Copie servile de boucles d’oreilles : les conditions du parasitisme
Copie servile de boucles d’oreilles : les conditions du parasitisme

En présence d’une copie servile de modèle non déposé de boucle d’oreilles, l’action en parasitisme est une option à envisager.  L’action en parasitisme diffère également, par l’application de critères distincts, de l’action en concurrence déloyale reposant elle aussi sur l’article 1240 du code civil. La concurrence déloyale suppose un risque de confusion mais pas  la captation parasitaire qui elle suppose, par exemple, la preuve d’une captation indue de savoir-faire attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

En l’espèce, une société a reproché aux sociétés H&M d’avoir proposé à la vente en boutique et sur internet deux boucles d’oreilles référencées 0478703001 OR et 0478703002 NOIR, qui seraient la copie servile ou quasi-servile de leurs boucles d’oreilles ‘earcuff’ à quatre anneaux en or jaune ou en or noir et faisant partie de sa collection dénommée ‘Berbère’ contenant de nombreux bijoux parmi lesquels des modèles de boucles d’oreilles ‘earcuff’.

La juridiction a rappelé qu’il n’y a pas de faute à la seule fabrication ou commercialisation d’un produit identique à celui d’une société concurrente sauf à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle avec des modèles concurrents mis sur le marché antérieurement, ce qui constituerait une concurrence déloyale, qui n’était pas ici allégué.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis : il s’agit d’une faute intentionnelle.

Il incombe à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement illicite sont réunis. Le demandeur devait établir que les deux modèles de boucles d’oreilles qu’il reprochait aux sociétés H&M d’avoir copiés représentaient une valeur économique individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Or, il n’était apporté au débat aucune preuve d’investissements consacrés spécifiquement à ce modèle de boucles d’oreilles, ni même à la collection Berbère lancée en 2011 et l’attestation du commissaire au compte de la société concernait le montant total de 3.963.470,06 euros pour toutes les dépenses publicitaires de la société entre 2013 et 2016, sans que l’on puisse en attribuer aux deux modèles prétendument copiés.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 02 Juillet 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 19/05758 –��n° Portalis 35L7-V-B7D-B7Q3W

Décisions déférées à la Cour : 1/ jugement du 22 octobre 2018 – Tribunal de commerce de PARIS – 15e chambre – RG n°2017068381 – 2/ jugement du 11 février 2019 – Tribunal de commerce de PARIS – 15e chambre – RG n° 2017068381

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES

S.A.R.L. H&M X & F, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 398 979 310

Société H&M X & F A, société de droit suédois, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […]

[…]

SUÈDE

Représentées par Me Axel MUNIER de la SAS BARDEHLE – PAGENBERG SPE, avocat au barreau de PARIS, toque P 390

INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES

Mme B Z

Née le […] à […]

De nationalité italienne

Exerçant la profession de créatrice de bijoux

Demeurant […]

S.A.S. Z, venant aux droits des sociétés Z DIFFUSION S.A.M et OR DE VENDÔME – agissant en la personne de sa présidente, la S.A. ACTAR INTERNATIONAL, prise elle-même en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social – ayant son siège social situé

282, boulevard Saint-Germain

[…]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 814 261 475

Représentées par Me Christophe CARON de l’AARPI CABINET CHRISTOPHE CARON, avocat au barreau de PARIS, toque C 500

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 avril 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence LEHMANN, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Laurence LEHMANN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Brigitte CHOKRON, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Brigitte CHOKRON, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu les jugements contradictoires rendus les 22 octobre 2018 et 11 février 2019 par le tribunal de commerce de Paris,

Vu l’appel de ces deux jugements interjeté par déclaration du 14 mars 2019 par la société H&M X & F et la société H&M X & F A (ensemble les sociétés H&M),

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 4 mars 2020 par les sociétés H&M, appelantes à titre principal et incidemment intimée,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 22 mars 2021 par la société Z venant aux droits de la société monégasque Z Diffusion S.A.M et de la société française Or de Vendôme, et par Mme B Z, intimées à titre principal et incidemment appelantes,

Vu l’ordonnance de clôture du 25 mars 2021.

