Convention de rupture conventionnelle : 9 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03214

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Convention de rupture conventionnelle : 9 juin 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/03214

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 09 JUIN 2022

N° 2022/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/03214 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BD263

SAS RG TRANSPORTS

C/

[F] [N]

Copie exécutoire délivrée

le :

09 JUIN 2022

à :

Me Hervé GERBI, avocat au barreau de NICE

Me Sébastien BADIE, avocat au barreau D’AIX-EN-

PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de NICE en date du 24 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00537.

APPELANTE

SAS RG TRANSPORTS, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Hervé GERBI, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur [F] [N], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

et par Me Claire PEROUX, avocat au barreau de NICE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre

Madame Frédérique BEAUSSART, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2022

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] (le salarié) a été engagé en qualité de conducteur poids-lourd par la société Paris-Sud transports selon contrat à durée déterminée du 25 août 2014 à échéance au 26 septembre 2014.

Un nouveau contrat à durée déterminée a été conclu pour la période du 18 novembre 2014 au 31 décembre 2014. Un contrat à durée indéterminée a été conclu à compter du 1er janvier 2015 pour un emploi de chaufeur véhicule léger de 35 heures par semaine.

Le contrat de travail été transféré à une nouvelle entreprise, la société RG Transports (la société).

Le 13 octobre 2015, le salarié a fait l’objet d’une décision administrative de suspension de son permis de conduire pour une durée de 6 mois à compter de la date du retrait du titre, intervenue le 10 octobre 2015.

Les parties sont convenues d’une rupture conventionnelle du contrat de travail qui a fait l’objet d’un refus d’homologation par le directeur du travail et de l’emploi.

Le salarié a ensuite dénoncé une nouvelle convention de rupture conventionnelle du 24 février 2016.

Par courrier du 16 novembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à éventuel licenciement fixé le 24 novembre 2016.

Le salarié ne s’est pas présenté à l’entretien préalable.

Le 29 novembre 2016, le salarié a été licencié pour motif personnel.

Par requête déposée au greffe le 8 juin 2017, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Nice aux fins de voir déclarer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société RG Transports à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés afférents, un rappel de salaire pour la période de janvier 2016 à janvier 2017 inclus et les congés payés afférents, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts outre l’exécution provisoire et la remise sous astreinte des documents de fin de contrat et bulletins de paye de janvier 2016 à janvier 2017.

La société RG Transports a été convoquée devant le bureau de conciliation et d’orientation selon lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2017.

La société s’est alors opposée aux demandes du salarié et a sollicité à titre reconventionnel des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail outre une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon jugement de départage du 24 janvier 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a :

dit que le licenciement du 29 novembre 2016 est sans cause réelle et sérieuse,

condamné la société RG Transports à payer à M. [N] les sommes suivantes :

12’660,78 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4221,46 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 422,15 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférentes,

14’681,70 euros a de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2016 outre 1468,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférentes,

dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,

condamné la société RG Transports à rembourser les indemnités chômage servies à M. [N] dans la limite de 6 mois à compter du licenciement,

ordonné la remise par la société RG Transports des documents sociaux et en conséquence de la présente décision, reçu pour solde de tout compte, bulletins de salaire de janvier à novembre 2016, attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois suivant la notification de la présente décision,

rappelé qu’en application des articles R. 1454 ‘ 28 et R. 1454 ‘ 14 du code du travail, le jugement et de plein droit exécutoire par provision dans la limite de 9 mois de salaire en ce qu’il porte condamnation au paiement de salaires ou accessoires de salaire, indemnité de congés payés, préavis ou licenciement, l’indemnité spéciale de licenciement en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle, indemnité de fin de contrat de mission prévue aux articles L. 1243 ‘ 8 et L. 1251 ‘ 32 du code du travail,

indiqué pour l’application des dispositions sus rappelées que la moyenne des 3 derniers mois de salaire s’établit à 1468,17 euros,

