday »,

– en conséquence, condamner la société J&M FACTORY à la somme globale de 85 000 euros se décomposant comme suit :

– 50 000 euros au titre du manque à gagner,

– 20 000 euros au titre du préjudice moral,

– 15 000 euros au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur,



– à titre subsidiaire, condamner la société J&M FACTORY au titre de la concurrence déloyale et parasitaire à la somme totale de 85 000 euros, en ce compris la somme de 5 000 euros déjà accordée par le tribunal,



– en tout état de cause :

– débouter la société J&M FACTORY de l’intégralité de ses demandes,

– juger la société J&M FACTORY irrecevable et à tout le moins infondée à invoquer des moyens relatifs aux condamnations prononcées par le tribunal,





– ordonner la parution de l’arrêt à intervenir dans trois journaux au choix de Mme [K] et aux frais avancés par la société J&M FACTORY, et dans une limite de 5 000 euros HT maximum par insertion,

– condamner la société J&M FACTORY aux entiers dépens de l’appel et au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d’appel.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2023.

Motivation






MOTIFS DE LA DECISION



En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.



Sur la contrefaçon de droits d’auteurs



Sur la titularité des droits de Mme [K]



La société JM FACTORY conteste la titularité des droits d’auteur de Mme [K] en faisant valoir que celle-ci ne verse aux débats aucun élément justifiant de sa création, mais uniquement des éléments concernant l’exploitation du cabas revendiqué, réclamant donc le bénéfice d’une présomption de titularité qu’elle est pourtant irrecevable à invoquer en tant que personne physique ; qu’en outre, le cabas a été diffusé sous le nom ‘THE [K]’ qui est le nom de la société des soeurs [M] et [X] [K] ; que le cabas est en réalité une oeuvre de collaboration entre [M] et [X] [K] ; que Mme [X] [K] n’est donc pas recevable à agir seule.



Mme [K] demande de juger irrecevable toute contestation de l’appelante concernant la titularité de ses droits dès lors qu’une telle contestation aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état du tribunal judiciaire en application de l’article 789 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle soutient avoir créé seule, , en novembre 2013, en sa qualité de styliste, les cabas « BONJOUR » et « HOLIDAY » qui ont été fabriqués selon sa création et ses instructions par la société RISHILPI HANDICRAFTS et diffusés sous son nom, de sorte qu’elle peut se prévaloir de la présomption de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle.



Ceci étant exposé, la cour constate que la société JM FACTORY ne demande pas dans la partie dispositive de ses conclusions l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes formées au titre du droit d’auteur, le tribunal ayant estimé que Mme [X] [K] démontrait avoir créé les cabas revendiqués quand bien même ces cabas avaient été confectionnés par un tiers. En application de l’article 954 du code de procédure civile, selon lequel la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties, la cour n’est donc pas saisie de la fin de non-recevoir de la société J&M FACTORY



Le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a déclaré recevables les demandes formées au titre du droit d’auteur par Mme [K].





Sur l’originalité des cabas revendiqués



Mme [K] soutient que les sacs « Bonjour » et « Holiday » sont originaux et présente ainsi qu’il suit la combinaison des caractéristiques arbitraires de ces cabas :

– 100% jute de forme rectangulaire ;

– décliné en deux tailles : des petits modèles d’environ 43cm X 33cm et des grands modèles d’environ 44cm X 42cm ;

– comportant :

– un tissage particulier tressé de façon ajourée, avec quatre pétales reliés les uns aux autres par un n’ud de jute, ce motif se répétant à l’identique sur toute la surface du cabas à l’avant et arrière de façon uniforme ;

– dans sa partie supérieure quatre bandes horizontales de jute tressée, superposées les unes sur les autres, mesurant un total de deux centimètres environ et situé sur tout le pourtour du cabas, à l’avant et à l’arrière ;

– deux anses avec un tressage serré horizontal, lequel est encadré de deux tressages serrés verticaux figurant sur l’entier pourtour de chaque anse ;

– le mot « BONJOUR » ou le mot ‘HOLIDAY’ qui apparaît en lettres stylisées et très apparentes, de couleur sombre contrastant avec le fond ficelle du cabas ; les lettres sont très visibles et sont disposées selon un agencement particulier, sur toute la longueur et centré au milieu du cabas ;

– et s’arrondissant à la base.