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Z, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris, sous le numéro 814 261 475, dont le siège social se […], a repris, par voie de transmission universelle de patrimoine d’une part la société anonyme monégasque Z Diffusion S.A.M et d’autre part la société Z, anciennement dénommée Or de Vendôme, société à responsabilité limitée à associé unique immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris, sous le numéro 324 613 371, dont le siège social se […].

Mme B Z, directrice artistique, indique être créatrice de bijoux et être connue pour son style «art déco»’, «avant-gardiste» et «architectural».

La société française H&M X & F (H&M SARL) a pour activité la distribution de produits du groupe H&M en France.

La société suédoise H&M X & F A (H&M A) est la holding du groupe. La société H&M SARL est l’une de ses filiales.

La société Or de Vendôme estimant que la société H&M commercialisait, en boutiques et sur internet, des boucles d’oreilles copiant quasi servilement son modèle iconique «earcuff» de la collection Berbère a fait procéder par huissier de justice le 24 février 2017 à un constat d’achat dans une boutique H&M située sur les champs Elysées à Paris et le 27 février 2017 à un constat sur internet.

Le 2 mars 2017, la société Or de Vendôme, la société Z diffusion SAM et Mme Z ont fait adresser par leur avocat un courrier de mise en demeure à la société H&M SARL se prévalant de droits d’auteur et de trois dépôts de dessin et modèle relatifs aux boucles d’oreilles Earcuff de la collection Berbère. Après une première réponse du conseil de la société H&M SARL en date du 17 mars 2017, le conseil de la société Z et de Mme Z réitérait son intention d’engager une action judiciaire sur le fondement tant du droit d’auteur que du droit des dessins et modèles communautaires.

Puis, la société Z et Mme Z ont fait assigner la société H&M SARL et la société H&M A devant le tribunal de commerce de Paris pour des actes qualifiés de parasitisme.

La société H&M SARL a été assignée suivant acte délivré par huissier de justice le 28 septembre 2017.

S’agissant de l’assignation de la société H&M A, la cour n’est pas mise en mesure de vérifier la date de la délivrance de celle-ci mais il ressort des éléments versés au débat que la société H&M A avait indiqué au juge chargé d’instruire l’affaire devant le tribunal de commerce qu’elle avait eu connaissance de l’assignation par sa société filiale française mais ne l’avait pas reçue directement en Suède. Elle a ensuite confirmé avoir reçu une copie de l’assignation et de sa traduction le 23 février 2018.

Par conclusions d’incident régularisées le 14 septembre 2018, la société Z Diffusion S.A.M a saisi le juge chargé d’instruire l’affaire aux fins qu’il juge que la société H&M A a été régulièrement assignée et qu’il juge que cette société ‘instrumentalise la procédure judiciaire’ et la condamne en conséquence à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de la responsabilité civile.

Par le jugement rendu le 22 octobre 2018 déféré, le tribunal de commerce après avoir déclaré régulière la procédure suivie à l’encontre de la société H&M A a notamment :

— condamné in solidum les sociétés H&M à payer à Mme Z et aux sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion S.A.M la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamné in solidum les sociétés H&M à payer à Mme Z et aux sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion S.A.M la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— réservé les dépens.

Les sociétés H&M demandent à la cour d’infirmer les deux condamnations ainsi prononcées comme n’étant pas fondées.

La motivation du jugement entrepris pour condamner sur le fondement de l’abus de procédure consiste à considérer que ‘le comportement des défenderesses a eu pour effet de retarder la procédure alors même qu’il est patent que l’assignation a valablement été délivrée à la société et que les faits reprochés se sont poursuivis’.

Pour autant, la cour constate que la saisine du juge chargé d’instruire l’affaire pour dire valide la délivrance de l’assignation à la société H&M A a été le fait des intimées alors même que les conclusions en réponse à l’incident de la société H&M A ne contestaient pas ce point mais demandaient que la date du placement de cette assignation soit vérifiée.

Le tribunal n’a pas ainsi justifié à suffisance de la décision de condamner les société H&M à une procédure abusive étant d’ailleurs observé qu’aucune demande n’était d’ailleurs formulée à l’encontre de la société H&M SARL pourtant condamnée.

Les reproches procéduraux formulés par les intimées dans leurs écritures ne permettent pas à la cour de confirmer la décision entreprise dès lors qu’il n’est pas justifié que la défense à l’incident initié par la société H&M A a été effectuée de mauvaise foi ou serait le fait d’une erreur grossière équipollente à un dol.