condamné la société RG Transports à payer à M. [N] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné la société RG Transports aux dépens de l’instance.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 22 février 2019, la société RG Transports a régulièrement interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 31 janvier 2019 en ce qu’il a dit que le licenciement du 29 novembre 2016 et sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [N] les sommes de 12’660,78 euros à titre d’indemnité licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4221,46 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 422,15 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, 14’681,70 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2016, 1468,17 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaire, en ce qu’il a dit que les sommes ainsi allouées porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement, en ce qu’il l’a condamnée à rembourser les indemnités chômage servies à M. [N] dans la limite de 6 mois à compter du licenciement, en ce qu’il lui a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés en conséquence de la décision, reçu pour solde de tout compte, bulletins de salaire de janvier à novembre 2016, attestation pôle emploi, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois suivant la notification de la présente décision, en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [N] la somme de 1000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, en précisant : sous toutes réserves et notamment de toutes exceptions de procédure, aux fins d’infirmer ou à tout le moins de réformer le jugement déféré.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 25 octobre 2019, la société RG Transports demande à la cour à la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

à titre principal,

dire que M. [N] ne peut se prévaloir des stipulations conventionnelles de l’accord du 13 novembre 1992 attaché à la convention collective nationale des transports routiers,

dire que le licenciement de M. [N] repose sur une cause réelle et sérieuse,

débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

ramener à de plus justes proportions l’indemnisation du salarié,

reconventionnellement et en tout état de cause,

condamner M. [N] à lui verser la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de loyauté et d’exécution de bonne foi du contrat de travail,

débouter M. [N] de sa demande de rappel de salaire durant la période de contrats de travail idéalement la limiter à ses demandes initiales,

condamner ce dernier à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 8 août 20 19, le salarié faisant appel incident demande à la cour de :

confirmer dans toutes ses dispositions le jugement de départage rendu par le conseil de prud’hommes de Nice le 24 janvier 2019, sauf en ce qui concerne le rappel de salaire,

en conséquence,

condamner la société RG Transports à lui payer les sommes suivantes :

12’260,78 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4221,46 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 422,15 euros à titre de congés payés y afférents,

ordonner la délivrance des bulletins de salaire et documents sociaux rectifiés sous astreintes de 50 euros par jour de retard,

statuant à nouveau,

condamner la société RG Transports à lui payer une somme de 16’149,87 euros à titre de rappel de salaire sur la période du mois de janvier 2016 au mois de novembre 2016 inclus outre la somme de 1614,98 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférent,

condamner la société RG Transports à lui payer une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, ceux d’appel étant distraits au profit de la SCP Badie ‘ Simon ‘ Thibaut & Juston, avocat associé, au titre de l’article 699 du code de procédure civile sur sa due du affirmation de droit,

assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine.

La clôture des débats a été ordonnée le 2 novembre 2021. L’affaire initialement audiencée le 15 novembre 2021 a été reportée et évoquée à l’audience du 21 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La société fait grief aux premiers juges de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse alors qu’aucune obligation au titre du reclassement conventionnel ne pesait sur elle à défaut pour le salarié de l’avoir informée immédiatement de la mesure, soit le premier jour de travail suivant celui où la mesure lui a été notifiée et que dans ces conditions le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

Elle soutient ainsi que :

– le salarié ne l’a avertie qu’en janvier 2016 de la perte de son permis de conduire qu’elle devinait être une suspension, en refusant de lui donner de plus amples précisions sur la durée et les causes de celle-ci, et contestant toute information orale de cette suspension en octobre 2015, ce dernier ne rapportant pas la preuve de ces allégations ;

-les pourparlers relatifs aux procédures de rupture conventionnelle ne signifient pas que le salarié l’avait effectivement prévenue de la mesure de suspension et le conseil de prud’hommes ne pouvait pas déduire de la convocation à un entretien préalable à rupture conventionnelle l’effectivité de cette information dans les conditions requises par la convention collective nationale.

Le salarié qui conclut à la confirmation en ce que le jugement a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, soutient que :

– il est en droit de bénéficier de la protection conventionnelle contre la rupture automatique du contrat de travail dès lors qu’il a immédiatement avisé son employeur de la décision préfectorale du 15 octobre 2015 de suspension de son permis de conduire pour une durée de six mois et que c’est dans ces circonstances que son employeur l’a incité à régulariser une rupture conventionnelle et qu’il a été convoqué par courrier du 28 octobre 2015 à un entretien en vue d’envisager cette mesure, pour ensuite se rétracter en février 2016, dès lors que son employeur avait suspendu le paiement des salaires à compter du mois de janvier en le mettant en absence injustifiée ;