Mme [K] fournit en outre une description dans laquelle elle précise sa démarche créatrice comme suit : « J’ai voulu créer deux modèles de cabas de plage à la fois élégants et pratiques.

Il s’agit de cabas liant un aspect bohème/hippie chic à un esprit résolument moderne compte tenu du choix des mots associés à une forme et une matière particulière et peu commune en jute brut tressé comme indiqué ci-dessus. Ces inscriptions visibles au niveau du cabas constituent des interpellations des autres par rapport au message véhiculé, ces cabas incarnant la liberté de la femme qui le porte. J’ai voulu créer un contraste entre la matière utilisée et les inscriptions de couleurs vives et très visibles à l’instar de graffitis urbains, ce qui tranche également avec l’aspect cabas que j’ai voulu donner. Cette combinaison de caractéristiques donne à ces cabas un aspect décontracté, féminin et esthétique. J’ai prévu que ces cabas pouvaient être déclinés en plusieurs tailles et plusieurs coloris ». Elle indique encore que ses créations se caractérisent ‘par des messages positifs, volontairement optimistes et altruistes, constituant des interpellations diverses représentant l’état d’esprit de la consommatrice le portant’. Elle ajoute que les caractéristiques revendiquées ne résultent pas d’un savoir-faire, dans la mesure où il n’existe aucun impératif technique de procéder de la sorte pour un cabas, ni de détails de conception ou de contraintes fonctionnelles, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, dans la mesure où les éléments décrits combinés donnent un aspect esthétique au cabas et que les deux inscriptions, parfaitement arbitraires dans leur signification, leur police, leur positionnement, témoignent en elles-mêmes de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Elle rappelle que l’originalité peut résulter d’une combinaison spécifique de dessins, de formes, de matières, d’ornements qui peuvent être connus. Elle argue que les prétendues antériorités de cabas invoquées par l’appelante n’émanent pas des sites mentionnés dans les conclusions adverses et ne sont en tout état de cause pas datées.



La société J&M FACTORY oppose que les sacs revendiqués sont des sacs en jute fabriqués par des femmes dans une coopérative du Bangladesh, selon une technique traditionnelle (macramé), avec des n’uds simples appelés en anglais « square knots » ; que des sacs cabas en jute, provenant du commerce équitable, identiques à ceux commercialisés par Mme [K], avec ou sans inscription, sont communément proposés sur divers sites web ; que la matière ou la simple forme rectangulaire, la taille des modèles, ledit « tissage particulier » qui est un « n’ud » de macramé classique, le fait que le sac s’arrondisse à sa base, le tressage serré des anses ne sont pas des créations susceptibles de donner prise à des droits d’auteurs ; que la seule question est celle de savoir si l’inscription du mot « Bonjour » ou « Holiday » sur un sac est une « création » digne de bénéficier de la protection du droit d’auteur ; que Mme [K] reconnaît elle-même que sa « création » résulte de « l’association d’un mot à une forme et une matière peu commune (en fait un sac cabas) en jute brute tressée » ; qu’en matière d’arts appliqués, il est généralement considéré qu’il y a création originale chaque fois qu’un dessin ou modèle est l’aboutissement d’un effort créatif et est caractérisé par une forme esthétique individualisée ; que la description fournie par Mme [K] ne permet pas de démontrer l’empreinte de la personnalité de son auteur dans la combinaison revendiquée mais tout au plus la traduction d’un savoir-faire nécessaire à la fabrication de ce type d’accessoire.



Ceci étant exposé, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-14°, les créations des industries saisonnières de l’habillement et de la parure sont considérées comme oeuvres de l’esprit.



Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une ‘uvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

En l’espèce, c’est pour des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour, que les premiers juges ont estimé que les cabas « Bonjour » et « Holiday » ne présentent pas l’originalité requise pour être admissibles à la protection par le droit d’auteur, la description qui en est donnée par Mme [K], ainsi que leur confection, traduisant la mise en oeuvre d’un savoir-faire ou l’existence de contraintes fonctionnelles ou de détails de fabrication, l’inscription de mots sur les sacs, dont l’idée est préexistante à la création des cabas de Mme [K], étant, elle, banale tant dans les termes choisis (« Bonjour » et « Holiday ») pour des accessoires principalement destinés à la plage, que dans la police sélectionnée.