La condamnation des deux sociétés H&M, prononcée in solidum, sur le fondement de l’article 700 n’apparaît pas plus justifiée au regard de l’équité, alors même que le jugement a pris soin de ne pas prononcer de condamnation au titre des dépens et de les réserver.

Le jugement du 22 octobre 2018 sera infirmé de ces chefs et les intimées déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 1240 du code civil et 700 du code de procédure civile.

Le jugement rendu le 11 février 2019, également déféré, a :

— jugé recevables à agir les sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion SAM et Mme Z,

— ordonné l’interdiction de commercialiser à l’avenir et d’effectuer la publicité sur tout support et par quelque moyen que ce soit du modèle dit «earcuff » sous astreinte de 20 euros par infraction constatée, et ce, à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement,

— débouté les sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion SAM et Mme Z de leur demande en rappel et destruction des stocks litigieux,

— condamné la société H&M SARL à payer aux sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion SAM la somme de 59.454 euros en réparation de leur préjudice matériel,

— condamné la société H&M SARL à payer à la société Z Diffusion SAM la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice moral,

— débouté la société H&M SARL de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

— ordonné la publication de l’intégralité du dispositif du jugement sur la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse https://www2;hm.com/fr fr/index.html,

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

— débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires

— condamné la société H&M SARL à payer ensemble aux sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion SAM et Mme Z, la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les sociétés H&M demandent l’infirmation de ce jugement sauf en ce qu’il n’a pas fait droit à l’exception d’incompétence qu’elles avaient soulevée au profit du tribunal de grande instance, mis hors de cause la société H&M A, n’a pas fait droit à la demande de rappel et destruction des stocks ni au surplus des demandes formées à l’encontre de la société H&M SARL.

Les intimées sollicitent à titre incident l’infirmation du jugement en sa mise hors de cause de la société H&M A et en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de rappel et de destruction des stocks et sa confirmation en toutes ses autres dispositions.

Sur l’intérêt à agir en concurrence parasitaire des intimées

L’action intentée devant le tribunal de commerce par les sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion SAM et Mme Z est une action en concurrence parasitaire fondée sur l’article 1240 du code civil qui diffère d’une action en contrefaçon d’un droit de propriété intellectuelle. Les intimées ne se prévalent pas, dans la cadre de la présente procédure, d’une quelconque protection au titre des dessins et modèles enregistrés ou du droit d’auteur dont elles s’étaient pourtant prévalues lors des courriers de mises en demeure adressés préalablement à l’introduction de l’instance.

L’action en parasitisme diffère également, par l’application de critères distincts, de l’action en concurrence déloyale non soutenue ici, reposant elle aussi sur l’article 1240 du code civil.

Les intimées reprochent aux sociétés H&M, appelantes, d’avoir proposé à la vente en boutique et sur internet deux boucles d’oreilles référencées 0478703001 OR et 0478703002 NOIR, qui seraient la copie servile ou quasi-servile de leurs boucles d’oreilles ‘earcuff’ à quatre anneaux en or jaune ou en or noir et faisant partie de sa collection dénommée ‘Berbère’ contenant de nombreux bijoux parmi lesquels des modèles de boucles d’oreilles ‘earcuff’.

Elles ne fondent pas leur action sur un risque de confusion qui pourrait être constitutif de concurrence déloyale mais sur l’existence d’une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l’exercice paisible et loyal du commerce.

Les sociétés H&M rappellent à juste titre qu’il appartient à chacune des parties en demande sur l’action en parasitisme de justifier de leur intérêt à agir au sens de l’article 9 du code de procédure civile. Elles contestent la recevabilité à agir des trois demanderesses à la procédure de première instance.

Or, il est établi au vu des pièces de la procédure que la société monégasque Z diffusion SAM avait pour objet social la création d’une ligne de produits de luxe de la marque Z ou de marques dérivées, ainsi que la production, la vente, la licence et la distribution de ces produits et que les boucles d’oreilles des collections ‘Berbère’ sont exposées à la vente sur le site internet ‘www.Z.com’ exploité par la société Z diffusion qui assure en outre la promotion des produits Z. Il s’ensuit que la société Z diffusion est recevable à agir en parasitisme dès lors que sont en cause des produits qu’elle fabrique et qu’elle commercialise.