– aucune information écrite n’est requise et les arguments soulevés par la société ne reposent sur aucun élément tangible ; les éléments avancés par l’employeur sont contradictoires ; il a continué à être payé d’octobre à décembre 2015 alors même qu’il n’a pas travaillé et l’employeur n’apporte aucune pièce pour justifier d’un quelconque travail ;

– l’absence de respect par l’employeur de ses obligations conventionnelles de reclassement, s’agissant d’une garantie de fond, rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– au jour du licenciement le 29 novembre 2016, il était de nouveau en possession d’un permis de conduire valide, de sorte que le motif du licenciement exclusivement fondé sur la suspension de celui-ci n’existait plus et ne pouvait venir le fonder.

Aux termes de la lettre de licenciement du 29 novembre 2016 qui fixe les limites du litige il est reproché à M. [N] les faits suivants :

‘(‘) Les motifs de votre congédiement sont les suivants : (…)

Bien que nous n’ayons jamais été confrontés avec vous à la moindre difficulté, il s’avère que depuis le mois de janvier 2016 vous n’êtes plus en mesure de fournir la prestation de travail compte tenu de la suspension de votre permis de conduire.

Malgré les demandes de votre service d’exploitation, vous n’avez jamais souhaité donner plus de précisions sur les modalités de la suspension de votre permis de conduire, de telle sorte que nous ignorons aujourd’hui si votre permis a été invalidé, simplement suspendu.

La seule réponse que vous avez fournie à votre service d’exploitation a été de leur dire que votre suspension ayant été effectuée hors période de travail, vous n’aviez pas l’obligation de leur donner une quelconque précision.

Nous ignorons donc encore aujourd’hui la durée de votre suspension, si naturellement la sanction qui vous a été infligée était bien une suspension et non pas une invalidation ou une annulation de votre permis de conduire.

Bien qu’aux termes de l’accord du 13 novembre 1992 de la convention collective des transports routiers, la suspension ou l’invalidation du permis de construire n’entraîne pas en tant que telle la rupture automatique de votre contrat de travail, c’est à la condition que vous ayez immédiatement informé, non seulement de la mesure dont vous avez fait l’objet mais également de sa durée.

Pour l’instant, et depuis le mois de janvier 2016, nous sommes seulement informés du fait que vous n’avez plus de permis de conduire.

(…) À ce jour, et dans la mesure où nous n’avons toujours aucun élément d’information sur votre situation, nous n’avons donc pas été en mesure de pouvoir mettre en ‘uvre les diverses mesures sociales d’accompagnement prévu par l’accord du 13 novembre 1992, et notamment la recherche éventuelle d’un emploi de reclassement dans l’hypothèse où votre permis serait invalidé, ou alors suspendu pour une durée relativement longue.

Dans la mesure où, maintenant depuis le mois de janvier 2016, vous n’êtes toujours pas en mesure d’exécuter votre prestation de travail et que vous ne nous avez toujours pas fourni les renseignements nécessaires à la mise en ‘uvre des mesures sociales d’accompagnement, nous sommes contraints de considérer que la poursuite de votre contrat de travail est dorénavant impossible au sein de la société RG Transports.

Nous vous rappelons que parmi les clauses de votre contrat de travail, vous étiez engagés à prendre toutes mesures nécessaires pour être toujours en possession d’un permis de conduire en cours de validité dans la mesure où celui-ci constitue un élément indispensable de l’exécution de votre relation contractuelle.

Aujourd’hui, vous n’êtes plus en possession de permis de conduire, et surtout vous refusez à nous apporter les précisions qui nous auraient été nécessaires pour mettre en ‘uvre les mesures sociales d’accompagnement prévues par la convention collective.

Compte tenu des délais déjà écoulés depuis le mois de janvier 2016, vous comprendrez que nous ne pouvons plus vous conserver dans notre effectif. C’est la raison pour laquelle nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. Nous estimons en effet que la perte de votre permis de conduire ainsi que l’absence d’information et de précisions sur la nature et la durée de votre suspension constitue une cause réelle et sérieuse de votre licenciement conformément à la convention collective des transports routiers (‘)’

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs invoqués et de former sa conviction au vu des éléments fournis pas les parties, le doute profitant au salarié.

