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L’URSSAF (confirmé en appel) est en droit de requalifier en contrat de travail la convention d’exercice libéral conclue entre une Clinique et des professionnels de santé en présence d’un lien de subordination envers l’établissement de santé, ce qui justifie leur assujettissement au régime général de la sécurité sociale, et le redressement subséquent.
L’article L.311-2 du code de la sécurité sociale dispose que sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d’une pension, toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, de l’un ou l’autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.
L’affiliation au régime général qui emporte pour l’employeur l’obligation de régler les cotisations correspondantes doit être retenue en présence d’un contrat de travail quelle que soit sa forme, d’une rémunération et d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres ou des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements à son exécution.
A cet égard, le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée.
Pour déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination, les juridictions du fond retiennent la méthode du faisceau d’indices relatifs à l’activité en cause. Il appartient en effet au juge de rechercher parmi les éléments du litige ceux qui caractérisent un lien de subordination.
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements. Il est ainsi jugé que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.
C’est à celui qui se prévaut de l’existence d’un contrat de travail d’en rapporter la preuve.
L’indépendance par nature de la profession médicale conduit normalement à ce que les médecins, médecins remplaçants, chirurgiens-dentistes, anesthésistes relèvent de la protection sociale des non-salariés, au titre de l’exercice d’une profession libérale. Cette indépendance n’exclut toutefois pas qu’ils puissent être affiliés au régime général s’ils sont salariés ou s’ils travaillent à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quelque soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat (Cass. Soc., 14 mars 1996, n 94-13.710)
En l’espèce, l’agent chargé du contrôle a relevé que plusieurs professionnels de santé ont exercé leur activité au sein de la Clinique dans le cadre d’une convention d’exercice libéral, et que les rémunérations qui leur ont été versées ont été relevées en comptabilité dans les comptes d’honoraires ; que les conditions d’exercice de l’activité de ces praticiens au sein de la Clinique révèlent cependant l’existence d’un lien de subordination envers l’établissement de santé, justifiant leur assujettissement au régime général de la sécurité sociale, et le redressement subséquent.
Au contraire, la Clinique réfute tout lien de subordination entre elle et les praticiens considérés, affirmant que ces-derniers exercent leur activité au sein de l’établissement de santé en toute indépendance, dans le respect de leur statut de professionnel libéral, sans qu’elle n’ait aucun pouvoir de direction ou de sanction à leur encontre.
A cet égard, il convient de rappeler qu’il est constant que les rémunérations versées aux professionnels de santé ne doivent pas être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales lorsque la liberté de choix est assurée tant aux patients qu’aux praticiens, que les praticiens assument les risques de leur activité, et que le praticien n’est astreint à aucun horaire ni aucune présence, l’établissement de santé n’ayant qu’un rôle d’intermédiaire dans la perception et le reversement des honoraires.
En l’espèce, ainsi que l’a justement relevé le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, l’analyse des pièces produites aux débats laisse apparaître que les conditions d’exercice des médecins d’une part, et des auxiliaires médicaux d’autre part, ne sont pas identiques, de sorte qu’il convient de distinguer leurs situations respectives.
Aux termes de la lettre d’observations du 27 septembre 2019 (pages 53 et 54), la seule auxiliaire médicale dont la rémunération a été réintégrée à l’assiette de cotisations est Mme [E], psychologue, s’agissant des rémunérations perçues au titre de l’année 2016.
Il résulte de la convention d’exercice libéral conclue entre elle et la [10] que :
– la psychologue exerce son activité dans les locaux et avec le matériel de la Clinique,
– la psychologue est astreinte à des temps de présence et horaires prédéterminés (tous les matins de la semaine à hauteur de 3 heures), et s’engage à se faire remplacer en cas d’absence,
– la somme versée par la Clinique à la psychologue est fixée à l’heure (45 euros par heure),
– la psychologue s’engage à assurer la continuité des soins aux malades déjà hospitalisés, relevant de sa discipline, et permettre l’accueil de nouveaux patients, de sorte qu’aucune liberté de choix n’est assurée ni au praticien ni aux patients concernés,
– en plus des comptes rendus et formalités obligatoires auxquels la psychologue est tenue en raison de ses relations avec les autorités de tutelle et les caisses d’assurance maladie, la praticienne s’engage à communiquer mensuellement à la direction des soins un relevé d’activité indiquant le nombre de patients pris en charge et la participation aux diverses instances de l’établissement,
– le contrat pourra être rompu sans préavis par la Clinique en cas de faute professionnelle du praticien ou série d’incidents préjudiciables aux malades et à la bonne réputation de la Clinique.
C’est à juste titre que le Pôle social du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre a retenu que si pris isolément, aucun de ces éléments ne peut à lui seul caractériser un lien de subordination entre la Clinique et la psychologue, il convient de considérer que l’ensemble de ces éléments, pris dans leur ensemble, sont suffisants à caractériser un tel lien de subordination, justifiant l’assujettissement de la professionnelle au régime général de la sécurité sociale, et le redressement subséquent.
La CGSS de la Guadeloupe a réintégré à l’assiette de cotisations les rémunérations versées en 2016, 2017 et 2018 aux docteurs [O], [I], et [B] (pages 53 et 54 de la lettre d’observations du 27 septembre 2019).
A la différence des auxiliaires médicaux, les conventions d’exercice libéral conclues par les médecins concernés ne sont pas produites aux débats, de sorte que la juridiction ne peut se baser que sur les constatations des agents chargés du contrôle afin de déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination entre la Clinique et les professionnels concernés.
A cet égard, à la lecture de la lettre d’observations du 27 septembre 2019, il apparaît que contrairement aux auxiliaires médicaux, les conventions d’exercice libéral conclues par les médecins ne leur imposent aucune contrainte de présence ou d’horaire au sein de l’établissement.
A la différence des auxiliaires médicaux, il est en outre prévu que les médecins ne sont pas payés à l’heure, mais à l’acte, le praticien s’engageant à respecter les tarifs en vigueur pour le secteur dans lequel il intervient, étant précisé que la facturation des honoraires libéraux du praticien est effectuée au nom et pour le compte du médecin par le secrétariat administratif de la Clinique.
La caisse n’a d’ailleurs pas relevé de régularité ou de fixité dans le montant des honoraires versés aux docteurs [I] et [B] en 2017 et 2018, ce qui corrobore l’absence de contraintes imposées par l’établissement de santé quant aux conditions d’exercice de leur activité.
Dans ces conditions, au vu de l’indépendance laissée aux médecins dans le cadre de l’exercice de leur activité au sein de la Clinique, il convient de considérer que la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe ne rapporte pas la preuve suffisante du lien de subordination liant l’établissement de santé aux docteurs [I] et [B].
En revanche, il doit être relevé que le docteur [O], contrairement aux patriciens précités, a bénéficié d’une rémunération fixe au cours des années 2016 à 2018, à hauteur de 1.346,83 euros chaque mois.
Il convient d’en déduire qu’elle a nécessairement exercé son activité au sein de la Clinique des [6] suivant des horaires et une rémunération fixes, et non pas de manière indépendante suivant une facturation à l’acte ; qu’ajouté à ces considérations que le médecin n’avait pas le choix de sa clientèle et qu’elle devait rendre compte de son activité à la direction, il y a lieu de considérer que le lien de subordination envers la Clinique est au contraire suffisamment démontré la concernant.
Le lien de subordination envers la Clinique des [6] étant suffisamment démontré s’agissant de Mme [E] et du docteur [O], c’est à bon droit que la CGSS de la Guadeloupe a réintégré les rémunérations qui leur ont été versées par la Clinique en 2016, 2017 et 2018.