Quant à la société Or de Vendôme, il ressort de l’extrait K-bis la concernant qu’elle a son siège social au 6, place Vendôme à Paris et qu’elle exploite la boutique à l’enseigne ‘Z’ établie en ce lieu outre qu’elle assure la distribution des produits Z en France dans les magasins et points de vente de détail à l’enseigne ‘Z’. Elle est recevable en sa qualité de distributeur à invoquer une perte d’exploitation et un trouble commercial en conséquence des actes de parasitisme reprochés aux sociétés H&M.

Ces éléments suffisent à justifier de l’intérêt à agir de ces deux sociétés en parasitisme et le jugement entrepris doit être confirmé de ce chef.

La société Z, partie à la procédure d’appel, qui vient aux droits des sociétés Z Diffusion S.A.M et d’autre part la société Z, anciennement dénommée Or de Vendôme est en conséquence des motifs qui précèdent, recevable à agir.

Mme Z qui se présente comme la directrice artistique de la ‘maison Z’ depuis 2007 indique que, depuis lors, son nom est systématiquement associé à la présentation des bijoux Z pour lesquels elle aurait fourni un travail créatif et technique pour parvenir à un résultat créatif et technique et qu’elle subirait du fait du pillage et de la banalisation des créations de la maison Z un préjudice moral personnel.

Pour autant, Mme Z qui ne revendique pas être l’auteur des bijoux prétendument copiés, ni que son nom ait particulièrement été attaché à ceux-ci mais seulement de sa qualité d’héritière de la famille Z à l’origine de la prospérité du groupe et de sa qualité de directrice artistique à la tête de plusieurs créateurs depuis 2007 ne justifie pas à suffisance de son intérêt à agir. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la mise hors de cause de la société H&M A

Le jugement du 11 février 2019 a retenu que la preuve n’était pas rapportée de l’implication de la société H&M A dans la commercialisation des produits incriminés.

Or les intimées produisent l’étiquette de produits litigieux qui mentionne la société H&M dont le siège social est situé en Suède à l’adresse du siège social de la société H&M A et renvoi au site internet hm.com.

Il est par ailleurs justifié que c’est bien la société H&M A qui exploite ce site internet et démontré par constat établi par huissier de justice le 27 février 2017 que ce site accessible en France proposait les bijoux litigieux.

Pour la première fois par des conclusions notifiées le 25 février 2021 devant la cour de céans, les appelants font valoir qu’en réalité seule une autre société suédoise, non présente à la procédure, la société H&M D A, serait décisionnaire et liée aux faits poursuivis alors que la société H&M A n’aurait aucun rôle. Elle fait observer à ce sujet que dans une précédente procédure ayant opposé la société APM Monaco et les sociétés H&M SARL et H&M D A, cette dernière avait été reconnue être le fournisseur des objets querellés. Or le fait qu’une autre société H&M D A existe et aurait eu dans une autre procédure un rôle de fournisseur n’exonère pas la société H&M A de ses responsabilités liées à la mise sur le marché et à la promotion des articles litigieux.

Les appelantes indiquent également que les éléments de preuve apportés relatifs à la propriété du site internet seraient postérieurs aux faits poursuivis.

Pour autant l’étiquette produite et les procès-verbaux de constat sont bien antérieurs à l’acte introductif d’instance et les appelantes n’apportent aux débats aucun élément permettant d’arguer un éventuel changement d’éditeur du site incriminé depuis les faits constatés.

Dès lors, le jugement qui a mis hors de cause la société H&M A sera infirmé de ce chef.

Sur les actes parasitaires reprochés

La cour rappelle qu’il n’y a pas de faute à la seule fabrication ou commercialisation d’un produit identique à celui d’une société concurrente sauf à créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle avec des modèles concurrents mis sur le marché antérieurement, ce qui constituerait une concurrence déloyale, qui n’est pas ici allégué par la société Z.

Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis : il s’agit d’une faute intentionnelle.

Il incombe à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement illicite sont réunis. La société Z doit en conséquence établir que les deux modèles de boucles d’oreilles qu’elles reprochent aux sociétés H&M d’avoir copiés représentent une valeur économique individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

Il ressort des éléments versés au débat par les parties que les boucles d’oreilles ‘earcuff’ ont connu un fort développement à compter des années 2000 et notamment dans les années 2010. De nombreux créateurs et bijoutiers ont créé et commercialisé de telles boucles d’oreilles.