Il sera ajouté que la société J&M FACTORY justifie que le noeud carré ou ‘square knot’, ‘avec quatre pétales reliés les uns aux autres par un n’ud’ tel que précisément revendiqué, est ‘le plus important de tous les noeuds de base’ (extrait du site Free Macrame Patterns.com – sa pièce 3) et fournit un procès-verbal de constat d’huissier de justice en date du 15 octobre 2020 établi sur le site internet www.maisonbengal.co.uk/products/bags faisant apparaître à la date du 5 mai 2008, donc antérieure à la date de création revendiquée (2014), des cabas en jute et macramé de forme rectangulaire avec des anses (pièce 16 – annexe 8). Elle fournit également un extrait du site ‘Sardine Paillette’ montrant, avec la date du 5 juin 2008, des sacs de forme cabas ‘pour tous les jours, glamour, chic, décalés et très gais relevés d’un message paillette (…) pour la plage ou le shopping (…) issus du commerce équitable’ dont l’un porte un message inscrit ou brodé. Ces éléments montrent que les sacs cabas en jute et macramé et les cabas recouverts d’inscription étaient déjà connus à la date de création, en 2014, des deux cabas « Bonjour » et « Holiday ». La société J&M FACTORY fournit en outre de nombreuses pièces montrant des sacs cabas rectangulaires en macramé portant des mots inscrits sur au moins l’une des faces (‘sacré’, ‘sieste’, ‘plage’, ‘amour’, ‘sun day’, ‘bons baisers’…) de diverses marques (BONNES BOUILLES, TROUVA, MONOPRIX, BLUE CABANA, LE DRESSING DE MANON, MERCI LEONIE…) qui, si elles ne sont pas datées, sont néanmoins de nature à démontrer que ce type de cabas relève d’un fonds commun des accessoires de mode.





Mme [K] souligne à juste raison que l’originalité peut résulter de la combinaison particulière d’éléments connus, la notion d’antériorité étant indifférente en matière de droit d’auteur. Il appartient néanmoins à la personne qui se prévaut de cette protection de justifier de ce que l’oeuvre qu’elle revendique présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique et reflétant l’empreinte de sa personnalité. Or, en l’espèce, la combinaison revendiquée d’éléments connus – soit des cabas en jute réalisés selon la technique du macramé, exécutée avec des noeuds très répandus, et des mots inscrits sur la face des sacs dans une police banale, qui, comme relevé par le tribunal, ne traduisent pas d’originalité particulière étant appliqués à des sacs destinés aux loisirs ou à la plage – est insuffisante à traduire une démarche créatrice marquée par la personnalité d’un auteur.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Mme [K] de ses demandes au titre du droit d’auteur, faute d’originalité des sacs cabas « Bonjour » et « Holiday ».



Sur la concurrence déloyale et parasitaire



Pour demander l’infirmation du jugement en ce qu’il a reconnu l’existence d’actes de concurrence déloyale commis au préjudice de Mme [K], la société J&M FACTORY soutient que cette dernière ne justifie pas d’une activité commerciale lui permettant de prétendre avoir subi un préjudice, ne communiquant aucun document du registre du commerce et des sociétés de Grande-Bretagne justifiant de son immatriculation en qualité de commerçante et de la légalité de son activité commerciale susceptible de justifier d’un préjudice ; qu’à titre subsidiaire, aucune concurrence déloyale ne peut lui être reprochée dès lors que le sac cabas invoqué est dépourvu de tout droit privatif et appartient au fonds commun, sa reproduction même servile ne constituant pas un acte de concurrence déloyale, et que l’inscription de mots, en l’occurrence banals, sur un sac (ou un t-shirt) est une idée mise en oeuvre depuis des dizaines d’années ; qu’en outre, Mme [K] n’a pas fabriqué les sacs invoqués mais les a sélectionnés dans un salon professionnel où se trouvait également, à quelques mètres de distance, son propre stand ; que son fournisseur, la société indienne FASHION FOLIO, est parfaitement connu de Mme [K] qui ne pouvait ainsi ignorer l’existence des modèles commercialisés par cette société dans toute l’Europe, notamment au Royaume-Uni ; que les investissements invoqués par Mme [K] sont ceux de la société [K] LL dissoute en 2019 ; que Mme [K] a délibérément choisi de ‘dépayser’ le contentieux en France, où la protection par le droit d’auteur et la concurrence déloyale est moins restrictive qu’au Royaume-Uni, cherchant à obtenir un monopole indu sur le produit considéré ‘pour s’en faire un titre auprès des fabricants indiens’ ; qu’elle-même a acquis les produits finis en France, sans les importer, dans un salon international de réputation mondiale ; qu’au demeurant, il existe des différences entre les cabas (typographie, emplacement des inscriptions).