Le grief reproché au salarié repose sur le refus de ce dernier de donner les informations nécessaires pour mettre en ‘uvre les mesures sociales d’accompagnement prévues par la convention collective.

En application de l’article 6 de son contrat de travail à durée indéterminée, le salarié s’est engagé à prendre toutes mesures nécessaires pour être toujours en possession d’un permis de conduire en cours de validité, s’agissant d’un élément indispensable à l’exécution de la relation contractuelle, ce qui comme l’a exactement considéré le premier juge découle d’ailleurs de la nature de l’emploi occupé.

En l’espèce, le salarié a fait l’objet d’une rétention administrative de son permis de conduire e 10 octobre 2015 et d’une suspension administrative pour une durée de 6 mois qui lui a été notifiée le 15 octobre 2015, en suite de la constatation d’une conduite sous l’empire de produits stupéfiants en dehors de l’exercice professionnel. Cette suspension expirait le 10 avril 2016 sous réserve d’une visite médicale favorable. L’intéressé produit une copie de son permis de conduire dont la validité de cinq ans débute le 23 septembre 2016. Il s’en induit qu’il n’était plus titulaire d’un permis de conduire valide lui permettant de conduire pour la période du 10 octobre 2015 au 22 septembre 2016.

Selon l’article 2 de l’accord du 13 novembre 1992 portant diverses mesures sociales d’accompagnement des dispositions relatives au permis à points attaché à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, il est prévu que :

1. La suspension ou l’invalidation du permis de conduire n’entraînent pas, en tant que telles, la rupture automatique du contrat de travail du salarié occupant un emploi de conducteur au sens de la convention collective susvisée, à condition que le salarié concerné ait immédiatement informé son employeur de la mesure dont il a fait l’objet, à savoir le premier jour de travail suivant celui où la mesure lui a été notifiée.

2. Une concertation doit s’engager entre l’employeur et le conducteur afin qu’ils examinent ensemble la situation, sans qu’il soit pour autant porté atteinte au principe de confidentialité. (…)

a) A l’issue de la concertation avec l’employeur, si un emploi de reclassement se trouve immédiatement disponible, celui-ci est proposé au conducteur.

b) A défaut, et pour permettre le maintien des ressources du conducteur, celui-ci- peut demander la liquidation de tout ou partie de ses congés acquis notamment dans les hypothèses de suspension de permis de conduire de courte durée.

c) En l’absence de reclassement immédiat ou au terme de la période définie au paragraphe ci-dessus, le contrat de travail est soit suspendu par accord entre les parties, soit rompu conformément aux dispositions du paragraphe 3 ci-dessous. L’accord entre l’employeur et le conducteur doit notamment porter sur la durée de la suspension du contrat de travail (…).

La mise en oeuvre de cette conditions de fond affectant la validité du licenciement est subordonnée à l’information de l’employeur dès le premier jour de travail suivant la notification de la mesure, étant précisé que cette information peut être donnée par tous moyens.

Il incombe au salarié d’apporter la preuve qu’il a donné cette information à l’employeur dans les délais requis, soit en l’occurrence dès le 16 octobre 2015.

Par courrier du 28 octobre 2015 remis en mains propres le même jour au salarié, ce dernier a été convoqué à un entretien pour le 4 novembre suivant, en vue d’une rupture conventionnelle mentionnant ‘nous faisons par la présente suite à votre demande de rupture conventionnelle de votre contrat de travail’. L’employeur ne s’est pas présenté au rendrez-vous fixé et le salarié a, par courrier du 5 novembre 2015, fait part de son mécontentement en indiquant notamment : ‘A ce jour, j’attend(s) de vos nouvelles!!! Dans l’attente de vous lire’, permettant de considérer que, particulièrement impliqué et tenant à la mesure de rupture conventionnelle, alors même qu’il ne contestait pas la mention précisant qu’il était à l’origine de demande de rupture conventionnelle, il était effectivement l’initiateur de celle-ci, peu important soient les raisons pour lesquelles l’employeur ne s’y est pas rendu et qu’il explique dorénavant par un dysfonctionnement de la communication entre l’antenne et le siège social.