La société Z a elle-même commercialisé différents modèles de boucles d’oreilles ‘earcuff’ entre 2011 et 2017.

Elle confirme ne revendiquer aucun droit sur les boucles d’oreilles ‘earcuff’ mais soutient que la copie de deux de ses modèles intégrés dans sa collection ‘Berbère’ créée en 2011 serait constitutive de parasitisme.

Elle identifie notamment ses modèles par un document (pièce 1.2) qui montre des boucles d’oreilles ‘earring Berbère ‘whith 4 rings’- big size rings présentées en 5 finitions dont une en or jaune et une en noir dont il est dit qu’elle pèse 7,20 g et coûte 1.450 euros. Ce document porte certification par notaire de la signature par M. E Z, en date du 8 novembre 2011.

Les photographies de stars portant des boucles d’oreilles Earcuff de Z ne concernent pas nécessairement le modèle litigieux et leur date n’est pas certaine.

Enfin, il n’est apporté au débat aucune preuve d’investissements consacrés spécifiquement à ce modèle de boucles d’oreilles, ni même à la collection Berbère lancée en 2011 et l’attestation du commissaire au compte de la société Z Diffusion S.A.M (pièce 10) concerne le montant total de 3.963.470,06 euros pour toutes les dépenses publicitaires de la société entre 2013 et 2016, sans que l’on puisse en attribuer aux deux modèles prétendument copiés.

Ainsi, la société Z qui ne conteste pas que sa collection ‘Berbère’ est constituée de très

nombreux bijoux, ne justifie pas en quoi les deux bijoux de quatre anneaux en or jaune ou en or noir seraient particulièrement iconiques et représenteraient une valeur économique individualisée qui aurait été parasitée par les sociétés H&M auxquelles il n’est pas reproché d’autres actes fautifs que la seule copie quasi-servile.

En conséquence, la société Z ne pourra qu’être déboutée de ses demandes fondées sur la concurrence parasitaire et le jugement entrepris infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Les sociétés H&M forment à l’encontre des intimées une demande incidente sur le fondement de l’abus de procédure.

Pour autant, l’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur équipollente au dol et le seul fait d’avoir dans leurs écritures affirmé que le comportement procédurier des sociétés H&M aurait eu pour objet de retarder la procédure et de permettre la poursuite d’actes parasites ne peut suffire à constituer l’abus ou la faute quasi délictuelle de l’article 1240 du code civil.

Les sociétés H&M seront déboutées de leurs demandes à ce titre.

Le sens de l’arrêt conduit à condamner les intimées aux entiers dépens de première instance et d’appel et au vu de l’équité de les condamner in solidum au paiement d’une somme de 20.000 euros à chacune des sociétés appelantes, soit la somme de 40.000 euros au total, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 28 octobre 2018 en toutes ses dispositions dans les limites de l’appel interjeté,

* Y substituant,

Déboute la société Z venant aux droits des sociétés Z Diffusion S.A.M et Or de Vendôme et Mme B Z de leurs demandes fondées sur la procédure abusive et l’article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 février 2019 sauf en ce qu’il a déclaré recevable à agir les sociétés Or de Vendôme et Z Diffusion SAM, et débouté la société H&M X & F de sa demande pour procédure abusive,

* Y substituant,

Déclare irrecevable l’action formée par Mme B Z à l’encontre des sociétés H&M X & F et H&M X & F A,

Déclare recevable l’action en parasitisme formée par la société Z venant aux droits des sociétés Z Diffusion S.A.M et Or de Vendôme à l’encontre des sociétés H&M X & F et H&M X & F A, mais la déclare mal fondée et rejette les demandes présentées de ce chef,

Déboute les sociétés H&M X & F et H&M X & F A de leurs demandes pour procédure abusive,

Rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,

* Et, ajoutant,

Condamne in solidum la société Z et Mme B Z à verser à chacune des sociétés H&M X & F et H&M X & F A une somme de 20.000 euros, soit 40.000 euros au total, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Z et Mme B Z aux entiers dépens de première instance et d’appel, et dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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