Mme [K] soutient à titre subsidiaire que les faits dénoncés constituent, à tout le moins, ainsi que le tribunal l’a retenu, des actes de concurrence déloyale, du fait du risque de confusion évident, et des actes de parasitisme ; que le risque de confusion dans l’esprit du consommateur est évident compte tenu des ressemblances flagrantes entre les sacs, les reprises dénoncées ne pouvant être attribuées au hasard, d’autant que deux modèles ont été copiés ; que les copies sont quasi serviles, les caractéristiques des sacs et les mots apposés étant les mêmes et les couleurs des sacs choisies par J&M FACTORY également (noir, beige, moutarde) ; que l’existence d’un effet de gamme a déjà été retenue par la jurisprudence comme constitutif d’une faute de concurrence déloyale ; que les cabas de Mme [K] sont ainsi dilués et perdent en attractivité compte tenu de la mauvaise qualité des reproductions de la société J&M FACTORY ; que les sacs sont en outre vendus dans le même type de boutiques ; que Mme [K] commercialise ce type de cabas depuis 2014 sans discontinuité ; que la société J&M FACTORY a tiré profit des efforts financiers, notamment des investissements publicitaires, de Mme [K] en n’exposant aucune dépense publicitaire et en vendant ses cabas à un prix bien inférieur ; que les différences mineures ne permettent pas de procurer une impression d’ensemble différente et ne peuvent donc suffire à écarter le risque de confusion ; que Mme [K] a assigné en France où les produits litigieux sont commercialisés ; que les cabas de Mme [K] ne sont nullement banals et les autres sacs opposés par J&M FACTORY très différents, tout comme les inscriptions y figurant.



Ceci étant exposé, la cour rappelle que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil, selon lequel’Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’, mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance qu’à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.



Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit ou par l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

L’appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment, le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité, la notoriété du produit copié.

Il incombe à celui qui se prétend victime d’actes de concurrence déloyale ou de parasitisme d’en rapporter la preuve et de démontrer que les éléments constitutifs de ces comportements répréhensibles sont réunis.

Mme [K], qui justifie, en fournissant un certificat délivré par l’administration fiscale britannique (ses pièces 70 et 71), de sa qualité d’entrepreneur individuel exerçant ses activités commerciales sous le nom de ‘The [K]’, peut invoquer des faits de concurrence déloyale et parasitaire à titre subsidiaire, ayant été déboutée de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur sur les sacs « Bonjour » et « Holiday », faute de démonstration de l’originalité desdits sacs.

Comme l’ont relevé les premiers juges, il est acquis que la société J&M FACTORY a offert à la vente, au sein de son établissement à l’enseigne MOGANO [Localité 6], deux sacs dont les caractéristiques principales sont similaires à celles des sacs commercialisés par Mme [K], s’agissant de sacs cabas confectionnés en jute tissée selon la méthode du macramé, présentant les mêmes volume et forme et portant dans une couleur contrastée les mêmes inscriptions « Bonjour » et « Holiday ». Les différences entre les produits opposés tiennent seulement à la moindre qualité de la matière et de la confection – ce qui se traduit, sur les sacs litigieux, par un tissage moins resserré, l’absence de soufflet et des finitions moins soignées, notamment dans le fond du sac laissant voir des fils et des noeuds – et au mode d’application des inscriptions, réalisé, sur les sacs J&M FACTORY, en lettres majuscules en feutrine grossièrement cousues sur une seule face du sac, alors que les inscriptions des sacs revendiqués sont, hormis la première lettre, en minuscules et sont tissées sur les deux faces du sac dans le même point que le reste du cabas. Ces seules différences n’empêchent cependant pas une même impression d’ensemble.