Le 10 novembre 2015, le salarié a de nouveau été convoqué pour un entretien en vue d’une rupture conventionnelle dans les mêmes termes, lequel s’est déroulé le 23 novembre 2015 et qui a débouché sur une convention de rupture dont l’homologation a été refusée par la Direccte pour non-respect du délai de rétractation le 8 mars 2016. A la suite d’une dernière convention de rupture, le salarié a le 8 mars 2016 exercé son droit de rétractation et a indiqué se présenter à l’entreprise et reprendre son emploi.

Par courrier du 2 juin 2016 le salarié a de nouveau indiqué à l’employeur qu’il restait à son entière disposition pour un poste autre que chauffeur en précisant qu’il n’avait plus provisoirement de permis de conduire lequel avait été suspendu dans le cadre de sa vie privée.

Malgré les incohérences de l’employeur qui ne donne aucune explication sur les circonstances dans lesquelles il aurait reçu l’information en janvier 2016 et qui a continué à verser au salarié un salaire pour 151,67 heures mensuelle outre 23,33 heures supplémentaires habituelles et indemnités de repas d’octobre à décembre 2015 alors même qu’il était en arrêt de travail du 15 au 31 décembre 2015 et sans régularisation postérieure, les éléments soumis aux débats ne permettent pas d’établir que le salarié avait informé son employeur de la mesure de suspension de son permis de conduire lors du premier jour de travail suivant la notification qui lui avait été faite le 15 octobre 2015.

Il s’ensuit que les mesures de protections conventionnelles contre le licenciement ne sont pas applicables au salarié qui ne peut donc prétendre au non-respect de conditions de fond du licenciement.

Par ailleurs, si le salarié a informé l’employeur d’une suspension du permis de conduire au sein de son courrier du 2 juin 2016, en indiquant : ‘n’ayant provisoirement plus de permis de suspendu dans le cadre de ma vie privée et NON PROFESSIONNELLE’ (sic), il ressort de la délivrance du permis de conduire le 23 septembre 2016 que celui-ci avait été invalidé et qu’il n’a pas informé l’employeur de la mesure d’invalidation, dont les conséquences sont distinctes d’une simple suspension.

Le grief selon lequel le salarié a refusé d’apporter les précisions nécessaires pour mettre en oeuvre les mesures d’accompagnement prévues par la convention collective nationale est donc établi.

Si lors du licenciement le 29 novembre 2016, le salarié était en possession d’un permis de conduire valide depuis le 23 septembre 2016, le grief tenant au manquement du salarié dans son obligation d’information de la mesure dont il a fait l’objet est établi et caractérise à lui seul une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

1/ Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse en sorte que le salarié sera débouté de tout demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a alloué une somme à ce titre à ce dernier.

2/ Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents

Lors du licenciement, le salarié avait un permis de conduire valide et était donc en mesure d’exécuter le préavis auquel il avait droit compte tenu de son ancienneté de 2 ans et 11 jours.

Il donc bien fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis correspondant aux salaires qu’il auraient dû percevoir pendant deux mois, soit à la somme de 4.221,46 euros bruts outre l’indemnité compensatrice de congés payés afférente de 422,14 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces chefs.

Sur l’exécution du contrat de travail

1/Sur la demande de rappel de salaire

La société soutient que le salarié n’a pas respecté ses obligations, sans faire de développement particulier portant sur sa demande d’infirmation du jugement de ses dispositions la condamnant à un rappel de salaire pour la période de janvier 2016 à octobre 2016 et de l’indemnité de congés payés afférente et s’oppose à l’appel incident portant sur le montant des sommes accordées en soutenant que le salarié n’est pas fondé à invoquer sans en justifier et en cours de procédure, une erreur matérielle de nature à porter sa demande à la somme de 16.149,87 euros outre 1.614,98 euros.

Le salarié soutient qu’à compter du 1er janvier 2016 l’employeur ne l’a plus payé sans mettre en oeuvre des dispositions conventionnelles relatives à la suspension du permis de conduire et qu’il est resté à sa disposition, en sorte qu’il est en droit de prétendre au paiement du salaire de janvier à novembre 2016 inclus. Il allègue une erreur matérielle, indiquant que le salaire devait être fixé à 1468,17 euros par mois.

Lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation.

Le salarié n’était pas en mesure de remplir ses obligations de conducteur de véhicule léger entre le 10 octobre 2015 et le 23 septembre 2016 à raison des mesures de suspension puis d’invalidation du permis de conduire.