Par ailleurs, Mme [K] justifie que ses sacs réalisés en macramé recouverts d’inscriptions diverses, et qui sont commercialisés depuis 2012 (pièce 44), bénéficient d’un certain succès en produisant de nombreuses publications presse et Instagram (ses pièces 8 à 13, 16, 36 à 42), faisant notamment apparaître que ses cabas sont vendus aux Galeries Lafayette.

Dès lors, la reprise sur des sacs d’inspiration et de confection très similaires de deux mots identiques « Bonjour » et « Holiday », sans nécessité aucune, ce qui exclut que ce choix lexical soit le fruit du hasard, est de nature, malgré les quelques différences relevées, à créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen qui sera amené à croire que les sacs litigieux sont de même origine que les sacs de [X] [K] ou du moins en constituent une déclinaison. Les actes de concurrence déloyale sont ainsi caractérisés ainsi que l’a retenu le tribunal.

En outre, Mme [K] produit l’attestation de son comptable, régulière en la forme, qui indique, le 6 décembre 2019, qu’elle enregistre un chiffre d’affaires de 2 millions £ (environ 2 305 670 €), dont le tiers est réalisé en France, que les ventes totales, depuis 2014, des sacs ‘Bonjour’, ‘Holidays’ et ‘Amour’ s’élèvent à environ 500 000 £ (environ 576 000 €) générant un bénéfice brut de 200 000 £ (230 500 €) sur la base d’une marge brute d’environ 40 % et que les coûts de conception, de fabrication et de promotion des sacs de jute sont de l’ordre de 502 948 £ (579 800 €), dont 25 % concernent les trois modèles précités. L’intimée produit par ailleurs des catalogues (‘lookbooks’) qui montrent les sacs « Bonjour » et « Holiday » et confirment ses efforts d’investissement pour la promotion et la commercialisation de ces sacs. Il se déduit de ces éléments que Mme [K] a incontestablement réalisé des investissements pour la confection et la promotion des sacs « Bonjour » et « Holiday ».

De son côté, la société J&M FACTORY n’invoque aucun investissement pour la création et la promotion des deux sacs litigieux.

En commercialisant ces deux sacs similaires aux sacs de Mme [K] qui bénéficient d’une certaine notoriété, la société J&M FACTORY a tiré indûment profit de ses efforts d’investissement et de son succès, ce qui caractérise un comportement parasitaire. Le jugement sera complété en ce sens.



Quant à l’évaluation du préjudice, il résulte des pièces 32, 45 à 47 de l’intimée que les deux sacs litigieux ont été achetés en 747 exemplaires à la société indienne FASHION FOLIO au prix unitaire de 10,70 €, Mme [K] estimant la marge de la société J&M FACTORY à 10,30 € sans être contredite.

La moindre qualité des sacs litigieux entraîne une dépréciation des modèles de Mme [K].

Au regard de ces éléments, le préjudice sera réparé par l’allocation d’une somme forfaitaire de 28 000 €. Le jugement sera réformé en ce sens.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé des mesures d’interdiction et de destruction et rejeté la publication sollicitée.

La demande de publication formée par Mme [K] en appel sera également rejetée.



Sur les dépens et les frais irrépétibles



La société J&M FACTORY, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.



La somme qui doit être mise à la charge de la société J&M FACTORY au titre des frais non compris dans les dépens exposés par Mme [K] peut être équitablement fixée à 5 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.


Dispositif

PAR CES MOTIFS,



LA COUR,



Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société J&M FACTORY à verser à [X] [K] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la société J&M FACTORY s’est rendue coupable d’actes de parasitisme au préjudice de [X] [K] en important et en commercialisant des sacs reprenant les caractéristiques des sacs THE [K] portant les inscriptions « Bonjour » et « Holiday»,

Condamne la société J&M FACTORY à verser à Mme [X] [K] la somme de 28 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

Rejette la demande de Mme [K] de publication du présent arrêt,

Condamne la société J&M FACTORY aux dépens d’appel et au paiement à Mme [K] de la somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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