S’il était en mesure d’exécuter sa prestation de conduite à compter du 24 septembre 2016, il n’en demeure pas moins que la non-réalisation de celle-ci est une conséquence de son propre défaut d’information de l’employeur de la teneur exacte des mesures dont il avait fait l’objet.

Ainsi, l’employeur n’était pas dans l’obligation de mettre en oeuvre les dispositions conventionnelles de concertation, de proposition de reclassement ou à défaut de suspension du contrat de travail d’un commun accord et le défaut d’exécution du contrat de travail ne lui est pas imputable sur l’ensemble de la période, de janvier 2016 jusqu’au licenciement.

Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande de rappel de salaire.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a condamné la société au versement des sommes de 14.681,70 euros et 1468,17 euros à ces titres.

2/ Sur la demande de dommages et intérêtsformulée par la société

Pour contester le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, la société fait grief au salarié d’avoir manqué à son obligation de loyauté dans l’exécution de son contrat de travail en lui cachant délibérément la mesure de suspension du permis de conduire pendant près de trois mois, de nature à lui faire prendre des risques importants dès lors qu’elle aurait pu voir sa responsabilité engagée.

Il est de jurisprudence constante que la responsabilité pécuniaire du salarié n’est engagée envers l’employeur qu’en cas de faute lourde, laquelle requiert de la part du salarié l’intention de nuire vis-à-vis de l’employeur ou de l’entreprise.

En l’occurrence, la société qui ne se prévaut d’aucune intention de nuire du salarié, n’invoque pas la faute lourde et sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce chef.

Sur les autres demandes accessoires

Compte tenu de la teneur de la décision condamnant la société au paiement d’une indemnité de préavis et de congés payés afférente, il convient d’ordonner la remise des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire rectifiés en fonction du présent arrêt dans un délai d’un mois à compter de la présente décision, sans qu’il y ait lieu à astreinte.

Le jugement entrepris sera infirmé du chef de l’astreinte.

Il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail et le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a ordonné le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à M. [N], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnité de chômage.

Les indemnités compensatrices de préavis et de congés pays afférents qui constituent des créances salariales, sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a dit que les sommes allouées porteront intérêt au taux legal à compter du jugement.

Il convient de rappeler que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procedure civile

La société succombant même accessoirement sera condamnée aux entiers dépens de l’appel. Elle sera en consequence déboutée de toute demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile.

Il sera ajouté sur ces chefs.

En revanche l’équité ne commande pas de faire application de ces mêmes dispositions au bénéfice du salarié et il sera débouté de sa demande complémentaire d’indemnité à ce titre.

Il sera ajouté au jugement à ce titre, lequel sera confirmé en ce qu’il a condamné la société à verser au salarié la somme de 1000 euros sur ce fondement.

Il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ne s’agissant pas d’une matière où le ministère d’avocat est obligatoire.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile;

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a condamné la société RG Transports à payer à M. [N] les sommes de 12’660,78 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 14’681,70 euros à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à octobre 2016 outre 1468,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente, en ce qu’il a ordonné la remise par la société RG Transports des documents sociaux en conséquence de la présente décision, reçu pour solde de tout compte, bulletins de salaire de janvier à novembre 2016, attestation pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 2 mois suivant la notification de la présente décision, en ce qu’il a dit que les sommes allouées porteront intérêt à compter du jugement et en ce qu’il a condamné la société RG Transports à rembourser les indemnités chômage servies à M. [N] dans la limite de 6 mois à compter du licenciement ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Déclare que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute M. [N] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents pour la période de janvier à novembre 2016 ;

Ordonne la remise des documents de fin de contrat et d’un bulletin de salaire rectifiés en fonction du présent arrêt dans un délai d’un mois à compter de la présente décision ;

Déboute M. [N] de sa demande d’astreinte ;

Déclare qu’il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail ;

Déclare que les indemnités compensatrices de préavis et de congés pays sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société RG Transports de la convocation devant le bureau de conciliation ;

Confirme le jugement entrepris sur le surplus dans la limite de la dévolution ;

Y ajoutant,

Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en bruts ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile et de leurs autres demandes ;

Condamne la société RG Transports aux entiers dépens de l’appel ;

Dit qu’il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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